selon les patients. Les études de phar-
macocinétique réalisée directement
in vivo dans les myéloblastes ou in
vitro (par incorporation de (3H)aracy-
tine) ont montré qu’il existait une cor-
rélation entre l’accumulation d’ara-
CTP intracellulaire et l’obtention
d’une rémission complète [22]. Ce
phénomène a été observé lorsque
l’aracytine est délivrée en perfusion
continue à faible dose sur plusieurs
jours ainsi qu’à forte dose en perfu-
sion courte sur plusieurs jours [23].
Plusieurs études ont alors été entre-
prises au MD Anderson Cancer Cen-
ter (Houston, États-Unis) pour définir
le mode d’administration optimal de
l’aracytine et obtenir une accumula-
tion maximale d’ara-CTP dans les cel-
lules leucémiques [22, 24-26]. Ces
études ont montré que l’accumula-
tion d’ara-CTP est saturable avec des
doses accessibles en clinique
humaine, mais que les taux résiduels
d’ara-CTP accumulées entre chaque
injection d’aracytine à haute dose
sont très variables d’une leucémie à
l’autre. Les patients chez lesquels les
taux d’ara-CTP restent bas entre
chaque injection ne présentent pas de
rémission complète alors que les
patients chez lesquels persiste un
taux élevé d’ara-CTP résiduel présen-
tent une rémission complète. Chez
certains patients, même en modulant
la durée d’exposition à de fortes
doses d’aracytine et en rapprochant
les injections, il demeure difficile
d’obtenir des taux élevés d’ara-CTP.
De même l’utilisation de perfusions
continues de hautes doses d’aracytine
n’a pas permis d’obtenir un taux de
rémission supérieur à des associations
chimiothérapiques combinant une
anthracycline à l’aracytine [24]. En
définitive, la difficulté à obtenir des
taux d’ara-CTP cellulaire élevés chez
certains patients, même au prix d’une
toxicité élevée, a conduit à utiliser
davantage des associations d’aracy-
tine et d’anthracyclines ou drogues
apparentées (comme les anthracène-
diones) plutôt que de très hautes
doses d’aracytine en perfusion conti-
nue. Ainsi, malgré une évaluation
précise de la pharmacodynamique
cellulaire de l’aracytine, d’autres fac-
teurs, parmi lesquels la régulation de
l’activité de certaines enzymes, telles
que la cytidine désaminase [27], sem-
blent jouer un rôle essentiel dans la
résistance de certaines leucémies. Le
rôle de Bcl-2 dans la résistance à
l’apoptose induite par chimiothérapie
a été évoqué dans le cas de l’aracy-
tine, comme pour de nombreux
autres agents anticancéreux. Chez les
patients atteints de leucémies aiguës
myéloblastiques, la forte expression
de Bcl-2 est corrélée à une réponse
défavorable à la chimiothérapie [28].
Il ne semble pas s’agir là d’un effet
direct sur le métabolisme intracellu-
laire de l’aracytine mais plutôt sur des
étapes tardives des voies d’apoptose
cellulaire [29]. Les patients dont les
tumeurs expriment des mutations de
ras, traités par des associations de
chimiothérapies comportant l’aracy-
tine, ont un meilleur pronostic [30].
L’association entre les mutations de
N-ras ou Ki-ras et la sensibilité à
l’aracytine avait d’ailleurs été obser-
vée in vitro sur les lignées humaines
du NCI [31].
Les anomalies oncogéniques des cel-
lules tumorales pourraient donc être
liées à l’importance des modifications
des voies cellulaires de détoxication
des xénobiotiques et/ou d’apoptose.
Or, dans le cas des leucémies aiguës
myéloblastiques ces phénomènes cel-
lulaires ne semblent pas simplement
modulables par la modification de la
durée d’administration de l’aracytine.
Il est malheureusement probable que
ce phénomène ne soit pas restreint au
cas de l’aracytine et des leucémies
aiguës myéloblastiques ■
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