Histoire de Lyon et du christianisme des cinq premiers siècles

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Histoire de Lyon et du christianisme des cinq premiers siècles
En souvenir d’une semaine mémorable passée avec le père Joseph Gross à arpenter les rues de Lyon pour comprendre
les débuts du christianisme à Lyon
Empire romain
-62
Lyon
-58 à -51
-43
Lyon
César conquiert la Gaule (les régions actuelles Languedoc-Roussillon, PACA et Rhône-Alpes sont
romaines depuis 121 av JC).
Munatius Plancus, ancien lieutenant de César, fonde une colonie romaine sur la colline de Fourvière.
La colonie n'est pas solidement fortifiée, tout juste dispose-t-elle de levée de terres et de palissades
de bois ; de taille réduite, elle ne possède pas de forum.
Règne d’Hérode en Judée.
-27 à 14
Auguste empereur.
-20
Lyon
Des Romains chassés de Vienne par les Allobroges s'installent au pied de la Croix-Rousse dans le
village de Condate (actuel quartier Saint Vincent, 1er arrdt).
-37 à 4
Lyon
Christianisme
La colonie de Lugdunum devient rapidement la capitale des Trois Gaules (Lyonnaise, Belgique et
Aquitaine) de par la volonté d'Auguste. Elle dispose alors de plusieurs attributs politiques et spirituels
importants : le légat de la Gaule romaine y réside et y gère les trois provinces, la cité dispose d’un
atelier monétaire pour frapper la monnaie romaine (chose unique dans l'Empire romain durant le
premier siècle) et elle est la seule ville romaine avec Carthage à disposer d'une cohorte urbaine (force
militaire, police municipale et garde d’honneur pour la Ville de Rome).
Idéalement située au centre des communications de la Gaule, Agrippa fait ouvrir quatre routes au
départ de la cité vers le Rhin, l’Océan, l’Aquitaine et la Narbonnaise. Auguste vient par trois fois à
Lugdunum entre 39 et 8 av JC pour mener la répression des rébellions en Germanie et en Hispanie.
2
-16 à -14
Un théâtre de 10.000 places est édifié à Fourvière.
Lyon
-12
Lyon
-6
Vers 0
9
14 à 37
Drusus, le beau-fils de
l'empereur Auguste,
inaugure le sanctuaire des
3 Gaules à Condate, en
bas des pentes de la
Croix-Rousse.
C'est ici que tous les ans
se réunissait le 1er août le
congrès des 60 nations
gauloises pour rendre un
culte à Rome et à
Auguste.
Naissance de Jésus de Nazareth.
Le régime imposé par Rome est relativement agréable pour les élites gauloises qui profitent très vite
des avantages de la romanité (loisirs, culture, art de vivre..) et voient leurs prérogatives confirmées au
service de Rome. Très tôt, les troupes romaines chargées de pacifier la Gaule sont transférées sur le
Limes (le long du Rhin et du Danube) qui protège efficacement la Gaule trois siècles durant. Vers -12
l'armée romaine n'est plus guère présente en Gaule.
Les trois légions romaines de Varus sont massacrées par les Germains sur la rive droite du Rhin.
Tibère empereur.
Début Ier s Strabon, le géographe grec, écrit « Lyon, au centre du pays, est comme une acropole, en raison du
Lyon
confluent des fleuves et de sa proximité avec toutes les parties du pays ».
19
Lyon
Un amphithéâtre est édifié dans le sanctuaire
des 3 Gaules. Au sommet de la colline de
Fourvière, à l'emplacement de l'actuelle
basilique, des vestiges monumentaux sont
interprétés comme le forum, un temple
capitolin, la curie et la basilique. Au-delà des
monuments prestigieux, les communautés de
commerçants se développent : les nautes
(armateurs), les négociants en vin, les
utriculaires (fabricants d’outres), les stucateurs
(plâtriers), les potiers, ...
Chaque communauté est hiérarchiquement organisée, avec un conseil et des dignitaires qui
structurent la profession et la représentent auprès des autorités.
3
26 à 36
30
Après 30
31
Procuratèle de Ponce Pilate
Crucifixion de Jésus de Nazareth.
Début de l'évangélisation. Après la Résurrection du Christ, les apôtres se partagent les contrées à
évangéliser. Jacques le Majeur part avec quelques disciples pour évangéliser l’Espagne (Cadix,
Saragosse et Compostelle). André part pour un voyage qui l'amènera en Mésopotamie, à Éphèse,
autour de la Mer Noire (Bithynie, Thrace, Scythie, Crimée, Byzance) pour finir martyr en Grèce sous
Néron. Philippe prêche aux Scythes en Asie mineure avant d'être lapidé. Simon et Jude vont porter la
bonne parole dans l'empire perse, y fondent des Églises avant d'être martyrisés. Thomas et
Barthélemy vont jusqu'en Inde où leurs Églises seront retrouvées par le portugais Vasco de Gama.
Matthieu et Matthias vont mourir en Éthiopie. Jacques le Mineur reste à Jérusalem dont il est souvent
considéré comme le premier évêque.
Lapidation d'Etienne. Juif helléniste converti, il est condamné par le Sanhédrin pour avoir proclamé
l’Évangile de Jésus, le Christ ; il est considéré comme le premier martyr chrétien.
37 à 41
Caligula empereur ; il passe à Lyon en 39-40.
41 à 54
Claude empereur ; il naît à Lyon en 10 av JC et y retourne régulièrement, notamment lors de sa
conquête de la Bretagne entre 43 et 47.
Vers 40
Conversion de Paul. Paul (né à Tarse en Cilicie) est envoyé à Damas par le Sanhédrin pour persécuter
les adeptes de Jésus. Selon les Actes des Apôtres, c’est au cours du voyage pour s’y rendre, qu’il
rencontre Jésus ressuscité et qu’il se convertit. Bien que ne faisant pas partie de ceux qu'on appelle «
les Douze », Paul est considéré comme le 13ème apôtre puisqu'il a été institué par le Christ lui-même
sur le chemin de Damas. Il favorise activement l'ouverture vers les « Gentils » (les non juifs) de l'Église
naissante. À cette époque, l'enseignement du messie s'adressait principalement aux Juifs que l'on
cherchait à convertir. Pour les premiers chrétiens, juifs d'origine, cet enseignement ne remettait pas
en question la loi de Moïse. Ainsi, les incirconcis demeuraient des personnes peu fréquentables,
auxquelles le message du Christ ne semblait pas destiné.
44
Suite à une nouvelle persécution à Jérusalem, l'apôtre Jacques le Majeur interrompt sa mission
d'évangélisation en Espagne et retourne à Jérusalem pour soutenir la communauté de croyants.
Hérode Agrippa, le dernier roi juif de Judée, petit-fils d'Hérode le Grand, le fait exécuter l'accusant de
ne pas respecter la Torah. Pierre réussit à s'enfuir à Antioche où la tradition lui attribue le titre de
premier évêque de la ville.
48
Le premier concile, dit concile des Apôtres, se tient à Jérusalem. Paul plaide avec succès l'abandon des
rituels juifs, en particulier la circoncision et les interdits alimentaires, au nom de l'universalité du
message de Jésus, pour s'en tenir au sacrement du baptême par l'eau comme rite d'entrée. Pierre
défend les thèses de Paul.
4
48
Lyon
La Gaule est la province la plus peuplée de
l'Empire (près de 10 millions d'habitants), elle
est la plaque tournante du commerce
européen, voie d'accès fluviale et terrestre à
l'Europe du Nord et à l'Angleterre - alors
appelée la Bretagne. A ce titre elle est
favorisée par Rome qui accorde
progressivement la citoyenneté romaine aux
Gaulois. Ainsi, en 48, Claude obtient du Sénat
que les notables gaulois puissent accéder aux
magistratures publiques de Rome et donc au
Sénat romain. Les délégués des nations
gauloises firent graver son discours sur une
table de bronze, la Table claudienne. Deux
fragments de cette table sont présentés au
Musée gallo-romain de Fourvière à Lyon.
45 à 58
Voyages de Paul. Paul, grand voyageur, fonde et soutient des Églises dans tout l'est du bassin
méditerranéen, plus particulièrement en Asie Mineure ; et quand il ne leur rend pas visite
personnellement, il communique avec eux par lettres (épîtres). De 45 à 49, Paul et Barnabé en visite à
Chypre, en Pamphilie et à Antioche cherchent à convertir les juifs dans les synagogues. De 50 à 52, il
part à la rencontre des nouvelles communautés d’Asie mineure (Antioche, Éphèse, Troie) et de Grèce
(Athènes, Corinthe). De 53 à 58, le troisième voyage suit les traces du second.
Vers 50
A la suite des discours de Pierre et Jacques sur la décision du concile de Jérusalem relative à
l'observance des règles traditionnelles du judaïsme, notamment la circoncision, une lettre apostolique
est envoyée à l'Église d'Antioche. Cette lettre est sans doute le premier exemple de texte apostolique.
50 à 55
Écriture des épîtres de Paul. Ces épîtres adressent des réponses spécifiques, pertinentes par rapport à
la situation d'une communauté donnée.
54 à 68
Néron empereur.
59
Arrestation de Paul à Jérusalem. De retour de son troisième voyage, Paul est arrêté. Le Sanhédrin et
les grands prêtres lui reprochent ce que le concile de 48 avait autorisé en matière de circoncision et
d’interdits alimentaires. En comparution devant le procurateur de Judée, il fait valoir sa qualité de
citoyen romain et est envoyé à Rome pour y être jugé. Indifférents aux luttes entre factions juives, les
juges romains le libèrent. Paul reste à Rome en liberté surveillée. Après 15 ans d'apostolat autour de la
Méditerranée, Paul rencontre le martyr à Rome en 64; il est décapité et enseveli en un lieu où s'élève
aujourd'hui la basilique de St Paul Hors les Murs. Il aura commencé à détacher la nouvelle religion de
ses racines judaïques et contribué à sa diffusion dans les provinces de langue grecque. Il est appelé
pour cette raison l'Apôtre des Gentils, c'est à dire des non juifs.
64
Incendie de Rome. Néron choisit comme bouc émissaire les chrétiens qui sont jetés aux lions dans les
arènes, crucifiés, brûlés vifs, ... Pierre et Paul sont au nombre des martyrs. De cette première
persécution de masse aux dernières sous Dioclétien on évalue entre 4000 et quelques dizaines de
milliers le nombre de chrétiens qui dans l'empire romain ont « témoigné » au sacrifice de leur vie.
68
Le légat de la Gaule Lyonnaise Vindex se soulève contre le pouvoir de Néron, avec une partie de la
Gaule. Cette fronde est à l'origine de la crise politique qui secoua l'Empire en 69, et fut dénommée
année des quatre empereurs.
Lyon
66 à 73
Première guerre judéo-romaine. La guerre débute en 66 et s'achève avec la destruction de Jérusalem
et du Second Temple (70) et de Massada (73) par les légions romaines de Titus. Les Samaritains, en
grande partie épargnés s’établissent dans les villes côtières avec pour sanctuaire le mont Garizim
(jusqu’en 484). Les Sadducéens, en partie massacrés, perdent toute influence; les Esséniens et les
Zélotes disparaissent; les Pharisiens instituent à Jamnia près de Jaffa un grand conseil qui remplace le
Sanhédrin et réorganisent le judaïsme. C’est la naissance du judaïsme rabbinique : sans le temple, le
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centre religieux devient la synagogue locale, le président de l’école rabbinique centrale remplace le
grand prêtre dont la fonction est abolie, les nouveaux docteurs de la Loi portent le titre de rabbi et
prennent en main le destin de la nation. Contrairement aux sadducéens, ils affirment l’existence d’une
Torah orale transmise de générations en générations. Cette Torah orale est mise par écrit au IIe s dans
la Mishna. Du IIIe au Ve, les rabbins compilent les discussions rabbiniques autour de la Mishna et les
mettent par écrit dans le Talmud, versant oral de la Bible hébraïque.
69 à 79
70
Vespasien empereur
Prise de Jérusalem par Titus et destruction du second temple : les sources littéraires qui avaient
alimenté l’histoire juive d’un flot continu se tarissent et ne projettent qu’une maigre lumière sur la
période 70-130.
70 à 80
Mise par écrit des évangiles selon Marc, puis Matthieu, puis Luc.
L'évangile selon Marc est le plus court des trois évangiles. Il a sans doute été écrit pour la
communauté chrétienne de Rome et très inspiré par Pierre. On pense qu’il a servi de base pour les
évangiles selon Matthieu et Luc. L’auteur est très marqué par la persécution qui a amené la mort de
Pierre et de Paul.
Matthieu écrit pour une communauté chrétienne d’origine juive, sans doute à Antioche (vers les
années 80). La séparation est en train de s’opérer avec les communautés juives qui se reconstituent
autour des pharisiens après la prise de Jérusalem en 70. Cette séparation se fait dans la douleur.
Matthieu est très virulent contre les autorités juives du temps de Jésus . Lui plus que les autres
souligne le refus d’Israël d’accueillir Jésus.
Luc insiste sur l'universalité du message de Jésus, Sauveur de tous les hommes, et montre le ministère
de Jésus parmi les personnes en marge de la société de l'époque.
79 à 81
Titus empereur
81 à 96
Domitien empereur
Vers 95
Mise par écrit de l’évangile selon Jean. Contrairement aux trois autres évangiles, il ne traite pas de la
nativité, de la généalogie, de la tentation et du baptême de Jésus. Jean s’intéresse davantage à
l'identité de Jésus, le Fils de Dieu. Cette question de l’humanité et de la divinité du Christ est une
question centrale en cette fin du premier siècle.
96 à 98
Nerva empereur
98 à 117
Trajan empereur
Fin du
premier
siècle
Le christianisme est de plus en plus découplé de sa souche juive, et de mieux en mieux perçu dans
cette autonomie par le pouvoir romain. La séparation fut progressive depuis les commencements de
l'activité de Jésus vers 27-28 jusqu'à la seconde guerre juive sous Hadrien : vie, mort et résurrection de
Jésus  prédication aux non-juifs et accueil des in-circoncis, d'abord par les hellénistes puis dans
l'orbite de la mission de Paul  dévastation de Jérusalem et du Temple en 70  premiers pas du
rabbinisme comme continuateur du courant pharisien et rassembleur d'un peuple désorienté et
toujours plus hostile aux « dissidents »  expulsion des juifs hors de Judée en 135.
Vers 110
Mort d’Ignace d'Antioche à Rome. Ses lettres apostoliques développent une théologie eucharistique
112
Lettre de Pline le Jeune à Trajan pour lui demander conseil sur l’attitude à avoir vis-à-vis de chrétiens.
L'empereur, dans sa réponse, « considère qu'ils ne doivent pas être poursuivis mais qu'il faut les punir
s'ils ont été dénoncés de manière non anonyme et si, convaincus de christianisme, ils se refusent à
sacrifier au génie de l’empereur ».
117 à 138 Hadrien empereur
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132 à 135 Seconde guerre judéo-romaine. Jérusalem est rasée par Hadrien, interdite aux Juifs, et une ville
romaine, Ælia Capitolina, est bâtie sur son site.
138 à 161 Antonin le Pieux empereur. On considère traditionnellement que l'Empire atteint son apogée durant
son règne du fait de l'absence de guerre et de révolte majeure dans les provinces. C'est pourtant cette
politique défensive et attentiste qui annonce les difficultés financières et militaires à venir de l'Empire
romain. En effet, la richesse de Rome réside dans les conquêtes et les guerres, souvent défensives,
que les empereurs ont menées.
Vers 150
Lyon
160
Lyon
200 ans après sa naissance, la colonie romaine s'est étendue au-delà de Fourvière et occupe
désormais le bas des pentes de la Croix-Rousse, une partie de la presqu'île au confluent de la Saône et
du Rhône avec le port fluvial dans le quartier des Canabae (actuel quartier d'Ainay), les rives de la
Saône et une partie de la rive gauche du Rhône avec la nécropole de la Guillotière. On trouve à
Lugdunum un cirque sur le plateau de la Sarra (actuel cimetière de Loyasse), des thermes publics et
des fontaines alimentées par quatre aqueducs qui allaient chercher l'eau dans les Monts du Lyonnais
et les Monts d'Or à l'ouest et au nord de Lyon.
La population lyonnaise est alors très majoritairement latine, mais il y a aussi une forte colonie
d'Orientaux (Syrie, Asie Mineure) de langue et de culture grecque. Les premiers chrétiens sont donc
d'origine orientale, notamment de Phrygie, comme une partie de la population de la cité. Avec près de
50,000 habitants, Lyon peut alors revendiquer le titre de métropole de toute la Gaule.
Une inscription porte mention de ce qui serait le premier taurobole célébré dans l'empire en l'honneur
de Cybèle, un sacrifice au cours duquel on égorgeait un taureau.
161 à 180 Marc-Aurèle empereur
7
IIe siècle
Le IIe siècle est celui de tous les dangers pour la jeune foi se sépare du judaïsme et qui doit lutter
contre de multiples hérésies dont le gnosticisme (qui se caractérise par la croyance que les hommes
sont des âmes divines emprisonnées dans un monde matériel créé par un dieu mauvais et que pour se
libérer de ce monde l'homme a besoin de la gnose, la connaissance spirituelle ésotérique) et le
montanisme (mouvement millénariste qui tient la fin des temps pour imminente, ce qui implique une
préparation morale draconienne valorisant la souffrance physique, recherchant ouvertement le
martyr et multipliant les jeûnes).
Les intellectuels grecs et romains n'affectionnent guère le christianisme qu'ils considèrent comme une
religion simple destinée à soulager de pauvres gens. La nouvelle foi qui rêve d'intégration va
s'employer à détruire les préjugés qui l'entourent. On voit alors naître un genre littéraire nouveau : les
Apologies. Ainsi, Justin de Naplouse écrit deux Apologies et un Dialogue avec Tryphon le Juif,
considérés comme des jalons dans la séparation entre le christianisme et le judaïsme, en particulier
lorsqu'il révèle sa pensée à Tryphon : « après avoir tué le Christ, vous n’en avez pas même le repentir ;
vous nous haïssez, nous qui par lui croyons au Dieu et Père de l’univers, vous nous mettez à mort
chaque fois que vous en obtenez le pouvoir ». Premier philosophe chrétien, il souligne les points
communs qui font de la philosophie et du christianisme des alliés dans la lutte de la raison et de la
vérité contre le polythéisme traditionnel et s'attache à prouver que la doctrine chrétienne est
supérieure à toutes les philosophies profanes. On lui attribue l'invention de la notion d' « hérésie ». Il
est décapité à Rome en 165 pour avoir refusé de participer au culte des idoles.
151 à 177 Pothin évêque de Lyon. On ne connaît que les conditions de son arrestation et de sa mort grâce à une
Lyon
lettre devenue célèbre adressée par les chrétiens de Vienne et de Lyon à leurs frères d'Asie et de
Phrygie pour leur raconter la persécution dont ils sont victimes ; lettre reproduite par Eusèbe, évêque
de Césarée en Palestine au IVe dans son Histoire ecclésiastique. Il existe sous le site de l'Antiquaille
une salle souterraine présentée comme le cachot de St Pothin à côté d'une crypte dédiée aux martyrs
de Lyon.
Chronologiquement, l'évêché de Lyon est le premier de Gaule et l'un des premiers de la partie
occidentale de l'empire romain après Rome. Au IXe siècle, les évêques de Lyon seront élevés au rang
d'archevêque, puis de primat des Gaules en 1079.
177
Lyon
Martyrs des chrétiens de Lyon : la traque débute fin mars ; le 2 juin Pothin meurt en prison à 90 ans ;
le 1er août les chrétiens sont interrogés par le gouverneur ; les jeux débutent le 2 août dans
l'amphithéâtre des 3 Gaules ; Attale et Alexandre meurent le 2 août ; Pontique et Blandine le 3 août.
A cette époque, Lugdunum est un lieu important du culte de Cybèle et Attis. Cybèle permettait la
résurrection à ses initiés quand renaissait Attis à chaque équinoxe de printemps. Ce sont sans doute
les fidèles de Cybèle qui déclenchèrent la persécution des Chrétiens en 177, car leur fête de la
renaissance d'Attis coïncida cette année-là avec le vendredi saint. Ils virent peut-être dans le deuil des
Chrétiens martyrs une offense à Cybèle et, bien écoutés des autorités romaines, ils se débarrassèrent
de la communauté chrétienne, minoritaire à Lyon.
180 à 192 Commode empereur
177 à 202 Irénée évêque de Lyon. Comme Pothin, il avait été envoyé par Polycarpe, évêque de Smyrne et
Lyon
disciple de l'apôtre Jean. Irénée est considéré comme un des premiers théologiens de l’Église par ses
écrits ; en particulier, l'ouvrage Contre les hérésies dans lequel il s'oppose aux gnostiques et où il est le
premier à dire qu'il y a quatre évangiles. Son épiscopat est marqué par une forte expansion
missionnaire (création des diocèses de Besançon, Valence, …). Il serait mort martyr à Lyon en 202,
victime d'un édit de Septime Sévère.
A cette époque, les chrétiens se réunissent dans les demeures privées que les familles mettent à
disposition de l'ensemble de la communauté ; ce n'est que beaucoup plus tard au IVe s
qu’apparaîtront les premières églises. L'épigraphie chrétienne, si abondante passé l'an 500, est
complètement muette aux IIe, IIIe et IVe siècles ce qui prouve la clandestinité dans laquelle se
développe le christianisme des premiers siècles.
193 à 211 Septime Sévère empereur
8
197
Lyon
La grande période de prospérité de Lugdunum des Ier et IIe siècles s'achève par le drame que
constitue la victoire de Septime Sévère sur son rival Albin soutenu par les Lyonnais. L'archéologie situe
la bataille vers la place Sathonay. La ville de Lugdunum fut livrée au pillage des soldats vainqueurs et
incendiée. Septime Sévère connaissait pourtant bien Lugdunum, pour y avoir été légat, et ses deux fils
Caracalla et Geta y étaient nés
211 à 217 Caracalla empereur. Par son édit de 212, toutes les populations de l’empire ont désormais la
citoyenneté romaine.
Vers 240
Début de l'évangélisation proprement dite de la Gaule lorsque le pape Fabien, considéré comme
l'apôtre des Gaules, y délègue 7 missionnaires.
235 à 285 Invasions barbares, crise économique, dévaluation importante de la monnaie, instabilité politique,
guerres civiles, les empereurs sont le plus souvent désignés par les armées, et meurent assassinés ou
au combat. De la mort de Sévère Alexandre en 235 à l'avènement de Dioclétien en 285, 64 empereurs
ou usurpateurs se succèdent ou luttent les uns contre les autres.
250
Vers 254
Un édit de Dèce rend le culte impérial obligatoire, pour souder la population de l’empire contre les
dangers extérieurs. L’opération est brève mais très violente. Un grand nombre de chrétiens renient la
religion chrétienne et sacrifient aux dieux. D'autres refusent d'abjurer leur foi : le pape Fabien (236250) est tué, Origène est supplicié (250) mais survit. Au final, le résultat n'est pas celui espéré car le
ralliement est superficiel. En effet dès la fin de l'année 250, les chrétiens qui ont sacrifié demandent à
l'Église leur réintégration.
Débuts des incursions des Francs et des Alamans sur le sol romain
9
253 à 260 Valérien empereur est le premier à tirer parti d'un certain antichristianisme pour renflouer les caisses
de l'État. Il oblige les chrétiens des couches sociales supérieures (chevalier, sénateur) à changer de foi
sous peine de perdre leur rang. Ceux qui s'y opposèrent furent dépossédés de leurs biens.
260 à 268 Gallien empereur ; contrairement à son père, il accorde aux chrétiens la liberté de pratiquer leur culte
et fait restituer aux églises les biens confisqués. Ceci ouvre une période de tolérance de quarante ans
dite « petite paix de l'Église » au cours de laquelle se développe l'implantation du christianisme.
260 à 273 Pendant une quinzaine d'années, quelques généraux romains (Postumus, Tetricus, …) prennent le
contrôle des Gaules et établissent un Empire des Gaules. Cet empire persiste grâce à une tolérance
mutuelle plus ou moins convenue tacitement et imposée par la pression des barbares, à l'avantage de
l'Empire romain : chacun, empereur en Gaule ou empereur en Italie, défendait un secteur de l'Empire
contre les invasions, et s'abstenait (ou ne pouvait) mener une offensive contre l'autre. Une fois la
situation militaire rétablie sur le Rhin et le Danube, la réunification de l'Empire romain s'opéra sans
difficulté
Vers 270
Le monachisme chrétien en tant que tel apparaît en Orient avec la retraite d'Antoine dans le désert
égyptien. Les religieux ayant adopté le mode de vie solitaire de saint Antoine sont appelés
anachorètes, s'opposant aux cénobites qui choisissent la vie en communautés monastiques.
281
Proculus, un riche propriétaire lyonnais, se proclame empereur contre Probus. Son échec immédiat
provoque une nouvelle répression contre la cité
Lyon
284 à 305 Dioclétien empereur pose les bases de la séparation de l'Empire romain entre Orient et Occident : il
est seul maître de l’Empire jusqu’en 286 avant de le partager avec Maximien ; la capitale de l’Empire
romain d’Occident est déplacée à Milan avec Maximien, celle d’Orient à Nicomédie avec Dioclétien.
Le nouveau régime, d’essence totalitaire, ne pouvait tolérer longtemps le christianisme d’autant que
se manifestèrent quelques actes d’insubordination parmi les soldats chrétiens.
Vers 300
Au début du IVe, le paganisme est toujours bien implanté dans l'empire et le christianisme est encore
un phénomène très minoritaire. Les chrétiens ne représenteraient alors que 4 à 5% de la population
totale de l'Empire avec un peu moins de 10% à Rome, la ville la plus christianisée d’Italie, 20 % en
Égypte, 30% en Asie Mineure, 10 à 20 % en Afrique.
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303-304
Après la quarantaine d’années de tranquillité relative qui suivirent le règne de Gallien, la lutte contre
la religion des chrétiens, en expansion mais encore très minoritaire, donne lieu à une dernière
persécution généralisée. Dioclétien promulgue 4 édits visant à désorganiser complètement les
communautés chrétiennes en rendant le culte impossible : les églises et les livres sacrés doivent être
brûlés, les évêques sont emprisonnés et les chrétiens qui occupent des fonctions officielles sont
radiés, les esclaves ne peuvent plus être affranchis, les repentis doivent être libérés, la peine de mort
est appliquée contre tous ceux qui refusent les sacrifices aux dieux tutélaires. Les crieurs publics
convoquent tous les habitants (hommes, femmes et enfants) pour les y contraindre : il est difficile de
s'y soustraire puisque l'appel est nominatif. La persécution est cette fois systématique et repose
davantage sur l'administration locale. Elle dure jusqu'en 311 en Orient (édit de Galère) mais elle est
mise en sommeil très tôt en Occident. Les auteurs antiques parlent de milliers de victimes, surtout
dans la partie orientale de l'Empire (ce qui révèle que la part des chrétiens dans la population de
l'Empire s'est considérablement accrue).
Une des conséquences de la grande persécution pour le monde chrétien est le schisme donatiste à
partir de 307. Les donatistes refusent la validité des sacrements délivrés par les évêques qui avaient
failli lors des persécutions, position condamnée en 313 au concile de Rome. Le schisme se poursuit en
Afrique romaine jusqu’à la fin du siècle.
306 à 337 Constantin empereur.
313
Constantin établit la liberté de culte par le biais de l'édit de Milan. Il est le premier empereur romain
à adopter le christianisme comme religion d’État ; non seulement il marque la fin d'une ère de
persécutions des chrétiens, mais il aide l'Église chrétienne à prendre son essor en plaçant le Dieu
chrétien au-dessus de son rôle d'Empereur. En devenant la religion de l’Empire romain, le
christianisme sert à justifier un ordre politique autoritaire qui s’exerce au nom de Dieu. Il permet
aussi, aux yeux des empereurs d’assurer la cohésion de l’Empire. La conséquence en est l’exclusion de
toutes les autres convictions religieuses. Les non-chrétiens sont désormais désolidarisés de l’idéal
romain. Pour l’Église, romanité et christianisme sont tellement indissociables que les évêques trouvent
normal de défendre l’Empire face aux barbares.
Après la conversion de Constantin, le christianisme progresse rapidement dans l’Empire romain mais
toujours de manière inégale suivant les provinces. L’évangélisation des campagnes d’Occident ne
progresse que très lentement. En Gaule, Martin de Tours reste la figure de proue de l’évangélisation.
Le latin remplace le grec comme langue liturgique, signe de la perte de l’usage du grec dans l'Église
d'occident, future Église catholique romaine.
Constantin couvrit de faveurs l'Eglise, mais il fit très peu pour faire reculer le paganisme, dont il
ménageait manifestement les fidèles. C'est avec ses fils, Constant en Occident et Constance II en
Orient, que cette volonté de christianiser l'empire fut vraiment manifeste.
La commémoration de la naissance du Christ est placée au 25 décembre, date qui marquait depuis
l’empereur Aurélien (270-275) l’ « anniversaire du Soleil invincible » ; elle est mentionnée en Occident
vers 336 et se répand vers 380 en Orient.
314
Constantin convoque le concile d'Arles, premier concile tenu en Gaule qui réunit 16 évêques dont
certains d'Angleterre, de Galice et d'Allemagne et qui condamne le donatisme.
325
Concile de Nicée. Le concile est convoqué par Constantin sous les épiscopats de Sylvestre de Rome,
d'Alexandre d'Alexandrie, d'Eustache d'Antioche, d'Alexandre de Constantinople et de Macaire de
Jérusalem. Il rejette l’arianisme qui est dès lors qualifié d'« hérésie » ; ce courant de pensée du à Arius,
théologien alexandrin, affirmait que si Dieu est divin, son Fils, lui, est d'abord humain, mais un humain
disposant d'une part de divinité. Le concile jette les bases d'une organisation centralisée de l’Église
fondée sur une stricte hiérarchie du clergé calquée sur le modèle administratif de l'empire.
Auparavant, durant les trois premiers siècles de son existence, l’Église n'avait pas de clergé
institutionnel ni d'organisation centralisée. Dans les villes, chaque communauté se donnait un évêque
(du grec episkopos, surveillant). Quand la communauté s'élargissait, il choisissait des personnes pour
le seconder désignées par le mot grec presbyteros (vieillard). En s'élargissant aux campagnes
environnantes, les communautés prenaient le nom de diocèses, du grec dioikesis (administration).
11
Désormais, l’aristocratie christianisée occupe souvent les fonctions d’évêque, et ces évêques
patriciens deviennent les premiers personnages de la cité aux Ve et VIe siècles. Au-dessus des évêques
se trouve l’évêque métropolitain qui siège dans le chef-lieu de la province. À partir du concile de
Constantinople de 381, apparaissent des primats qui regroupent sous leur autorité plusieurs provinces
(en Occident, Rome et Carthage). Le siège de Rome a primauté sur l’ensemble de l’Empire, mais il ne
s'agit encore que d'une primauté honorifique. En 370, l'empereur Valentinien déclare "irrévocables"
les décisions du pape dans la ville de Rome. Le pape romain Damase (366-384) est le premier prélat à
qualifier son diocèse de siège apostolique car il aurait été créé par l'apôtre Pierre, considéré comme le
chef des apôtres. L'autorité pontificale des évêques de Rome ne devient véritablement souveraine
qu’à partir de Léon le Grand vers 450.
Jusque-là, les Romains avaient toujours accepté les divinités non romaines. Le christianisme s’affirme
comme étant la seule vraie foi qui professe le seul vrai Dieu. Les autres divinités et religions sont
ramenées au rang d’idoles ou d’erreurs. Cette position a comme corollaire la montée de l’intolérance
religieuse chrétienne dès le IVe siècle. L’Église multiplie les adjectifs pour se définir : katholicos
(universelle), orthodoxos (professant la seule vraie foi).
329
Le monachisme se développe en Égypte autour de Pacôme. Avec la persécution de Dioclétien en 306,
nombreux avaient été les Alexandrins à se réfugier dans le désert. La règle de Pacôme, codifiée par
Basile de Césarée, influencera tout le monachisme futur.
Vers 330
Eusèbe de Césarée (265-339), évêque de Césarée en Palestine, est l'auteur de l'Histoire ecclésiastique
dans lequel il raconte l'histoire de l'Église chrétienne des origines jusqu'à la victoire de Constantin sur
Licinius en 323 et rapport, entre autres, le récit des martyrs de Lyon.
331
Inventaire des biens des temples païens et confiscation
341
Interdiction des pratiques superstitieuses
353
Lyon
Magnence, un païen convaincu, usurpateur du titre impérial de 350 à 353, se suicide à Lyon après sa
défaite en Croatie contre Constance II et une fuite de deux ans.
355
Invasions des Francs et des Alamans qui s'installent entre le Rhin et la Moselle
356-357
Interdiction des sacrifices et fermeture des temples
361 à 363 Julien L'Apostat empereur, après avoir été César en Gaule de 355 à 361. Il doit son surnom d'« apostat
» à sa volonté de rétablir le polythéisme dans l'empire romain, alors qu'il avait été élevé dans la
religion chrétienne. Il a produit des écrits contre le christianisme qui sont le meilleur témoin de
l'opposition païenne au christianisme. Il promulgue en 362 un édit qui interdit aux chrétiens
d'enseigner la grammaire, la rhétorique et la philosophie, soit l'ensemble de l'instruction profane. Il
exige que les chrétiens qui s’étaient emparés des trésors des cultes païens les restituent. Les
successeurs de Julien sont tous chrétiens.
Après Julien, Jovien (363-364) puis Valentinien (364-375) abolissent les mesures discriminatoires de
celui-ci. La reprise ne s’opère vraiment que sous Gratien en Occident (influence d’Ambroise) et
Théodose d’Orient.
IIIe-IVe s
Lyon
À la fin du IIIe s, Lugdunum perd son rang de capitale des Gaules au profit de Trèves, plus proche de la
frontière du Rhin. La ville n'est plus que le siège administratif de la petite province de Lyonnaise 1ère,
qui ne comprend plus que Lyon, Langres et Autun. Cette crise affecte la cité profondément. La colline
de Fourvière est proprement abandonnée alors que la ville basse profite de l'essor du commerce
fluvial et du regroupement des activités artisanales dans la plaine. Le centre de la Ville s'organise
autour du groupe cathédral : deux églises (Saint-Jean et Sainte-Croix), un baptistère (Saint-Étienne),
des basiliques cémétériales (Saint-Just et Saint-Irénée) et des couvents de moines. Les constructions
les plus prestigieuses sont désormais les édifices religieux. Jusque-là, les chrétiens se réunissaient
entre eux dans des demeures privées. C'est durant le IVe siècle que la ville ferme ses temples païens,
et réorganise sa vie sociale autour de son évêque et du calendrier de l'Église. Lyon devient l'un des
centres intellectuels de la chrétienté, illustré au Ve siècle par Sidoine Apollinaire
12
370
La traduction latine de la Vie d’Antoine par Evagre d’Antioche ( ?-394) joue un rôle décisif dans la
diffusion de l’idéal monastique. En Italie du Nord, Eusèbe de Verceil (290-371) ouvre la voie du
monachisme clérical. L’exemple est imité par Augustin (354-430), qui règle autour de lui à Hippone, la
vie de son clergé comme celle d’un monastère.
374 à 381 Just évêque de Lyon. Il participe au Concile d'Aquilée en 381 qui condamne l'arianisme. De retour à
Lyon
Lyon, il quitte ses fonctions et se retire en Egypte comme simple moine. A cette époque, les évêques
appartiennent tous à l'aristocratie gallo-romaine. On peut, dans certaines familles, parler de
« dynasties épiscopales » : deux des fils d'Eucher devinrent évêques, Nizier était le neveu de Sacerdos
évêque de Lyon (lui-même fils de Saint Rustique archevêque de Lyon et père d'Aurélien archevêque
d'Arles) et l'oncle de Grégoire de Tours, ..
383
Lyon
Le jeune empereur Gratien est assassiné à Lyon sur ordre de Maxime après 16 ans de règne (367 à
383)
Fin du IVe Le christianisme s'est répandu dans toute la Gaule. L'organisation de l’Église de Gaule vers 400
changera peu jusqu'à nos jours. Les grandes personnalités sont alors Saint Hilaire de Poitiers (315367), qui fut un grand défenseur de l'orthodoxie nicéenne face à l'arianisme et Saint Martin de Tours
(317-397), qui crée les premiers monastères de Gaule et dont la cape est à l'origine du mot chapelle.
Hors de Gaule, d'autres grandes figures deviendront trois des quatre Pères de l'Eglise : Saint Augustin
(354-430) qui est le théoricien de l'histoire du christianisme, le père du latin ecclésiastique, un des
fondateurs de la culture chrétienne, Saint Ambroise (340-397) qui a composé des hymnes introduisant
en Occident le chant liturgique et Saint Jérôme (347-420) qui traduit la Bible en latin sous le nom de
Vulgate
379 à 395 Théodose 1er empereur. Il est le dernier empereur à diriger effectivement la totalité de l'Empire
romain.
380
Par l'édit de Thessalonique, les empereurs Théodose, pour l’Empire d'Orient et Gratien, pour l’Empire
d'Occident, tous deux chrétiens, font de la foi catholique l'unique religion officielle et obligatoire de
l'État. L’empereur Gratien cesse alors de porter le titre de pontifex maximus (pontife suprême) de
l'ancien culte romain païen. Ce titre sera ultérieurement donné à l’évêque de Rome, dans un sens
sacerdotal nouveau, c'est-à-dire la primauté pontificale.
381
Concile de Constantinople. Convoqué par Théodose Ier, le concile réunit 150 évêques tous orientaux.
L'Esprit-Saint y est confessé comme Seigneur, donnant la vie, procédant du Père et recevant avec le
Père et le Fils même adoration et même gloire. L'Esprit-Saint vient habiter en nous. Ce qui est en jeu
dans ces débats c'est finalement la relation d'amour de Dieu avec l'homme.
382
La statue de la déesse Victoire est retirée du Sénat romain par ordre de Gratien (à l'instigation
d'Ambroise de Milan), tandis que les Vestales et tous les sacerdoces perdent leurs immunités.
386-387
Destruction des temples en Orient
391
Une loi de Théodose interdit à toute personne d’entrer dans un temple, d’adorer les statues des dieux
et de célébrer des sacrifices, « sous peine de mort ». L'année suivante, il interdit les Jeux olympiques
liés à Zeus et à Héra, mais aussi à cause de la nudité du corps des compétiteurs, le culte du corps et la
nudité étant dénigrés par le christianisme. Peu à peu, les temples abandonnés tombent en ruines.
Certaines communautés chrétiennes font parfois preuve de fanatisme destructeur vis-à-vis du
paganisme. Elles sont désavouées par les grands esprits de leur époque, comme saint Augustin. Sac du
Sarapéum d’Alexandrie
392
Eugène usurpe le titre impérial à Lyon ; il est défait par Théodose 1er deux années plus tard
Lyon
392
Condamnation totale du paganisme dans tout l’Empire et sous toutes ses formes même privées
Début du Les membres du clergé bénéficient de nombreux privilèges octroyés par les empereurs : ils sont
Ve
dispensés des prestations fiscales imposées aux citoyens, les évêques se voient reconnus des pouvoirs
13
de juridiction civile, les personnes poursuivies par le pouvoir bénéficient du droit d'asile, ce qui leur
permet de se soustraire à la justice impériale, les clercs échappent progressivement aux juridictions
ordinaires et se trouvent ainsi placés au-dessus du droit commun. Depuis que Constantin a donné à
l’Église une personnalité juridique qui lui permet de recevoir des dons et des legs, elle possède
désormais d’immenses domaines dont certains dépendent des institutions charitables. Le
développement de ses institutions lui permet d’occuper un vide laissé par les systèmes de
redistributions polythéistes, en s’intéressant aux pauvres en tant que tels et non en tant que citoyens
ou que clients. En Orient comme en Occident, l’Église se retrouve cependant confrontée à un
paradoxe ; elle prône la pauvreté comme idéal, mais est riche, ses clercs sont souvent des aristocrates,
et les églises regorgent d'or, d'argent, de bois précieux, d'étoffes chatoyantes et de parfums.
404
A la suite d’une première invasion du nord de l’Italie par les Wisigoths d’Alaric, l’Empire romain
d’Occident déplace sa capitale de Milan à Ravenne. Ravenne sera la capitale du Royaume d’Italie
d’Odoacre à partir de 476 puis celle du Royaume Ostrogoth de Théodoric à partir de 493.
406
Les peuples Vandales, Suèves et Alains franchissent le Rhin et traversent la Gaule et l’Espagne. Les
Suèves fondent un royaume en Galice à partir de 410, les Vandales en Afrique du Nord à partir de 439
et les Alains s’installent entre Gaule, Espagne et Afrique du Nord.
408
En Occident, interdiction des offices palatins aux non-catholiques
410
Les Wisigoths conduits par Alaric prennent et pillent Rome, qui n’avait pas été prise depuis 390 av JC.
Cet événement est considéré comme la fin de l’Antiquité et le passage au Haut Moyen Âge.
Quelque temps après, ils franchissent les Alpes et atteignent l'Aquitaine où ils fondent le Royaume
Wisigoth avec Toulouse comme capitale. Ils conquièrent alors la péninsule ibérique où les Francs les
repousseront à partir de 507.
416
En Orient, interdiction aux païens des fonctions civiles et militaires.
430
Naissance de Sidoine Apollinaire à Lyon. Son père comme son grand père et son arrière-grand-père
ont ainsi occupé la charge de préfet du prétoire des Gaules. Homme politique, évêque et écrivain
gallo-romain, il est l’un des poètes les plus fameux du siècle. Il meurt à Clermont en 486.
Lyon
431
Concile d’Éphèse. Convoqué par Théodose II, le concile rassemble 200 évêques. À l'inverse des
conciles de Nicée et de Constantinople dont les questions théologiques portaient principalement sur
l'unicité de Dieu, le concile d'Éphèse marque un tournant en définissant l'union des deux natures,
humaine et divine, dans la personne du Christ. Cette proclamation a été rendue nécessaire face à
l'émergence de l'hérésie nestorienne qui est condamnée. Défendu à l'origine par Nestorius, patriarche
de Constantinople (428-431), le nestorianisme affirme que deux personnes, l'une divine, l'autre
humaine, coexistent en Jésus-Christ. Le nestorianisme s’introduit en Chine au VIe s, en Indonésie au
VIIe et en Inde. Les Églises héritières de ce courant se trouvent actuellement dans l'est de la Turquie et
dans le nord de l’Irak (églises assyrienne et chaldéenne).
437
Les Burgondes, qui viennent de subir un terrible choc contre les Huns (on parle de 20.000 morts), sont
installées comme fédérées par le général romain Aetius dans un espace situé entre le Jura et les Alpes
(Ain, Rhône, Jura, région du lac Léman et Suisse romande).
451
Concile de Chalcédoine. Convoqué par l'empereur byzantin Marcien, le concile réunit 343 évêques (un
record) dont quatre seulement viennent d'Occident. Il condamne de monophysisme qui affirme que le
Fils n'a qu'une seule nature et qu'elle est divine, cette dernière ayant absorbé sa nature humaine
435 à 449 Eucher évêque de Lyon. Sénateur romain, il fuit les invasions barbares pour se réfugier dans les îles de
Lyon
Lérins avant de s'isoler en ermite dans une grotte du Lubéron. C'est là qu'on viendra le chercher pour
le placer sur le trône épiscopal. Il est célèbre dans l’Église pour ses écrits : Éloge du désert de Lérins,
Traité du mépris du monde et Histoire des martyrs de la légion thébaine
451
Attila, roi des Huns, envahit la Gaule. Les Huns contournent Paris (la tradition chrétienne attribue ce
miracle à sainte Geneviève), ils sont tenus en échec devant Orléans (la tradition chrétienne attribue ce
nouveau miracle à l'action et aux prières de l'évêque saint Aignan) et finissent par être battus aux
14
champs Catalauniques (près de Troyes) par le général romain Aetius, aidé par les Francs et les
Wisigoths.
452
Les Huns envahissent l’Italie et mettent à sac plusieurs villes du nord de l’Italie, dont Padoue et
Vérone. Venise est fondée par des réfugiés qui fuient les Huns.
469
Lors de la désintégration de l’empire d’Occident, les Burgondes de Chilpéric étendent leur domination
du sud-est au centre-est de la Gaule et font de Lyon la capitale de leur royaume avec Genève et
Vienne. Les rois burgondes abandonnent l'arianisme.
Lyon
476
Après la chute de sa capitale Ravenne, Romulus Augustule est forcé d'abdiquer par le chef des
Hérules, Odoacre. C'est la fin de l'Empire Romain d'Occident et le début du Moyen-Age. Les structures
de l'Empire se défont en Gaule, le pouvoir politique passe aux mains de royaumes barbares avec leurs
propres lois, leur propre religion. Un changement plus important est l’effondrement de l’armature
administrative romaine au-dessus du niveau des cités devenues sièges épiscopaux. Cela entraîne un
élargissement du rôle des rois fédérés, désormais responsables non seulement de leurs guerriers
« barbares » mais aussi des citoyens romains.
Du point de vue géopolitique, les peuples
fédérés ne sont plus confrontés seulement
aux envahisseurs potentiels de l’Empire, mais
aux autres fédérés d’Occident, sans pouvoir
compter sur la protection d’une instance
supérieure.
En 476, lorsque leur roi Chilpéric meurt, les
Burgondes ont pour voisins les Alamans, le
royaume d’Odoacre en Italie (conquis par les
Ostrogoths de Théodoric vers 490), les
Wisigoth d’Euric en Aquitaine, le royaume de
Syagrius et les Francs au nord.
474 à 491 Zénon est parfois considéré comme le dernier empereur romain d'Orient et le premier empereur
byzantin, car sous son règne est déposé le dernier empereur d'Occident, Romulus Augustule, en 476. Il
se débarrasse des Ostrogoths de Théodoric en leur proposant de conquérir l'Italie et signe un traité de
paix avec les Vandales de Genséric par lequel il reconnaît la suzeraineté de ce dernier sur l'Afrique, la
Corse, la Sicile, les Baléares et la Sardaigne.
486
Syagrius est battu par Clovis à Soissons. Il était le dernier représentant attesté du pouvoir gallo-romain
en Gaule du Nord. Les Francs conquièrent l'ancienne province de la Gaule entre 481 et 535.
449 à 491 Patiens évêque de Lyon. Il fut l'interlocuteur des rois burgondes. Il était réputé pour sa grande charité
Lyon
et son dévouement aux pauvres. Lors d'une famine, il fit arriver du blé par le Rhône et la Saône pour
nourrir la population.
Clotilde, princesse burgonde née à Lyon (474-545), deviendra reine des Francs en épousant Clovis en
493, qu'elle contribue à convertir au christianisme.
498
Baptême de Clovis. Les Francs acquièrent de fait un avantage politique décisif sur les autres Barbares
qui leur valut de dominer l'Occident pendant plusieurs siècles
514 à 523 Viventiole évêque de Lyon. Il est l'auteur d'une Vie des pères du Jura qui nous renseigne sur les débuts
Lyon
du monachisme de la région.
527 à 565 Justinien empereur byzantin. Il se conçoit comme l'élu de Dieu, son représentant et son vicaire sur la
terre. Le christianisme est, d’un point de vue institutionnel et juridique, religion d’État. Justinien
légalise le contrôle des évêques sur les autorités civiles locales. Il est confronté aux dernières
résurgences du paganisme, contre lequel il agit avec vigueur : il enlève aux païens le droit d’exercer
15
des fonctions civiles ou militaires et d’enseigner, ce qui a comme conséquence la fermeture de l’école
philosophique d’Athènes. Un édit de 529 aggrave encore leur situation en leur imposant la conversion
au christianisme.
Sous son règne, l'art byzantin s'épanouit et des chefs-d'œuvre architecturaux sont construits, en
particulier la basilique Sainte-Sophie, qui fut le centre du Christianisme oriental pendant plusieurs
siècles. Justinien est le dernier empereur qui aura essayé de reconstruire l'Empire romain en lançant
en vain une tentative de reconquête de l’Occident.
534
Lyon
Le royaume burgonde disparaît sous les coups des Francs. Lyon perd ses fonctions de capitale mais
l'aristocratie gallo-romaine continue à jouer un rôle éminent. Les souverains mérovingiens se
partagent l'ancien royaume burgonde. Childebert, le 4ème fils de Clovis, obtient le centre (Lyon, Mâcon,
Vienne, Grenoble et peut-être Genève et la Tarentaise). On parle désormais de la Burgondie comme
d'une région au sein des royaumes francs.
549 à 552 Sacerdos évêque de Lyon. Conseiller du roi Childebert le 4ème fils de Clovis
Lyon
16
Le christianisme antique des Ier au Ve siècles
Parler des débuts du christianisme c’est aborder deux points liés l’un à l’autre : l’élaboration, sur le plan religieux,
d’un nouveau groupe qui apparaît au sein du judaïsme et qui s’en distingue peu à peu pour devenir au cours des IIIe
et IVe siècles une religion indépendante, et les rapports de ce groupe aux autres juifs (pharisiens, esséniens,
sadducéens, puis rabbins, judaïsme synagogal), aux populations adeptes des cultes traditionnels et au pouvoir
romain. C’est s’interroger sur la continuité entre les communautés primitives qui ignorent la dichotomie clercs-laïcs
et le caractère sacerdotal de leurs ministres et la puissante institution qui repose sur cette dichotomie et fait de ses
évêques des hiérarques régulateurs d’un « sacre » dont on peut se demander s’il est conforme à la « sainteté » du
dieu biblique. C’est aussi s’interroger sur le rapport entre la croyance des premières générations et la théologie des
conciles, la cohérence entre l’exigence de sainteté adressée à tous et la « double morale », suite logique du
monachisme qui réserve à quelques-uns la perfection.
Le judaïsme au tournant de l'ère
Le phénomène juif représente un dixième de la population de l'Empire : une partie habite la Palestine et une
diaspora forte et ancienne est répandue dans tout le bassin de la Méditerranée (Alexandrie, Antioche, Asie mineure,
Rome et Afrique du nord) et hors de l'Empire (Mésopotamie parthe).
Dans l'aire géographique de la Palestine, les juifs n'avaient la majorité que dans deux secteurs : la Galilée et la Judée,
autour de Jérusalem, qui était véritablement le « pays des juifs ». Trois partis se sont constitués, peu nombreux, car
la majorité de la population juive n'appartient à aucun :
 les Sadducéens, ce sont les grands prêtres gardiens du culte exclusif dans le Temple de Jérusalem, attachés à
la seule Torah écrite, ils rejettent les interprétations faites par les pharisiens et plus exactement le Talmud
qui s'ensuit ; ils sont fermés par conséquent aux croyances nouvelles,
 les Pharisiens s'opposent trait pour trait aux sadducéens : sans rejeter le culte du Temple, ils développent
l'institution synagogale et se distinguent par le recours à la Torah orale pour fixer la loi juive ; ils sont ouverts
aux croyances nouvelles,
 les Esséniens insistent sur l'ascèse et les préceptes de pureté rituelle.
En dehors de la Palestine, un judaïsme hellénistique s'est développé après les conquêtes d'Alexandre ; né de la
rencontre entre la tradition religieuse hébraïque et la culture hellénistique, il est florissant dans l’Égypte des
Ptolémées. Les juifs y bénéficiaient d'un statut juridique privilégié plus avantageux que celui des autochtones
égyptiens qui, de ce fait, les jalousaient. Cette communauté juive considérait toujours Jérusalem et son temple
comme le centre de sa religion et y envoyait l'impôt du Temple, à la grande colère des autorités et des populations
locales. Ce judaïsme bouillonnant attire néanmoins nombre d'autochtones, séduits par la grandeur du monothéisme
biblique et la fermeté de sa morale. L'essor du christianisme contribuera à sa marginalisation, car c'est surtout dans
ses rangs que se recruteront les nouveaux convertis.
Les juifs de Palestine ou de la diaspora partagent cinq traits qui forgent leur unité : un même amour de la Torah, le
rôle central du Temple de Jérusalem, le souci de préserver la « sainteté » du peuple élu parmi les « nations », le
respect de l'autorité du Sanhédrin de Jérusalem (Grand Conseil de 71 membres) et l'institution synagogale, lieu de
lecture de la Bible et de prédication.
Les deux guerres judéo-romaines de 66-74 et 132-135, marquent la ruine de l'installation en Judée et à Jérusalem :
interdiction est faite aux juifs de résider dans Ælia Capitolina, nouveau nom païen de la ville. Les sadducéens et les
esséniens disparaissent en même temps que le Temple ; le judaïsme rabbinique, héritier pour l'essentiel des
pharisiens, subsiste seul. D'où trois traits nouveaux : la synagogue remplace le Temple, le judaïsme se regroupe
autour de ses rabbins et de ses patriarches, qui mettent par écrit la Loi orale (Mishna, puis Talmud) jusqu'au VIe
siècle. Les rabbins se méfient désormais de la Septante (version de la Bible hébraïque en langue grecque) devenue
l'Ancien Testament de la Bible des chrétiens.
17
Les chrétiens, un nouveau groupe au sein du judaïsme
Si Jésus ne peut être considéré comme fondateur historique (au sens où son intention n’était pas de fonder une
nouvelle religion, mais de rester au sein du judaïsme qu’il appelait à réformer), il est le fondement de la foi des
chrétiens.
Comme Jésus, les premiers chrétiens étaient des juifs qui se distinguaient des autres juifs par la croyance en la
messianité de Jésus. Pendant longtemps, les chrétiens d’origine juive ont été plus nombreux que les chrétiens
d’origine polythéiste. La distinction qui conduisit à deux religions différentes a été progressive et a suivi une
chronologie différente, inégale selon les régions. Elle s’est principalement faite autour de différences quant à
l’observance de la Torah et à son interprétation (notamment sur la messianité). Les différends sont apparus dès la
mort de Jésus ; un débat s’est alors élevé dans la communauté des disciples de Jésus à Jérusalem entre les disciples
juifs de culture grecque et les autres, autour de l’opportunité de faire des missions auprès des populations non
juives. Plus tard, Paul, juif de culture grecque, a participé au débat sur l’obligation, ou non, pour les non juifs
d’observer les lois juives (notamment celle de la circoncision) avant de devenir disciple de Jésus. Paul a opté pour
une réponse négative : le salut devait s’accomplir par la foi en Christ et non par l’œuvre de la Loi ni par la
circoncision.
La jeune communauté mène une vie de prière: elle est assidue au Temple, puis elle se rassemble pour la fraction du
pain, répétant ainsi un geste accompli par Jésus avant sa mort. Les Douze jouent un rôle dirigeant avec à leur tête
Pierre et à ses côtés Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Le cercle des apôtres prend l'initiative de créer sept diacres
pour les assister. Les Sept s'occupent des plus démunis de la communauté, ils seront rapidement appelés à gérer les
biens matériels de l’Église naissante. Comme les apôtres, ils partiront évangéliser le monde et finiront en martyrs, à
l'instar d’Étienne qui est considéré comme le premier martyr chrétien.
Le juif hellénisé Paul a joué un rôle très important dans la diffusion du message de Jésus. Comme les autres
missionnaires chrétiens, il a beaucoup voyagé dans l’empire romain mais, alors que l’action de la plupart des
premiers missionnaires est restée dans l’ombre, par manque de sources, l’action de Paul est mieux connue, grâce
aux lettres qu’il a écrites pour les communautés qu’il a fondées ou visitées. Ces lettres sont les plus anciens
documents écrits qui attestent l’existence au sein du judaïsme de nouveaux groupes religieux se référant à Jésus,
appelé aussi Christ. S’il est difficile de parler de lui comme du véritable fondateur du christianisme, son action a été
essentielle en tant que passeur de culture ; il a en effet très largement contribué à faire connaître le message de
Jésus à des populations non juives. Paul est resté pour ses compatriotes juifs, plus que Jésus peut-être, comme le
modèle de l'apostat destructeur de la Loi, propagandiste d'une religion dont les adeptes, au cours des siècles, se
firent trop souvent persécuteurs du judaïsme.
D’autres personnages sont aussi importants à considérer au cours des quatre premiers siècles. Parmi eux, ceux que
les chrétiens considèrent comme des martyrs (« témoins » en grec), suite au témoignage qu’ils ont fait de leur foi au
moment des persécutions contre les chrétiens. Entre le IIe et le IVe siècle, ils sont devenus les premiers saints
chrétiens et ont fait l’objet d’un culte et de récits favorisant ainsi la conversion ou l’affermissement de la foi des
populations. À une époque où les chrétiens étaient encore peu visibles, les martyrs et les récits leur permettaient
d’accéder à une certaine notoriété.
Les premiers chrétiens se sont regroupés autour de quelques croyances communes : outre l’unicité de la divinité, ils
croyaient en la messianité de Jésus et en sa résurrection. Ils partageaient également quelques rites : prières (dont le
Notre Père), lecture / audition de textes reconnus par la communauté. Il y avait aussi des sacrements : l’eucharistie
(qui commémore le dernier repas de Jésus) et le baptême. C’est au cours des siècles suivants que les autres
sacrements apparaîtront.
N’ayant pas le droit de s’associer pour pratiquer librement leur culte, les chrétiens n’avaient pas, au tout début, de
lieux de culte spécifiques. Ils accomplissaient donc leurs rites dans une pièce d’une maison privée, prêtée par l’un ou
l’autre des membres.
Environ deux générations après la mort de Jésus, entre 70 et 100, les traditions orales rapportant les actes et les
paroles de Jésus ont été mises par écrit, dans l’optique principale de lutter contre l'oubli. Cette première époque de
rédaction a donné lieu à quatre évangiles, écrits pour des communautés différentes (ce qui explique des différences
et même parfois des divergences entre les évangiles sur certains points). Simultanément ou successivement,
d’autres textes ont été mis par écrits (textes doctrinaux, écrits d’apologie, recueils de règles, …).
Deux événements vont accentuer la distinction entre christianisme et judaïsme : les deux révoltes juives contre le
pouvoir romain en Judée, en 66 puis en 135. À l’issue de la révolte de 135, la communauté chrétienne d'origine
judéenne a semble-t-il disparu de Jérusalem et a été remplacée par une communauté d'origine grecque qui se
démarquait des juifs afin d’être autorisée à demeurer dans la ville.
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Malgré la distinction progressive, les chrétiens ont eu conscience de se situer dans la filiation du judaïsme. Face aux
polémistes grecs et latins, ils revendiquaient Moïse comme source ancienne de sagesse. Ils acceptaient des écrits
juifs dans leur traduction grecque (la Septante) ; ils les incluaient dans leur propre canon en cours d’élaboration,
mais en changeaient le sens en les réinterprétant à la lumière des événements de la vie de Jésus. D’où la bipartition
de la Bible chrétienne entre « Ancien testament » (qui ne correspond pas vraiment au canon juif, la Bible hébraïque)
et « Nouveau testament ».
Mais s’il est juste d’affirmer que le christianisme se situe dans la filiation du judaïsme, on ne peut pourtant pas dire
que le judaïsme introduit le christianisme, ni que ce dernier accomplit le judaïsme.
Géographie des communautés chrétiennes
« Nous ne sommes que d'hier et nous avons déjà conquis la terre » dit le philosophe Tertullien au IIe siècle. Les
chrétiens, d'abord petite minorité de disciples de Jésus ainsi que les apôtres, se répandent dans l'Empire romain, en
s'appuyant sur les communautés juives préexistantes, mais aussi hors de l'Empire.
Dès la fin du 1er s, un christianisme de langue sémitique existait sur les frontières syriennes.
En Égypte, à la fin du IIe s, on constate l'existence d'une Église « orthodoxe » qui dispose d'un évêque à Alexandrie.
Au début du IIIe s, le roi d'Osroène se serait converti faisant de sa principauté le premier État officiellement chrétien
avant qu'elle ne devienne province romaine en 216.
Il faut signaler l'action missionnaire de Grégoire le Thaumaturge dans le Pont au milieu du IIIe.
Le christianisme de langue latine naît dans le courant du IIe s à Rome et surtout en Afrique du Nord où sont traduites
en latin les premières versions bibliques sur la Septante. Les premiers pas visibles de cette Église africaine datent de
180 lorsqu'une poignée d'hommes et de femmes comparaissent devant le proconsul de Carthage. A l'époque de
Cyprien, 87 évêques sont mentionnés dans les actes d'un concile carthaginois en 256.
L’église romaine croit et rayonne sur les autres Églises de la Péninsule italienne. Dans une lettre à Fabius d'Antioche
datant de 251, le pape Corneille fait état de 46 prêtres, 7 diacres, … à Rome où le nombre de chrétiens est estimé
entre 2 à 5% d'une ville qui comportait entre 500.000 et 1 million d'habitants, soit entre 10.000 et 50.000 chrétiens !
Le reste de l'Occident est peu touché par l’Évangile à l'exception de l'Espagne (Mérida, Tarragone, ...) et de la vallée
du Rhône en Gaule (Lyon, Vienne, Arles).
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Malgré de graves coups dans la décennie 250, mais à la faveur de longues périodes de paix religieuse, les assises
démographiques, au long du IIIe s, sont de mieux en mieux assurées : l'implantation sociologique se fait plus diverse
et la diffusion géographique plus étendue.
Au IVe siècle, on trouve des communautés de chrétiens dans la plupart des régions de l'Empire. Les rares exceptions
sont la Bretagne (l'Angleterre actuelle), l'ouest de la Gaule, les Alpes et la vallée du Douro (Espagne et Portugal
actuels) En règle générale, l'Orient grec est plus fortement christianisé que l'Occident latin.
A partir de la fin du IVe, la parole des Évangiles est propagée dans les campagnes de l'Empire surtout par des moines
de tradition érémitique, comme Martin de Tours en Gaule. D'autres ermites itinérants permettent au christianisme
de dépasser les frontières de l'Empire romain, comme Patrick (389–461) en Irlande, au Ve siècle.
Les persécutions
Dès la fin du Ier s, à partir du moment où les autorités impériales savent distinguer entre juifs et chrétiens, l’Église ne
bénéficie plus du régime de protection accordé au judaïsme : le christianisme est à la lettre hors la loi.
Au IIe s, des martyrs sont signalés sous Trajan (Pline instruisant des chrétiens en Bithynie, Ignace d'Antioche),
Hadrien, Antonin le Pieux, Marc-Aurèle (Polycarpe de Smyrne, Justin, les Lyonnais) et Commode (Scillitains).
Les causes des persécutions sont multiples : haine du peuple à l'égard de groupes à part et jugés mystérieux,
incompréhension des intellectuels qui méprisent une métaphysique incompréhensible qu'ils considéraient comme
superstitieuse ou athée, dédain du monde antique pour une religion qui apparaît comme un ramassis de « contes de
bonne femme », accusation de manque de loyalisme lié au refus du culte impérial et des sacrifices publics.
Localement, la méfiance de la population pouvait la conduire à lancer des pogroms contre les chrétiens, nécessitant
l’intervention de gouverneurs locaux pour rétablir l’ordre public (cf. la lettre de Pline à l’empereur Trajan lui
demandant des directives sur l’attitude à avoir vis-à-vis des chrétiens).
A partir de 235, l'Empire rentre dans une zone de turbulences et essuie des guerres malheureuses (contre les Perses
Sassanides). Ces guerres déterminent une triple crise économique, sociale et politique (instabilité du pouvoir,
usurpations) qui culmine dans les années 250 et aboutira à des persécutions générales sous Dèce (249-251), Valérien
(257-258) et Dioclétien. Ce ne sont plus des pogroms locaux mais des persécutions décrétées par l'empereur. Il
s'agissait de renforcer le loyalisme des populations et l'éliminer un corps perçu comme étranger et dangereux au
salut de l’État et de la société.
Dèce ordonna que tous les habitants de l'Empire sacrifient aux dieux : il voulait souder les populations autour des
cultes officiels. Le choc est terrible et les apostasies sont sans nombre, puis, une fois la persécution passée, surgit le
problème de la réconciliation des apostats, et des déchirements se font entre rigoristes et laxistes.
Valérien publie deux édits persécuteurs, en 257 il interdit les réunions et impose aux évêques, prêtres et diacres de
sacrifier sous peine d'exil ; en 258 il décrète la mort pour les clercs récalcitrants, les sénateurs et les chevaliers, l'exil
pour les femmes de haut rang et les fonctionnaires impériaux, le tout assorti de confiscations. Les mobiles de la
persécution étaient financiers : renflouer le Trésor en raflant les biens des chrétiens. La paix et les propriétés sont
rendues aux Églises, après la défaite et la captivité de Valérien en Perse, par son fils Gallien.
Entre 260 (édit de Gallien) et 303 (persécution de Dioclétien) s'étend la première longue période de paix dont jouisse
le christianisme dans l'Empire. Période propice à une expansion en tous sens : les évêques deviennent des
personnages aux yeux même des autorités et le pouvoir reconnaît de facto l’Église en ses structures propres, le
christianisme se transforme en phénomène de masse en plusieurs contrées de l'Empire.
Dioclétien, restaurateur de l’État et des traditions, ne pouvait que se heurter un jour au christianisme. Près de vingt
ans après son accession au pouvoir, quatre édits se succèdent : destruction des lieux de culte, saisie des biens,
déchéances diverses des personnes, incarcération des clercs, ordre de sacrifier.
Les édits impériaux étaient toutefois plus ou moins appliqués au niveau local. Il est ainsi difficile de parler de
persécutions généralisées et de quantifier le nombre de morts chrétiens, qui variait d’une région à une autre et était
probablement moins important que le nombre retenu par la mémoire collective. Les persécutions ont pris fin en
Orient en 311 avec Galère et en Occident en 313 avec Constantin.
Aspects doctrinaux
Les écrits de disciples ou auteurs proches des apôtres (les Pères apostoliques) constituent les tout premiers
témoignages des communautés chrétiennes. Leurs œuvres, qui s'étendent de 90 à 160, ont plus pour objet
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l'enseignement dans l'Église et la lutte contre les hérésies. Ils constituent le troisième ensemble de textes fondateurs
du christianisme après l'Ancien Testament et le Nouveau Testament. On citera Clément de Rome (4ème évêque de
Rome), Ignace d'Antioche, Polycarpe de Smyrne, Papias d'Hiérapolis, Irénée de Lyon.
La période suivante voit se développer une nouvelle forme de littérature : celle des apologistes qui adressent leurs
œuvres à des gens extérieurs à la communauté chrétienne et défendaient la religion chrétienne contre le paganisme.
Leurs écrits s'adressent en principe aux autorités et plus largement à l'opinion païenne. Au premier rand des
apologies, on citera Justin de Naplouse, Tatien le Syrien, Athenagore d'Athènes, Théophile d'Antioche en langue
grecque et, plus tardivement (fin du IIe et IIIe), Tertullien, Minucius Felix, Arnobe et Lactance en langue latine.
Cette réflexion théologique s’est développée dès le début du IIe s, notamment en relation avec la nature de Jésus,
un homme né d’une femme et considéré comme fils de Dieu, qui a rapidement donné lieu à des polémiques entre
les chrétiens, parfois assez virulentes. Ainsi, certains chrétiens, comme Marcion (85-160), rejetaient une grande
partie des écrits, notamment parce qu’ils paraissaient trop proches du judaïsme selon eux. Ce tri a abouti, au cours
du IVe siècle, à la distinction entre trois types d’écrits : d’un côté, les écrits « canoniques » (textes écrits par des
hommes qui auraient été inspirés par l’Esprit divin) ; les écrits non inspirés mais honorables (écrits d’organisation des
communautés, ...) ; des écrits rejetés comme déviants, les « apocryphes ». La pensée de certains théologiens pèsera
lourdement sur l'avenir : Tertullien, Cyrien, Origène.
Aux IVe et Ve siècles, alors que le christianisme est progressivement devenu une religion autorisée puis une religion
officielle, des querelles se sont développées autour de la relation du Fils au Père et de la nature du Fils. Des conciles
se sont alors réunis, avec l’appui politique des empereurs qui pensaient que les querelles pouvaient mettre en
danger l’unité de l’empire, pour élaborer un contenu de croyances, un credo (« je crois » en latin) et des dogmes qui
ont constitué la base doctrinale reconnue par les grandes familles chrétiennes jusqu’à aujourd’hui. Les conciles de
Nicée (325) et de Constantinople (381) ont ainsi débouché sur deux affirmations majeures : le Fils est de même
nature que le Père et donc vrai Dieu et celle de la Trinité (Père - Fils - Saint Esprit) et au Ve siècle, les conciles
d’Éphèse (431) et de Chalcédoine (451) ont affirmé que le Fils est à la fois fils de Dieu et fils de Marie, elle-même
qualifiée de "Mère de Dieu".
Organisation des communautés
Les chrétiens, bien qu’ils n’aient pas reçu le droit d’association, à l’inverse d’autres groupes religieux comme les juifs
non chrétiens, se sont peu à peu organisés en communautés, avec leurs rites, leurs croyances et leur propre
structure de fonctionnement. À partir du IIe siècle, elles sont chapeautées par un unique évêque, considéré alors
comme le successeur des apôtres. Au IIIe siècle, la hiérarchie tripartite s’est ensuite affirmée : évêque, diacre et
prêtre, avec une première distinction faite alors entre clercs et laïcs. Ces communautés pratiquaient l’entraide, déjà
évoquée dans les lettres de Paul, mais ce n’est qu’à partir de la fin du IIe siècle que s’est mise en place l’organisation
communautaire d'une assistance aux pauvres et aux veuves.
Avec Constantin qui a autorisé le culte chrétien, les chrétiens ont désormais leurs lieux de culte spécifiques. Pour
cette nouvelle architecture, ils recourent non à la forme du temple mais à celle d’un bâtiment civil, la basilique
romaine ; les raisons en sont à la fois religieuses (pour l’église chrétienne un lieu de célébration du culte ouvert aux
fidèles et pour le temple païen un lieu où se trouve la statue de culte et où seul pénètre le prêtre) et pratiques (la
forme rectangulaire de la basilique permettait d’accueillir un grand nombre de fidèles).
L’Eglise dans l’empire chrétien (IVe-Ve)
Après la persécution de Dioclétien, le christianisme devient religion autorisée. Avec la conversion du prince
(Constantin), il passe au rang de religion protégée et même, peu à peu, de seule religion officielle. Sous Théodose et
ses fils, c’est le christianisme catholique qui devient religion officielle, à l’exclusion des mouvements hérétiques.
Pourquoi Constantin s’est-il converti au christianisme ? Depuis la grande crise du IIIe s, les empereurs avaient
cherché à consolider le pouvoir impérial en l'appuyant plus fortement sur un support religieux. Aurélien, en 274,
avait promu à cet effet le Dieu suprême Sol Invictus, la grande divinité solaire, dont il se disait l'élu et le vicaire.
Dioclétien, en fondant la Tétrarchie, avait été plus loin à partir de 287, en prenant le surnom de Jovien, et en
donnant à son collègue Maximien celui d'Herculien : les empereurs étaient officiellement les fils de Jupiter et
d'Hercule, qui agissaient à travers eux. Tous les actes impériaux étaient des actes voulus par la divinité. Dans les deux
cas, il s'agissait à l'avance d'enlever toute légitimité aux usurpateurs éventuels. Seul l'empereur était élu des dieux,
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et seul le successeur qu'il désignait était légitime, parce que lui-même choisi, à travers l'empereur, par la divinité. Or
Constantin, lorsqu'il réalisa entre 306 et 312 son ascension politique, en éliminant peu à peu tous les empereurs
concurrents en Occident, était lui-même un usurpateur. Le problème pour lui en 312, lorsqu'il décida d'attaquer
Maxence, maître de l'Italie, c'est qu'il trouva alors, sur le terrain de la légitimité divine païenne, quelqu'un d'encore
plus fort que lui. Maxence lui aussi était un usurpateur depuis 306. Et comme Constantin il avait dû chercher des
soutiens divins nouveaux. Mais il avait un avantage unique : maître de Rome, il contrôlait tous les grands temples
des dieux protecteurs des empereurs et de l’Etat : Jupiter, Hercule, Vénus, et aussi Apollon et Sol Invictus. Face à
cela, Constantin devait rehausser sa prétention au pouvoir suprême par une divinité qui cumulerait deux qualités :
être supérieure à tous les dieux de la Rome païenne et être une divinité universelle, de tout l'empire, qui
transcenderait les frontières. Le dieu des chrétiens, que tout le monde désormais connaissait, pouvait lui donner
cette légitimité politique nouvelle et complètement à part, au-dessus de toutes les autres. Il prit ainsi ses adversaires
totalement de court avec ce ralliement. Parti de ce choix politique et idéologique, Constantin a ensuite appris
progressivement à mieux connaître le dogme, consolidant ainsi peu à peu son adhésion initiale.
De Constantin à Théodose, le paganisme est progressivement mis hors la loi, ses cultes et ses sacerdoces séparés de
l’Etat avec en 331 la confiscation des biens des temples, en 341 l’interdiction des pratiques « superstitieuses », en
356-357 l’interdiction des sacrifices et la fermeture des temples, en 379 le renoncement au titre de « grand pontife »
par Gratien, en 382 le retrait de l’autel de la victoire de la Curie, en 386-387 la destruction des temples en Orient, en
391 le sac du Sarapéum d’Alexandrie, en 392 la condamnation totale du paganisme dans tout l’Empire et sous toutes
ses formes même privées, en 408 interdiction des offices palatins aux non-catholiques en Occident et en 416
l’interdiction aux païens des fonctions civiles et militaires.
L’Empire chrétien, comme tout Etat antique, ignore la séparation du civil et du religieux ; son intolérance est donc
réelle, intolérance à l’égard des païens et intolérance envers les dissidents chrétiens (hérétiques et schismatiques).
L’Empereur considère le clergé comme un corps de fonctionnaires, pour lequel il légifère (avec l’accord des
évêques). Le droit canonique en formation s’enrichit des décrets ecclésiastiques et des décisions impériales. Trait
curieux mais révélateur : c’est l’empereur qui convoque des conciles œcuméniques. Deux théories des relations
entre l’Eglise et l’Etat s’opposent alors : celle d’Eusèbe de Césarée en Orient, théoricien de la monarchie sacrale de
l’empereur et celle d’Ambroise qui prône la distinction et la prééminence du pouvoir épiscopal sur le pouvoir
impérial.
Au cours du Ve siècle, l’Empire disparait : l’Etat est désorganisé, l’anarchie s’installe dans l’institution scolaire, les
Eglises frontalières (Rhénanie, Haut Danube, Pannonie), d’où les populations romaines ont reflué, sont ruinées.
Progressivement, de grands royaumes barbares se créent, ce qui n’alla pas sans frictions religieuses ; beaucoup des
nations germaniques avaient adopté le christianisme, mais sous une forme arienne l’homéisme, ce qui ne leur
concilie pas les populations romaines catholiques et leurs évêques : c’est le cas de l’Afrique vandale où sévit une
longue et lourde persécution de la part des maîtres ariens ; la question se pose aussi dans l’Espagne des Wisigoths.
Le coup de génie de Clovis, en Gaule, fut de se laisser baptiser dans la catholica. Une fois les destructions des
invasions passées, les choses reprennent un cours presque normal : en Italie, la monarchie de Théodoric,
quoiqu’arienne, gouverne le pays avec la collaboration des élites romaines ; l’administration impériale conserve ses
cadres, au service du roi ; la culture se maintient avec le philosophe Boèce et l’écrivain Cassiodore. Avec Justinien, de
nouvelles modifications interviennent : les impériaux reprennent l’Afrique, puis l’Italie, et même un temps la Bétique
(Andalousie). L’Italie sort ravagée des guerres gothiques et, moins de vingt ans plus tard, s’abat sur elle l’invasion
lombarde, qui rejette les Byzantins vers les côtes. Le pontificat de Grégoire de Grand (590-604), véritable point de
passage entre l’Antiquité et le Moyen Age, offre un bon observatoire de ces malheurs. En Gaule, après les fils de
Clovis, la monarchie se déchire. En Espagne, à la fin du siècle, les rois wisigoths se font catholiques.
Le haut Moyen Age occidental voit la naissance et l’expansion de nouvelles formes de monachisme : le monachisme
irlandais et le monachisme bénédictin. L’Irlande, convertie au Ve par Saint Patrice, devient aux Vie et VIIe un foyer
de monachisme savant et rigoureux, un foyer missionnaire aussi. En Italie centrale Benoît de Nursie (480-547) fixe
une règle monastique qui fera fortune à l’époque carolingienne. Les moines sont les véritables acteurs religieux de
l’époque. En Gaule, lorsque se tarit la grande tradition des évêques issus de l’aristocratie sénatoriale, cultivés et
défenseurs de leurs peuples (Sidoine Apollinaire à Clermont, Rémi de Reims, Grégoire de Tours), ils prennent le
relais. Des Eglises nationales se constituent en Gaule dès le début du Vie et, vers sa fin, en Espagne. En même temps
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l’Occident barbarisé s’éloigne de plus en plus de l’Orient grec. La papauté, asservie au pouvoir impérial et ballottée
dans les querelles théologiques de l’Orient, se tourne aux VIIIe s. vers les Carolingiens, pour se protéger des
Lombards. Les deux parties du défunt Empire romain, devenues les deux hémisphères de la chrétienté, toujours plus
étrangère dans leur culture et leur mentalité, apprennent à s’ignorer : prélude aux schismes futurs.
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