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RAPPORT SIGNATURE
Renaissance du secteur manufacturier aux
États-Unis
Depuis l’entrée de la Chine à l’OMC, ce pays est devenu la
destination par défaut de l’externalisation et de la mondialisation
des chaînes d’approvisionnement manufacturières. Des
salaires moins coûteux et une infrastructure en expansion ont
incité les industries à y déménager leur production, menées par
les secteurs aux coûts de main-d’œuvre non qualifiée les plus
élevés, comme le vêtement, et suivi par des produits comme
la technologie. En dix ans, la Chine est devenue le plus
important exportateur mondial. Aujourd’hui, cette évolution est
bien comprise. Ce qu’on comprend moins, c’est pourquoi elle
est terminée!
L’égalisation des prix des facteurs nous dit qu’après un choc,
comme l’accroissement de la main-d’œuvre bon marché en
Chine, le coût de la main-d’œuvre aux États-Unis doit chuter,
tandis qu’en Chine, il doit augmenter jusqu’au point où cet
avantage concurrentiel est éliminé. Cela ne signifie pas que
les salaires doivent être égaux, mais que l’avantage sur le plan
des coûts de main-d’œuvre est compensé par les différences de
productivité et d’autres frais, comme ceux du transport. Pour
beaucoup d’industries, avec des coûts de main-d’œuvre en
hausse rapide en Chine, et ces mêmes coûts stables ou en recul
aux États-Unis, le marché du travail mondial atteint un nouvel
équilibre. L’avantage de la Chine sur le plan des coûts inférieurs
disparaît, tandis qu’une main-d’œuvre hautement productive
et flexible rend à nouveau les États-Unis concurrentiels pour
beaucoup de biens vendus en Amérique du Nord.
Les États-Unis de moins en moins chers
Bien qu’on parle depuis des décennies de la saignée du secteur
manufacturier des États-Unis, des données du Bureau of
Labor Statistics montrent que le nombre d’employés est resté
relativement stable depuis les années 80 jusqu’en 2001, soit de
17 à 18 millions. En 2004, il avait chuté à 14 millions et, en
2010, était descendu jusqu’à 11,5 millions (voir le graphique
1). La saignée des emplois n’a donc commencé qu’en 2001 et
coïncidé avec l’entrée de la Chine à l’OMC. La perte de six
millions d’emplois dans le secteur manufacturier aura été un
ajustement douloureux, mais il est essentiel de comprendre
que les États-Unis se sont effectivement ajustés. Et après
rajustement en tenant compte de la productivité, les coûts de
main-d’œuvre aux États-Unis sont restés stables depuis 30 ans.
D’après Boston Consulting, d’ici 2015, beaucoup de biens
fabriqués aux États-Unis seront aussi bon marché que ceux de
Chine. Avec des augmentations salariales annuelles de 15 à
20 %, l’avantage de la Chine sur le plan des coûts par rapport
à certains États américains, comme l’Alabama, se réduira,
passant de 55 % aujourd’hui à 39 % d’ici 2015. Comme la
main-d’œuvre ne représente qu’une portion des coûts globaux,
pour beaucoup de produits, les économies liées à l’externalisation
chuteront sous les 10 %. Si on intègre au calcul le transport, les
droits douaniers, les dépenses immobilières, etc., les économies
de coûts peuvent disparaître. Il n’est pas inconcevable que, pour
certaines industries, certains États américains puissent émerger
comme les sites aux plus bas coûts de production dans le monde.
La Chine devient coûteuse
Les jours de la Chine comme exportateur aux plus bas
coûts du monde sont révolus, avec la hausse des salaires et les
pénuries de main-d’œuvre. Il y a dix ans, la main-d’œuvre y a
explosé, avec le boom de sa population active, l’exode rural vers
les zones urbaines et le démantèlement de certaines sociétés
d’État. Aujourd’hui, en raison de sa politique de l’enfant unique,
la Chine devient une société vieillissante dont la population
active plafonnera sous peu. La Chine a délibérément
déplacé son économie plus haut dans la chaîne de valeur
ajoutée et s’est réorientée sur la consommation intérieure comme
principal facteur de croissance économique. Les salaires
en hausse soutiennent la croissance de la demande de
consommation, mais moins pour un fabricant à faibles coûts
axé sur l’exportation. Ce qui ne veut pas dire que la Chine
cessera d’être le plus grand manufacturier du monde – non,
mais de plus en plus, le secteur manufacturier sera centré sur
l’approvisionnement du marché chinois local.
Pas seulement la Chine
L’avantage des États-Unis ne s’applique pas seulement à
la Chine. En effet, les États-Unis dégageront un plus grand
avantage par rapport à des pays comme l’Allemagne et le
Canada, qui ont des structures industrielles similaires. Les coûts
de main-d’œuvre unitaires des États-Unis par rapport aux autres
pays développés ont atteint un sommet au milieu des années
80 et, depuis, ont diminué de 50 % comparativement à un
groupe de 14 pays développés. Ces dix dernières années, les
États-Unis sont devenus un manufacturier à faibles coûts,
avec la baisse des salaires et l’affaiblissement du dollar. Et la
main-d’œuvre devient plus flexible à mesure que la productivité
s’accroît. L’industrie automobile en est un bon exemple. Même
les syndicats semblent collaborer avec les entreprises pour
Graphique 1– L’emploi aux États-Unis dans l’industrie manufacturière, en milliers
Source : US Bureau of Labour Statistics
10 000
12 000
14 000
16 000
18 000
20 000
62 64 66 68 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12
Juin 1977 : 22 % des salaires non
agricoles dans l’industrie manufacturière
Mars 2012 : 9 % des salaires non
agricoles dans l’industrie manufacturière