Chp.5 Normes

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Normes
Prologue
Ce chapître introduit la notion générale de norme sur un espace vectoriel
quelconque. Grossièrement, une norme sur un espace vectoriel est une mesure
de la « taille de ses vecteurs. L’archétype en est la norme Euclidienne usuelle
de R2 ou de R3 qui mesure la distance entre deux points A et B du plan ou de
Ð→
l’espace : la « norme » du vecteur AB .
Plus généralement, une « norme » sur un espace vectoriel E est une fonction
à valeurs réelles qui associe à chaque élément de E un réel positif, sa « norme »,
de façon à vérifier certaines propriétés naturelles imposées par l’idée intuitive
que l’on se fait d’une norme. Par exemple, une norme devra être homogène : si
on multiplie un vecteur quelconque par un facteur réel positif, on devra multiplier sa « taille », quelque soit la façon dont on la mesure, par ce même facteur.
De même, la norme de la somme de deux vecteurs devra toujours être au plus
égale à la somme de leurs normes respectives. Enfin, le seul vecteur de norme
nulle devra être le vecteur nul. Toute fonction définie sur un espace vectoriel
E quelconque, et à valeurs dans l’ensemble des réels positifs, vérifiant ces trois
propriétés élémentaires est une « norme » sur E .
Sur tout espace de dimension finie, il existe une infinité de normes. Parmi
elles, les normes Euclidiennes, associées à un produit scalaire sur E , rencontrées
au chapître 2, mais bien d’autres aussi, également utiles en pratique, comme les
normes N p sur Rn ( 1 ≤ p ≤ +∞), ou la norme spectrale sur M R (n ).
Le résultat essentiel de ce chapître est l’équivalence des normes définies sur
un même espace de dimension finie (Corollaire ??). Il permet le recours à une
norme quelconque pour établir la convergence d’une suite (Théorème 5.4.2), ou
vérifier le caractère borné d’une partie donnée (Théorème 5.4.3). Le chapître se
conclut par l’introduction des notions de fonction Lipschitzienne et de suite de
Cauchy , illustrées par le Théorème de contraction (Théorème 5.6.2), mais aussi
et surtout par celle de fonction coercive , essentielle en optimisation pour pallier
l’absence de compacité de l’ensemble admissible (Corollaire 5.6.1). Toute fonction quadratique dont la partie quadratique est DP, par exemple, est une fonction
coercive (Exercice 5.12), et donc atteint nécessairement son minimum sur toute
partie fermée, même non bornée, de l’espace sur lequel elle est définie.
106
CHAPITRE 5. NORMES
5.1 Normes sur un espace de dimension finie
Espaces normés
Définition 5.1.1 Un « espace normé » est le couple (E , N ) formé par un espace
vectoriel E et une « norme » sur E , c’est-à-dire une fonction N ∶ E ↦ [ 0, +∞[ :
(N1 ) Homogène :
x ∈ E , λ ∈ R ⇒ N (λ x ) = ∣ λ ∣ N ( x )
(5.1)
(N2 ) Sous-additive :
x, y ∈ E ⇒ N (x + y ) ≤ N (x ) + N ( y )
(5.2)
(N3 ) Jamais nulle en dehors du zéro de E :
N ( x ) = 0 ⇒ x = 0E
(5.3)
Toute norme Euclidienne sur un espace de dimension finie est une norme
au sens de la définition 5.1.1 : (5.2) est l’inégalité triangulaire (Proposition 2.2.2),
(5.1) et (5.3) résultent du fait que le carré de toute norme Euclidienne est une
forme quadratique DP (Définition 2.2.2). Mais il existe des normes usuelles non
Euclidiennes :
Exemple 5.1.1 La norme :
n
N∞ ∶ Rn ↦ [ 0, +∞[∶ x = (x 1 , . . . , x n ) ↦ max ∣ x i ∣
i =1
sur Rn n’est pas une norme Euclidienne : elle ne vérifie pas la règle du parallélogramme (Proposition 2.2.4). Pour : n = 2, par exemple :
2
2
2
(1, −1) = 2 ≠ 2 N2∞ (0, 1) + 2 N∞
(1, 0) = 4
(1, 1) + N∞
N∞
Plus généralement, si B = {e (1), . . . , e (n )} est une base quelconque d’un espace de dimension finie E , l’inverse de l’isomorphisme naturel :
n
ΛB ∶ Rn ↦ E ∶ (x 1 , . . . , x n ) ↦ ∑ x i e (i )
i =1
n
de R sur E associé à la base B permet de transporter sur E toute norme donnée
sur Rn . En particulier :
n
n
1
N∞ ○ Λ−
B ∶ E ↦ [ 0, +∞[∶ x = ∑ x i e (i ) ↦ max ∣ x i ∣
i =1
i =1
(5.4)
est une norme sur E . On utilise essentiellement cette norme lorsque E est l’un
des espaces Rn , M R (n ), Rn [x ], où l’un de leurs sous-espaces, et B est la base
naturelle de E . En oubliant le formalisme « encombrant » de l’isomorphisme ΛB ,
on notera alors systématiquement : « N∞ » cette norme.
5.1. NORMES SUR UN ESPACE DE DIMENSION FINIE
107
j
Exemple 5.1.2 N∞ ∶ M R (m, n ) ↦ [ 0, +∞[∶ A ↦ max ∣ A i ∣
1≤i ≤m
1≤ j ≤n
Proposition 5.1.1 Toute norme sur un espace de dimension finie E est une fonction continue de E dans R.
Preuve : Si B = {e (1), . . . , e (n )} est une base de E :
n
∣ N ○ x (k ) − N (a )∣ ≤ N ( x (k ) − a ) = ∑ ∣ x i (k )∣ N [e (i )] → 0
i =1
E
dès que : x (k ) = ∑ni=1 x i (k ) e (i ) → a
Boules d’un espace normé
Définition 5.1.2 Dans tout espace normé (E , N ), on appelle respectivement
« boule ouverte » et « boule fermée » centre c et de rayon r les ensembles :
B N (c, r ) = {x ∈ E ∣ N (x − c ) < r }, et : B N (c, r ) = {x ∈ E ∣ N (x − c ) ≤ r })
(5.5)
t S’il parait naturel, dans l’espace Euclidien obtenu en munissant R3 de son produit scalaire usuel, d’appeler « boule » l’ensemble des points dont la distance à un point donné
est inférieure à une valeur prescrite, la généralisation de ce terme au cas d’un espace
normé quelconque ne doit être comprise que comme une commodité de language.
Comme le montre la figure 5.1 en effet, toutes les boules sont loin d’être rondes . . .
Proposition 5.1.2 Toute boule ouverte ou fermée d’un espace normé quelconque
est un ensemble convexe.
Preuve : C’est une conséquence élémentaire de l’homogénéité et de la sousadditivité de toute norme N puisque, pour tout couple d’éléments x et y de la
boule ouverte (resp. fermée) de centre c et de rayon r , et tout réel t compris entre
zéro et un :
N (c − t y − (1 − t ) x ) = N ( t (c − y ) + (1 − t )(c − x )) ≤ . . .
. . . ≤ N ( t (c − y )) + N (1 − t )(c − x )) = t N (c − y ) + (1 − t ) N (c − x )
donc :
0 ≤ t ≤ 1, x, y ∈ B N (c, r ) (resp. x, y ∈ B (c, r )) ⇒ . . .
. . . t x + (1 − t ) y ∈ B (c, r ) (resp. B (c, r ))
Toute boule ouverte ou fermée de rayon r contient ainsi toute combinaison
convexe de deux quelconques de ses éléments, donc est une partie convexe
(Théorème 1.8.1).
108
CHAPITRE 5. NORMES
Fig. 5.1 – « Boule » B ∞ = {(x 1 , x 2 ) ∈ R2 ∣ maxi =1 ∣ x i ∣ ≤ 1} de centre (0, 0)
et de rayon un associée à la norme N∞ dans R2 .
Théorème 5.1.1 Dans tout espace normé (E , N ) de dimension finie, toute boule
ouverte (resp. fermée) est un ouvert (resp. un fermé) de la topologie usuelle de E.
Preuve : C’est l’image réciproque de l’intervalle ouvert ] − ∞, r [ (resp. de l’intervalle fermé ] − ∞, r ] ) de R par la fonction :
f ∶ x ∈ E À c − x ∈ E À N (c − x )
L
N
continue comme composée d’une application linéaire donc continue (Théorème 3.2.1) avec la norme (Proposition 5.1.1).
Corollaire 5.1.1 Dans tout espace normé de dimension finie :
1. Toute boule ouverte est l’intérieur de la boule fermée de même centre et de
même rayon.
2. Toute boule fermée de rayon strictement positif est l’adhérence de la boule
ouverte de même centre et de même rayon
Preuve : Soient E un espace de dimension finie, N une norme sur E , c un point
quelconque de E , et r un réel quelconque. Le fait que la boule ouverte :
B N (c, r ) = {x ∈ E ∣ N (c − x ) < r }
soit l’intérieur de la boule fermée :
B N (c, r ) = {x ∈ E ∣ N (x − c ) ≤ r }
5.2. NORMES « NP » SUR RN
109
est trivial si : r ≤ 0 . Dans ce cas, la boule ouverte est vide et la boule fermée vide
ou réduite (si r = 0 ) au zéro de E . Sinon, tout point a de la « sphère :
S N = {x ∈ E ∣ N (x − c ) = r }
de centre c et de rayon r est limite des suites :
x (k ) = (1 − 2−k ) x, et :
y (k ) = (1 + 2−k ) x
dont l’une est dans la boule ouverte B N (c, r ) , et l’autre dans le complémentaire
de la boule fermée B N (c, r ) . Tout point de S N (c, r ) appartient donc à la frontière de chacune de ces boules. Du théorème 5.1.1, il résulte alors facilement :
– S N (c, r ) = ∂B N (c, r ) = ∂B N (c, r )
– B N (c, r ) = BÐ̊
N (c, r ) , et : B N (c, r ) = B N (c, r )
Théorème 5.1.2 Dans tout espace normé de dimension finie, toute boule fermée
est compacte.
Preuve : Puisque c’est une partie fermée (Théorème 5.1.1), il suffit de montrer
qu’elle est bornée (Corollaire 4.5.2). Tout espace de dimension finie peut être
muni d’une structure Euclidienne (Proposition 2.3.2), et la restriction de toute
norme N sur E à E /{0E } est une fonction homogène de degré un, qui ne s’annule jamais. Du théorème 4.5.3, il résulte l’existence d’une constante réelle :
α > 0 telle que : x ≠ 0E ⇒ α ∣ x ∣ ≤ N (x ) . Ainsi :
x ∈ B N (c, r ) = {x ∈ E ∣ N (x − c ) ≤ r } ⇒ ∣ x ∣ ≤ ∣ c ∣ + ∣ x − c ∣ ≤ . . .
. . . ≤ ∣ c ∣ + α−1 N (x − c ) = ∣ c ∣ + α−1 r < +∞
d’où :
sup
x ∈ B N (c,r )
∣ x ∣ ≤ ∣ c ∣ + α−1 r < + ∞
et donc B N (c, r ) est bornée (Proposition 3.3.5).
5.2 Normes « N p » sur Rn
Définition 5.2.1 On dit que deux réels p et q strictement plus grands que un sont
« conjugués » lorsque :
1
p
+
1
q
=1
(5.6)
110
CHAPITRE 5. NORMES
1
Exemple 5.2.1
2
1
+
2
= 1 , donc 2 est son propre conjugué.
Théorème 5.2.1 (Inégalité de Holder) Pour tout couple (p, q ) de réels conjugués,
et tout couple de n-uplets (x 1 , . . . , x n ) et ( y 1 , . . . , y n ) de réels :
n
n
i =1
i =1
p
∑ xi y i ≤ ( ∑ ∣ xi ∣ )
1/ p
n
( ∑ ∣ y i ∣q )
1/ q
(5.7)
i =1
Preuve : Soient x = (x 1 , . . . , x n ) et y = ( y 1 , . . . , y n ) deux n-uplets de réels donnés. L’inégalité (5.7) est triviale si x ou y est le n-uplet nul. On peut donc supposer, sans restreindre la généralité de la démonstration x et y distincts du zéro de
Rn . De la convexité de la fonction exponentielle exp ∶ R ↦ R ∶ x ↦ e x , il résulte,
pour tout couple de réels strictement positifs positifs a et b :
a b = exp (ln a + ln b ) = exp (
... ≤
1
exp(p ln a ) +
p
1
p
1
(p ln a ) +
1
q
(q ln b )) ≤ . . .
exp ( q ln b ) =
q
1
p
ap +
1
q
bq
d’où on déduit :
∣ xi ∣ ∣ y i ∣
(∑ni=1 ∣ x i ∣p )
1/ p
(∑ni=1 ∣ y i ∣q )
1/ q
≤
∣ x i ∣p
1
p ∑ni=1 ∣ x i ∣
p
∣ y i ∣q
q (∑ni=1 ∣ x i ∣q
1
+
( 1 ≤ i ≤ n)
et, par sommation de ces dernières inégalités :
∑ni=1 ∣ x i ∣ ∣ y i ∣
p 1/ p
(∑ni=1 ∣ x i ∣ )
q 1/ q
(∑ni=1 ∣ y i ∣ )
≤
1
+
p
1
q
=1
Corollaire 5.2.1 Pour tout réel : p ≥ 1,
n
p 1/ p
N p ∶ Rn ↦ [ 0, +∞[∶ (x 1 , . . . , x n ) ↦ ( ∑ ∣ x i ∣ )
(5.8)
i =1
est une norme sur Rn .
Preuve : Le seul point délicat à vérifier est donc la sous-additivité dans le cas :
p > 1 . On introduit pour cela le réel : q = p (p − 1)−1 , conjugué de p :
- Pour tout couple de n-uplets x = (x 1 , . . . , x n ) et ( y 1 , . . . , y n ) , on déduit de
l’inégalité de Holder (Théorème 5.2.1) :
n
∑ ∣ xi ∣ ∣ xi + y i ∣
i =1
p −1
n
≤ ( ∑ ∣ x i ∣p )
i =1
n
1/ p
n
( ∑ ∣ x i + y i ∣(p −1) q )
= ...
i =1
p 1/ p
. . . = ( ∑ ∣ xi ∣ )
i =1
1/ q
n
( ∑ ∣ x i + y i ∣p )
i =1
(p −1)/p
(5.9)
5.2. NORMES « NP » SUR RN
111
et :
n
∑ ∣ y i ∣ ∣ xi + y i ∣
n
≤ ( ∑ ∣ x i ∣p )
p −1
i =1
1/ p
i =1
n
n
( ∑ ∣ x i + y i ∣(p −1) q )
1/ q
= ...
i =1
p 1/ p
. . . = (∑ ∣ yi ∣ )
i =1
n
( ∑ ∣ x i + y i ∣p )
(p −1)/p
(5.10)
i =1
En sommant (5.9) et (5.10), il vient :
n
∑ ∣ x1 + y i ∣
p
i =1
n
≤ ∑ (∣ x i ∣ + ∣ y i ∣) ∣ x i + y i ∣p −1 ≤ . . .
i =1
n
p 1/ p
. . . ≤ [( ∑ ∣ x i ∣ )
i =1
n
+ ( ∑ ∣ y i ∣p )
1/ p
i =1
p (p −1)/p
qui, après simplification par : (∑ni=1 ∣ x i + y i ∣ )
n
( ∑ ∣ x i + y i ∣p )
n
1/ p
≤ ( ∑ ∣ x i ∣p )
i =1
1/ p
i =1
n
+ ( ∑ ∣ y i ∣p )
n
] ( ∑ ∣ x i + y i ∣p )
(p −1)/p
i =1
implique :
1/ p
i =1
Théorème 5.2.2 Pour tout x dans Rn :
1 ≤ p ≤ q ⇒ N ∞ ( x ) ≤ N q ( x ) ≤ N p ( x ) ≤ n 1/ p N ∞ ( x )
(5.11)
Preuve : Pour toute fonction convexe f ∶ [ 0, +∞[↦ R , et toute suite de n réels
positifs e (1), . . . , e (n ) :
n
n
i =1
i =1
∑ e (i ) = 1 ⇒ f ( ∑ e (i )) ≤ 1
(5.12)
C’est une conséquence de l’inégalité de Jensen (1). En écrivant (5.12) avec :
f ∶ [ 0, +∞[↦ R ∶ r ↦ r
q /p
∣ x i ∣p
, et : e (i ) = n
p
∑i =1 ∣ x i ∣
( 1 ≤ i ≤ n)
où : 1 ≤ p ≤ q , et : x = (x 1 , . . . , x n ) est distinct du zéro de Rn , on déduit :
n
∑ ∣ xi ∣
q
q
≤ N p (x )
i =1
qui implique, par élévation à à la puissance 1/q : N q (x ) ≤ N p (x ) , et cette cernière inégalité reste trivialement vérifiée si x est le zéro de Rn . Finalement, les
deux inégalités extrèmes de (5.11) se déduisent de l’encadrement :
n
N∞ (x ) ≤ ∑ ∣ x i ∣ ≤ n N∞ (x ) ( 1 ≤ i ≤ n )
i =1
112
CHAPITRE 5. NORMES
Fig. 5.2 – Boules de centre (0, 0) et de rayon un respectivement associées
aux normes N1 , N2 , et N∞ sur R2 (du plus clair au plus foncé).
t Question : où est la boule de centre (0, 0) et de rayon un associée à la noeme N p
si : 2 < p < +∞ ? Si : 1 < p < 2 ?
Corollaire 5.2.2 Pour tout x dans Rn :
lim N p (x ) = N∞ (x )
p →+∞
(5.13)
5.3 Normes d’applications linéaires
Normes subordonnées
Soient E et F deux espaces de dimensions finies, et L (E , F ) l’espace des applications linéaires de E dans F .
Lemme 5.3.1 Pour tout couple de normes µ et ν sur E et F respectivement, et
toute application linéaire L ∶ E ↦ F , non identiquement nulle :
0 < sup ν ○ L (x ) = sup ν ○ L (x ) < + ∞
µ(x )≤1
(5.14)
µ(x )=1
Preuve : La fonction ν ○ L ∶ E ↦ R ∶ x ↦ ν ○ L (x ) est continue, comme compo1. Si C est une partie convexe de R, f ∶ C ↦ R une fonction convexe, et ∑n
i =1 x i e (i ) une comn
binaison convexe quelconque de n éléments de C : f (∑n
x
e
(
i
))
≤
x
∑
i =1 i
i =1 i f (e (i )) .
5.3. NORMES D’APPLICATIONS LINÉAIRES
113
sée d’une application linéaire, donc continue (Théorème 3.2.1), avec une norme
(Proposition 5.1.1). La boule fermée B µ (0E , 1) = {x ∈ E ∣ µ(x ) ≤ 1} est compacte
(Théorème 5.1.2). Le théorème de Weierstrass (Corollaire 4.5.1) implique donc
l’existence d’un élément x̂ de Rn tel que :
µ(x̂ ) ≤ 1,
sup ν ○ L (x ) = ν ○ L (x̂ ) < +∞, et :
µ(x )≤1
. . . x ≠ 0E ⇒ µ(x )−1 ν ○ L (x ) = ν ○ L (µ(x )−1 x ) ≤ ν ○ L (x̂ )
(5.15)
Si L n’est pas identiquement nulle, on peut trouver x dans E tel que :
µ(x ) ≠ 0, et :
ν ○ L (x ) ≠ 0
On déduit alors successivement de (5.15) : ν ○ L (x̂ ) > 0 , donc : « x̂ distinct du
zéro de E », puis, en invoquant à nouveau (5.15) :
µ(x̂ )−1 ν ○ L (x̂ ) ≤ ν ○ L (x̂ )
c’est-à-dire : µ(x̂ ) = 1 . Finalement :
0 < ν ○ L (x̂ ) ≤
sup ν ○ L (x ) ≤
µ(x )=1
sup ν ○ L (x ) = ν ○ L (x̂ )
µ(x )≤1
d’où le résultat.
Théorème 5.3.1 Pour tout couple de normes µ et ν sur E et F respectivement :
N ∶ L (E , F ) ↦ [ 0, +∞[∶ L ↦ sup ν ○ L (x )
(5.16)
µ(x )≤1
est une norme sur L (E , F ).
Preuve : Du lemme 5.3.1, il résulte que N est bien définie, et ne s’annule jamais
en dehors du zéro de L (E , F ). On vérifie en outre facilement que N est homogène :
N (λ L ) = sup ν ○(λ L )(x ) = sup ν [λ L (x )] = λ sup ν [L (x )] = λ N (L )
µ(x )≤1
µ(x )≤1
µ(x )≤1
et qu’elle est sous-additive :
N (L 1 + L 2 ) = sup ν [L 1 (x ) + L 2 (x )] = sup ν [L 1 (x )] + ν [L 2 (x )]
µ(x )≤1
... ≤
µ(x )≤1
sup ν [L 1 (x )] + sup [L 2 (x )] = N (L 1 ) + N (L 2 )
µ(x )≤1
µ(x )≤1
Donc c’est une norme.
Définition 5.3.1 On appelle norme « subordonnée » aux normes µ et ν sur E et
F respectivement, la norme N sur L (E , F ) définie par (5.16).
114
CHAPITRE 5. NORMES
Théorème 5.3.2 Pour tout couple de normes µ et ν sur E et F respectivement, et
toute application linéaire L ∶ E ↦ F :
∀x ∈ E ,
ν ○ L (x ) ≤ N (L ) µ(x )
(5.17)
où N est la norme sur L (E , F ) subordonnée aux normes µ et ν
Preuve : L’inégalité est triviale si : x = 0E . Sinon, par définition de N et homogénéité de µ :
µ(x )−1 ν ○ L (x ) = ν ○ L (µ(x )−1 x ) ≤ N (L )
Normes duales
Les normes duales sont des normes subordonnées particulières, définies sur
tout espace Euclidien (E , <, >) via l’isomorphisme naturel entre E et son dual.
Théorème 5.3.3 Pour toute norme µ sur un espace Euclidien (E , <, >) :
µ⋆ ∶ E ↦ [ 0, +∞[∶ x ↦ sup ∣< x, y >∣
(5.18)
µ( y )≤1
est une norme sur E .
Preuve : Pour tout x dans E : µ⋆ (x ) = N ○ L (x ) où L ∶ E ↦ L (E , R) est l’isomorphisme de E sur L (E , F ) qui, à tout x dans E , associe la forme linéaire :
L (x ) ∶ ξ ↦< x, ξ >
(Théorème 2.4.1), et :
N ∶ L (E , R) ↦ [ 0, +∞[∶ ` ↦ sup ∣ `(x )∣
µ(x )≤1
est la norme subordonnée aux normes µ sur L (E , R) et ∣ ∣ sur R. Il est immédiat
de vérifier que pour toute norme N sur E , et tout isomorphisme L ∶ E ↦ L (E , R) ,
N ○ L est une norme sur L (E , F ).
Définition 5.3.2 Pour toute norme µ sur un espace Euclidien (E , <, >), on dit que
la norme µ⋆ définie par (5.18) est la norme « duale » de la norme µ ..
Exemple 5.3.1 Dans l’espace Euclidien obtenu en munissant Rn de son produit
scalaire usuel, la norme duale de la norme N p ( 1 < p < +∞) est la norme N q , où
p et q sont conjugués :
∀x ∈ E ,
N q (x ) = sup ∣< x, y >∣
N p ( y )≤1
(5.19)
5.4. EQUIVALENCE DES NORMES EN DIMENSION FINIE
115
Preuve : L’inégalité de Hölder (Théorème 5.2.1) implique : N q ≤ N p⋆ . Mais en
q −1
choisissant : y i = x i
N q (x )1−q ( 1 ≤ i ≤ n), on obtient :
p ( q −1 )
Np ( y ) =
∑ni=1 x i
N q (x )p (q −1)
=
N q ( x )q
N q ( x )q
q
= 1, et :
< x, y > =
∑ni=1 x i
N q (x )q −1
= N q (x )
qui prouve : N p⋆ ≤ N q . Finalement : N p⋆ = N q .
5.4 Equivalence des normes en dimension finie
Normes équivalentes
Définition 5.4.1 On dit que deux normes µ et ν sur un même espace vectoriel E
sont « équivalentes » s’il existe des constantes réelles strictement positives α et β
telles que :
∀x ∈ E ,
µ(x ) ≤ α ν(x ), et : ν(x ) ≤ β µ(x )
(5.20)
Théorème 5.4.1 Pour tout couple de normes µ et ν sur un même espace de dimension finie E , il existe une constante réelle strictement positive K telle que :
∀x ∈ E ,
ν(x ) ≤ K µ(x )
(5.21)
Preuve : Il suffit de choisir : K = N (L ) , où L ∶ E ↦ E ∶ x ↦ x , et N est la norme
sur L (E , E ) subordonnée aux normes µ et ν (Définition 5.3.1). Puisque ν est une
norme, K est strictement positive dés que E ne se réduit pas au seul zéro de E .
Dans le cas contraire, n’importe quelle constante strictement positive convient.
Corollaire 5.4.1 (Equivalence des normes) Sur tout espace de dimension finie,
toutes les normes sont équivalentes (2).
2. Attention : ce résultat n’est plus vrai en dimension infinie.
116
CHAPITRE 5. NORMES
Conséquences de l’équivalence des normes
Théorème 5.4.2 Pour toute suite x (k ) d’éléments d’un espace de dimension finie
E , les assertions suivantes sont équivalentes :
1. x (k ) converge vers une limite a dans E .
2. Il existe « une » norme N sur E telle que : N ( x (k ) − a ) → 0 .
3. Pour « toute » norme N sur E : N ( x (k ) − a ) → 0 .
Preuve : - 1 ⇒ 2 : Il suffit de choisir pour N n’importe quelle norme Euclidienne
sur E (Proposition 3.1.2). Il en existe toujours (Proposition 2.3.2).
- 2 ⇒ 3 : Est conséquence de l’équivalence des normes (Corollaire 5.4.1).
- 3 ⇒ 1 : Si c’est vrai pour toute norme, c’est vrai, en particulier pour toute
norme Euclidienne, et l’implication résulte de la Proposition 3.1.2.
Théorème 5.4.3 Pour toute partie B d’un espace de dimension finie E , les assertions suivantes sont équivalentes :
1. B est bornée.
2. Il existe « une » norme N sur E telle que : supx ∈B N (x ) < +∞ .
3. Pour « toute » norme N sur E : supx ∈B N (x ) < +∞ .
Preuve : La démonstration est similaire, mutatis mutandis , à celle du corollaire
précédent. On substitue simplement, dans le raisonnement, la proposition 3.3.5
à la proposition 3.1.2.
Normes et topologie
L’équivalence des normes définies sur un même espace de dimension finie E
se traduit géométriquement par l’imbrication des boules (ouvertes ou fermées)
de rayons strictement positifs, et de même centre, associées à deux normes quelconques sur E :
Proposition 5.4.1 Pour tout couple de normes µ et ν sur un même espace de dimension finie E , toute boule ouverte (resp. fermée) de rayon strictement positif
associée à ν contient une boule ouverte (resp. fermée) de rayon strictement positif
et de même centre associée à µ.
Preuve : Il existe une constante K telle que, pour tout x dans E : ν(x ) ≤ K µ(x )
(Théorème 5.4.1). Pour tout réel r , la boule ouverte ou fermée de centre c et de
rayon K −1 r associée à µ est donc contenue dans la boule ouverte ou fermée de
même centre et de rayon r associée à ν.
5.5. NORMES SUR LES ESPACES DE MATRICES
117
Corollaire 5.4.2 Dans tout espace de dimension finie E , les boules ouvertes centrées en un point donné x de E , associées à toute norme sur E , forment une base
de voisinages de x pour la topologie usuelle de E .
Preuve : Les boules ouvertes de rayon strictement positif centrées en un point
x de E sont des ouverts de la topologie usuelle de E contenant x (Théorème
5.1.1), a fortiori des voisinages de x. Réciproquement, tout espace de dimension finie E peut être muni d’une structure Euclidienne (Proposition 2.3.2), et les
boules ouvertes centrées en x de rayon strictement positif, associées à une quelconque norme Euclidienne sur E , forment une base de voisinages de x pour la
topologie usuelle de E (Théorème 4.3.1). Tout voisinage de x, pour cette topologie contient une boule Euclidienne ouverte de centre x et de rayon strictement
positif, donc contient a fortiori une boule ouverte de rayon strictement positif
et de même centre associée à N (Proposition 5.4.1).
Corollaire 5.4.3 Dans tout espace normé (E , N ) de dimension finie, les boules
ouvertes engendrent la topologie usuelle de E .
Preuve : Les boules ouvertes sont des ouverts de la topologie usuelle (Théorème 5.1.1), donc la topologie usuelle contient, par définition, la topologie engendrée par les boules ouvertes associées à N (Définition 4.1.2). Réciproquement, tout ouvert de la topologie usuelle est voisinage de chacun de ses points,
donc contient une boule ouverte associée à N , de de rayon strictement positif,
centrée en chacun de ses points (Corollaire 5.4.2). Il est par conséquent réunion
des boules ouvertes associées à N qu’il contient, et appartient ainsi à la topologie engendrée par ces boules (Définition 4.1.2).
5.5 Normes sur les espaces de matrices
Norme de Frobenius
Définition 5.5.1 On appelle « norme de Frobenius (3)» la norme Euclidienne :
NF ∶ M R (m, n ) ↦ [ 0, +∞[∶ A ↦ tr( A ′ ⋆ A )1/2
(5.22)
sur M R (m, n ) associée au produit scalaire :
n
m
j
j
< A, B >= tr( A ′ ⋆ B ) = ∑ ∑ A i B i
(5.23)
j =1 i =1
3. - Ferdinand Georg Frobenius, 1849-1917, Mathématicien Prussien. Découvrir sa biographie :
http://www-groups.dcs.st-andrews.ac.uk/history/Mathematicians/Frobenius.html.
118
CHAPITRE 5. NORMES
Exemple 5.5.1 La norme de Frobenius de la matrice A = (
√
1 2
) est : 30 .
3 4
Normes subordonnées
L’inverse Λ−1 de l’isomorphisme naturel Λ ∶ L ( Rn , Rm ) ↦ M R (m, n ) associé
aux bases naturelles de Rn et de Rm (Exemple 1.4.2) permet de transporter toute
norme subordonnée N sur L ( Rn , Rm ) en une norme N ○ L −1 sur M R (m, n ) :
Proposition 5.5.1 Pour tout couple de normes µ et ν sur Rn et Rm respectivement :
N ∶ M R (m, n ) ↦ [ 0, +∞[∶ A ↦ sup ν( A ⋆ x )
(5.24)
µ(x )≤1
est une norme sur M R (m, n ).
Pour toute m × n matrice réelle A, N ( A ) est la norme de l’application linéaire :
L = Λ−1 ( A ) ∶ Rn ↦ Rm ∶ x ↦ A ⋆ x
dans l’espace normé obtenu en munissant L ( Rn , Rm ) de la norme subordonnée
aux normes µ et ν.
t Par abus de language, on dit encore que la norme définie par (5.24) est « subordonnée
aux normes µ et ν ». Lorsque : m = n, et : µ = ν, on dit simplement qu’elle est « subordonnée à µ ».
Proposition 5.5.2 Pour toute norme N sur M R (m, n ), subordonnée à deux
normes quelconques µ et ν sur Rn et Rm respectivement, et tout x dans Rn :
ν ( A ⋆ x ) ≤ N ( A ) µ(x )
(5.25)
Preuve : C’est une conséquence immédiate de l’homogénéité des normes, puisque,
si x est distinct du zéro de Rn :
µ (µ(x )−1 x ) = 1 ⇒ µ(x )−1 ν( A ⋆ x ) = ν ( A ⋆ µ(x )−1 x ) ≤ 1
d’où : ν( A ⋆ x ) ≤ µ(x ) , et cette inégalité restant trivialement vérifiée si : x = 0 Rn .
5.5. NORMES SUR LES ESPACES DE MATRICES
119
Norme spectrale
Définition 5.5.2 On appelle « norme spectrale (4) » sur M R (m, n ) la norme subordonnée aux normes Euclidiennes usuelles de Rn et de Rm :
N2 ∶ M R (m, n ) ↦ [ 0, +∞[∶ A ↦ sup ∣ A ⋆ x ∣
(5.26)
∣ x ∣≤1
Théorème 5.5.1 La norme spectrale de toute m × n matrice réelle A est la racine
carrée de la plus grande valeur propre de la matrice symétrique SDP : A ′ ⋆ A.
Preuve :
N22 ( A ) = sup ∣ A ⋆ x ∣ = sup < A ⋆ x, A ⋆ x > = sup ( x ′ ⋆ A ′ ⋆ A ⋆ x )
2
∣ x ∣≤1
∣ x ∣≤1
∣ x ∣≤1
et q ∶ x ↦ x ′ ⋆ A ′ ⋆ A ⋆ x est une forme quadratique SDP majorée par λmax ∣ x ∣ ,
où λmax est la plus grande valeur propre de A ′ ⋆ A, l’égalité ayant lieu si x est
un vecteur propre de A ′ ⋆ A associé à la valeur propre λmax .
2
Exemple 5.5.2 La norme spectrale de la matrice A = (
N2 ( A ) =
√
15 +
1 2
) est :
3 4
√
221 ≃ 5.465
t Comparer avec l’exemple 5.5.1. La commande O CTAVE : norm( A,’ fro’ ) calcule la norme
de Frobenius de A , la commande : norm( A, 2) calcule sa norme spectrale.
Corollaire 5.5.1 La norme spectrale de toute n × n matrice réelle symétrique A est
la plus grande, en valeur absolue, des valeurs propres de A.
Preuve : Les valeurs propres de la matrice : A ′ ⋆ A = A 2 sont les carrés des valeurs propres de A . C’est une conséquence du théorème 2.5.1 : Si P est une
matrice orthogonale telle que : D = P ′ ⋆ A ⋆ P soit diagonale, la diagonale de D
contient les valeurs propres de A , et :
A2 = P ⋆D ⋆P′ ⋆P ⋆D ⋆P′ = P ⋆D 2 ⋆P′
donc D 2 est une forme réduite de A 2 , et sa diagonale contient les valeurs propres
de A 2 . Mais les coefficients diagonaux de D 2 sont les carrés des coefficients diagonaux de D.
4. Le « spectre » d’une n × n matrice réelle est l’ensemble des valeurs propres de A . L’origine
du nom de « norme spectrale » apparait clairement dans l’énoncé du théorème 5.5.1.
120
CHAPITRE 5. NORMES
Normes matricielles
Définition 5.5.3 On dit qu’une norme N sur l’espace M R (n ) est une norme
« sous-multiplicative », ou que c’est une norme « matricielle », lorsque :
A, B ∈ M R (n ) ⇒ N ( A ⋆ B ) ≤ N ( A ) N (B )
(5.27)
Proposition 5.5.3 Toute norme sur M R (n ), subordonnée à une norme sur Rn ,
est matricielle.
Preuve : Soit N une norme sur M R (n ), subordonnée à une norme µ sur Rn .
Pour tout couple de n × n matrices réelles A et B , il résulte de la proposition
5.5.2 :
N ( A ⋆ B ) = sup µ( A ⋆ B ⋆ x ) ≤
µ(x )≤1
sup N ( A )µ(B ⋆ x ) = N ( A )N (B )
µ(x )≤1
Exemple 5.5.3 La norme spectrale sur M R (n ) est subordonnée à la norme N2 ,
donc c’est une norme matricielle.
Mais il existe des normes matricielles qui ne sont pas subordonnées.
Exemple 5.5.4 La norme de Frobenius est une norme matricielle.
Preuve : C’est une conséquence de l’inégalité de Cauchy-Schwarz : pout tout
couple de n ×n matrices réelles A et B , et tout couple (i , j ) d’indices ( 1 ≤ i , j ≤ n) :
n
j
n
n
2
j 2
k
k
∑ A i B k ≤ [ ∑ ( A i ) ] [ ∑ (B k ) ]
k =1
k =1
k =1
donc :
n
j 2
n
n
n
j
NF2 ( A ⋆ B ) = ∑ [( A ⋆ B )i ] = ∑ ∑ ( ∑ A ki B k ) ≤ . . .
i , j =1
i =1 j =1 k =1
n
n
n
2
n
j 2
. . . ≤ ∑ ∑ [ ∑ ( A ki ) ] [ ∑ (B k ) ] = NF2 ( A ) NF2 (B )
i ,=1 j =1 k =1
k =1
Mais elle n’est subordonnée à aucune norme sur Rn (Voir : Exercice 5.7).
5.6 Utilisation des normes
Fonctions Lipschitziennes
Soient E et F deux espaces de dimensions finies, et D une partie quelconque
de E .
5.6. UTILISATION DES NORMES
121
Définition 5.6.1 Une fonction f ∶ D ⊂ E ↦ F est « Lipschitzienne » si il existe des
normes µ et ν sur E et F respectivement, et une constante réelle K telles que :
∀x, y ∈ D,
ν ( f (x ) − f ( y )) ≤ K µ(x − y )
(5.28)
On dit alors que f est une fonction« K -Lipschitzienne » de l’espace normé (E , µ)
dans l’espace normé (F, ν).
Exemple 5.6.1 Toute fonction linéaire L ∶ E ↦ F est Lipschitzienne. Pour tout
couple de normes µ et ν sur E et F respectivement :
ν [L (x ) − L ( y )] = ν ○ L (x − y ) ≤ N (L ) µ(x − y )
où N est la norme sur L (E , F ) subordonnée aux normes µ et ν (Définition 5.3.1).
Proposition 5.6.1 Toute fonction Lipschitzienne f ∶ D ⊂ E ↦ F est continue.
Preuve : Si f est K -Lipschitzienne de (E , µ) dans (F, ν) , alors, pour toute suite
x (k ) d’éléments de D convergeant vers une limite a appartenant à D :
ν [ f ○ x (k ) − f (a )] ≤ K µ ( x (k ) − a ) → 0
Donc f ○ x (k ) converge vers f (a ).
t Vérifier qu’une fonction est Lipschitzienne peut-être un moyen commode de vérifier
qu’elle est continue.
Exemple 5.6.2 Pour toute partie S d’un espace Euclidien (E , <, >), la fonction :
d S ∶ E ↦ R ∶ x ↦ d S (x ) = inf ∣ x − y ∣
y ∈S
est 1-Lipschitzienne de (E , ∣ ∣) dans ( R, ∣ ∣)
Preuve : Pour tout couple d’éléments x et y de E , et tout élément z dans S :
d S (x ) − ∣ y − z ∣ ≤ ∣ x − z ∣ − ∣ y − z ∣ ≤ ∣ x − y ∣
d’où : sup (d S (x ) − ∣ y − z ∣) = d S (x ) − d S ( y ) ≤ ∣ x − y ∣
z ∈S
t Le résultat reste vrai si on remplace la norme Euclidienne par une norme quelconque.
Exemple 5.6.3 Pour tout simplexe S d’un espace de dimension finie E , la fonction : υ ∶ L (E , R) ↦ R ∶ ` ↦ infx ∈S `(x ) est Lipschitzienne (5).
5. Pour toute forme linéaire ` ∶ E ↦ R , on dit que υ(`) est la « valeur » du problème d’optimisation (P) consistant à minimiser `(x ) pour x appartenant à S , et que υ est la « fonction valeur »
du problème (P).
122
CHAPITRE 5. NORMES
Preuve : Pour toutes formes linéaires `1 ∶ E ↦ R et `2 ∶ R ↦ R , tout x dans S , et
toute norme µ sur E :
∣(`2 − `1 )(x )∣ ≤ N (`2 − `1 ) µ(x )
(5.29)
où N est la norme sur L (E , R) subordonnée aux normes µ sur E et ∣ ∣ sur R
(Définition 5.3.1). Mais tout simplexe est l’enveloppe convexe d’un nombre fini
de points e (1), . . . , e (n ), donc nécessairement borné :
n
n
sup µ(x ) =
Max
µ ( ∑ x i e (i )) ≤
Max
( ∑ x i µ (e (i )))
n
n
i
=
1
x ∈S
s. c. ∑i =1 x i = 1
s. c. ∑i =1 x i = 1 i =1
x i ≥ 0 ( 1 ≤ i ≤ n)
x i ≥ 0 ( 1 ≤ i ≤ n)
≤ K = Max µ (e (i )) < + ∞
i =1..n
(5.30)
(Théorème 5.4.3). En combinant (5.29) et (5.30), on déduit, pour toutes formes
linéaires `1 ∶ E ↦ R et `2 ∶ R ↦ R , et tout x dans S :
`1 (x ) ≤ `2 (x ) + ∣ `2 (x ) − `1 (x )∣ ≤ `2 (x ) + K N (`2 − `1 )
(5.31)
puis en prenant dans (5.31) la borne inférieure des membres de gauche et de
droite lorsque x parcourt S :
inf `1 (x ) ≤ inf `2 (x ) + K N (`2 − `1 )
x ∈S
x ∈S
(5.32)
Finalement, en permutant les rôles de `1 et de `2 dans (5.32), puis en combinant
l’inégalité ainsi obtenue avec (5.32) :
∣ υ(`1 ) − υ(`2 )∣ = ∣ inf `1 (x ) − inf `2 (x ) ∣ ≤ K N (`2 − `1 )
x ∈S
x ∈S
Le résultat valant pour toutes formes linéaires `1 et `2 sur E , υ est K -Lipschitzienne
de (L (E , R ), N ) dans ( R, ∣ ∣) .
Suites de Cauchy
Soit (E , N ) un espace normé, et x (k ) une suite d’éléments de E .
Définition 5.6.2 On dit que x (k ) est une suite « de Cauchy » dans (E , N ) si :
lim lim sup N [ x (k ) − x (`)] = 0
(5.33)
k →+∞ `→+∞
En d’autres termes, x (k ) est une suite de Cauchy dans (E , N ) si :
∀ ² > 0, ∃K ( ²) ∈ N, k, ` ≥ K ( ²) ⇒ N [ x (k ) − x (`)] < ²
(5.34)
5.6. UTILISATION DES NORMES
123
t Cette définition généralise la notion usuelle de suite de Cauchy dans R.
Théorème 5.6.1 Pour toute suite x (k ) d’éléments d’un espace de dimension finie
E , les assertions suivantes sont équivalentes :
1. La suite x (k ) est convergente.
2. Il existe une norme N sur E telle que x (k ) soit de Cauchy dans l’espace
normé (E , N ).
3. Pour toute norme N sur E , x (k ) est de Cauchy dans l’espace normé (E , N ).
Preuve : - 1 ⇒ 2 : Soient B = {e (1), . . . , e (n )} une base de E , et :
n
n
N∞ ∶ E ↦ [ 0, +∞[∶ x = ∑ x i e (i ) ↦ max ∣ x i ∣
i =1
(5.35)
i =1
Une suite x (k ) = ∑ni=1 x i (k ) e (i ) converge vers une limite a = ∑ni=1 a i e (i ) si et
seulement si : x i (k ) → a i , ( 1 ≤ i ≤ n), c’est-à-dire si et seulement si :
n
N∞ ( x (k ) − a (k )) = max ∣ x i (k ) − a i ∣ → 0
i =1
et l’inégalité triangulaire :
N∞ ( x (k ) − x (`)) ≤ N∞ ( x (k ) − a ) + N∞ ( a − x (`))
implique :
lim lim sup N∞ ( x (k ) − x (`)) = 0
k →+∞ `→+∞
Donc x (k ) est de Cauchy dans (E , N∞ ) .
- 2 ⇒ 3 : Résulte de l’équivalence des normes en dimension finie (Corollaire
5.4.1).
- 3 ⇒ 1 : Si x (k ) est de Cauchy dans (E , N ) pour toute norme N sur E , elle
l’est, en particulier, pour la norme N∞ définie par (5.35) :
n
lim lim sup N∞ ( x (k ) − x (`)) = max lim lim sup ∣ x i (k ) − x i (`)∣ = 0
k →+∞ `→+∞
i =1 k →+∞ `→+∞
donc les n suites réelles x i (k ) ( 1 ≤ i ≤ n) sont de Cauchy dans R, et, par suite
convergentes. Ainsi x (k ) est convergente (Proposition 3.1.1).
Exemple 5.6.4 Pour toute n ×n matrice réelle A , la suite : S (k ) = ∑k`=1
dans M R (n ) (6).
A`
`!
converge
6. Sa limite Ŝ permet de définir l’exponentielle de matrice : exp A = I + Ŝ , où I est la matrice
identité de même format que A .
124
CHAPITRE 5. NORMES
Preuve : Pour toute norme matricielle N sur M R (n ) :
1 ≤ ` ≤ k ⇒ N (S (k ) − S (`)) ≤
où la suite réelle : s (k ) = ∑km =1
k
N ( A )m
m =`+1
m!
∑
N ( A )m
m!
= s (k ) − s (`)
converge vers e N ( A ) − 1 , donc est de
Cauchy dans R. Donc S (k ) est de Cauchy dans M R (n ).
Contractions
Soit E un espace de dimension finie, et D une partie quelconque de E .
Définition 5.6.3 On dit qu’une fonction f ∶ D ⊂ E ↦ E est une « contraction » s’il
existe une norme N sur E , et une constante réelle positive K , strictement inférieure à un, telles que :
∀x, y ∈ D,
N ( f ( y ) − f (x )) ≤ K N ( y − x )
(5.36)
Soit maintenant f ∶ D ⊂ E ↦ E telle que : f (D ) ⊂ D .
Définition 5.6.4 On dit qu’un élément a de D est un « point fixe » de f si :
f (a ) = a
(5.37)
Proposition 5.6.2 Toute contraction f ∶ D ⊂ E ↦ E telle que : f (D ) ⊂ D a au plus
un unique point fixe dans D .
Preuve : C’est une conséquence immédiate de (5.36) puisque, si a et b étaient
deux points fixes distincts de f , on devrait avoir :
N (b − a ) = N ( f (b ) − f (a )) ≤ K N (b − a )
ce qui est absurde si : K < 1 .
Définition 5.6.5 On appelle « itérés » de f construits à partir d’un élément a de
D , la suite définie par :
x (0) = a, et :
x (k + 1 ) = f ○ x (k )
(k ∈ N)
(5.38)
5.6. UTILISATION DES NORMES
125
Théorème 5.6.2 (Théorème de contraction) Soit f ∶ D ⊂ E ↦ E une contraction
telle que : f (D ) ⊂ D :
1. La suite des itérés de f construits à partir de n’importe quel élément de D
converge.
2. Lorsque sa limite appartient encore à D , en particulier, lorsque D est fermé
dans E , elle est l’unique point fixe de f dans D .
Preuve : Soient N une norme sur E , et K une constante réelle positive, strictement inférieure à un, telles que f soit K -Lipschitzienne de l’espace normé
(E , N ) dans lui-même. Par hypothèse :
k ≥ 1 ⇒ N ( x (k + 1) − x (k )) ≤ K k N ( x (1) − x (0))
d’où :
k −1
1 ≤ ` ≤ k ⇒ N ( x (k ) − x (`)) ≤ ∑ N ( x ( j + 1) − x ( j )) ≤ . . .
j =`
k −1
. . . ≤ ∑ K j N ( x (1) − x (0)) ≤
j =`
K`
1−K
N ( x (1) − x (0))
ce qui prouve que x (k ) est une suite de Cauchy (Définition 5.6.2), donc convergente (Théorème 5.6.1). Mais f est continue (Proposition 5.6.1), donc, si la limite
a de x (k ) appartient encore à D , le passage à la limite dans (5.38) implique :
a = f (a ) , et a est donc l’unique point fixe de f dans D (Proposition 5.6.2).
Fonctions coercives sur un ouvert
Soient E un espace de dimension finie, et O un ouvert non vide de E .
Définition 5.6.6 On dit qu’une fonction f ∶ O ⊂ E ↦ R est « coercive » si :
1. Il existe une norme N sur E , et une fonction ϕ ∶ [ 0, +∞[⊂ R ↦ R telles que :
∀x ∈ O,
2.
f ( x ) ≥ ϕ ○ N ( x ),
O
x (k ) → a , et : a ∈ ∂O
et :
⇒
lim ϕ(r ) = +∞
(5.39)
lim f ○ x (k ) = +∞
(5.40)
r →+∞
k →+∞
Exemple 5.6.5 La fonction :
f ∶ O ⊂ R2 ↦ R ∶ (x 1 , x 2 ) ↦
1
x1
+
1
x2
+ 2 x1 x2
où : O = {(x 1 , x 2 , ) ∈ R2 ∣ x i > 0 ( 1 ≤ i ≤ 3)} est l’intérieur du cône positif de R2 , est
une fonction coercive.
126
CHAPITRE 5. NORMES
Fig. 5.3 – Allure des ensembles de niveau de f ∶ O ⊂ R2 ↦ R ∶
1
x1
+
1
x2
+ 2 x1 x2
Preuve : Pour tout réel a strictement positif, la fonction :
g a ∶] 0, +∞[⊂ R ↦ R ∶ x ↦
atteint son minimum 2
on déduit :
f (x 1 , x 2 ) ≥ 2
où : ϕ(r ) = 2
√
√
1
x
+ax
a au point : x =
x1 + 2
√
x2 ≥ 2
√
√
a . Pour tout couple (x 1 , x 2 ) dans O ,
x 1 + x 2 = ϕ ○ N1 (x 1 , x 2 )
√
r → +∞ lorsque : r → +∞ . En outre :
O
( x 1 (k ), x 2 (k )) → (a1 , a2 ), et : (a1 , a2 ) ∈ ∂O
(5.41)
impliquent :
x 1 ≥ 0, x 2 ≥ 0, et :
x1 x2 → a1 a2 = 0
donc :
f (x 1 , x 2 ) ≥
1
x1
+
1
x2
=
x1 + x2
x1 x2
≥ √
2
x1 x2
→ +∞
t Lorsque O est l’espace E tout entier, (5.40) est trivialement satisfaite puisque le bord de
E est vide : aucune suite d’éléments de E ne peut converger vers un point du bord de E .
Exemple 5.6.6 La fonction f ∶ R2 ↦ R ∶ (x 1 , x 2 ) ↦ x 14 + x 24 − 4 x 1 x 2 est coercive.
5.6. UTILISATION DES NORMES
127
Preuve : Du théorème 5.4.1 et , il résulte l’existence d’une constante réelle strictement positive K telle que :
f (x 1 , x 2 ) = N44 (x 1 , x 2 ) − 4 x 1 x 2 ≥ N44 (x 1 , x 2 )4 − 2 N22 (x 1 , x 2 ) ≥ . . .
. . . ≥ N44 (x 1 , x 2 )4 − K N42 (x 1 , x 2 ) = ϕ ○ N4 (x 1 , x 2 )
où : ϕ(r ) = r 4 − K r 2 → +∞ lorsque : r → +∞ .
Définition 5.6.7 Pour toute constante réelle c, et toute fonction f ∶ O ⊂ E ↦ R , on
appelle « ensemble de niveau c » de f dans O , l’ensemble :
S f (c ) = { x ∈ O ∣ f ( x ) ≤ c }
(5.42)
Théorème 5.6.3 Les ensembles de niveau d’une fonction coercive f ∶ O ⊂ E ↦ R
sont bornés.
Preuve : Pour toute suite x (k ) d’éléments de S f (c ), (5.39) implique :
ϕ ○ N ○ x (k ) ≤ c, donc : lim sup N ○ x (k ) < +∞
k →+∞
qui prouve que S f (c ) est borné (Proposition 3.3.4).
Corollaire 5.6.1 Toute fonction f ∶ O ⊂ E ↦ R continue et coercive atteint son minimum sur toute partie fermée F de O (7) :
∃x̂ ∈ F,
f (x̂ ) = inf f (x )
x ∈F
(5.43)
Preuve : Ses ensembles de niveau sont tous fermés dans E : si x (k ) est une suite
d’éléments de l’ensemble de niveau c , convergeant vers une limite a , (5.40) implique que a appartient nécessairement à O , et, par continuité de f :
f (a ) = lim f ○ x (k ) ≤ c
k →+∞
Ils sont aussi bornés (Théorème 5.6.3), donc compacts (Corollaire 4.5.2). Si F
est un fermé non vide de O , S f (c ) ∩ F est un compact non vide pour tout réel c
assez grand, et minimiser f sur S f (c ) ∩ F équivaut à minimiser f sur F .
t On notera que la continuité de f suffit à garantir que S f (c ) = f −1 (] − ∞, c ]) est un
fermé de O (Théorème 4.4.1), mais ne garantit pas qu’il soit fermé dans E (Voir, par
exemple : Exercice 4.4). C’est la condition (5.40) qui garantit que tous les ensembles de
niveau de f sont fermés « dans E ».
7. Fermée pour la topologie induite sur O par la topologie de E .
128
CHAPITRE 5. EXERCICES
Exercices
Exercice 5.1
Soient E un espace de dimenson finie, et x (k ) une suite d’éléments de E .
Parmi les six assertions suivantes, quelles sont celles qui peubvent être vraies
pour une norme et fausse pour une autre :
1. La suite x (k ) reste dans la boule B N (0E , 1) = {x ∈ E ∣ N (x ) < 1} .
2. N ○ x (k ) → 0
3. ∀ ² > 0, ∃K ( ²) ∈ N, k ≥ K ( ²) ⇒ N [ x (k + 1) − x (k )] → 0
4. ∃C > 0, ∀K ∈ N, N ○ x (k ) ≤ C
5. N ○ x (k ) → +∞
6. La suite N ○ x (k ) est décroissante.
Exercice 5.2
On considère la matrice : Q = (
1 0.5
)
0.5 1
1. NQ ∶ R2 ↦ R ∶ x ↦ (x ′ ⋆ Q ⋆ x )1/2 est une norme sur R2 . Pourquoi ?
√
√
6
2. Prouver que : N2 (x ) ≤
⇒ NQ (x ) ≤ 1 ⇒ N2 (x ) ≤ 2 . Peut-on avoir simul3
√
√
6
tanément : NQ (x ) = 1 , et : N2 (x ) =
≃ 0.8165 , ou : N2 (x ) = 2 ≃ 1.414 ?
3
Si oui, pour quels vecteurs x ?
Réponse: L’une ou l’autre des égalités est vérifiée si x est vecteur propre
associé à λmin ou à λmax , de norme NQ (x ) = 1. Les sous-espaces propres de
Q sont : E (λmin ) = V ec t {(1, −1)}, et : E (λmax ) = V ec t {(1, 1)}.
3. Représenter sur un même dessin la boule : BQ (0 R2 , 1) = {x ∈ R2 ∣ NQ (x ) < 1} ,
√
6
2
et les boules : B 2 (0 R2 , r ) = {x ∈ R ∣ N2 (x ) < r } pour les deux valeurs : r =
,
√
3
et : r = 2 . Vérifier votre dessin en suivant ce lien : http ://193.51.89.161/calculDiffOpti1/tds/ellipse.png (La boule BQ (0 R2 , 1) est l’intérieur de l’ellipse
de contour bleu, les deux autre boules correspondent aux intérieurs des
disques dont les bords sont les cercles vert et rouge respectivement)
Exercice 5.3
Prouver que pour tout n-uplet x = (x 1 , . . . , x n ) de réels x 1 , . . . , x n :
n
2
n
n
i =1
i =1
4
n
( ∑ x i ) ≤ n ∑ x i2 , et : ( ∑ x i ) ≤ n 3 ∑ x i4
i =1
i =1
CHAPITRE 5. EXERCICES
129
Exercice 5.4
Soit A une m ×n matrice réelle dont le noyau est réduit au zéro de Rn . Vérifier
que, pour toute norme ν sur Rm :
N ∶ Rn ↦ [ 0, +∞[∶ x ↦ ν ( A ⋆ x )
est une norme sur Rn . Déduire que, pour tout couple de normes µ et ν sur
Rn et Rm respectivement, il existe une constante réelle positive K telle que,
pour tout x dans Rn : µ(x ) ≤ ν ( A ⋆ x ) .
Exercice 5.5
Soient E et F deux espaces de dimensions finies, et L ∶ E ↦ F une application linéaire surjective de E dans F .
1. Vérifier que, pour toute norme µ sur E :
ν ∶ F ↦ [ 0, +∞[∶ y ↦ inf µ(x )
L (x )= y
est une norme sur F .
2. Vérifier que, si : b = L (a ) , la boule :
B ν (b, r ) = { y ∈ F ∣ ν( y − b ) < r }
est l’image par L de la boule B µ (a, r ) = {x ∈ E ∣ µ(x − a ) < r } .
3. Déduire que l’image par L de tout ouvert de E est un ouvert de F .
4. L’image par L d’un fermé de E est-elle nécessairement un fermé de F ?
Exercice 5.6
Calculer les normes spectrales des matrices A , B , A + B , et : A − B si :
A=(
1 0
0 1
) , et : B = (
)
0 2
1 0
Déduire que la norme spectrale n’est pas une norme Euclidienne.
Exercice 5.7
Montrer que, pour toute norme sur M R (n ), subordonnée à une norme sur
Rn , la norme de la matrice identité d’ordre n vaut un. Déduire que la norme
de Frobenius n’est subordonnée à aucune norme sur Rn .
Exercice 5.8
Vérifier que la restriction f ∣ B (0 , r ) de la fonction :
2
R2
130
CHAPITRE 5. EXERCICES
f ∶ R2 ↦ R ∶ x = ( x 1 , x 2 ) ↦ x 1 x 2
à la boule : B 2 (0 R2 ) = {x ∈ R2 ∣ N2 (x ) ≤ 1} est une fonction r -Lipchitzienne
de ( R2 , ∣ ∣) dans ( R, ∣ ∣) .
t indication: Pour tous réels x 1 , x2 , y 1 , et : y 2 : ∣(x 1 , y 2 )∣2 + ∣ x 2 , y 1 )∣2 = ∣(x 1 , x 2 )∣2 + ∣( y 1 , y 2 )∣2 .
Exercice 5.9
Soient Q une n × n matrice réelle symétrique, r un vecteur de Rn , et α un
nombre réel strictement positif donnés. On considère la fonction
f α ∶ Rn ↦ Rn ∶ x ↦ x − α (Q ⋆ x − r )
1. Prouver que f est K -Lipschitzienne de ( Rn , ∣ ∣) dans lui-même, où :
K = max(∣ 1 − α λmin ∣ , ∣ 1 − α λmax ∣)
(5.44)
λmin et λmax désignant respectivement les plus petite et plus grande valeurs
propres de Q .
2. Déduire que f α est contractante pour : α > 0 assez petit si Q est DP.
3. On suppose Q DP, et α > 0 assez petit pour que f α soit contractante, de sorte
que la suite x (k ) construite par l’algorithme :
{
x (k + 1) = x (k ) − α (Q ⋆ x (k ) − r )
x (0 ) = a
(5.45)
converge, pour toute initialisation a , vers l’unique point fixe : x̂ = Q −1 ⋆ r
de f α .
a. Vérifier que : ∣ x (k + 1) − x̂ ∣ ≤ K ∣ x (k ) − x̂ ∣ , où K est donnée par (5.44) (8)
b. Construire le graphe de la fonction :
ϕ ∶ [ 0, +∞[⊂ R ↦ R ∶ α ↦ max(∣ 1 − α λmin ∣ , ∣ 1 − α λmax ∣)
Comment choisir α pour minimiser K ?
Réponse: α =
2
λmax + λmin
⎛ 1 1/2 1/3 ⎞
c. Si : Q = ⎜ 1/2 1/3 1/4 ⎟ est la matrice de Hilbert d’ordre trois, et :
⎝ 1/3 1/4 1/5 ⎠
r = (1, 2, 3) , x̂ = (27, −192, 210) . Combien d’itérations faudra-t-il (au plus)
à l’algorithme (5.45), initialisé avec : a = (1, 1, 1) , pour avoir :
∣ x (k ) − x̂ ∣ < 10−2
t indication: La commande O CTAVE : eig(hilb(3)) retourne : 0.0027 0.1229 1.4083.
8. On dit que la convergence de x (k ) vers x̂ est « linéaire », « de taux K ».
CHAPITRE 5. EXERCICES
131
Exercice 5.10
Soit A une n × n matrice réelle quelconque, et I la matrice identité de même
format.
1. Prouver que, si la norme spectrale N2 ( A ) de A est strictement inférieure à
un, la fonction :
f ∶ M R ( n ) ↦ M R (n ) ∶ X ↦ A ⋆ X + I
est une contraction de (M R (n ), N2 ) dans lui-même.
2. Déduire que l’algorithme :
{
X (k + 1 ) = A ⋆ X ( k ) + I
X (0 ) = B
est convergent. Quelle est sa limite ?
Réponse: Sa limite est : ( I − A )−1 = I + A + A 2 + . . . .
Exercice 5.11 ( ∗)
Soit A une n × n matrice réelle, de norme spectrale : N2 ( A ) < 1/4 .
1. Montrer qu’il existe un réel r , strictement compris entre 1 et 1/2, tel que :
N 2 ( A ) = r (1 − r )
2. Prouver que la restriction de la fonction :
f ∶ M R (n ) ↦ M R (n ) ∶ X ↦ − A − X 2
à la boule : B 2 (0M R (n ) , r ) = { X ∈ M R (n ) ∣ N2 ( X ) ≤ r } est une contraction.
3. Conclure que l’équation :
X 2 + X + A = 0 M R (n ) , X ∈ M R ( n ) ?
a une unique solution dans B 2 (0M R (n ) , r )
Exercice 5.12
Prouver que toute fonction quadratique dont la partie quadratique est DP
est coercive.
132
CHAPITRE 5. EXERCICES
Exercice 5.13
Etant donnés m points a (1), . . . , a (m ) dans Rn , prouver qu’il existe toujours
une solution du problème :
(P)
m
Min
s.c. x ∈ Rn
∑ ∣ x − a ( j )∣
j =1
Exercice 5.14 (Estimateur MVA)
Un modèle économique suppose les variables X et Y liées par une relation linéaire : Y = a X + b . On dispose d’un échantillon de valeurs ( X i , Yi )
( 1 ≤ i ≤ n) du couple ( X , Y ) à partir duquel on souhaite estimer les coefficients a et b du modèle.
L’estimateur des Moindes Valeurs Absolues (acronyme : MVA) retourne un
couple (a, b ) minimisant la somme des valeurs absolues des écarts entre les
valeurs prévues par le modèle et les observations (9) c’est-à-dire une solution
du problème :
(P)
n
Min
s.c. (a, b ) ∈ R
∑ ∣ Yi − a X i − b ∣
(5.46)
2 i =1
1. Vérifier que ce problème a (au moins) une solution dès que deux au moins
des X i sont distincts.
2
t indication: (∑ni=1 ∣ Yi − a X i − b ∣) ≥ ∑ni=1 (Yi − a X i − b )2 . Voir : Exercice 2.11.
2. Montrer qu’il équivaut au problème de programmation linéaire :
n
(P)
Min
s.c.
−ξi ≤ Yi − a X i − b ≤ ξi
1≤i ≤n
∑ ξi
i =1
dont les variables sont : a, b, et les n réels ξi ( 1 ≤ i ≤ n).
Exercice 5.15 (Utilisation d’une barrière logarithmique)
On souhaite constituer un portefeuille à partir de n actifs financiers de rendements aléatoires R i ( 1 ≤ i ≤ n). On a pu estimer, à partir de l’historique des
9. Cet estimateur est moins sensible aux valeurs aberrantes du couple ( X i , Yi ), dues, par
exemple, à des erreurs d’enregistrement des données, que l’estimateur MCO. L’estimateur MCO
est cependant plus souvent utilisé en pratique, car il conduit à minimiser une fonction quadratique DP (Voir : Exercice 2.11), c’est-à-dire, finalement, à résoudre un système d’équations linéaires dont la matrice est DP, problème numériquement plus simple à résoudre que (5.46).
CHAPITRE 5. EXERCICES
133
cours, les moyennes : r i = E(R i ) ainsi que la matrice de dispersion (10) Q des
R i . Si x i est la part de capital investie dans le i ème actif ( 0 ≤ x i ≤ 1, 1 ≤ i ≤ n), le
rendement du portefeuille est : R = ∑i =1 x i R i , son espérance : E(R ) = r ′ ⋆ x ,
et sa variance : σ2 (R ) = x ′ ⋆ Q ⋆ x , où : r = (r 1 , . . . , r n ) , et : x = (x 1 , . . . , x n ) .
L’objectif est de constituer un portefeuille de variance minimale dont le rendement espéré égale au moins une valeur prescrite ρ strictement comprise
entre zéro et r = maxni=1 r i :
(P)
1
Min
s.c.
r ⋆x ≥ρ
∑ni=1 x i = 1
x i ≥ 0 ( 1 ≤ i ≤ n)
′
2
(x ′ ⋆ Q ⋆ x )
(5.47)
On suppose Q DP (11) et on note :
n
S = {x = (x 1 , . . . , x n ) ∈ Rn ∣ r ′ ⋆ x ≥ ρ, ∑ x i = 1, x i ≥ 0 ( 1 ≤ i ≤ n )}
i =1
l’ensemble admissible du problème (5.47),
n
O = {x ∈ Rn ∣ r ′ ⋆ x > ρ, x i > 0 ( 1 ≤ i ≤ n )}, et : F = {x ∈ O ∣ ∑ x i = 1}
i =1
1. Quelle est la nature de l’ensemble S ?
2. Prouver que le problème (5.47) a une unique solution.
1/2
t indication: Observer que : N ∶ Rn ↦ [ 0, +∞[∶ x ↦ ( x ′ ⋆ Q ⋆ x )
est une norme sur Rn et
invoquer le théorème 2.3.2.
3. Vérifier que O est un ouvert non vide de Rn , et que, pour tout entier k, la
fonction :
f k ∶ O ⊂ Rn ↦ R ∶ x ↦
n
1 ′
x ⋆ Q ⋆ x − 2−k ∑ ln(x i ) − 2−k ln(x ′ ⋆ r
2
i =1
− ρ)
est coercive.
4. Montrer que F est un fermé de O , et déduire que, pour tout entier k, f k
atteint son minimum sur O sous la contrainte : ∑ni=1 x i = 1
5. On pose : m (k ) = min { f k (x ) ∣ x ∈ F } . Prouver que la suite réelle m (k ) + 2−k ln r
est décroissante, et minorée par :
m = inf {
1
2
(x ′ ⋆ Q ⋆ x ) ∣ x ∈ F }
j
10. La matrice des variances-covariances : Q i = E(R i R j ) − E(R i ) E(R j ) .
11. Toute matrice de variances-covariances est une matrice réelle symétrique SDP. Cette hypothèse signifie qu’en outre aucun rendement R i ( 1 ≤ i ≤ n) n’est presque sûrement combinaison
linéaire des autres.
134
CHAPITRE 5. EXERCICES
6. Prouver que m (k ) converge vers m.
1 ′
x ⋆ Q ⋆ x − 2 −k
2
t indication: Pour tout x dans F : m (k ) ≤
n
∑i =1 ln(x i ) − 2−k ln(r ′ ⋆ x − ρ )
7. On peut toujours trouver un point a = (a 1 , . . . , a n ) de l’ensemble
n
Σ = {x = (x 1 , . . . , x n ) ∈ Rn ∣ ∶ ∑ x i = 1, x i > 0 ( 1 ≤ i ≤ n )}
i =1
tel que : a ′ ⋆ r > ρ . Pourquoi ? Si a est ainsi choisi, vérifier que, pour tout
réel ² > 0 :
x = (x 1 , . . . , x n ) ∈ S ⇒ y = ( y 1 , . . . , y n ) ∈ F, où :
et :
N1 (x − y ) ≤
²
1+ ²
yi =
1
1+ ²
(x i + ² a i )
N1 (x − a )
Déduire que : S = F , et conclure : m = Min
1
2
(x ′ ⋆ Q ⋆ x ) .
s.c. x ∈ S
8. Pour tout entier k, soit x (k ) un minimiseur de f k sous la contrainte : ∑ni=1 x i = 1 .
Etablir l’inégalité :
1
2
x (k )′ ⋆ Q ⋆ x (k ) ≤ m (k ) + 2−k ln r
Déduire que la suite x (k ) est bornée, puis qu’elle converge vers l’unique
solution du problème (5.47).
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