Étude du processus de marchandisation et de privatisation de l`eau

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INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE TOULOUSE
Étude du processus de marchandisation et de privatisation de
l’eau au Chili, sous une approche Polanyienne.
Mémoire préparé sous la direction de C. Baron
Présenté par Chloé Nicolas-Artero
30/08/2013
Année Universitaire 2012-2013
A mi abuela Mamy-Conchita y
A mi tío Agustín, que en paz descanse.
2
Remerciements
J’adresse tout d’abord mes remerciements à ma directrice de
mémoire, C. Baron, à la fois présente et disponible, elle a
encouragé mes initiatives pour effectuer le terrain à Santiago du
Chili. Je remercie également Andrei Jouravlev, pour m’avoir
facilité l’accès à ses nombreux contacts afin de réaliser les
entretiens. Enfin un grand merci à Sergio Fuenzalida, Loic
Saqué, et Sarah Dami, pour leurs conseils et leurs soutiens.
3
Sommaire
Introduction : ........................................................................................................................................6
I - L’application du référentiel néolibéral au chili conduit au processus de marchandisation et
de privatisation de l'eau. .......................................................................................................................9
A – Le processus de néo-libéralisation ancré dans des théories économiques spécifiques. ............. 9
A.1. Un premier processus de désencastrement de l’économie (1860 -1925) .............................9
A.2 La remise en cause du libéralisme : le processus de réencastrement (1925-1973) ..............16
A.3 La fondation d’un nouveau type de libéralisme : le néo-libéralisme. ..................................20
A. 4 Le nouveau désencastrement chilien : des théories économiques spécifiques qui
traduisent la prégnance du néolibéralisme au Chili aujourd'hui. ................................................26
B. L'impact sur la représentation dominante des « biens et services environnementaux » tels
que l'eau : un processus de marchandisation et de privatisation de la ressource différé. ............... 29
B.1 Une marchandisation des ressources amorcée dès la période coloniale ...............................29
B.2 La privatisation partielle du service de distribution engagée pendant la transition
démocratique. ..............................................................................................................................36
II-La remise en cause du « marché autorégulateur » dans le cas de l'eau au Chili. ...........................42
A. Les apports de l’anthropologie économique substantive. .......................................................... 42
A .1 L’eau est une marchandise fictive........................................................................................42
A.2 L’économie demeure encastrée dans les relations sociales, politiques et
environnementales. ......................................................................................................................50
B Les résistances au processus de marchandisation et de privatisation de l'eau, analyse du
« contre-mouvement » civil chilien. ............................................................................................... 60
B.1 La capacité de la « société civile» à démocratiser l'économie. ............................................61
B.2 L'impact du nouvel engagement associationiste dans le secteur de l'eau. ............................69
Conclusion : .................................................................................................................................... 78
Liste des abréviations : ................................................................................................................... 80
Bibliographie ......................................................................................................................................81
Liste des annexes : .......................................................................................................................... 91
Annexe 1: Cartographie. ................................................................................................................. 92
Annexe 2 : Rappel historique sur l’histoire du Chili. ................................................................... 102
Annexe 3 : L’importance de la cosmovision Andine. ................................................................... 107
Annexe 4 : Système de distribution et de répartition de l’eau des peuples de cultures
indigènes. ...................................................................................................................................... 107
Annexe 5 : Les institutions compétentes pour la gestion des ressources hydriques et pour le
contrôle du service de distribution de l’eau. ................................................................................. 108
Annexe 6 : Le cadre normatif applicable au secteur sanitaire urbain et rural................................112
Annexe 7 : Le projet de loi de 1998 et les modifications apportées depuis 2010 .........................113
Annexe 8 : La disponibilité totale des ressources face à la pression croissante de la demande
4
par secteur. .....................................................................................................................................115
Annexe 9 : La privatisation du service de distribution de l’eau et l’augmentation
consubstantielle des tarifs. .............................................................................................................118
Annexe 10 : Définition du milieu rural et taux de couverture d’eau potable et assainissement
en milieu rural et urbain. ............................................................................................................... 120
Annexe 11 : Liste des entretiens réalisés et des visites de terrain................................................. 123
Annexe 12 : Grilles d’entretiens et d’observation. ....................................................................... 125
Annexe 13 : Synthèse des résultats du terrain .............................................................................. 128
Annexe 14: Les limites de l’analyse coût-avantage pour l’évaluation des investissements des
projets d’eau potable rurale. .......................................................................................................... 131
Annexe 15 : Photographies de terrain. .......................................................................................... 132
5
Introduction :
Depuis le Carnaval pour l’eau qui s’est tenu le 22 avril 2013 à Santiago du Chili, la question
de l’eau est un point sensible dans les débats politiques, relayée par les médias nationaux. Les
conflits de l’eau se sont multipliés ces dernières années (Larrain 2001). Les manifestants
s’opposent à la « privatisation de l’eau » et demandent le retrait du Code de l’eau de 1985.
Ces conflits s’enracinent dans un débat plus large, perceptible dans la sphère internationale
depuis la montée des préoccupations environnementales. Ils opposent les défenseurs d’une
valorisation marchande de l’eau aux mouvements altermondialistes dénonçant la tendance à la
marchandisation de l’eau et à la privatisation du service de distribution de l’eau. La
marchandisation de l’eau peut être définie comme le processus de construction sociale par
lequel les ressources hydriques deviennent dans les représentations cognitives des individus,
assimilables à un capital naturel auquel on assigne un prix de marché. Lorsque l’on parle de la
privatisation du service de l’eau il s’agit du transfert de la gestion d’un service
traditionnellement public à une entreprise de type capitaliste privée.
L’objet de notre étude est l’analyse des processus de marchandisation et de privatisation de
l’eau au Chili, puis, des débats, remises en question, et conflits qu’ils suscitent au sein de la
population civile. Il existe dans ce pays, depuis la période de la dictature militaire (19731990), laboratoire de l’idéologie néolibérale naissante, un cas de figure intéressant : le marché
de l’eau. Aujourd’hui, il fait l’objet de fortes critiques, à l’instar du modèle néolibéral qui l’a
vu naitre. Michel Foucault (2004) définit le néolibéralisme comme un nouvel art de gouverner
des sujets considérés comme des calculateurs intéressés. C. Laval (2007) précise que le
néolibéralisme n’est pas une simple réactivation du vieux libéralisme, cherchant une
diminution ou un retrait de l’Etat. Le projet politique néolibéral est conduit par une logique
normative qui concerne tous les champs de l’action publique et tous les domaines de la vie
sociale et individuelle. Il est fondé sur l’anthropologie totale de l’homme économique et vise
à produire un « homme nouveau » qui serait apte à se laisser gouverner par son propre intérêt.
L’objet du pouvoir se réalise donc dans des dispositifs que le gouvernement crée, entretient et
stimule.
L’approche historique de l’économie qu’autorise l’anthropologie économique permet de
dépasser les traditionnels débats économicistes centrés sur l’efficience du marché ou de l’Etat.
6
Elle permet de déconstruire la vision fataliste qui donne à choisir entre le Léviathan de T.
Hobbes ou la théorie politique de J. Locke (Dardot 2010). A cet égard, l’approche
substantiviste développée par K. Polanyi, est particulièrement pertinente. Dans La grande
transformation (1944), il explique que l’économisme inhérent de la « société de marché »
apparu en Angleterre au XIXème siècle, repose sur la confusion entre une économie formelle
et une économie substantive. L’approche substantive de l’économie s’oppose à la définition
dominante défendue par les théories économiques orthodoxes, dite formelle « où la science
économique est appréhendée comme la science qui étudie les choix humains face à des
ressources limitées sollicitées par des fins multiples et des besoins insatiables » 1. Pour K.
Polanyi « Le sens substantif [du terme économique] tire son origine de la dépendance de
l’homme par rapport à la nature et à ses semblables pour assurer sa survie. Il renvoie à
l’échange entre l’homme et son environnement naturel et social. Cet échange fournit à
l’homme des moyens de satisfaire ses besoins matériels 2». L’économie substantive permet la
production et la circulation des moyens matériels pour satisfaire les besoins de tous, par la
reconnaissance des trois principes d’intégration économique institués : la réciprocité – repose
sur le modèle institutionnel de la symétrie – l’échange – repose sur le marché autorégulé – la
redistribution – encouragée par le modèle institutionnel de la centralité. La reconnaissance de
l`hybridation de ces trois principes économiques dans un même espace-temps revient à
reconnaitre que l’économie est encastrée dans les relations sociales, la culture et la politique.
L’encastrement est selon lui l'inscription de l’économie-substantive dans des règles sociales,
culturelles et politiques qui régissent certaines formes de production et de circulation des biens
et services. La construction politique d’une économie de marché donne place à un
désencastrement autrement dit à l’autonomisation de l’économie des affaires sociales. Il se
différencie de la définition de M. Granovetter et de la nouvelle sociologie économique, qui
suggèrent que les activités économiques sont encastrées -embedded - au sein de réseaux de
relations personnelles et par conséquent, que les institutions économiques émanent d'une
construction sociale et forment des réseaux personnels figés (Laville 2004).
Reprendre l’approche de K.Polanyi pour l’analyse des sociétés contemporaines permet de se
1 Citation : Degavre F., 2008 p.5 La définition de Robbins est la plus répandue. Il considère l’économie comme « la relation entre des fins et
.
des moyens rares ayant des usages alternatifs » (Robbins 1932, p. 15 cité par Degavre F., 2008 p.5).
2 Citation : 2 Polanyi, Arensberg et Pearson 1957, in Polanyi, 2002, p. 57 cité par Degrave F, 2008 p.5
7
focaliser sur l’importance de l’idéologie dans l’élaboration des politiques publiques, et sur les
mouvements de contestation qui s’élèvent contre l’économie de marché, pouvant donner
naissance à ce qu’il a appelé le contre-mouvement. En cela, il dépasse la vision Marxienne et
Weberrienne puisqu’il pense qu’un mouvement de la population civile organisée, dépassant
les seules classes sociales, peut constituer un frein à la marchandisation et à la rationalisation
du monde social. Aujourd’hui l’approche de l’économie sociale et solidaire cherche à déceler
dans les mouvements associationnistes l’existence d’organisations économique et sociale
hybrides, remettant en question politiquement l’économie de marché (Caillé 2007).
L’ensemble des travaux sur la question de la gestion et l’appropriation des ressources au Chili,
finissent pas prendre position pour ou contre la marchandisation sans remettre
fondamentalement en question sa constitution en un bien économique. L’approche
polanyienne permet de dépasser ces tensions. Nous nous demanderons :
Dans quelle mesure le processus de marchandisation des ressources d’eau douce et de son
approvisionnement est-il freiné par un contre-mouvement ?
Je poserai comme hypothèse que face à la construction politique de l’eau en sa forme
marchande, un mouvement contestataire, constitué surtout par les organisations d’eau potable
rurale, remet en cause les principes de marchandisation de l’eau douce en démontrant la
survivance d’une économie substantive attachée aux modes de gestion de l’eau.
Pour répondre à cette problématique j’ai utilisé plusieurs méthodes d’investigation. D’une
part, elles ont consisté en un travail de recherche historique à partir de documents
bibliographiques. D’autre part, en un travail de terrain par la réalisation d’entretiens à des
acteurs clés dans le secteur de l’eau, l’assistance à des réunions d’institutions publiques, et la
visite de terrains à plusieurs organisations d’eau
potable rurale. Ces dernières ont été
suffisamment nombreuses pour émettre des conclusions, mais par manque de moyens et de
temps, ne rendent pas compte de la diversité des organisations dans l’immensité du territoire
chilien.
Ainsi, nous aborderons dans un premier temps, comment l’application du référentiel néolibéral
conduit au processus de marchandisation et de privatisation de l’eau, puis dans un second
temps les remises en cause de l’existence d’un marché autorégulateur pour la gestion de l’eau.
8
I - L’application du référentiel néolibéral au chili conduit au processus de
marchandisation et de privatisation de l'eau.
La construction de la société néolibérale suit un processus historique spécifique lié aux
particularités sociales et culturelles du Chili. La restructuration des rapports entre la société et
la nature, accroit les pressions anthropiques sur la biodiversité, en conséquence de quoi les
politiques confient au marché la régulation des biens et services de la nature.
A – Le processus de néo-libéralisation ancré dans des théories économiques
spécifiques.
Pour comprendre l’existence actuelle de l’économie de marché, il est nécessaire de dépasser
l’approche polanyienne en déterminant l’existence de deux processus de désencastrement
successif. L’un est porté par le libéralisme économique classique dès la fin du XIXème siècle,
l’autre par sa restructuration après la Grande Transformation de 1970, qui prend la forme d’un
libéralisme nouveau, le néo-libéralisme.
A.1. Un premier processus de désencastrement de l’économie (1860 -1925)
A.1.a. La période pré-indépendance : la prédominance d’une économie encastrée dans les
relations sociales. (9.000 avant J.C – 1810)
Avant l’indépendance politique du Chili, les rapports économiques des populations qui
habitaient le territoire chilien3 étaient fortement encastrés dans les relations sociales, et
l’environnement naturel. Les formes de productions et d’échanges prédominantes au sein des
sociétés précolombiennes et coloniales étaient imbriquées dans les relations sociales,
politiques et culturelles qui faisaient la spécificité de leur organisation sociale. L’analyse des
formes d’organisations économiques des peuples de cultures indigènes et de la société
coloniale révèle l’hybridation des trois principes d’intégration économique déterminés par K.
Polanyi : l’échange marchand, la réciprocité et la redistribution et l’inexistence du marché.
Nous entendons par marché, l’acceptation polanyienne du marché autorégulé, dans laquelle
l’offre et la demande se rencontrent pour fixer un prix optimal, sans être influencé par des
rapports politiques ou sociaux. K. Polanyi distingue du marché autorégulé, les lieux de marché
3 Nous entendons par territoire chilien celui correspondant aux frontières politiques actuelles. (voir annexe 1)
9
et la pratique du commerce. Sur les lieux de marché se déroulent des échanges mais non
nécessairement sous la forme des mécanismes marchands. La pratique du commerce ne prend
pas nécessairement le modèle de marchandage (Caillé, 2007).
Les rapports économiques des peuples de cultures Incas et Mapuche. 4
Sous l'empire Inca, la forme d'intégration prépondérante était la redistribution étatique
puisque les biens sont appropriés vers un centre, l'Etat Inca, puis redistribués vers l'extérieur. Il
existait deux types d’économies, celle qui permettait la production de biens de subsistances et
l’économie étatique. La première se déployait à l’échelle de l’ayllu, unité sociale et territoriale
de base, et permettait la production de biens pour l’ensemble des habitants de la communauté.
Elle est assimilable à la forme d’administration domestique. L'économie étatique se composait
de la ''mil'ta''5, et du contrôle du commerce au loin de biens précieux. Elle repose sur le
principe de redistribution et les liens de réciprocité entre l’Etat et le peuple. Les prix étaient
fixés par l’Etat, en fonction de la coutume ou de la nature des biens échangés et non pas des
mécanismes marchands (Itier 2008).
Dans la société Mapuche le modèle d'administration domestique dans la ruka était le mode de
production de subsistance dominant, les surplus de production étaient échangés en temps de
paix lors de rassemblements rituels appelés lakutun qui permettaient la réactualisation des
liens entre membres d’un même kuga 6(Zavala, 2000 : p.53-60). Le lakutun peut être assimilé
à un potlach, propre aux sociétés dites archaïques, dans laquelle la valeur des choses
échangées n'est pas réductible à leurs valeurs monétaires. Ici la logique du don est au
fondement du prestige et du maintien du lien social entre membres d’un même kuga. Il ne
s'agit pas dans cet échange, comme l'avait pressenti M. Mauss (Dupuy 2001), d'avoir pour
avoir mais d'avoir pour être ce qui souligne le caractère non-utilitariste de la société Mapuche.
4 Par soucis de justesse historique, je n'étudierai l'organisation économique des sociétés indigènes précoloniales qu'à partir de l’invasion Inca.
Les données historiques avant cette période sont peu précises puisque les sources sont, mis à part les récits des premiers explorateurs,
postérieures à la colonisation espagnole(Karsten,1993 ; Itier, 2008 ; Blancpain, 1996). Ne pouvant tous les traiter de manière précise, j'ai fait
le choix d'étudier les peuples dont le poids démographique était le plus important au moment de la colonisation espagnole. L'ensemble des
groupes formant les Mapuches représentaient près des 2/3 des 800 000 indigènes peuplant le Chili en 1535. Les populations du nord, porteur
de la civilisation incaïque représentaient quant à eux entre 35 000 à 40 000 indigènes.
5 Forme d’organisation socio-économique consistant en la mobilisation de sujets forcés à réaliser une corvée pour la société (pour la
construction de canaux d’irrigation ou d’édifices par exemple).
6 Le kuga est une forme d’organisation clanique défini comme un groupe d’unifiliation dont les membres peuvent établir des liens
généalogiques réels qui les relient à un ancêtre commun. (Zalaya, 200 p.57)
10
Les échanges de biens de subsistances avaient une place importante entre les différents
groupes composant la société mapuche ou avec d’autres peuples 7, mais la valeur d'usage
prévalait sur la valeur d'échange et ces relations interethniques permettaient surtout de
renforcer l’identité de chacun des groupes (Zavala, 2000 : 20).
Les rapports économiques sous le Royaume du Chili.8
L'administration politique coloniale était une administration forte, composée d'une multitude
d'institutions hiérarchisées et spécialisées, vouées à contrôler et gérer l'ensemble de la vie
économique, politique et sociale des colonies. Les relations sociales de domination entre les
colons et les peuples indigènes déterminaient l’ensemble de la vie politique et économique de
la colonie. La répartition des activités économiques et des postes politiques était liée au statut
social des individus déterminée par les origines familiales et les liens de filiation des
personnes. Les fonctions politiques et économiques étaient fortement imbriquées puisque le
processus de colonisation avait pour objectif l'enrichissement de la couronne espagnole et des
groupes sociaux dominants. Le roi déterminait le droit de propriété sur les moyens de
production, autrement dit sur l’accès au foncier, aux esclaves, et aux ressources naturelles. Si
la conquête était une initiative individuelle, privée et libre, les fruits de celle-ci restaient
contrôlés et canalisés par l’Hacienda Publica, institution chargée d’appliquer un système fiscal
complexe destiné à financer l’administration coloniale, la défense militaire, et les prétentions
sociales et économiques des groupes dominants, tout en dégageant un excédent pour la
métropole. Le royaume d’Espagne régulait le marché puisqu’elle détenait le monopole du
commerce avec ses colonies et fixait le prix des produits d’exportation. A partir du XVII siècle
sont apparus deux types de commerces triangulaires régionaux sans donner lieu à l’existence
de vastes marchés régionaux de vente de produits similaires, en concurrence par les prix.
(Collier 1998, Sarget 1996). L'immensité du territoire et le manque de moyens de
communications permettant une diffusion rapide de l’information empêchent les négociations
des prix sur un marché autorégulé. L’objectif des échanges était l’acquisition de produits
7 Le peuple Mapuche établissait des échanges avec les peuples de culture indigène habitant de l’autre cote de la cordillère des Andes, et avec
les colons espagnols.
8 Il est difficile d'utiliser le concept d'espace national à l'époque coloniale puisque les phénomènes économiques n'ont pas de frontières à cette
époque. L'espace colonial hispano-américain n'était pas uniforme et homogène. Le nord du Chili, qui avait été occupé par les Incas faisait
partie du virreinato de Peru. On y comprenait de fait, les audiencias de Quito, Lima, Charcas la vice-royauté du Chili (Murúa [1590] 1962: II,
144).
11
complémentaires pour lesquels la valeur des biens était fixée par leur valeur d'usage et non par
leur valeur d'échange (Assadourian 1982). Au XVIIIème siècle, la dynastie des Bourbons
applique des réformes économiques et politiques s’inspirant des Lumières, notamment les
théories mercantiles inspirées de Colbertisme et non des théories d’économie politique
classique, ce qui corrobore le principe de centralisme économique en œuvre durant toute
l’époque coloniale. Toutefois, même si ce marché n’était pas autorégulé il était tout autant
destructeur. (Corragio 2012)
Contrairement à ce qu’ont pu croire les premiers colons, idées relayées par les courants
d’anthropologie formaliste et d’économie classique, l’organisation économique des peuples de
cultures indigènes ne se résumait pas à des stratégies de subsistance et les rapports d’échanges
n’étaient pas mus par l’appât du gain. Il est préférable de parler de société d’autosuffisance ou
société d’abondance à l’instar de F. Dupuy (2001) et S. Sahlins9. Il contrebalance l’idée selon
laquelle le troc était l’unique forme d’échange antérieure à l’existence de la monnaie et que
l'avènement du capitalisme marchand date du XVIème siècle avec l'émergence d'une première
mondialisation caractérisée par la multiplication des échanges. Ainsi, jusqu’à l’indépendance,
les formes d’organisation économique déployées sur l’ensemble du territoire étaient encastrées
dans l’organisation politique et sociale des sociétés chiliennes.
A.1.b L’édification de l’Etat Nation sous-tendu par le libéralisme politique et économique.
(1810-1925)
Le principal apport de La Grande Transformation (1944) est de montrer que l’économie est un
processus institutionnalisé. Le marché n’émane pas de façon spontané comme le prétendent
les économistes orthodoxes, il est institué par le « principe organisateur du libéralisme »’ qui
façonne l’ensemble des politiques économiques du XIXème siècle, reposant sur la croyance en
la véridicité des théories économiques classiques. (Polanyi, 1944) Les idées provenant des
révolutions nord-américaine et française lors de la construction de l’Etat nation chilien sont un
premier vecteur de pénétration des idées philosophiques libérales. Ce n’est toutefois qu’en
1860 que la pensée d’économie politique classique anglaise au fondement du libéralisme
9 F. Dupuis rejette le terme de société d'autosubsistance qui selon lui réduit leur économie à la production de ''biens de subsistance'' et
masque l'existence des échanges inter- et intra-groupe. Il préfère parler de société d'autosuffisance ce qui sous-entend explique-t-il ''que l
principe à l'œuvre est de produire, en quantité et en diversité, le maximum de ce qui est nécessaire à la subsistance et plus généralement à la
vie''. (Dupuy, 2001:32)
12
économique pénètre totalement la pensée politique chilienne. En effet, le processus
d’indépendance n’a pas conduit à une révolution profonde des structures sociales et jusqu'à la
gouvernance du président Diego Portales, les politiques économiques restent marquées par
l’idéologie mercantile et les mesures économiques sont appliquées de manières pragmatiques,
loin des théories d´économie classique. La république Portalienne fonde une nouvelle structure
institutionnelle, dans laquelle l’Etat autoritaire fort et centralisateur intervient dans les affaires
économiques et sociales pour la modernisation du pays. Toutefois, l’expansion des
exportations du secteur cuprifère, et agricole et le développement du commerce permettent
l’enrichissement et la domination de l’élite économique libérale sur l’oligarchie terrienne
(Meller, 1996). Dans les années 40, un mouvement culturel qui s’inspire de la pensée anglosaxonne en matière économique et des courants de pensée française en matière culturelles,
philosophiques et artistiques bouleverse les représentations collectives dominantes de l’élite
chargée de fait10 de la politique du pays (Sunkel, 2011). Au même moment le gouvernement
au pouvoir fait appel à des intellectuels et économistes étrangers pour réaliser une étude
faisant l`état des lieux de la situation économique et politique du Chili. C’est dans ce contexte
que l‘économiste français Jean Gustave Courcelle-Seneuil s’installe au Chili en 1855 et
diffuse les idées d’économie politique classique par le biais de la création de la chaire
d’Economie Politique à l’Université du Chili, de la publication du Tratado teorico y practico
de economia politica et de la fondation de la Revista Economica11. A partir de la présidence de
Jose Joaquin Perez (1861-1871), la science économique se convertit en un outil de
gouvernance et les représentations attachées aux lois économiques performent la réalité
sociale par le biais de mesures économiques d’orientation libérale (Mac-Clur, 2011). Ce
renversement idéologique a lieu à la suite de la crise économique de 1857-1861. Après cette
date l’État développe une politique expansionniste qui lui permet de construire les conditions
matérielles nécessaires pour l’implantation d’une économie de marché : infrastructures
ferroviaires, des ponts et chaussées, infrastructures d’irrigations, des services publics de
communication, des institutions bancaires publiques et privées (Meller 1996). Ainsi, les
principes du libéralisme économique sont une construction politique, dont les soubassements
matériels créés par l’Etat sont indispensable à son émanation.
10 Le mode de suffrage était censitaire jusqu’en 1925.
11Toutefois, les études sur la pensée de Courcelle-Seneuil montrent que le mécanisme de transfert idéologique et de connaissance n'a pas été
systématique; il a été sujet d'appropriations et d'adaptations en fonction des idées et des intérêts prédominants dans le pays.
13
Dès la fin du XIXème siècle, les activités économiques marchandes reposant sur la propriété
privée des moyens de production de capitaux étrangers, provenant de Grande-Bretagne et des
Etats-Unis, prenne un espace grandissant dans l’économie chilienne, entrainant la décadence
de l’oligarchie libérale nationale. L’influence de l’oligarchie étrangère aura un poids important
dans la vie politique et économique du pays (Cariola 1982).
A.1.c Le premier processus de désencastrement de l’économie et la création d’une société
de marché.
L’apport de l’approche de K. Polanyi est de dater l’apparition du marché postérieurement à ce
que l’ensemble des chercheurs en science sociale ont pu faire (Caille 2007). Le marché
autorégulé est une construction sociale, qui apparait selon lui pendant la révolution industrielle
en Angleterre avec la naissance du système de fabrique. Pour assurer la rentabilité du nouveau
modèle de production, l’ensemble des moyens de production -
la terre, le travail et la
monnaie-, deviennent commercialisable sur un marché. Même si l’édifice critique polanyien
repose sur l’identification du caractère non marchand de ces moyens de production, pour que
le capitalisme fonctionne il est nécessaire de créer une fiction marchande et les rendre facile
d’accès. Cette fiction marchande, conduit au processus de désencastrement de l’économie
(Polanyi 1944). L’économie est restreinte au marché autorégulateur et les entreprises à la
forme de production capitaliste. Au Chili, il est possible de dater la naissance du système de
fabrique à partir de la seconde moitié du XIXème siècle, lorsque les entrepreneurs étrangers
industrialisent les modes de production en augmentant l’intensité capitalistique des entreprises
de productions agricoles, minières et industrielles. Sous le gouvernement de Balmaceda la
création des Société nationale des mines (1884), la Société de Fomento Fabril (1883) et le
Ministère de l’industrie et des travaux publiques (1887), consacre la naissance du nouveau
système industriel de production (Cariola 1982, Meller 1996).
La constitution et délimitation formelle de la terre, de la monnaie et du travail en
marchandises, sont facilitées par l’émergence d’un droit rationnel. Il consacre la possibilité de
leur appropriation privée et de leur marchandisation sur un marché.
La procédure de commercialisation des terres est lancée par un décret en 1823 qui met fin au
monopole de répartition des terres détenues par la royauté espagnole. En 1864, une loi
redéfinit les modalités de commercialisation et de passation des terres pour faciliter
14
l’investissement productif agricole et l’élevage notamment dans la « Valle Central » et dans
l’extrême sud du pays (MOP 2003). Elle officialise la commercialisation de la terre et sa
constitution en marchandise. Le processus de colonisation des terres indigènes s’étend
jusqu’au XXème siècle. Pour y avoir accès tout en reconnaissant leurs droits consuétudinaire,
les communautés sont confinées dans des espaces limités et constitués en pueblos (Gentes
2001).
La consécration de l’effort humain en une force de travail « libre » et aliénable est réalisée
pour la première fois par le Code civil de 1855. La conversion du travail en marchandise se
fait par la reconnaissance de l’existence légale des péons libres, sortes de travailleursvagabonds qui depuis la seconde moitié du XIX siècle, erraient dans les zones urbaines en
refusant d’intégrer les systèmes de travail à caractères féodaux. A cette époque les personnes
qui n’appartenaient pas à une classe aisée devaient travailler pour leur patron en devenant des
inquilinos12 d’une hacienda13 ou des manœuvres stables dans un campement minier. Les
‘’manœuvre libres’’ servaient de variable d’ajustement pour répondre aux besoins des
systèmes de productions traditionnelles, et des nouveaux systèmes de productions industrielles
lorsque le coût du travail était relativement moins cher que l’investissement en capital, ou
lorsque la force de travail importé était insuffisante (Salazar 1985, Sunkel 2011).
Enfin, en 1860, la première loi bancaire autorise les banques commerciales à émettre une
monnaie papier, disjointe de l’or et l’argent pour répondre aux besoins de liquidités de
l’économie chilienne (Cariola 1982). Cette loi qui consacre la marchandisation de la monnaie
a pour effet la naissance d’une multitude d’institutions bancaires et financières privées et
publiques et une explosion de l’offre monétaire par le biais de crédits bancaires. Ces derniers
permettent la réalisation d’investissements productifs.
Selon K. Polanyi, avec la naissance de cette fiction marchande, les activités économiques sont
perçues comme étant les composantes d'un vaste circuit interdépendant dans lequel la fixation
des prix libres sur de multiples marchés est la condition de viabilité du Marché, ce qui donne
naissance à une « économie de marché ». La croyance en cette fiction marchande préfigure
une nouvelle architecture sociale basée sur les théories utilitaristes de J. Bentham ou J.S Mill.
12 Inquilinos : métayer indigènes, métisses.
13 Hacienda : est un système d’exploitation agricole en Amérique Latine, par laquelle le propriétaire espagnol confie à un métayer, indigènes
de cultiver une terre en échange d’une partie de la récolte.
15
Les actions qui poussent les hommes à agir sont réduites à la faim et le gain, autrement dit à ce
que M. Weber a appelé la rationalité instrumentale en finalité. Dorénavant pour ne pas se
présenter comme un frein aux échanges économiques marchands, l'ensemble des rapports
sociaux et activités sociales doit s’accorder avec le modèle utilitariste et devenir les auxiliaires
de l’économie de marché, ce qui donne naissance à une société de marché (Polanyi 1944,
Postel 2010).
A.2 La remise en cause du libéralisme : le processus de réencastrement (1925-1973)
L’histoire du XIXème siècle se caractérise selon K. Polanyi par un double-mouvement. Pour
contrer l’autodestruction provoquée par la mise en place de la société de marché suivant le
« principe organisateur du libéralisme », un contre-mouvement spontané porté par les
populations et soutenu par l’intervention de l’Etat donne naissance à un « principe de
protection sociale » qui a pour but le réencastrement de l’économie. Au Chili, le choc de ces
deux principes a conduit à une tension institutionnelle permanente dès la fin du XIXème siècle
qui prend fin en 1973, lorsque le désencadrement atteint son paroxysme.
A.2.a La naissance d’un contre-mouvement associationniste.
A la fin du XIX siècle le système politique demeure impénétrable : une poignée de personnes
membre de l’oligarchie économique dirigent le pays depuis les salons, tournant le dos aux
inégalités et à la misère sociale croissante. Le développement industriel reposant sur
l’exploitation et exportation du salpêtre (1880-1920) a conduit à une prolétarisation et
urbanisation croissante. Les classes laborieuses vivent dans des conditions précaires et
insalubres souffrant de misère et de pauvreté. Les contradictions entre le capital et le travail
s’accroissent et donne place à des conflits politiques extrêmement violents réprimés par les
forces policières (Sarguet 1996, Collier 1998, Salazar 1985).
Dans ce contexte, les populations chiliennes s’organisent pour répondre aux besoins matériels
fondamentaux des populations pauvres. Le mouvement social naissant prend deux formes:
dans le nord il est mené par les travailleurs des usines de salpêtre et prend une orientation
communiste-syndicaliste dirigé par Luis Emilio Recabarren. Dans les villes de Santiago et
Valparaiso, l’hybridation entre les artisans, les vendeurs de rue et les ouvriers immigrés
conduit à la formation d’une tendance plus anarchiste libertaire. Pourtant les deux
16
mouvements sont des mouvements sociaux autonomes, sans projet politique fixe qui
combattent la misère sociale en créant des formes d’organisation économique et sociale
alternatives basées sur les principes de solidarité et d’aide mutuelle. Ces initiatives prennent la
forme de mutuelles, société de résistance ou coopératives. Depuis 1914, un mouvement
municipaliste, dit mancomunal, s’organise également en demandant la dépolitisation et
l’autonomie des municipalités. L’objectif de l’ensemble de ces mouvements est d’améliorer
les conditions de vies et le bien-être des travailleurs opprimés en créant des organisations
sociales de base autonome et autogéré (Salazar 2012). Il ne s’agit pas d’une quête
d’enrichissement personnel, mais de créer des formes alternatives d’ « habitation »14digne des
hommes dans le monde.
Au même moment, la situation sociale inquiète une partie de l’élite qui cherche à aider et
prendre en charge les populations plus défavorisées. L’église catholique développe des formes
organisées d’œuvre de charité à partir d’une nouvelle doctrine sociale. En cantonnant la charité
à la sphère privée, elle appelle à la responsabilité des personnes démunies,
renforce la
hiérarchisation sociale et nie l’espace public comme moyen de délibération et vecteur de
construction d’alternative. Cette pensée sera relayée par deux grands partis politiques, le Parti
social-chrétien et le Parti Démocrate-chrétien (Salazar 2012). Elle donne naissance à une
solidarité philanthropique qui récupère et annihile les formes de solidarité démocratique
spontanées provenant de la société civile (Laville 2001, 2012).
A.2.b L’émergence du « principe de protection sociale » soutenu par l’essor des idées
marxistes.
Pour freiner l’effet dévastateur provoqué par l’économie de marché, l’Etat mobilise, selon
K.Polanyi, le principe de redistribution et crée des institutions pour réguler et encadrer le
marché. Au Chili ce contre mouvement spontané apparait dès la fin de la Guerre du Pacifique,
lorsque les revenus nationaux découlant de l’exportation minière ont permis au président
Balmaceda de développer des politiques sociales protectrices (Meller, 1996). Toutefois la force
du contre-mouvement ne prend forme qu’à partir de 1925, à la suite de la grande crise, lorsque
le discours politique d’inspiration marxiste va gagner en influence et s’opposer frontalement
au libéralisme. Désormais, des partis politiques marxisant vont coopter la spontanéité des
14 Karl Polanyi, La grande transformation, p. 148
17
mouvements contestataires et s’octroyer le monopole de la représentation de la classe ouvrière
(Salazar 2012). Le but était de prendre le contrôle de l’Etat et de le rendre responsable de la
protection de la société en érigeant le « principe de protection sociale ». Cette tendance se
renforce progressivement sous l’influence de la révolution russe qui instaure un Etat
communiste puissant, avec la montée des classes moyennes représentées par le Parti Radical
qui renforcent la responsabilisation sociale de l’État, et avec l’ouverture de la participation
électorale et démocratique à tous les citoyens chiliens. A cela s’ajoute l’affaiblissement de
l’influence du Parti libéral qui a perdu ses soubassements idéologiques avec l’émergence de
la doctrine sociale de l’église (Salazar 2011, Meller 1996).
Ainsi, la nouvelle question sociale devient la bannière des nouveaux partis de gauche 15. Cette
effervescence politique et le renforcement des contradictions systémiques se traduisent par une
pénétration accrue des idées de gauche dans la vie politique. Elle se solde par la conquête du
pouvoir en de multiples occasions et le développement d’une législation sociale protectrice.
En 1920 Arturo Alessandri Palma instaure un gouvernement populaire et populiste, mais son
gouvernement jugé réformiste va conduire le dictateur Carlos Ibañez del Campo à organiser un
coup d’Etat pour modifier de façon drastique la structure institutionnelle de l’Etat par le biais
de la Constitution de 1925. Ces deux présidents inaugurent le contre-mouvement politique par
l’instauration d’une série de lois économiques et sociales qui visent à réguler le marché et ses
effets sur l’organisation sociale. Cette tendance va se développer tout au long du XXème
siècle, qu’elle prenne la forme de politique réformiste ou révolutionnaire lors de la victoire du
Front Populaire (1938 – 1952), du retour à la présidence de Carlos Ibanez del Campo et
d’Arturo Alessandri, puis lors des victoires de Juan Antonio Rios (1942 -1946) et de Gabriel
Gonzalez Videla (1946 – 1952) grâce à l’appui du Parti Communiste (Sarguet 1996, Collier
1998).
A.2.c Le début de la Grande Transformation Chilienne : la naissance d’un Etat social
consolide une société fondée sur le couple Etat-Marché.
Après la grande crise économique mondiale de 1929, la Constitution de 1925 établie par
Carlos Ibanez del Campo érige l’architecture institutionnelle qui fonde le nouvel Etat-Social
15 En 1912 Luis Emilio Recabarren fonde le Parti Ouvrier Socialiste, qui devient en 1922 le Parti Communiste d’orientation marxisteléniniste. Le Parti Socialiste est fondé en 1933, a partir de sensibilités provenant du socialisme humaniste.
18
chilien. Ainsi, comme le montre K.Polanyi, les principes économiques du libéralisme n’ont
pas pu avoir d’application empirique réelle en conformité au modèle théorique puisque la
force du contre-mouvement politique empêche la mise en place d’une économie de marché et
de la fiction marchande (Polanyi 1944). En 1931, l’Etat légifère le secteur du travail en créant
le Code du travail et en créant un système de protection sociale. Dans les années 30, il endosse
de nouvelles fonctions dans le processus productif et devient un Etat promoteur en
promouvant le crédit pour l’investissement privé et les subventions au secteur exportateur.
Dans les années 40, il devient un Etat entrepreneur en créant des entreprises publiques dans les
secteurs basiques comme le transport, l’énergie et les communications. En 1939, le
gouvernement créé la CORFO, agence destinée à élaborer un programme national de
développement. Enfin, dans les années 60, l’Etat devient programmateur, en impulsant la
stratégie d’Industrialisation par Substitution des Importations prônée à la CEPAL sous
influence de la théorie de la dépendance développée par R. Prebish. Ainsi, de 1925 jusqu’en
1973, l’ensemble des politiques économiques et sociales du pays sont guidées par le « principe
de protection sociale », qui vise à limiter les effets néfastes provoqués par la société de marché
et à amplifier son champ d’intervention dans la sphère économique (Sunkel 2011).
Dorénavant les mouvements sociaux se structurent autour de partis politiques et exigent à
l’Etat de leur garantir leurs droits fondamentaux. L’Etat et le marché deviennent les principaux
acteurs de la société, dans laquelle on octroie un rôle prépondérant à l’Etat (Meller 1996). Cela
entraine un processus d’institutionnalisation des mouvements sociaux par lequel l’Etat
annihile les expériences spontanées des populations et participe à une cooptation des
organisations économique et sociale alternative (Razeto, 1983). A la suite des victoires
électorales de 1932 et de 1938, les partis de centre et de centre gauche en mobilisant la
majorité électorale canalisent les mouvements populaires et les rend loyale au centralisme
politique. Les revendications et demandes sociales s’orientent désormais contre l’Etat central
en légitimant la prééminence des Institutions nationales au détriment des institutions locales
(Salazar 2012). Cette tendance s’accompagne d’un renforcement de l’associativité militante
partidiste et d’un affaiblissement de l’associativité mancomunal strictement citoyenne (Salazar
1998).
19
A.2.d La victoire de S. Allende, « la grande transformation » atteint son paroxysme. (19701973).
La victoire électorale de l'Union Populaire en 1970 marque, si l'on reprend la
terminologie polanyienne, l'apogée du processus de ré-encastrement avec le lancement de la
Révolution Socialiste à la Chilienne. Le leader socialiste Salvador Allende représente « La
Grande Transformation » qui suppose l'avènement d'une économie planifiée inspirée des idées
marxistes-léninistes, et l’échec de l’utopie libérale de l’économie de marché. Le système
économique et politique chilien alors en vigueur est perçu comme un système capitaliste,
économiquement dépendant et dominé par une élite oligarchique monopolistique. Le système
de propriété capitaliste, est à la source des injustices sociales et des inégalités. En conséquence
de quoi, le programme de l’Union populaire est anticapitaliste, anti-impérialiste et antimonopolistique. Pour accroître le contrôle étatique sur les affaires économiques le
gouvernement de S. Allende proclame la nationalisation des grandes industries minières. Il
décrète l’application totale de la Réforme Agraire par le biais de la Loi de réforme agraire de
1967 n° 16.640 qui n’avait été appliquée que de façon limitée. Et il crée l’aire de propriété
sociale comme instrument juridique pour atteindre la socialisation des moyens de production,
ainsi que la Direction National de l’Industrie et du Commerce comme institution permettant
une maîtrise nationale des prix. Il établit le contrôle total du secteur bancaire et l’étatisation de
la Banque Centrale. Les réformes structurelles mises en place attaquent le droit de propriété
puisque l’U.P considère que la simple existence du droit de propriété affecte l’assignation des
ressources et les distributions des biens. Ce droit doit être aboli puisqu’il est selon l’Union
Populaire à la source du système de domination capitaliste (Nolff 1993, Sunkel 2011)
A.3 La fondation d’un nouveau type de libéralisme : le néo-libéralisme.
Si La Grande Transformation prend place avec la victoire de l’Union Populaire et marque
l’apogée du réencastrement, depuis les années 70, une pensée nouvelle, le néo-libéralisme
influence
l’élaboration
des
politiques
économiques
donnant
lieu
à
un
nouveau
désencastrement (Dardot 2010).
La Grande Transformation n’a été selon C. Laval (2009) qu’une « parenthèse historique de
quelques décennies ».
20
A.3.a La démonstration de l’erreur polanyienne : récupération néolibérale des critiques
marxistes.
La reconstruction d’un libéralisme nouveau, baptisé néolibéralisme n’a pas été prévu par K.
Polanyi. C’est pourquoi il est nécessaire de reprendre l’analyse de ce que C. Laval et P. Dardot
(2009) ont appelé « l’erreur polanyienne » pour rendre compte de ce phénomène.
Les politiques menées par l’Union Populaire ne rompaient pas avec l’économisme16 dominant
des sociétés de marché ce qui n’a pas conduit à un réencastrement total de l’économie. Ce
parti ouvriériste analysait la société sous l'approche de la lutte des classes. Les politiques
économiques ne prenaient pas en compte la diversité des représentations et des croyances des
populations chiliennes et notamment des peuples indigènes (Allende 1998). L'U.P. a
également nié la problématique écologique en soutenant une politique de développement
« extractiviste »17. Par ailleurs, bien que dans les années soixante le mouvement
« développementiste »18 remettait en cause les théories du développement basées sur les
visions de D. Ricardo ou de W. Rostow, il avait pour principal objectif de mettre en place un
développement national autocentré. Celui-ci se traduisait par une
restructuration des
industries nationales sous l'impulsion étatique et de leur nationalisation sans remettre en
question ni
la dépendance extérieure ni les méthodes de productions fondées sur la
dégradation de l'environnement (Moulian 2002). La rupture engagée pendant cette période
consistait à prôner une plus forte intervention de l’Etat mais pas de rompre avec le mobile
économiciste dominant.
Par ailleurs, dans un contexte de guerre civile larvée, la violence du discours de l’Union
Populaire a empressé les partisans du libéralisme à refonder leur pensée. Si, comme le
souligne Sébastien Plociniczak (2007), « La Grande Transformation » est l’échec de
16 On fait ici référence à l’économisme macro, c'est-à-dire, la tendance à expliquer les phénomènes sociaux uniquement par leur origine
économique.
17 Swampa M. entend par « extractivisme », toutes activités d'appropriation de produits naturels d'origine minérale, animale, ou végétale, en
vue de leur commercialisation. In Swampa M. et Durand G., « Néo- « développementisme » extractiviste, gouvernements et mouvements
sociaux en Amérique Latine ».
18Swampa M. entend pas « développementisme » la proposition de la CEPAL pour que les pays d'Amérique Latine ouvre une voie propre
d'industrialisation et rompent avec les formules de l'économie classique qui condamnent le sous-continent à la spécialisation économique
suivant les ''avantages comparatifs'' par pays.
21
l'institutionnalisation d'une connaissance agissante19, rapidement les intellectuels partisans du
libéralisme conscients des limites de l’économie politique classique, cherchent à refonder un
courant de pensée reprenant tout ou une partie de la pensée économiste classique. C’est en
récupérant les principales critiques marxistes adressées au libéralisme économique que ces
intellectuels posent les fondamentaux de la pensée néolibérale (Dardot, Laval, 2009). Tous
deux considèrent que le modèle libéral est incompatible avec la démocratie et ils critiquent le
dogmatisme de la pensée classique fondée sur la croyance aveugle en l’autorégulation du
marché. Selon eux, le libéralisme conduit à la dictature du prolétariat, et une intervention
minimale de l’Etat est nécessaire pour faire émerger un nouvel ordre social dans une société
capitaliste à économie de marché. Ce nouveau « libéralisme constructeur » ou « libéralisme
organisateur » dépasse l'opposition entre le « Marché » et « l’État » et voit, dans la législation
et dans une certaine forme d'intervention étatique, des instruments nécessaires au
fonctionnement du capitalisme de marché (Laval, 2007). Les premiers penseurs néolibéraux se
regroupèrent en 1938 à Paris autour de W. Lippman20. A partir de 1947, la Société du Mont
Pèlerin réunit tous les penseurs pour répandre cette nouvelle doctrine et influencer sur la
définition des politiques publiques nationales et internationales. Dans les années 1970, après le
choc pétrolier, les économistes formés à Chicago gagnent une influence notable dans
l’élaboration des politiques économiques partout dans le monde en appliquant le référentiel
néolibéral. Au Chili, les hommes politiques et les économistes qui cherchent à réorganiser la
pensée libérale, s’inspire de la pensée néolibérale naissante pour mener une guerre idéologique
contre le communisme(Fourcade-Gourinchas 2002, Matisse 2002). Dès 1955, des échanges
entre l'Université Catholique de Santiago et le département d'économie de l'Université de
Chicago s'organisent. Les Chicago boys participent à l’élaboration du programme politique de
J. Alessandri pour la campagne de 1964 où était déjà candidat S. Allende (Sunkel 2011).
A.3.b L’implication du régime dictatorial dans l’instauration d’une nouvelle idéologie.
Le système néolibéral a été mis en place par la Junte militaire à partir du coup d’Etat du 11
19Entendue comme une connaissance qui donne forme à des croyances et des représentations individuelles et collectives qui orientent les
individus et les rapports sociaux in Plociniczak S., Plociniczak Sébastien, « Au-delà d'une certaine lecture standard DE La Grande
Transformation », Revue du MAUSS, 2007/1 n° 29, p. 207-224.
20Deux grands courants idéologiques se sont dessinés : celui de l'ordolibéralisme Allemand autour de Walter Eucken et celui du
néolibéralisme, conçu comme un ensemble de ''règles du jeu'' à la manière de F.V. Hayek. (Dardot P., Laval C. 2009)
22
septembre 1973 jusqu' au 11 mars 1990, date à laquelle le dictateur A. Pinochet passe le
pouvoir à P. Aylwin. L’usage de la terreur fut la pierre angulaire de l’application du référentiel
néolibéral chilien (N Klein 2008, Moulian 2002). Le coup d´Etat a lieu dans un climat social et
politique violent ou des mouvements sociaux populaires de gauche affrontent des groupes
d’extrême droite. Cette guerre civile larvée se déroule dans un contexte international de guerre
froide. Chacune des parties du conflit recevaient un soutien politique extérieur provenant de
Cuba, de l’URSS ou des Etats-Unis, ce qui ancra les tensions politiques nationales dans les
luttes idéologiques mondiales21 (Salazar 2012). Durant les deux semaines qui ont suivi le coup
d’Etat, la Junte au pouvoir n’avait pas un programme politique et idéologique déterminé
(Vergara 1984). Les militaires hésitaient entre restaurer le système politique d’avant 1970 ou
de fonder un nouveau système de société. Les principaux objectifs à court terme étaient de
réprimer les forces sociales qui soutenaient l’U.P, et de réinstaurer l’ordre et la démocratie soidisant mises en péril par la révolution communiste.
L’application du référentiel néolibéral dans les politiques publiques s’est réalisée à partir de
1975. Jusqu’à cette date les entrepreneurs et les militaires au pouvoir établissaient une
politique pragmatique, détachée de toute théorie économique, qui cherchait à satisfaire
l’ensemble des classes sociales soutenant le régime. Les deux visions alors dominantes, la
vision corporatiste traditionnelle et la vision nationaliste, développaient un discours éclectique
construit en opposition au discours antérieur : la Junte était anti-communiste, antiinterventionniste et anti- démocratique22 (Vergara 1984). Le Plan de choc de 1975 marque le
début de la stratégie économique monétariste orthodoxe et de l´établissement du référentiel
néolibéral impulsé par les technocrates issus de l’Ecole de Chicago. L’implantation de l´ordre
néolibéral s’est accompagnée de l’application de la doctrine de la sécurité nationale
(Moulian.2002,
Pour mettre en place les nouvelles politiques économiques, un cadre
institutionnel autoritaire était nécessaire. Ce qui supposait de faire usage de la terreur comme
un moyen de répression et de contrôle de l’ensemble des organisations politiques et sociales.23
21 Le commandant Fidel Castro parcourut le Chili pendant X jours et le gouvernement des États-Unis apporta un soutien financier aux
mouvements d’oppositions et organisa un boycott économique pour asphyxier l´économie nationale interne sous le régime d’Allende. Le
bombardement de la Moneda par les forces armées témoigne de la victoire au sein de l’armée, de la tendance capitaliste et anti marxiste, et de
la fin de la conspiration militaire soutenue par les Etats-Unis.
22 La Déclaration de principe de 1974 établissait que l’Etat n’agissait pas en représentation du peuple mais comme dépositaire d’une mission
transcendante qui ne pouvait et ne devait être soumise à verdict populaire.
23 La Junte instaure un couvre-feu du 11 septembre 1973 au 2 janvier 1987.
23
En 1977, la présentation du Plan de Chacarillas marque un tournant décisif en procédant à
l’institutionnalisation du référentiel néolibéral dans la société. Si la période précédente se
caractérisait par une guerre totale contre le communisme et une réduction des droits de
l’homme, ce plan révèle l’émergence d’un courant légaliste qui cherche à créer une
architecture institutionnelle pour pérenniser le modèle néolibéral (Meller1996). Une
commission constitutionnelle est créée en 1978 puis, à la suite d’un processus électoral
frauduleux24, la constitution de 1981 entre en vigueur (Moulian 2002). Le nouvel ordre
constitutionnel met en place un exécutif fort, réduit la sphère publique et la participation
politique et modifie les principes de représentations politiques en instaurant le processus de
désignation25 des cadres de l’administration publique.
La proposition d’un projet de société englobant, qui procède à la récupération des arguments
de la vision corporatiste-traditionnelle et nationaliste, constitue la force de la nouvelle pensée
néolibérale. Le nouveau discours dominant attribue au programme politique de la Junte des
motivations éthiques comme la garantie de la liberté et de l’égalité, en redéfinissant ces deux
concepts.26 Le discours économiciste néolibéral des experts et des technocrates au pouvoir est
sacralisé. On accorde une forte légitimité à l’ensemble des décisions économiques fondées sur
les sciences économiques perçues comme un savoir scientifique absolu, reposant sur des
principes neutres de la science et de la technique. Les moyens de communications comme
« Que pasa ? » ou le Mercurio, véhiculent ce nouveau discours et cherche à convaincre
l’ensemble de la société des vertus et des succès du nouveau modèle économique (FfrecnhDavis 1983).
A.3.c La pérennisation du modèle idéologique pendant la transition et la Concertation.
La victoire électorale de la Concertation des partis pour la démocratie marque le point de
24 La surveillance des élections pendant le référendum constitutionnel n'a pas été garantie par les « Tribunales Calificadores de Elecciones »
et les « Tribunales Electorales Régionales ». Les historiens et politologues ont constaté que le processus électoral a été frauduleux. En réalité,
il avait été organisé dans le but de donner une image démocratique du Chili vis-à-vis du reste du monde pour attirer les investisseurs étrangers
qui étaient réticents au vu des troubles politiques des premières années de dictature militaire.
25 Dorénavant le chef d’Etat désigne les personnes aux charges importantes comme le président de la Banque Central, les sénateurs et les
membres du Conseil de sécurité nationale.
26La liberté économique, celle qui se réalise sur le marché devient la liberté fondamentale et sa constitution est une condition pour atteindre
la liberté politique. L’égalité signifie l’égalité des conditions d’accès au marché, d’entrer en compétition sociale au sein d’un nouveau système
méritocratique.
24
départ de la transition démocratique chilienne et de la pérennisation du modèle de société
néolibérale. La Concertation gagne les élections avec un grand soutien populaire sur la base
d´un programme politique généraliste et conciliateur (Salazar 2012). L’objectif des quatre
gouvernements de la Concertation était de rétablir une démocratie réelle dans les limites27du
fonctionnement politique instauré par la Constitution de 1981. La modification de l’ordre
économique dominant et de la constitution n’était pas envisagé ni envisageable par peur
d’aviver les tensions sociales passées (Fazio 2010). L ´absence de jugements contre les crimes
commis sous la dictature et la force du lobbying porté par les entrepreneurs nationaux et
internationaux ont permis aux forces politiques de droite, composés d’anciens militaires et
hommes politiques pinochetiste, de peser sur les décisions politiques nationales (Moulian
2002). La pérennisation du modèle de pensée économique reposant sur une vision
économiciste et néolibérale a été permise par le maintien de cette même classe politique et des
technocrates néolibéraux aux pouvoirs
Patricio Alwin ni aucun autre gouvernement de la Concertation n’ont jamais appliqué le
programme politique pour lequel ils avaient fait campagne lors du referendum de 1988. Selon
lui le Chili devait se transformer en un pays porte-avion pour les investissements étrangers.
C’est pourquoi les gouvernements de la Concertation ont renforcé les lois favorables aux
Investissements étrangers, qui garantissaient la protection de la propriété privée, et facilitaient
l´accès aux ressources naturelles (Sunkel 2011). La signature du Traite de Libre Echange avec
les Etats-Unis a renforcé l´allégeance du Chili envers les Etats-Unis et son adhésion au
système du libre marché (Fazio 2010). Le modèle économique néolibérale était présenté
comme un lègue positif de la dictature. L’ordre néolibéral été vu comme une fatalité, une
réalité économique et politique naturelle et immuable qui s’accommodait a l’idiosyncrasie
chilienne, société formée d’individu par essence égoïste et individualiste (Moulian 2002).
Ainsi les gouvernements de la Concertation ont réinstauré les libertés politiques
fondamentales sans remettre en question le modèle économique néolibérale.
27 Les lois ´´organiques´´ de l´Etat proclamées sous la dictature qui touchent les points fondamentaux de l´architecture néolibérale ne pouvait
être modifié que par une majorité forte, ce qui supposait d’établir une alliance entre l´ensemble des partis politiques, situation politique
presque
impossible de réaliser.
25
A. 4 Le nouveau désencastrement chilien : des théories économiques spécifiques qui
traduisent la prégnance du néolibéralisme au Chili aujourd'hui.
A.4.a La traduction empirique dans des théories politiques économiques spécifiques au
Chili.
L´application du référentiel néolibéral au Chili prend une forme particulière, et se réalise par
à-coup en fonction du contexte macro-économique interne et externe. Après le coup d´Etat, on
applique la vision économiste monétariste orthodoxe, inspirée des idées de M. Fridman qui se
traduit par l´établissement de mesures
anti inflationniste, une libéralisation du système
financier et une ouverture indiscriminée des frontières extérieures. Le Plan de récupération
économique de J. Cauas, met en place un réajustement fiscal, et privatise les terres, les
banques et les entreprises nationalisées sous la présidence de S. Allende. En 1979, Le Plan
Laboral de Jose Pinera qui cherche à moderniser le secteur du travail, de l’éducation et de la
santé, conduit à une flexibilisation du travail, la création du système de retraite par
capitalisation, et la privatisation du système de protection sociale et du système éducatif
(Meller 1996, Vergara 1984) Ainsi dès 1980, le travail, la monnaie et la terre étaient à nouveau
convertis en marchandises provoquant un nouveau désencastrement et l’instauration d’une
économie de marché.
La crise de paiement de 1982 qui entraine l’effondrement économique et financier du pays,
donne lieu à une nouvelle étape d'application du référentiel néolibéral. En 1985, le
gouvernement chilien souscrit à deux programmes conditionnés du FMI et de la BM pour
avoir accès à de la « new money ». Bien que les politiques de rigueur conseillées étaient déjà
appliquées28, le gouvernement réduit les dépenses fiscales et l´octroi de crédit, abolit
l´indexation des salaires sur l´inflation et le revenu minimum. Il lance une seconde vague de
privatisation qui touche les monopoles de services publics et inaugure une seconde phase
d’exportation de produits à base de matières premières plus élaborées. Comme mesure
préventive, la politique économique est décentralisée : la Banque centrale devient l’institution
autonome chargée de veiller à la stabilité monétaire rompant le monopole que détenait le
Ministère des finances en matière de politique monétaire29. L´objectif du programme
28 L’influence des organisations internationales comme la Banque Mondiale et le Fond Monétaire Internationale ont été moins importante au
Chili que dans d’autres pays du sud, puisque le pays a servi de laboratoire des principales politiques néolibérales(T. Moulian,2002).
29 Il devient impossible de réduire le déficit fiscal par émission monétaire. Dorénavant la Banque Centrale fixe les lignes de crédits, contrôle
26
conditionné était de permettre à la puissance publique de dégager un excédent suffisant pour
prendre en charge les dettes privées afin d´améliorer l’image du pays et ainsi rétablir la
confiance pour attirer les investissements étrangers (Meller 1996, Vergara 1984).
Les gouvernements de la Concertation en croyant à la théorie du ruissellement30, maintiennent
l'ordre économique existant et rendent légitime les politiques d'orientation néolibérale. Si le
rôle régulateur de l´Etat est en partie retrouvé avec la création de nouvelles institutions et des
législations sociales et environnementales, celui-ci apparait comme un contre-mouvement
visant à limiter les désastres provoqués par l’économie de marché et demeure principalement
un Etat subsidiaire. Les différents gouvernements se focalisent sur la redistribution mais les
modifications du système fiscal sont négociés avec les partis de l’opposition qui le
maintiennent essentiellement direct et régressif ce qui renforce la concentration des capitaux
(Sunkel 2011). Les politiques sociales prennent la forme de Small-Project
visant à la
réduction de l’extrême pauvreté et non pas à des changements structurels (Corragio 2012). De
plus, le gouvernement d’E. Frei procède à la privatisation des services publics, notamment des
services sanitaires urbains. Enfin, le sauvetage bancaire mis en place a posteriori de la crise
asiatique de 1997, a favorisé la concentration bancaire et consacre un désencastrement de la
finance. La spécificité des politiques économiques néolibérales chiliennes, repose sur une
volonté de rendre le pays attractif pour les capitaux privés et étrangers notamment en matière
d'exploitation et d’exportation des ressources naturelles (Fazio 2010).
A.4. b L’autonomisation de l’économie dans la société néolibérale : une transformation
économiciste.
Le nouveau cadre institutionnel repose sur l’utopie néolibérale et fait du Chili une vitrine de la
modernité capitaliste (Moulian 2002), dont la pierre angulaire est la consécration de la
propriété privée dans la constitution. Le rôle de l’Etat est limité : ses institutions
défragmentées et le principe de subsidiarité permet de légitimer son désengagement en
déconcentrant l’ensemble des décisions aux niveaux les plus proche des populations (Sunkel
le taux de change, régule le mouvement de capitaux, détermine les politiques en matières de réserves internationales et régule les
opérations d' endettement externe.
30 Les politiciens de la Concertation parlent de ´´croissance équitable´´ et d’une ´´croissance juste´´. Selon eux les revenus des individus
les plus riche finissent par être réinjectés dans l’économie au travers d’une relance de la consommation et de l’investissement qui sont
créateurs d’emplois pour les plus pauvres.
27
2011). L’application de ce principe rend compte d’un amalgame entre les rôles de gouvernants
et gouvernés, et d’une simplification de la réalité en constituant le monde politique d’usagés,
de planificateurs et de décideurs (Gardin 2004). Le marché régit l’ensemble des éléments de la
vie sociale, et les services publics sont offerts en concession aux entreprises privées procédant
à la consécration de la marchandisation de l’éducation, de la santé et de la protection sociale
(FFrench-Davis 2011). L’acceptation de cette nouvelle architecture sociale repose sur la
création d’une nouvelle éthique qui rend homogènes les comportements individuels en
réduisant leurs motivations à une rationalité instrumentale en finalité. Les individus sont
convertis en entrepreneurs ou usagés, et l’économique devient plus important que le politique.
La réduction des espaces publiques et la stigmatisation du jeu démocratique contribue à une
dépolitisation des individus et du monde social. Des campagnes de propagandes vendent le
nouveau modèle basé sur la consommation et le divertissement (Durston 2010). Les
populations, comme les Mapuches, qui refusent la société de marché sont réprimés, donnant
naissance à une militarisation de l’économie. Cette répression est assimilable à un déploiement
d’une guerre contre un ennemi intérieur, puisque la loi antiterroriste s’applique au peuple
Mapuche 31 (Observatorio ciudadano 2009).
Certaines analyses polanyiennes rapportées à l'idéologie dominante de notre temps doivent
être revisitées et critiquées pour pouvoir être en adéquation avec le fonctionnement du système
d'échange actuel (Sobel 2007). Par exemple, pour l'analyse du double processus de
marchandisation de l'eau, nous pouvons nous permettre de rapporter l'analyse de l'eau à celui
de la terre que Karl Polanyi (1944) a défini comme étant « le milieu naturel dans lequel
chaque société existe »32. Jérôme Maucourant (1998) souligne à cet égard qu'il est désormais
inconcevable de séparer l'économie de l'écologie contrairement à ce que certains économistes
néolibéraux soutiennent. Le référentiel néolibéral modifie les représentations dans le domaine
scientifique qui ont entre autre un impact sur les politiques environnementales (Passet 1996).
Face à la montée croissante des problèmes écologiques, la métaphore de la biodiversité
représentée comme un flux de services marchands pour le bien-être de l’humanité s’est
imposé. Un nouveau courant économique de l’environnement, reposant sur les postulats
d’économie néoclassique, cherche à mesurer économiquement les bénéfices et les dommages
31
Voire le documentaire d’Elena Varela “Newen Mapuche”, 2012.
32 Polanyi K., La grande transformation, p.253
28
portés à l’environnement. Cela suppose de procéder à une évaluation marchande des biens et
services de la biodiversité et du capital naturel en appliquant des indicateurs d’une nouvelle
comptabilité verte. L’objectif étant de créer des politiques publiques pour rémunérer la
production de services, créer des marchés de droits, utiliser des outils économiques, ainsi que
pour la conservation des écosystèmes. Cette nouvelle vision marchande de l’eau ouvre la porte
à la marchandisation des ressources et à la privatisation du service de distribution. Elle
consacre la conversion de l’eau en un bien et un service environnemental (Meral 2012,
Aubertin 2012, Vivien 2009).
B. L'impact sur la représentation dominante des « biens et services
environnementaux » tels que l'eau : un processus de marchandisation et de
privatisation de la ressource différé.
Le processus de marchandisation et de privatisation de l’eau sont des construits sociaux
émanant d’une volonté politique qui survient lors de l’apparition d’une société de marché
néolibérale. Ces processus supposent une modification du système de croyance subjective des
individus pour qu’ils conçoivent l’eau comme un service rendu par l’écosystème et accepte
son paiement (Passet 1996)..
B.1 Une marchandisation des ressources amorcée dès la période coloniale
Les modèles de gouvernance de l’eau et la qualification de la ressource sont intimement liés
puisque la définition d’un type de coordination économique pour sa gestion exige un
consensus préalable quant à la représentation dominante de cette dernière (Baron 2005).
B.1.a L'évolution de la représentation collective des ressources naturelles : vers une
conception en termes de biens et services environnementaux.
Usages et représentations des ressources pendant la période précolombienne.
Les différentes cultures pré-incaïques mettent en place un système de contrôle vertical des
différents étages écologiques, qui s’étend depuis les côtés aux terres hautes ce qui leur permet
de vivre de la chasse, de la cueillette et de la pêche, en se concentrant près des fleuves et des
côtes où les terres sont plus fertiles. La sédentarisation des communautés entraine la création
de différentes formes d’organisations sociales pour la répartition des ressources hydriques
29
(Voir annexe 4). L’une des plus répandus consistait en la désignation d´un Camayoc, une
personne responsable de la distribution et de la récupération d’une contribution auprès des
bénéficiaires pour le maintien des canaux d’irrigation servant à transporter l’eau aux différents
pueblos, caserios o villorios33 (Yanez 2011) Ces systèmes de distribution sont fortement
ancrés dans les relations sociales et participent à la consolidation de l’unité sociale, territoriale
et à l’identité culturelle des communautés. Pour l’ensemble des communautés la protection des
ressources hydriques est fondamentale puisque les eaux sont considérées comme un héritage
de leurs ancêtres et un bien sacré. (Itier 2008, Zavala 2000) La conscience pour le respect et la
préservation des ressources hydriques sont essentielles car le monde forme un tout, gouverné
par un ordre moral et sacré. Les différents usages et méthodes de gestion ancestrales de l’eau
sont intimement liés à la cosmovision et à la religion andine. Chaque force des éléments
naturels est associée à des esprits ou à des divinités en action autour desquelles s’organisent
des rituels et des activités sacrées. (Voir annexe 3)
Usages et représentations des ressources pendant la période coloniale
Pendant la période coloniale, le développement économique et l´enrichissement du royaume
du Chili dépendaient de deux secteurs forts demandeurs en eau : l´industrie minière et la
production agricole dans les haciendas. Ainsi, pour les colons l´appropriation des ressources
en eau et leur légitimation devenaient un enjeu majeur. La réglementation juridique de l’eau se
basait sur la coutume et les normes hispaniques liées au droit seigneurial. La couronne
possédait le domaine éminent de l’eau, et concédait son usus et abusus aux villas et aux
cabildos de colons (Yanez 2011).Les indigènes, possédaient un domaine utile, c'est-à-dire
l’usus des eaux. La vision physiocrate était dominante, l'eau indissociable de la terre fertile,
formait la seule source de richesse. Le droit naturel fondamental était la propriété privée ce qui
a légitimé la colonisation des terres et l´appropriation des ressources en eau. La réduction des
territoires occupés par les peuples indigènes dans les terres moins fertiles, et la réorganisation
politico-administrative du territoire permettant la légitimation légale du nouveau marquage
territoriale effectué, ont rendu possible l’appropriation des terres. Ce processus s’est réalisé
non sans engendrer des conflits interethniques pour la maîtrise d'un territoire dont l'un des
enjeux fondamentaux était l´accès à l´eau (Gentes 2001). A la fin de la période coloniale
33
Noms donnés aux petits villages ruraux, en fontion de leurs tailles ou de leurs localisations.
30
l’augmentation de la demande en eau génère de nombreux conflits autour de sa répartition et
sa distribution. Dans la vallée de Huso, le système traditionnel héritier du Camayoc ne suffit
plus pour garantir une gestion pacifique des ressources ce qui oblige le gouvernement colonial
à intervenir pour la première fois en 1768, en nommant un Juez de Aguas 34chargé de résoudre
les conflits. Il est accompagné de gardes armés et est chargé de veiller à la répartition juste des
ressources (MOP 2003).
Usages et représentations des ressources pendant la république.
Il faut attendre l'instauration d’une république indépendante pour que, en raison des nécessités
économiques et sanitaires, l´Etat légifère le secteur de la gestion des ressources hydriques.
Jusqu’à la seconde moitié du XIXème siècle l'Etat intervient de façon ponctuelle pour la
régulation de la distribution des ressources35. En 1855, le Code Civil consacre pour la
première fois, l’application du droit romain pour les modalités de gestion et de propriétés des
eaux en distinguant le domaine public du domaine privé des eaux. Les ressources publiques et
collectives appartenaient aux municipalités ou à des communautés qui disposaient de l’usus et
de l’abusus des eaux (Vergara 2011). Les ressources du domaine privé étaient celles contenues
dans la propriété du propriétaire de la terre. Dans le but d´inciter l‘investissement privé pour la
construction d´infrastructures d’irrigations, l’Etat concédait une licence d´usage privé donnant
droit à un usage exclusif des eaux du domaine public. Les licences sont administrées et
réglementées par des institutions publiques. Elles sont modifiables et aliénables par l´Etat sans
compensation. Et la plupart des eaux sont déclarées ‘’biens nationaux d´usage public’’ (Bauer
1997, 2002). En 1908 et 1928, deux lois36 réglementent le fonctionnement des organisations
sociales traditionnelles chargées de la distribution et distribution des ressources, héritières du
34 Traduction non-officielle : Juge des eaux
35 En 1817 l’Etat fixe une unité de mesure et en 1838 il désigne un Directeur General des travaux publiques chargé de la construction et de la
conservation des infrastructures d' irrigations. En 1819 il nomme les premiers ``Juges de l' eau´´ ou `` Celdores de la Republica´´pour éviter
les querelles liées à la répartition des ressources entre les usagers.
36 En 1908, la Loi n° 2.139
(MOP 2003)
sur les associations de "canalista" instaure pour la première fois une réglementation minutieuse pour
l’organisation de la distribution des eaux dans les cours artificiels. Les organisations des associations de "canalista" obtiennent la personnalité
juridique et sont chargées de la répartition de l'eau entre les actionnaires, de la conservation et de l´amélioration des canaux.
En 1928 avec la proclamation de la Loi générale de l’irrigation, la puissance publique prend en charge la création d'infrastructures
d'irrigations et des barrages. Elle établit une réglementation remplaçant les formes d'organisation sociale consuetudinaires ou traditionnelles
pour la répartition de l'eau.
31
passe indigène et coloniale (MOP 2003, Larrain 2002). En régulant de façon uniforme ces
organisations, ces lois rendent légitime le rôle de la société civile en matière de distribution
des ressources, tout en niant les aspects culturels et territoriaux qui leurs sont propres. Les
caractères des deux lois, du Code de l’irrigation et du Code civil, sont marqués par le
paradigme de l’Etat hydraulique de Wittfugel (Ruf 2010). En effet, ils donnent à l’Etat de
grandes responsabilités dans la construction d’infrastructures d’irrigation en obligeant les
populations à se soumettre aux ordres de l’autorité étatique.
En 1951, la prolifération de lois liées à la gestion des ressources conduit à la création du
premier code de l’eau qui s’éloigne du paradigme Witfugelien et s’approche des idées du
laissez faire des pensées d’économie classique. Le code conserve la séparation juridique du
domaine public et privé des eaux et l’existence de droits d’appropriations privées, conçues
comme des concessions administratives de l´Etat géré par le droit civil. Ces titres concèdent
aux personnes de disposer de l’usus et de l’abusus des eaux. Ils étaient commercialisables, et
l’Etat ne pouvait pas fermer la concession sans indemnisation. Toutefois, l´Etat régule l’offre
des concessions en établissant un ordre de préférence en fonction de l´usage. Il priorisait
l´usage personnel et domestique puis l’irrigation, la production d´électricité et en dernier lieu
les usages industriels. De plus, il était impossible de changer l’usage de la concession, même
en cas de transaction. Tant que l´utilisation du droit n´était pas effective, l'octroie n´était pas
définitif et si l´utilisation effective du droit n´était pas réalisée pendant une période de cinq ans
l´Etat pouvait l´annuler (Bauer 2002). Dans la sphère des représentations, la rareté des
ressources naturelles n’était pas liée à une rareté physique mais à une rareté des facteurs
nécessaires à leur mise à disposition (Passet 1996).
Dans le contexte de la réforme agraire, en 1969, E. Frei Montalva proclame un
nouveau Code de l´Eau puisque la redistribution des terres supposait une redistribution des
droits d’usage de l´eau, l´objectif étant d´augmenter l’efficience de l´eau pour usage agricole.
Ce code s’accompagne d´un amendement à la constitution de 1925 qui déclare les ressources
hydriques comme des ´´biens nationaux d´usage public’ ce qui permet une expropriation des
titres de propriétés sans indemnisation. Le fait de mentionner le terme d’expropriation,
reconnait que les droits d’appropriation en application du code de 1951 étaient assimilables à
une propriété privée (Bauer 2002). Les droits d´usage de l´eau continue de s´appeler « droit
32
d’appropriation », mais ils se transforment en concessions administratives régies par le droit
administratif. Les fonctions en matière de gestion des ressources hydriques sont planifiées et
centralisées autour de la DGA. Cette institution était chargée de distribuer les ressources en
vertu d´un « taux d’usage rationnel et bénéfique» déterminé par des scientifiques et des
techniciens du gouvernement. Elle planifiait la distribution à l´échelle du bassin en fonction
des taux d´usages et d´autres critères lorsque ce dernier était considéré comme une « area de
racionalizacion de luso de las aguas ». La DGA possédait également des facultés
juridictionnelles en cas de conflits entre les populations (Larrain 2010, BM 2011). Le code de
1967 marque un ancrage au paradigme Wettfugelieen, il renforce le statut de l´eau comme bien
national d’usage public et cherche à assurer la tutelle étatique, pour un usage rationnel
efficient et technologiquement pertinent de l´eau. Il témoigne de la vision marxiste de la nature
connue comme un objet au service de l’homme et de la « conviction irraisonnée de l'abolition
des limites naturelles par le progrès technique et scientifique » (J. Delages in R Passet 1996).
B.1.b Le cadre institutionnel actuel : le Code de l’eau de 1981.
Nouvel usage des ressources : exportation des biens environnementaux.
Dans le contexte de désencadrement économique, le Code de l’eau de 1967 entre en
contradiction avec les principes fondamentaux de la société néolibérale. Sous influence de la
théorie économique de l’environnement, le développement économique du pays repose
désormais
sur
l’exportation
de
ressources
naturelles
perçues
comme
des
biens
environnementaux. A cet effet le gouvernement chilien prend des mesures pour renforcer le
secteur agricole, arboricole, et minier. La contre-réforme agraire conduit à la concentration des
terres agricoles aux mains d’entreprises privées qui développent la monoculture. Ce qui
permet le boom exportateur de produits fruitiers. Concernant l’arboriculture, le Décret avec
Force de Loi 701 de 1974 subventionne 95% des coûts de la forestation des terres et rend
impossible l’expropriation de ces dernières, ce qui incite l’expansion de ce secteur dans le sud
du Chili. L’industrie minière est favorisée par l’application d’une série de normes37 qui offrent
un cadre légal attractif pour les IDE et établissent des concessions à durée indéterminée aux
investisseurs privés pour l’exploitation des mines tout en réduisant les possibilités
37 Décret-Loi 600, du chapitre XIX du précis de normes de changes internationaux de la Banque Centrale du Chili et de la réforme du code
minier.
33
d’expropriation. D’autre part, les législations environnementales sont inexistantes. Entre 1970
et 1989, les exportations du secteur forestier se sont multipliées par 19, celle du secteur
agricole par 28 et celle du secteur minier par 5. En 1989, 90% des exportations totales
chiliennes contenaient des ressources naturelles. Ce boom exportateur a provoqué une
augmentation de la pression sur les ressources hydriques puisque ces trois secteurs
économiques nécessitent une grande quantité d’eau pour leur production (Quiroja Martinez
1994).
Dans ce contexte, le Code de l’eau de 1967 était obsolète et incompatible avec le nouvel ordre
politique et économique néolibéral. À la suite du coup d’Etat, les autorités gouvernementales
et leurs conseillers font consensus sur la nécessité de renforcer la protection des droits
d’appropriation privé de l’eau. Toutefois tout au long des débats pour la formation d’une
nouvelle législation de l'eau, deux positions s’affrontent : celle des économistes néolibéraux, et
celle des conservateurs, formés par les grands agriculteurs et les haut fonctionnaires des
principales agences de l'eau. Les conservateurs demandent une intervention de l’Etat en
matière de construction et maintenance des infrastructures d'irrigation. Les économistes
néolibéraux, proches de la pensée aujourd’hui appelée la nouvelle école néolibérale de l’eau,
estimaient que l’utilisation inefficiente des ressources reposait sur la croyance selon laquelle
les ressources hydriques sont illimitées en vertu de l’inexistence d’un coût pour son utilisation.
La solution spécifique pour le Chili était selon eux de faire de l'eau une marchandise distincte
de la terre, en la taxant et la convertissant en un bien économique rare et échangeable sur un
marché. En vertu de l’application de l’économie de l’eau, cela devrait garantir l’usage le plus
efficient de la ressource par les secteurs porteurs, stimuler l’investissement privé pour une
meilleure utilisation de la ressource et responsabiliser les organisations d’usagers pour le
perfectionnement de la gestion, l’utilisation et la distribution de l’eau (Bauer 1998, 2002).
Les pas vers un Code de l’eau néolibéral (1976 - 1981)
En 1976, la Commission de l'eau ajoute une déclaration à la Constitution de 1980, qui
convertit les droits d’appropriation de l’eau en propriété privée. L’article 19 n°24 institue que :
«Los derechos de los particulares sobre las aguas, reconocidos o constituidos en conformidad
à la ley otorgará a sus titulares la propiedad sobre ellas38». Six mois plus tard, en septembre
38
Traduction non-officielle : «Les droits des particuliers sur les eaux, reconnues ou constituées en conformité
34
1976, la Junte Militaire proclame, par un acte constitutionnel, qu'elle prévoit la création d’un
cadre normatif spécial pour réguler le code des mines et le domaine des eaux. Cela témoigne
des liens stratégiques, économiques et politiques existants entre ces deux secteurs. En avril
1979, la Junte promulgue le décret avec force de Loi n°2603, qui renforce la propriété privée
du bien, sépare les titres de l’eau du domaine de la terre et permet leur commercialisation sur
un marché. Pour convertir l’eau en une véritable marchandise, les droits d’appropriation
devenaient imposables. Si l’influence des économistes néolibéraux a été prépondérante lors de
l’élaboration du Code de l’eau de 1985, l’opposition conservatrice a empêché l’affirmation
directe de la logique néolibérale en posant son veto sur la création d’une taxe sur l'eau et
l’instauration d’un coût pour son non-utilisation. Les exigences concernant la demande
d’intervention de l 'Etat en matière de politique nationale d'irrigation n'ont pas été entendu. Le
jour même de l’approbation du Code de l’eau, la loi sur les normes pour le financement
publique d’infrastructures d’irrigations a été publiée dans le journal officiel en établissant des
exigences normatives tellement élevées qu'elles rendaient impossible toute intervention de
l’Etat en la matière ( Bauer 2002 1998).
Les principes du Code de l’eau
Les désaccords entre les conservateurs et les économistes néolibéraux étaient liés au degré de
propriété privée attaché aux droits d’usage et au degré d’approximation du cadre normatif à la
théorie économique de libre marché. Formellement, le nouveau Code conserve la
représentation de l’eau proclamé dans le Code de 1951. Celui d'un bien d’usage public dont
l’Etat peut accorder des droits d’usage privé à des particuliers. Mais de fait, le code renforce
l’appropriation privée de l’eau et consacre sa marchandisation. Il ne créé pas un marché de
l’eau mais les conditions nécessaires à son émergence spontanée. Pour la première fois, les
droits d’usage de l'eau sont séparés de la propriété de la terre et ils peuvent être vendus, louer
ou acheter librement sur un marché comme n’importe quelle marchandise. La DGA octroie
gratuitement les droits d'usage, les seules conditions sont l’accessibilité technique et le respect
de la procédure de constitution légale. Les droits d’usage constitués sont régis par le droit
privé, ils doivent être enregistrés dans le Conservador de bienes raices 39et leur possession est
39
avec la Loi octroie à ses titulaires la propriété sur ces dernières. »
Traduction non-officielle : con
35
garantie par la protection constitutionnelle de la propriété privée. Le Code n’établit pas une
obligation d’usage bénéfique ni de priorité d’usage entre les différents secteurs demandeurs.
Les propriétaires peuvent modifier librement l'emplacement et le type d’usage réalisé ce qui
suppose qu’ils ne doivent ni spécifier ni justifier leur usage auprès de la DGA. En cas de deux
demandes simultanées d’un droit d’usage situé sur un même point d’eau, la DGA procède à
une mise aux enchères publique. Le plus grand offreur obtient le droit d'usage, peu importe
l’utilisation qu'il en fera et la nécessité des autres demandeurs. Le Code n’établit pas non plus
une obligation d’usage effectif des droits dans le temps, ce qui ouvre la porte à la spéculation.
L’architecture institutionnelle instaurée par le Code est fragmentée et applique le principe de
subsidiarité. Il existe plus d'une centaine d’institutions, centralisées et décentralisées,
impliquées dans la gestion des ressources hydriques (Banco Mundial, 2010). Les fonctions de
l’agence traditionnelle, DGA, deviennent uniquement administratives et techniques, elle perd
ses facultés régulatrices. Celles-ci sont déléguées aux organisations d’usagers : les Juntas de
vigilancia sont chargées de veiller sur l’état du cours d’eau et les associations d’usagers sont
chargées de la construction d’infrastructures de distribution, et de la répartition de l’eau entre
les usagers. La DGA n’est pas habilitée à annuler ou restreindre les droits d’appropriation et
les expropriations sont possibles que moyennant une rémunération élevée (Bauer 2002 1993
1996).
Ainsi, le cadre normatif consacré par le Code de l’eau de 1985 résulte de l’application du
référentiel néolibéral dans les politiques de gestion des ressources hydriques. L’eau devient un
bien économique et le marché est le seul instrument permettant l’affectation de la ressource.
La réduction du rôle de l’Etat, le principe de subsidiarité et la décentralisation de la gestion
font du Code un exemple précurseur de la nouvelle école néolibérale de l’eau qui sera diffusée
au niveau mondial à partir de la conférence de Dublin de 1992 (Petit 2009).
B.2 La privatisation partielle du service de distribution engagée pendant la transition
démocratique.
L’acceptation de la conception d’un paiement pour services environnementaux est plus forte
en milieu urbain qu’en milieu rural. Il justifie la privatisation d’un service traditionnellement
public en ce qu’il répond à un besoin vital pour la vie humaine.
36
B.2.à la privatisation des services de gestion de l'eau en milieu urbain.
Le processus de privatisation du service de distribution de l'eau douce rend compte de
l’assimilation des relations marchandes à la forme capitaliste de production (Laville). Ce
processus s’est réalisé en quatre étapes. Il a consisté en une séparation progressive des
fonctions politiques et opérationnelles au sein d’organismes spécialisés, donnant lieu à une
autonomisation financière du secteur opérationnel par l’application d’une tarification qui
recouvre les coûts du service, accompagnée de subventions à la consommation
(Jouravlev.2007).
Entre 1950 et 1974, l’eau est considérée comme un bien public40 et le service de production et
de distribution d'eau potable est pris en charge par l’Etat. La tarification du service ne
correspondait pas au coût marginal de production, et un système généralisé de subvention à la
consommation garantissait l’accès à l’eau potable à l’ensemble de la population urbaine.
Une première phase de modernisation du secteur a lieu entre 1974 et 1990 sous la dictature
militaire. En 1977, le SENDOS institution chargée de la planification, de la régulation et du
contrôle de l’ensemble des services d'eau potable est créé, et concentre l’ensemble des tâches
opérationnelles. Cette institution autonome et déconcentré, se compose d’une Direction
Centrale et de onze Directions Régionales, à l’exception de la Région Métropolitaine et celle
de Valparaiso où l’on créé des entreprises publiques autonomes, ESVAL et EMMOS. Chacune
des directions générales œuvrent comme des entreprises publiques et ont pour objectif
l’amélioration de l’efficience de lua gestion et l'opération du service afin de tendre à une
situation d’autofinancement. Pour cela, l’Etat conditionne les aides publiques aux entreprises
en fonction de leur niveau de rentabilité économique et sociale. L’amélioration de la situation
financière est possible en exigeant le paiement des factures aux bénéficiaires-clients, et en
augmentant les prix de façon progressive, en parallèle à une augmentation des taux de
couvertures et des subventions ciblées à la consommation. À la suite de la crise de 1982, et
sous influence du FMI et de la BM, un débat s’ouvre quant à la possibilité de mettre en place
une tarification au coût marginal pour permettre un autofinancement total des entreprises.
40 Un bien public est un bien non-rival et non-exclusif. Selon la théorie des biens publics, mise au point par P. Samuelson (« The pure theory
of public Expenditure »,1954) montre que le libre fonctionnement du marché ne permet pas de produire ce type de bien alors qu’ils visent
un intérêt collectif puisqu’il est impossible de faire payer l’usage pour pouvoir rentabiliser les couts d’investissements consenties. C’est
pourquoi c’est bien public sont pris en charge par l’Etat sous forme de Service public.
37
Cette idée est laissée de côté car l’augmentation des tarifications risquait d’être fortement
contestée par la population. Elle ouvre toutefois une réflexion sur l’élaboration d’une nouvelle
architecture institutionnelle qui marque une seconde étape vers la privatisation du service.
Entre 1988 et 1990, un ensemble de lois adoptées à la marge de tous débats publics (voir
annexe), convertit les Directions régionales de Sendos et les entreprises autonomes Emos et
Esval en sociétés anonymes. Ces lois conduisent à une privatisation partielle, puisqu'elles
permettent l’entrée de capitaux privés dans la gestion du service de l’eau, mais la majorité des
actions reste détenue par la CORFO. La Superintendencia de los Servicios Sanitarios41devient
l’organisme chargé de la fiscalisation des entreprises sanitaires ce qui renforce la séparation
entre les fonctions opérationnelles et de régulations. Cette réforme devait faciliter le transfert
des entreprises au secteur privé, mais le secteur sanitaire n’était pas assez attractif comparé à
celui de l’électricité ou de la téléphonie.
Sous la présidence de P. Aylwin (1990-1994), l’idée de privatiser le secteur sanitaire est
abandonnée, mais les entreprises adoptent un modèle de gouvernance interne propre à
l’entreprise capitaliste privée. La troisième étape du processus de privatisation se caractérise
par la recherche d’une efficience dans le processus de production afin de dégager un
maximum de bénéfices. Les entreprises ont la possibilité de fixer leur propre tarification en
fonction de l’augmentation des coûts liés au développement de l’entreprise. La hausse
progressive des prix s’accompagne d’un perfectionnement des subventions à la
consommation. À la fin de cette étape, les entreprises publiques sont efficientes, rentables et
autonomes. Elles financent l’expansion du réseau en s’endettant sur le marché de capitaux.
Cette autonomisation croissante rend légitime le désengagement progressif de l’Etat dans le
secteur sanitaire.
Lors de son discours annuel de 1995, le président E Frei rend officiel la privatisation du
secteur sanitaire urbain inaugurant la dernière étape du processus. La privatisation devait
permettre de développer le service de traitement des eaux sans augmenter l’endettement public
de l’Etat. La loi du 19 janvier 1998 n°19.549 consacre la gestion du bien public selon la
conception néolibérale en mettant en place les partenariats public-privé. Entre 1998 et 2004,
l’ensemble des entreprises est transféré à des capitaux privés. Entre 1998 et 2000, le transfert
se fait par la vente des actions des sociétés anonymes, et en 2001 le président Ricardo Lagos
41 Traduction non-officielle : La Surintendance des Services Sanitaires
38
transfert au secteur privé des concessions d’exploitation pour une durée de 30 ans (voir
annexe). Aujourd'hui il existe une cinquantaine d’entreprises privés qui opèrent en milieu
urbain dans tout le pays. 85% des clients sont fournies par 8 entreprises, dont deux grandes
Aguas Andinas de la Région Métropolitaine et ESSBIO et 6 moyennes.
B.2.b Un service de gestion de l'eau en milieu rural communautaire et participatif mais
menacé.
Pour la première fois dans l’histoire du pays, en 1964, le président E. Frei Montalva, inaugure
un programme pour permettre un accès à l’eau potable aux populations rurales après le
bouleversement de leurs conditions de vie provoquées par la réforme agraire. À la suite de la
Conférence de Punta del Este, le président créé le Programme d’Eau Potable Rural, et
s’engage à financer les infrastructures nécessaires pour améliorer le taux de couverture et
réduire la mortalité infantile. Il profite de l’effervescence populaire et de la puissance des
mouvements sociaux de l’époque pour déléguer aux populations rurales, constituées sous la
forme de Coopératives d’eau potable, dans un premier temps la construction et la gestion,
puis, uniquement la gestion et la maintenance, des infrastructures et du service de distribution
d’eau potable. (MOP 2004, Roges 2007) Le gouvernement procède à une absorption et à une
récupération d’une force sociale spontanée qu'il canalise dans des organisations fonctionnelles
exogènes aux populations rurales. La constitution de ces organisations désengage l’Etat d’une
partie de ces fonctions de service public de l'époque en reconnaissant la possibilité d’une
gestion communautaire de l’eau (Salazar 2012).
Toutefois, si les règles de fonctionnement politique de ces organisations sont parfois exogènes
aux populations rurales, celles-ci s’éloignent du modèle légal par une série de stratégies et
d’adaptations sociales. Cette situation est plus courante dans les régions excentrées du pays où
l’influence des cultures indigènes est plus forte, que dans les régions centrales, proches de
Santiago. De fait, les populations rurales dans le besoin s’organisent et donnent forme à des
organisations communautaires d’eau potable, démocratiques et à but non lucratif. Ces
organisations ont su accomplir leurs fonctions principales pendant plus de quarante ans malgré
les bouleversements politiques et économiques du pays (Nicolas 2013). En janvier 2013, il
existe 1603 Comités et coopératives d’eau potable dans le pays régis par le Décret- Loi n° 05
dite Loi Générale des Coopératives et son Règlement et la Loi n° 19.418qui établit les Normes
39
sur les Juntas de Vecinos42 et autres Organisations Communautaires. Les organisations
associent un groupement d’individus pour gérer de façon participative et démocratique un bien
commun. Les prises de décisions émanent de l’assemblée générale qui élit un comité directeur
composé au minimum d’un président, d’un secrétaire et d’un trésorier. Les plus grandes
organisations peuvent avoir un gérant chargé de superviser et planifier le travail des salariés de
l'organisation (MOP n.d BID 1997).
L’évolution du contexte politique et économique du pays et les modifications normatives du
secteur sanitaire urbain ont eu des répercussions sur le déploiement du programme d’eaux
potables rurales et le rôle des organisations communautaires. Le discours économiciste
déployé depuis les années 70 a remis en question les fondements des organisations, en
cherchant à les convertir en des organisations économiques privées efficientes et
autosuffisantes (Nicolas 2013).
A ses débuts, le Programme a été financé par la Banque Interaméricaine de Développement.
Pour des raisons politiques depuis la victoire de S. Allende le BID suspend le financement du
programme. Celui-ci reprend en 1977 sous la responsabilité du SENDOS chargé de la
planification et de la gestion du programme. Le SENDOS délègue la construction des
infrastructures à des entreprises privées spécialisées, puis donne l’usufruit aux organisations
communautaires. Depuis cette date, la création de Comités d’Eau potable remplace celle de
Coopérative, rompant le lien directe avec l'économie sociale43. L’objectif du SENDOS est de
former les dirigeants des comités pour améliorer leur efficacité dans la gestion du service.
(BID 1997). L’équipe de formation du SENDOS organise également des campagnes
éducatives pour faire prendre conscience aux populations rurales de la nécessité de
consommer de l'eau potable chlorée et de faire intégrer le concept de paiement pour service
environnementaux.
Entre 1990 et 1998, le MOP devient l’institution chargée du programme et fait appel aux
entreprises sanitaires, notamment celles constituées en société anonyme, pour la construction
de certains ouvrages. A partir de cette période, l’objectif principal du programme qui dès 1992
42
Traduction non-officielle : Juntas de vecinos, Associations de quartier.
43 L’économie sociale se compose des activités exercées par des coopératives, des mutuelles et des associations, qui reposent sur le principe
de l’aide mutuelle et de la gestion participative et démocratique. Elles ont pour finalités de servir ses membres plutôt que d’engendrer
des profits.
40
ne reçoit plus de financement du BID, est de tendre à rendre les organisations communautaires
autosuffisantes par l’application d’une tarification recouvrant les coûts de maintenance du
réseau. D’autre part, depuis les années 90, les exigences en termes de qualité du service
s’accroissent ce qui conduit à une professionnalisation des charges et une disparition
progressive de la figure traditionnelle des « dirigeants sociaux » (Nicolas 2013).
Depuis la modification de la Loi Générale des Services Sanitaires en de 1998, le programme
d’APR n’a plus de cadre réglementaire et normatif propre. Face à ce vide juridique, il est juste
admis dans l’article 14 que le MOP est dans l’obligation d’établir des conventions avec les
entreprises sanitaires privées pour déterminer leurs fonctions envers les organisations
communautaires. Ces conventions exigent aux entreprises sanitaires de former des Unités
Techniques qui seront les maitres d’œuvre des travaux et offriront une formation technique et
communautaire aux Comités et aux Coopératives (BID 1997). Actuellement le MOP cherche à
rendre les organisations d’APR autosuffisante financièrement. Il les aide notamment à pénétrer
le marché des capitaux pour financer la construction des infrastructures. Le retrait dans la Loi
Générale de Coopérative de l'obligation d’être une organisation à but non lucratif semble
faciliter l’accès au crédit des coopératives plus performante (Nicolas 2013). Par ailleurs, l'offre
de formation de la part des entreprises privées entraine un isomorphisme institutionnel sous la
forme marchande qui conduit les organisations communautaires à utiliser les méthodes de
management privé pour augmenter leur efficience (voir annexe 9).
Depuis 2001, un projet de loi sur les services sanitaires ruraux (voir annexe 7) élaboré avec la
participation active des représentants des organisations d’APR est en débat au parlement. En
2011, sous le gouvernement de S. Piñera le projet est retiré pour y apporter des modifications.
Celles-ci se font en huit-clos sans concertation avec les populations concernées. Les
modifications ont pour objectif la conversion des organisations communautaires en entreprises
sanitaires rurales autonomes, qui pourraient prendre le statut juridique de société anonyme
(Nicolas 2013). La suppression des organisations communautaires est justifiée par la nécessité
de mettre en place un service de traitements des eaux usées qui pourrait uniquement être
garanti par une entreprise capitaliste de production. En autorisant la réalisation d’un appel
d’offre public en cas de dysfonctionnement d’une organisation communautaire, la loi ouvre la
porte à la privatisation du service si la concessionnaire sanitaire emporte la concession.
41
Face à la montée en puissance de l’application du référentiel néolibéral dans l’ensemble de la
vie sociale, il est intéressant d’analyser les apports d’une nouvelle pensée critique formée par
les travaux scientifiques de l’anthropologie économique substantiviste ainsi que les
revendications portées par les nouveaux mouvements de la société civile, pour savoir si les
conditions subjectives et objectives politico-scientifiques sont réunies pour dépasser le
« fondamentalisme marchand ».44
II-La remise en cause du « marché autorégulateur » dans le cas de l'eau au
Chili.
Les fondements scientifiques du courant de pensée économique néolibérale sont remis en
question par l’anthropologie économique, particulièrement par l’école substantive créée par
K.Polanyi dont émerge le courant de l’économie sociale et solidaire. La fiction marchande qui
fait de l’eau un bien économique et dégrade l’environnement naturel et social des hommes
(Quiroja Martinez 1997) est questionnée par l’apparition d’un contre-mouvement spontané
formé par la population civile.
A. Les apports de l’anthropologie économique substantive.
Pour l’anthropologue, l’économie est un phénomène éminemment social, elle est avant tout
une affaire de rapports sociaux ou de lien social. L’école substantive se démarque de
l’approche formaliste et marxiste en ce qu’elle étudie les formes et les structures sociales de la
production de la répartition et de la circulation des biens matériels (Dupuy 2008).L’analyse du
poids des institutions dans le processus économique permet de remettre en question les
postulats de l’approche de l’économie formelle aux fondements de la marchandisation et
privatisation de l’eau.
A .1 L’eau est une marchandise fictive.
A.1.a. La « marchandise » comme rapport social historiquement déterminé.
Le modèle économique basé sur l'exportation de ressources naturelles, nécessite de grandes
44
J. Stiglitz cité in LAVILLE, J-L., « Grand résumé de Politique de l’association, Paris, Éditions du Seuil,
2010 », Paris, Sociologies, 2012
42
quantités de ressources hydriques. Les processus capitalistes de production des produits
agricoles, arboricoles et miniers consomment des sommes exubérantes de litre d’eau par jours,
ainsi les ressources hydriques constituent un input pour les entreprises des secteurs
exportateurs (Larrain 2001, Sabatini cité in Folchi 2001). L’apport de K. Polanyi en
anthropologie économique est de souligner que le marché autorégulé est une construction
sociale. Le marché autorégulateur et la constitution de la société toute entière en son auxiliaire
sont volontairement constitués au travers de la mise en œuvre de dispositifs politico-juridiques
particuliers (Caillé 2007). Selon M. Foucault (2004), le marché autorégulé est un construit
politique instrumenté. Son existence repose sur des institutions spécialisées qui créent la
condition de possibilité du marché. À la lumière de la pensée polanyienne, il est possible
d’affirmer que pour que le marché autorégulateur puisse se mettre en place dans une société
néolibérale basée sur l’exportation de ressources naturelles, l’eau doit être convertie en une
marchandise fictive, afin d’alimenter continuellement la production des industries
exportatrices. La construction politique du marché de l’eau tout comme les marchés du travail,
des matières premières et de la monnaie (Voir partie A.1.c) forme la condition sine qua non de
l’apparition du marché autorégulé mais repose sur une fiction marchande. Considérer l’eau
comme une marchandise conduirait à la destruction de sa substance même.
Pourquoi l'eau n'est pas une marchandise.
La thèse principale de K. Polanyi consiste à démontrer que la terre, le travail et la monnaie
sont des marchandises fictives. Par conséquent, pour constituer un marché autorégulateur, on
crée une fiction marchande autour de l’environnement (nature et eau), la substance (travail) et
la mesure (monnaie) de l’activité humaine de production. Pour saisir avec une approche
Polanyienne en quoi le marché de l'eau repose sur une fiction, il est nécessaire de préciser ce
qu’est une marchandise. Selon l’anthropologue, les marchandises sont des objets produits pour
être vendus. On peut distinguer deux composants dans cette définition, un critère de
production et un critère de validation (Postel 2010). A l’aune de ces deux critères, l'eau ne peut
être considérée comme une marchandise puisqu’en substance elle ne résulte pas d'un processus
de production, et la finalité de son existence n’est pas d’être vendue sur un marché.
L’eau est un bien naturel, c’est-à-dire existant à l’état de nature. Elle est une ressource
naturelle renouvelable qui n’est pas le produit d’un processus de production capitaliste. De
43
plus, l’eau ne possède pas les propriétés intrinsèques que possèdent les marchandises
classiques. Elle est un bien fluide, de substance indissociable en pièces distinctes, homogènes
et mobiles. L'eau est un corps liquide constamment en mouvement formant un cycle
indivisible appelé le cycle hydrologique. Son cours est erratique, incertain et irrégulier dans le
temps et dans l'espace et ne respecte pas les limites et frontières politiques ou juridiques
humaines. Cette mobilité et incertitude rend difficile l’établissement de titres d’appropriation
de l'eau, et son transport. L’eau se caractérise par la multiplicité de ses usages. Son utilisation
est vitale pour la consommation domestique et humaine et essentielle pour l'agriculture, la
production hydroélectrique et d’autres secteurs industriels. Elle constitue donc un bien rival
mais dont l'exclusivité est rendue difficile45. Il existe une interdépendance de fait entre les
différents usagers de l'eau dû au cycle de l'eau. Toutes modifications des conditions de l'eau en
un point déterminé de son cours entraine des répercussions en aval46. L’environnement naturel
et les conditions climatiques déterminent le tracé, et le débit de la ressource. Ce qui signifie
que les caractéristiques propres de l'eau à l'état de nature sont liées à des faits naturels et ne
dépendent pas d'une intervention humaine. Des tentatives pour provoquer des précipitations
d'eau de pluie dans la cordillère des Andes47 ont été réalisées dans le but de réduire les
poussières produites par le processus de production minier. Mais ils provoquent des pluies
acides, qui contaminent les eaux superficielles et souterraines de l'ensemble des cours d'eau de
la région. Les infrastructures visant à stocker ou à dévier l'eau de son cours naturel conduisent
à une modification de l'écosystème et de l'accès habituel des riverains à l'eau. Ainsi, toute
emprise exogène et inhabituelle sur le cycle de l'eau peut provoquer des externalités sociales et
environnementales importantes (Jouravlev 2002).
Plus qu’une marchandise, l'eau est une ressource vitale et fondamentale pour la reproduction
de la vie humaine, animale et végétale. C’est pourquoi pour certains l’eau ne peut avoir de
prix. L’accès à l’eau est un droit fondamentale et l'exclusion à son accès est intolérable
(Petrella). A partir de la seconde moitié du XXème siècle, l'explosion de la consommation
d’eau notamment en milieu urbain, et l’accélération de l’usage industriel de l’eau, a
45
Un bien rival est un bien dont la consommation par un individu a des effets sur la quantité disponible de ce
bien pour les autres individus. Un bien exclusif est un bien qui n’est pas accessible à tout le monde.
46
Les interrelations et interdépendances entre les usages et les usagers de l'eau sont de natures unidirectionnelles,
asymétriques et anisotropiques (Jouravlev A., Dourojeanni A. 1999).
47 Valle de Huasco Barrick gold minière. Ce processus appelé Bombardement de nuage, consiste en une
injection d’iodure d’argent ou de glace carbonique dans les nuages.
44
démultiplié les potentialités de pollutions des ressources. L'eau potable s’est convertie en une
ressource rare qui a été à ses débuts prise en charge par l’Etat sous forme de service public.
Dans ce cas uniquement, l'eau potable résulte d'un processus de production, mais elle est
considérée comme un bien public et son prix ne correspond pas au coût marginal de
production (Allain 2011).
D'autre part, dans les représentations cognitives humaines l'eau n'est jamais exclusivement
assimilée à un bien économique, privé ou publique, mais à un patrimoine commun. Les
sociétés humaines ont en tout lieu et de tout temps attachées aux ressources hydriques des
significations et des représentations distinctes déterminées par l'usage qu'elles en font (voire
partie B.1.a). L'eau possède des significations culturelles, politiques, symboliques et
religieuses qui font d’elle un patrimoine commun. Pour les populations de cultures indigènes,
par exemple, l'eau appartient à la Terre mère, elle est la pierre angulaire de la pérennisation de
leurs cultures, leurs traditions et leurs coutumes et est de ce fait inaliénable (Yanez 2011).
L'influence au niveau mondial à partir des années 80, du courant de l’économie de l’écologie
dans l’élaboration des politiques publiques a conduit à transformer la représentation
dominante de l'eau en un bien économique. Pour permettre la conversion de l'eau en une
marchandise interchangeable sur un marché il est nécessaire de déterminer et d’appliquer des
droits d'appropriations privées sur l'eau, exclusifs et transférables. Au Chili, la transaction des
droits d’appropriation porte souvent préjudice aux populations environnantes et dégrade
l’environnement naturel (INE 2010). Pour prévenir ou réduire ces externalités négatives et
répondre à la multiplicité des usages de l'eau, il serait nécessaire de créer des institutions qui
redéfinissent les droits d’appropriation adaptés à chaque situation de façon permanente et qui
régulent le marché de l’eau (Jouavlev A. Dourojeanni A. 1999). Pour permettre une fluidité
dans les échanges, l’ensemble des titres de propriétés devraient être inscrits et actualisés dans
un registre public facilement accessible (Bauer 2002). Ces deux solutions supposent la
création d’institutions spécialisées encadrant et régulant le marché de l'eau, ce qui entre en
contradiction avec les théories néolibérales qui cherche à limiter l’intervention de l’Etat dans
la sphère économique.
La création d’une fiction marchande et les conséquences néfastes sur les ressources
hydriques.
45
Les caractéristiques physiques de l'eau rendent difficile sa marchandisation. Pourtant, l’ordre
capitaliste néolibéral institué depuis la dictature militaire fait du marché de l'eau une réalité.
Le Code de l’eau institue le cadre normatif destiné à faire émerger de façon spontanée le
marché de l'eau par le mécanisme désenchanté de l'économie de l'écologie. Ainsi, même si
l'eau ne constitue pas empiriquement une marchandise, les économistes néolibéraux pensent
qu'elle doit être traitée comme telle pour que le système de production capitaliste fonctionne.
Il est à noter que pour K.Polanyi fictif ne signifie pas « imparfait ». Il se peut qu’un marché de
l'eau fonctionne exactement comme le conçoit le modèle Walrasien du marché de concurrence
pure et parfaite (Postel 2010). C’est le cas de l'application du marché de l'eau dans la région de
Limari par exemple. K. Polanyi ne porte pas de critiques interne au fonctionnement
économique de marché mais se centre sur les relations entre le système économique et la
sphère sociale. Pour former une économie de marché et convertir la société en son auxiliaire,
l’ordre néolibéral requière la conversion des trois éléments substantiels de la société humaine
– le travail, l'environnement naturel, et la monnaie - en marchandise fictive. C’est pourquoi les
piliers de la vie humaine et sociale sont placés artificiellement sous-évaluation marchande
(Caille 2007). En reprenant une approche polanyienne, nous pouvons dire que la
marchandisation de l’eau ne serait qu’une fiction à visée utilitariste et si cette fiction venait à
se réaliser, elle conduirait à la destruction même du substrat hydrique.48
L’analyse factuelle découlant de l'application du Code de l’eau rend compte de la dégradation
substantielle de l'eau et de la détérioration de sa distribution équitable. La fiction marchande
créée par le Code de l’eau entraine une dégradation de l’environnement naturel et social de
l'homme.
Les processus rendus obligatoires, de régularisation des titres d'appropriation de l'eau sont des
facteurs d'exclusions et d’inégalités pour l'accès aux ressources hydriques. Le déplacement
d’un cours d’eau d’une région à une autre, sous prétexte d’une solidarité interrégionale ne fait
que creuser le faussé d’inégalités de développement entre les régions. Les déviations des cours
d'eau sont le produit d’une appropriation de l'eau par certains secteurs productifs performant
avec un pouvoir d’achat élevé, au détriment de petits agriculteurs ou de populations rurales.
48 K. Polanyi explique dans La Grande Transformation que ‘‘Aucune société ne pourrait supporter, ne fut-ce que pendant le temps le plus
bref, es effets d’un pareil système fondé sur des fictions grossières, si sa substance humaine et naturelle comme son organisation commerciale
n’étaient pas protégées contre les ravages de cette fabrique du diable. ‘‘(Polanyi 1983, p. 107-109)
46
Puisque le Code de l’eau n’établit pas de priorité dans l’usage, l’appropriation des ressources
par une minorité enrichie et informée conduit à l’appauvrissement des secteurs plus démunis.
(Dourojeanni 1999).
Le Code de l’eau n’établissant pas une obligation d’usage bénéfique et effective des titres a
permis l’émergence de comportements spéculateurs et monopolistiques. C'est le cas de
l'entreprise de production hydroélectrique Endesa privatisée en 1987. L’État chilien, lors de la
privatisation du secteur hydroélectrique a transféré à l’entreprise d’ENDESA l'ensemble des
titres d'appropriation de l’eau gratuitement, sans condition. Endesa forme ainsi aujourd’hui un
monopole en matière de production hydroélectrique, qui représente 34 % de la production
nationale d’électricité et 80,4 % des titres d'appropriation non destructeur (Bravo 2004). Ce
monopole lui permet de déterminer l’offre seul, de façon à vendre l’électricité à son avantage.
Cette situation constitue un frein pour le progrès technique et industriel du pays et pour le
développement humain des populations (Doureojanni 1999).
Par ailleurs, le Code de l’eau ne consacre pas une priorité pour l’appropriation d’eau à
destination de la consommation humaine lors de l'octroi gratuit des titres par la DGA. Ainsi,
les Comités et coopératives d’eau potable rurales sont obligés d’inscrire leurs droits
d’appropriation en assumant le coût de la procédure administrative et de la surenchère lorsque
le cas se présente. Toutefois la concurrence directe entre une demande pour usage domestique
et une demande pour usage industriel lors d'une inscription de titre n’est pas récurrente. De
fait, lorsqu’une rivalité est susceptible d'avoir lieu, les acteurs préfèrent extraire l'eau de façon
illégale (Nicolas 2013). Ainsi la sécheresse, peut résulter d’un processus à la fois naturelle et
politique dû à la surexploitation des ressources illégales par les hommes49.La pollution des
ressources hydriques provoquée par l’accaparement des ressources et leur contamination par
les secteurs industriels et agricoles sont un fait. Il donne lieu à de multiples conflits pour l'eau
dont l'un des plus symboliques est celui ayant lieu dans le village de Los Caimanes50.
L’application du Code de l’eau conduit également à une détérioration substantielle de la
ressource et à une perturbation de son cycle naturel. La mise en place de système d’irrigation
performant, notamment au compte-gouttes, pour améliorer l'efficience de l'utilisation de l'eau
49 La détermination des causes de la sécheresse font l’objet de débats entre les experts, les politiciens, les
Associations et la population touchée par ce phénomène.
50 Voir le futur documentaire réalisé par Elif Karakartal à ce sujet.
47
provoque à long terme un assèchement des nappes souterraines. Les plantations d'eucalyptus
dans le sud du pays conduisent également à leur assèchement. Cet assèchement réduit l'accès à
l'eau pour les populations sur le long terme et modifie l'état géologique des zones concernées.
La construction de barrages hydroélectriques, perturbent le cycle naturel de l'eau car
l'obstruction de l'eau en amont modifie l'écosystème en aval et les conditions d'habitation des
populations. L’absence de normes régulant la propriété des glaciers, a permis de lancer les
débats sur la possibilité de vente des glaciers51à l’étranger, alors qu’ils contiennent l’ensemble
des stocks d'eau douce du pays et forment les uniques sources d’eau potable. De plus,
l’ensemble des industries citées ci-dessus utilisent dans leur processus de production des
produits chimiques polluants. Ces produits, dissous dans l'eau sont souvent déversés dans la
nature sans être traités puisque la législation en matière de protection environnementale est
peu contraignante. La contamination émanant des industries minières sont considérables et
touchent particulièrement les cours d'eau superficiels, les nappes souterraines et les zones
côtières (INE 2010). Les institutions chargées d’appliquer la Ley Base del Medio Ambiente 52et
de réaliser les études d’impacts environnementaux, possèdent peu de ressources pour
surveiller et sanctionner les éventuelles effractions. C’est notamment dans les zones rurales
excentrées, sorte de ``No mans land``, où très peu d’habitants ont la possibilité d’être informés
et de contester les abus des industries minières hautement polluantes (Durston 2010).
On constate un paradoxe résultant de l’application du modèle de l’économie de l’écologie : la
création d’une rareté fictive par le prix pour protéger les ressources hydriques du gaspillage et
de leur surexploitation a conduit à une raréfaction réelle de la ressource. Pourtant, il est
difficile de remettre en question le Code de l’eau puisqu’il est directement lié à l’ordre
économique érigé sous la dictature militaire et institué par la constitution. D’autant plus que ce
modèle néolibéral représente une vitrine économique pour attirer les investissements
étrangers, et pour pérenniser le modèle libre échangiste. La pression des firmes
multinationales et des intérêts économiques nationaux pour préserver ce système économique
est telle que la fiction marchande s’auto-génère à grande vitesse (Moulian 2002). Bien que les
51 Se reporter à l'article : Polemica en Chile sobre la posible venta de agua patagónica de glaciar a Qatar. Jorge barreno, 13/05/2013. El
Mundo. eshttp://www.elmundo.es/america/2013/05/13/noticias/1368467966.html
52 Première loi de protection environnementale chilienne, entrée en vigueur en 1994, mais dont l’application reste très limitée (Larrain
2004).
48
conséquences sociales et environnementales néfastes provoquées par le désencastrement
soient visibles, aucune institutions n’à la faculté de les en empêcher. Les conflits pour l’eau se
multiplient et aucune institution publique n’est chargée de les anticiper ou d’en mettre fin. Les
juridictions ordinaires sont surmenées et ne possèdent pas les compétences pour trancher les
conflits de l’eau (Larrain 2010). Toutefois, depuis les années 90, une prise de conscience
environnementale prend forme par la création de groupes écologiques qui font pression sur
l’Etat pour la rédaction d’une loi de protection environnementale : la Ley Bases del Medio
Ambiente (Salazar 2012). Après de longs débats, une modification du Code de l’eau a été
établie en 2001, pour éviter les comportements spéculateurs. Elle rend obligatoire l'usage
effectif du titre après 5 ans de détention (Szigeti 2013).
Homogénéisation des modes de pensées et des comportements
La pertinence de l’analyse des marchandises fictives de K. Polanyi, est de dénoncer et avertir
sur l’effet insoutenable de la fiction marchande sur la réalité sociale. Cette fiction marchande a
un pouvoir performateur sur les représentations individuelles. En appliquant à l’ensemble de la
vie sociale les logiques du marché, elle oblige les individus à se comporter en fonction des
attentes des logiques du marché. Elle procède à une évacuation de l'altérité et réduit à rien la
dimension éthico-politique de la vie humaine. L'intérêt individuel devient le fondement de
l'économie, puisque la marchandisation fictive de l’environnement social-humain-naturel
conduit à l’affirmation du primat d’un mode de rationalité technique, utilitaire et instrumentale
dans les affaires humaines. Progressivement, l’objectif d’efficacité productive devient un
fondement du comportement humain (Bugra 2005, Caillé 2001). En ce qui concerne le service
de distribution de l'eau en milieu rural, l’évolution des comportements des dirigeants des
comités et des coopératives d'eau potable témoigne de cette modification progressive des
comportements humains. La pénétration de la pensée économiciste au sein des comités et des
coopératives d’eau potable modifie les attitudes et les prises de décisions des dirigeants
sociaux. Par exemple, les membres du comité directeur osent couper l’eau des autres membres
de la communauté alors qu’auparavant ils le refusaient puisque cela entrait en contradiction
avec leurs principes éthiques et leurs valeurs (Nicolas 2013). La généralisation de ce
comportement conduit selon K. Polanyi a une disparition progressive des institutions sociales
puisque l’action fondée sur la raison pratique qui les génère disparait.
49
Toutefois cela ne repose que sur une fiction marchande, et l’approche substantive souligne que
l’économie est toujours encastrée dans les relations sociales, politiques et environnementales.
A.2 L’économie demeure encastrée dans les relations sociales, politiques et
environnementales.
Le principal apport de K. Polanyi en anthropologie économique est de redéfinir le terme
« économie » qui selon lui a été cantonné à son sens formel par les économistes néoclassiques. La seconde signification, dite substantive, provient du constat que les hommes ne
peuvent vivre durablement sans entretenir des relations entre eux et avec leur environnement
naturel, pour acquérir les moyens et conditions nécessaires à leur subsistance (Polanyi 1944).
Carl Menger, père fondateur des théories néoclassiques, avait fait dans son ouvrage Principes
d’économie politique(1871), cette distinction entre la définition de l’économie qui fait
référence à l’insuffisance des moyens et celle qui répond aux nécessités physiques de l’homme
en relation avec son environnement. Pourtant, cette discussion a été délaissée par les penseurs
néoclassiques contemporains, et dans l'ensemble des sciences humaines et sociales l'économie
a été assimilé à son sens formel. Cette simplification de la réalité a occasionné selon K.
Polanyi une rupture totale entre l'économique et le vivant. La réduction du champ de la pensée
économique a entrainé un réductionnisme économique pour comprendre l’action des individus
et l'ensemble de la vie politique et sociale (Polanyi.
Les principes du Code de l’eau de 1985 révèlent la prégnance de la pensée économique
néoclassique centrée sur une définition formelle de l’économie. Les critiques de
l’anthropologie substantive aux visions reposant sur l’économie classique et néoclassique
permettent de comprendre et déceler les limites constitutives du Code de l’eau.
A.2.a Les motivations humaines non réductibles à des actions rationnelles en finalité.
Les principes du Code de l’eau de 1985, assimilables au modèle de pensée de l’économie de
l’écologie ont été élaborés à partir du postulat selon lequel les actions économiques des
individus sont motivées par ce que M. Weber a appelé une rationalité instrumentale en finalité.
D’après le courant de la nouvelle économie de l’eau, le fait d’assigner un coût à l’eau, doit
inciter les individus à rationaliser leur usage, et leur permettre de vendre les titres
d’appropriation excédentaires afin de percevoir une rente pour non utilisation de l'eau. Si le
marché de l'eau doit permettre de réduire les gaspillages et d’améliorer l’efficience de son
50
usage par une réallocation des ressources vers les secteurs qui en feront un usage plus
bénéfique c’est en supposant que l'ensemble des individus se comportent comme des
homoeconomicus. Les motivations des individus seraient exclusivement économique, ce qui
conduit à nier les autres formes de motivations humaines qu’elles soient politiques,
religieuses, culturelles ou éthiques. Cette représentation nie la dimension éthique et politique
de la vie humaine en réduisant l’action humaine à une logique mathématique.(Petit 2009 a,b)
Or, l’analyse factuelle du monde social gravitant autour du marché de l'eau montre que les
motivations individuelles sont multiples et variées. Les croyances et les valeurs des individus
constituent un frein pour le fonctionnement logique du marché de l'eau, et conduisent parfois
au rejet de son existence même.
Les agriculteurs ne fondent pas leur choix sur la seule rentabilité escomptée à court terme par
la vente de titres d’eau excédentaires. Face à la crainte de manquer d'eau en période de
sécheresse, phénomène climatique cyclique récurrent, les agriculteurs, bien qu'ils aient
compris le système du marché de l’eau préfèrent garder les titres en réserves notamment
lorsque la répartition des ressources se fait proportionnellement. Certains facteurs externes
comme les conditions climatiques, déterminent les prises de décisions individuelles qui ne
sont pas uniquement le résultat d’un calcul économique (Doureojanni 1999).
Certaines personnes refusent de considérer l'eau comme une marchandise et de participer au
marché de l’eau. Plus qu’un animal économique l’homme est un animal politique. Les valeurs
pèsent sur les prises de décisions individuelles. L'eau représente pour beaucoup un bien vital
précieux et inaliénable. Il est inconcevable d’attacher à la ressource un titre de propriété,
moins encore, de le séparer de la propriété de la terre. Pour des raisons éthiques ou politiques
de nombreuses personnes refusent de participer au marché de l'eau et d’inscrire les droits
d’appropriation de la ressource. Les cas d’appropriation illégale des ressources en
connaissance de cause sont fréquents, surtout dans les zones rurales excentrées (Yanez 2011).
Les poids de la tradition et de l’histoire sont importants surtout en milieu rural, et en ce qui
concerne les systèmes sociaux de distribution des ressources organisés par les associations
d'usagers. Malgré les modifications du cadre normatif et l'édification d'un système politicojuridique qui incite le déploiement d’une rationalité instrumentale en finalité, les individus
continuent d'utiliser les méthodes de gestion de l'eau héritées de leurs ancêtres, qui forment
des systèmes hybrides provenant à la fois du système colonial et des modes de gestion
51
indigènes (Brown et al 1982 Brown et Ingram 87, Maass et Andeson 78 cité par Doureojanni
1999).
Dans un processus de syncrétisme historique, les modes de vies des populations de cultures
indigènes53 se sont modernisés tout en préservant certaines coutumes et traditions. Leurs
systèmes de représentations et de croyances ne correspondent pas à celles propres des sociétés
modernes occidentales rationnalisées. Puisque le rapport à l'eau était structurant pour les
populations originaires, le lien des populations de cultures indigènes actuelles aux ressources
hydriques et à leur environnement naturel reste primordial. D’autant plus que l’eau est une
ressource essentielle pour la reproduction de leurs modes de vie qui reposent principalement
sur une agriculture familiale. Pour ces populations, l'eau constitue un patrimoine commun
inaliénable (Yanez 2011). L’inexistence d'une participation active de ces populations sur le
marché de l'eau ne s'explique pas par un refus fondé sur des principes et des valeurs
spécifiques. Il repose sur une incompréhension et inadaptation aux logiques de fonctionnement
qui établissent et sont établis par le marché de l'eau (Doureojanni 1999). Depuis la période
coloniale, l’ampleur de ce « choc culturel » a obligé les pouvoirs publics à reconnaître les
droits d’accès coutumiers sur l'eau des populations indigènes54 (Gentes 2001). Ainsi, force est
de constater que la rationalité instrumentale en finalité n'est pas la seule motivation à agir de
l'homme. Pour ces populations, la formalisation même de droit d'accès coutumier repose sur
un mécanisme dénué de sens. C’est pour quoi dans le nord, des populations ont vendu leurs
droits à des entreprises minières entrainant de grave problème pour l'agriculture locale et le
développement des communautés indigènes (Bauer 19959). Ce choc de logique entrave de fait
la formalisation des droits de propriétés à échelle nationale, point structurant de la
consolidation du marché de l'eau.
A.2.b Les limites d’une valorisation économique par les prix des biens
environnementaux.
L'économie de l'écologie procède à la valorisation monétaire des ressources naturelles,
puisque les problèmes de l’environnement seraient liés aux dysfonctionnements du marché.
Pour contrôler les externalités négatives du marché sur les ressources hydriques, la solution
53 Les populations de cultures indigènes représentent 4,58 % habitants au Chili. Elles se concentrent dans les zones rurales des Régions II,
VIII, XI.
54 De fait, ces protections ont rarement été totalement reconnues et respectées.
52
serait de procéder à la réinternalisation des externalités négatives. Par ce mécanisme, la
pollution et la surexploitation de l'eau représenteraient un coût que devront supporter les
individus ce qui devrait les inciter à utiliser les ressources de manière efficiente. Selon cette
approche, la valorisation marchande de l’eau doit permettre de rationaliser son usage
(Aubertin 2001 Passet 1996).
Pourtant en vertu de l'application du marché de l'eau, l'analyse factuelle montre que le prix
escompté de la vente de l'eau n'incite pas les agriculteurs à faire un usage plus efficient des
ressources pour éviter la surexploitation. Après la mise en application du marché de l’eau, les
principaux investissements réalisés par les agriculteurs visaient à améliorer leur productivité
totale ou à réduire les coûts de maintenance de leurs infrastructures. Aucune opération visant
une amélioration du système d’irrigation n’a été répertoriée (Bauer 2002). Il n’existe donc pas
de lien de causalité entre l’affectation d'un prix à l'eau et l’investissement pour la
rationalisation de son usage.
L’idée répandue par Perce et Moran selon laquelle « We don’t protect what we dont value » ne
se vérifie pas empiriquement en milieu rural (Meral 2002). Dans le Programme d’Eau Potable
Rural, l’une des justifications de l'implantation progressive d'un système de tarification de
l’eau est la limitation du gaspillage de l’eau pour la consommation domestique. Or, dans les
Comités et les Coopératives d’Eau Potable Rural les effets constatés sur le comportement des
individus sont contraires à ceux attendus. Il est récurrent de voir une surconsommation d’eau
légitimée selon eux par le fait de payer pour la possession de l'eau. Etre propriétaire de la
ressource leur donnerait un droit d’usus sans limites. Pour modifier ce comportement, les
dirigeants des Comités et des Coopératives d'Eau potable Rural, mettent en place des
programmes d'éducation environnementale pour les jeunes et les adultes. L'éducation et la
formation cherchent à construire une prise de conscience environnementale en faisant appel à
l'éthique des individus plutôt qu'à leurs instincts égoïste (Nicolas 2013). Il s’agit d’attacher
aux ressources hydriques, une valeur autre que la valeur économique déterminée par les prix
du marché. La pression sociale du voisinage contribue également à limiter le gaspillage des
ressources. Ces situations révèlent que l’économie de ces organisations est assimilable à une
économie patrimoniale en ce qu’elle repose sur « des attributs particuliers – les valeurs, les
prix, et les institutions de régulations - et une rationalité spécifique, qui vient de l’ancrage dans
53
le temps et l’espace des communautés humaines ».55
A.2.c Le marché de l'eau est une construction sociale et politique.
Une création politique sous influence de l'idéologie néolibérale.
Selon les économistes classiques et néoclassiques, le marché est un processus qui apparait
spontanément lorsque l’offre et la demande pour un bien donné se rencontre. Ce que conteste
K. Polanyi de cette vision est la croyance en l’autorégulation du marché, par une supposée
main invisible qui conduit à un équilibre général et donne lieu au bien-être social. L’État et les
institutions n'ont pas de place dans la création et la régulation du marché. Les penseurs
néolibéraux se positionnent dans la continuité de cette pensée économique en admettant
toutefois, la nécessité de règles et d’institutions légales vouées uniquement à favoriser le
fonctionnement des mécanismes de marché, c’est-à-dire les négociations interpersonnelles et
les transactions privées sans une intervention directe dans l’économie (Dardot 2009). Or, selon
K. Polanyi, le marché est un construit social provenant d’un processus de choix politiques et
idéologiques avertis. Ces choix élaborent une architecture institutionnelle et une série
d’instruments politico juridiques qui permettent l’émergence du marché.
Le marché de l'eau de 1985, advient à partir d’une série de changements institutionnels et de
négociations politiques qui ont conduit à sa promulgation (voir B.1.a). Cette construction
politique repose sur la croyance en la « tragédie des communs », théorie développée par
Hardin en 1968 qui eut un impact idéologique à travers le monde. Selon Hardin, les biens
communs en libre accès sont voués à être surexploités en absence de propriété privée ou de
leur nationalisation. Il donne l'exemple des prés communaux, où chaque éleveur dispose d’un
accès libre et gratuit au pré. Comme aucun éleveur n'intègre dans son calcul économique le
coût de la ressource, le surpâturage conduit à la destruction de la ressource et du bien-être de
l'ensemble des éleveurs (Gardin 2004).
La pensée néolibérale alors en formation, reprend la théorie en prônant la nécessite de
constituer la propriété privée sur les ressources naturelles, ce qui devient le pilier structurant
du courant de l'économie de l'écologie. L’idée selon laquelle il est nécessaire de déterminer des
titres de propriété privée sur les ressources naturelles devient une pensée hégémonique en
55
VIVIEN, F-D., « Pour une économie patrimoniale des ressources naturelles et de l'environnement ». Paris :
Mondes en développement, 2009/1 n° 145, p. 11
54
matière économique relayée par les institutions internationales (Meral 2012). Elle influe sur
l'élaboration de l'ensemble des politiques publiques au niveau mondial, dont l'une des
émanations et le Code de l’eau chilien de 1985. Cependant, en 2009, E. Ostrom remporte le
prix Nobel d’économie en renversant la théorie de la tragédie des communs. Aux côtés des
biens publics et des biens privés, elle détermine l’existence de biens hybrides mixtes, qu’elle
appelle les « Commons-pool-ressource » (Ostrom 2010). Il ne s’agit pas de biens, mais d’une
mise en commun de ressources qui donne lieu à une gestion collective par leur usage et leur
partage. A cet effet, elle remet également en question la pensée de P. Samuelson et R.
Musgrave, selon laquelle les caractéristiques des biens sont liées à la nature intrinsèque des
ressources. Selon E. Ostrom, aucune ressource n'est par nature un bien commun, public ou
collectif. Cette catégorisation découle d'un choix politique et d’une construction
institutionnelle qui établit les modes de gestions de ce bien. Le Code de l’eau de 1985 repose
sur le postulat - et donc la croyance- selon laquelle l’eau serait un bien économique privé. À
partir de cette conception il créé un cadre institutionnel qui gère les ressources hydriques
comme s’il s'agissait d'une marchandise. C'est donc sous l’hégémonie de la pensée néolibérale
au Chili à partir de 1975 que la construction politique et institutionnelle du marché de l'eau a
pris forme.
Le marché de l'eau est encastré dans les relations sociales et les institutions.
Le Code de l’eau de 1985, créé les conditions juridico-politique nécessaires pour permettre
l'émergence spontanée du marché de l'eau. Or, l’analyse factuelle montre que ce marché reste
inactif. Lorsqu'il est actif, il ne réalise pas les effets escomptés. L’intervention de l’État a été
nécessaire pour rendre le marché actif et pour garantir l'atteinte des objectifs du marché. Cette
analyse empirique des faits permet de poursuivre la pensée de K. Polanyi et discuter
l'existence d'un marché autorégulé. Les rapports sociaux et l'apport des institutions sont
essentiels pour la réalisation des échanges marchands.
Au-delà des résistances individuelles (voir A.2.a), le marché de l'eau ne surgit pas de façon
spontanée comme les économistes néolibéraux le prétendent. La forte volatilité des prix de
l'eau liée à l’instabilité de la disponibilité de la ressource due aux changements climatiques,
conduit à des situations où la négociation du prix de l'eau se fait localement au cas par cas et
on sur un marché national. De fait les échanges interrégionaux sont peu fréquents. Le prix de
55
l'eau ne se fixe pas sur un marché de l'eau national et ne structure pas la production comme la
fiction marchande le voudrait. Les transactions se déroulent localement et de manière
informelle, sans suivre les procédures dictées par le Code de l’eau (Doureojanni 1999). Un cas
typique est la vente des excédents d’irrigation d’un producteur agricole à l'entreprise sanitaire
locale qui traite l'eau pour la revendre aux consommateurs urbains.
De manière générale, le marché de l’eau est inactif voire, inexistant (Bauer 1996). L’offre de
titre sur le marché est peu fréquente. Les excédents d'eau constituent une assurance pour les
producteurs en cas de sécheresse. De plus, vendre les titres d’appropriation de l'eau entraine
une baisse de la valeur économique de la terre. La demande de titre est également faible
puisqu’il existe une série d’alternative viable avant l’achat de nouveaux titres, notamment par
l’utilisation de pesticides, l'extraction d'eau illégale, l'achat de droits contingents56 ou encore
l'accroissement de la demande du débit des titres d'eau souterraine. De plus, la rigidité des
canaux d'irrigations artificiels, construits et surveillés par les communautés d’eau empêche la
modification rapide des conductions d'eau et rend difficile l’achat et la vente des titres
d’appropriation (Bauer 1996).
De fait, l'application du Code de l’eau induit la formation de situation monopolistique et de
comportements spéculateurs, deux situations perverses qui sont aux antipodes du modèle de
marché de concurrence pure et parfaite de L. Walras. La réforme du Code de l’eau de 2001,
rend compte de la nécessaire intervention étatique pour permettre l’existence des échanges sur
le marché (Szigeti 2013).
Lorsque les transactions ont eu lieu, l'analyse factuelle montre que celles-ci n'ont pas conduit à
une meilleure efficience dans l'usage de la ressource et une amélioration de la productivité.
C’est ce que démontre une étude de terrain réalisé par C. Bauer (1996)sur les effets du marché
de l'eau dans le secteur agricole qui constitue le secteur le plus actif en matière de transactions.
C. Bauer explique que les échanges sont plus nombreux dans le Nord. Dans ces régions, les
ressources sont plus rares et on applique une agriculture intensive caractérisée par son
intensité capitalistique. Il s'agit essentiellement d’industries agroalimentaires de production de
fruits et de légumes méditerranéens destinés à l'exportation. Sur 30 000 hectares de terres C.
56 Les droits contingents sont opposés aux droits permanents. Ces droits autorisent les bénéficiaires d’utiliser les ressources excédentaires
après s’être répartis les ressources des droits permanents.
56
Bauer compte 275 titres vendus. Dans les régions situées plus au sud, les cultures annuelles
sont destinées aux consommations courantes et nationales. Les produits nécessitent beaucoup
d'eau et les technologies de productions et d’irrigations sont faibles puisque les ressources
hydriques abondent. Sur 75 000 hectares de terres C. Bauer compte 150 titres vendus. C.
Bauer montre que le secteur agricole est plus productif dans les régions du Sud que dans celles
du Nord. La productivité et le dynamisme du secteur ne sont pas liés à l’échange de titres
d’appropriation de l'eau puisque malgré l’importance des échanges dans le nord, et les
différences dans les caractéristiques de l'organisation de la production et la productivité, les
régions du sud restent plus productives. Selon lui la différence s'explique par les conditions
climatiques : au sud le climat humide et frais favorise la production.
Par ailleurs, dans les régions dans lesquelles les transactions des titres semblent avoir amélioré
l’efficience de l'usage de l'eau et la productivité du secteur, il semble que l’intervention de
l’Etat a été fondamentale. Hearne étudie quatre secteurs agricoles différents : Maipo, Elqui,
Azapa et Limari et seul le bassin de Limari constitue un exemple de dynamisme productif
associé à une rationalisation poussée de l'usage de l'eau. Selon Hearne cela s'explique par les
conditions particulières des ressources hydriques dans le bassin de Limari liées à l’intervention
directe de l'État. En effet le MOP a construit trois grands réservoirs d'eau qui permettent de
stocker et de transférer l'eau de manière continue et constante, ce qui constitue une situation
extrêmement rare au Chili et a permis de mettre en place des méthodes d’utilisation des
ressources perfectionnées (Bauer 2002).
Enfin, le renforcement de la propriété privée sur les titres d'appropriation de l'eau n’a pas
incité les acteurs privés à investir en matière d'infrastructures d'irrigations. Le gouvernement
chilien a du subventionner la construction des infrastructures à maintes reprises depuis 1985
(MOP 2003).
Sans l’existence d’institutions et sans les interventions directes de l'État en matière de
politiques hydriques, le marché autorégulé de l'eau demeure inexistant ou ne réalise pas les
objectifs pour lesquels il a été créé. Cela prouve que tout instrument économique, comme le
marché, est un fait institutionnalisé, et les rapports marchands restent toujours intimement
encastrés dans les rapports politiques et sociaux environnants.
57
A.2.d La privatisation du service et le sophisme économiciste
La décision de privatiser les secteurs dans lequel l’État détenait un monopole de service public
révèle l’existence d’une croyance en la supériorité de l’économie marchande et l’identification
de l’entreprise moderne à l’entreprise capitaliste (Laville 2004). En reprenant l’approche
Polanyienne, la privatisation du service de distribution de l'eau témoigne de l’existence d'un
sophisme économiciste. Ce sophisme signifie la tendance qui surgit dans une société de
marché à poser une équivalence entre l'économie humaine et sa forme marchande. Il s'agit
d'une croyance communément partagée qui surgit avec la négation du sens substantif de
l'économie et qui définit principalement l'économie sous sa forme formelle (Polanyi 2007). Le
marché devient le principe économique fondamental niant l’existence des principes de
redistribution et de réciprocité, et l’ensemble des rapports économiques sont réduits à la
logique de l'allocation des moyens en situation de rareté. Cette croyance devient une prophétie
auto-réalisatrice puisqu’elle performe la réalité en établissant le processus de construction
politique qui conduit à la privatisation d'un service qui était jusqu'alors public (Polanyi 1944).
Au Chili, l'idéologie néolibérale reprend cette croyance en la supériorité du marché sur les
autres formes d'organisations économiques. La modernité capitaliste devient synonyme de
marché autorégulé et rend caduque l'interventionnisme étatique dans son rôle de redistribution
et de gestion des services publics (Moulian 2002). Le rôle d’Etat entrepreneur est supprimé
par la séparation progressive de ses fonctions politiques et économiques. Le processus de
privatisation du secteur de distribution de l'eau en milieu urbain a consisté tout d’abord en une
séparation des fonctions de régulations et opérationnelles de l’entreprise publique. Ensuite il a
consisté en la recherche de l’autosuffisance financière de la fonction opérationnelle, pour enfin
permettre sa conversation en société anonyme ou établir des concessions privées sur le service.
(voir B.2).
L’influence de l’école néolibérale de l’eau a été décisive pour la légitimation de la
privatisation. A l’instar d’E.Ostrom, les néolibéraux remettent en question la théorie de P.
Samuelson, selon laquelle un bien public, défini par la nature intrinsèque du bien, doit être
assumé sous forme de service public par l’Etat. Ils établissent une séparation entre la nature
intrinsèque des biens et leur statut pour justifier la création de « service d’intérêt général ». La
prestation de ces services, traditionnellement publics, est prise en charge par une entreprise
privée au travers d’une concession et de l’élaboration d’un cahier des charges. Ce mécanisme
58
rend légitime l’ensemble des processus de privatisations des services publics (Dardot 2010).
Pourtant, sans l'intervention première de l'État, dans les années cinquante, aucune entités
privées n'auraient réalisé les investissements de départ pour attribuer le service d'eau potable.
Aujourd’hui cette privatisation pose des problèmes car elle ne répond pas au besoin vital de
l'ensemble de la population. Elle a pris la forme d'un partenariat public-privé particulièrement
dérégulé. L’Etat n'a que de faibles pouvoirs en matière de surveillance et de contrôle du
secteur. La faiblesse de la législation en matière de surveillance des entreprises sanitaires et du
cahier des charges empêche un contrôle rigoureux des infrastructures et de la potabilité de
l'eau (Larrain 2010). A plusieurs reprise la qualité du service fourni, a été remise en cause pas
la société civile, le plus souvent après des accidents qui ont provoqué des coupures d'eau. Par
exemple, le dernier en date fut la coupure d’eau à Santiago laissant 4 millions de personnes
sans eau potable plus de 48 heures. Par ailleurs, aucune norme n'oblige les entreprises
sanitaires à répondre de manière indiscriminée à la demande effective en eau potable des
populations en milieu urbain. Ce qui laisse le libre choix aux entreprises sanitaires privés de
garantir ou non l'accès à l'eau potable57.
La privatisation du service repose sur la logique qu’Aristote a appelée chrématistique, qui se
caractérise par une logique d'accumulation pour elle-même. Selon le philosophe grec, cette
logique est contraire à la nature humaine et nie les besoins matérielles des populations,
nécessaires à leurs subsistances. Les entreprises sanitaires privées sont mus par le lucre (Azam
2008). Depuis la privatisation du secteur sanitaire, le prix de l'eau a augmenté de façon
constante et continue. Ce processus serait insoutenable sans l’existence de subventions à la
consommation d'eau potable. Ce phénomène confirme la non viabilité de l’économie formelle
pour la subsistance humaine. Le déploiement du principe économique de redistribution est
nécessaire pour répondre aux besoins fondamentaux de l'homme. Ceci révèle la prééminence
et l'omniprésence de l’économie dans sa forme substantive.
La propagation du discours fondé sur la croyance en la suprématie de l’économie sous sa
forme marchande comme unique vecteur de progrès est à l'œuvre en milieu rural chilien. Le
débat législatif actuel concernant la nouvelle loi sur le secteur sanitaire rural révèle l’existence
57
Une réforme de la loi est actuellement en débat dans la Commission parlementaire des Ressources Hydriques.
59
d’une volonté de privatiser les organisations communautaires d’eau potable. La privatisation,
est perçue comme la seule forme économique qui puisse permettre une efficience dans la
distribution du service de l'eau potable en milieu rural. La recherche de l’efficience et du lucre
devient plus importante que l’équité et le respect des valeurs et codes de fonctionnent
communautaire. La gestion communautaire de l'eau est stigmatisée, elle est vue comme
conflictuelle et inefficace.
Pourtant ces mêmes organisations sont à la tête d’un contre-mouvement plus large formé par
la population civile qui questionne le processus de marchandisation de l’eau et de privatisation
du service.
B Les résistances au processus de marchandisation et de privatisation de l'eau,
analyse du « contre-mouvement » civil chilien.
K. Polanyi (1944) décrit dans son œuvre l'existence d'un double mouvement simultané : le
processus politique d’instauration d'une économie de marché et celui d'un contre-mouvement
qui cherche à limiter la dégradation des conditions de vies provoquées par la société de
marché. La force de ce contre-mouvement c’est qu’il remet en question politiquement
l’existence même de l’économie de marché. Aujourd’hui ce contre-mouvement est assimilable
à ce qui est communément appelé la société civile. Celle-ci constitue l’ensemble des rapports
sociaux qui ont lieu en dehors de la sphère familiale et domestique, qui offrent la possibilité de
coopérer à des taches d’intérêt commun en dehors du cadre de l’Etat ou du marché. Ces
rapports supposent une association libre avec d’autres personnes qui « donne la priorité à la
passion pour l’objet et le but poursuivi par l’association sur les intérêts d’argent ou de
domination ».
58
La société civile n’est pas homogène, elle est constituée d’une pluralité
d’acteurs qui entretiennent des rapports de forces parfois conflictuels.
Les travaux de recherches réalisés sur la société civile, sont souvent frappés par une vision
économiciste. Elle est souvent conçue comme un secteur subsidiaire, qui par sa souplesse
remplace les rigidités des interventions étatiques. Ici nous adopterons une approche historique,
en reprenant la définition large de J-L Laville (2012) qui préfère parler de mouvement
58
LAVILLE,
J-L.,
«Les
raisons
d'être
découverte/M.A.U.S.S/C.R.I.D.A. 2001, p. 61-141
60
des
associations»',
in
Association,
démocratie
et
société
civile.
Paris,
La
associationiste59, caractérisé par la création de lien social libre et volontaire entre les citoyens
pour le bien commun.
B.1 La capacité de la « société civile» à démocratiser l'économie.
Le dépassement de la société de marché et la régulation du marché dépend de la capacité des
acteurs à avoir une influence sur les décisions politiques économiques. Ce qui signifie que le
réencastrement de l'économie ne prend forme qu'avec l'existence d’une solidarité
démocratique. Celle-ci est constituée d’une part par les liens de réciprocité entre les citoyens
consciencieux pour le bien commun, et d’autre part par les liens de redistributions mis en
œuvre par la puissance publique et la reconnaissance de l’importance du mouvement
associationniste. Selon J-L Laville (2012) les organisations qui mêlent les fonctions sociales et
économiques, dites organisations d’économie sociale et solidaire, sont les seules capables
aujourd’hui de démocratiser l'économie afin d'institutionnaliser une économie réencastrée dans
les rapports sociaux et environnementaux.
B.1.a Le mouvement associationniste et ses chances d’influer sur les politiques publiques.
Selon l'approche néolibérale, il n’y a pas d'alternative possible, la société de marché signifie la
fin de l’histoire. Pourtant, pendant les processus de désencatrement lancé par la Junte militaire,
une résistance civile et populaire a émergé, malgré les restrictions des libertés politiques et
individuelles. Nous adoptons ici l’approche de l'économie sociale et solidaire qui permet
d’étudier les mouvements sociaux dans l'histoire en ce centrant sur les revendications des
acteurs, cherchant à savoir s’il y a une remise en question politique du fonctionnement
économique dominant (Laville 2011). Cette approche refuse l'atomisme et l’individualisme
méthodologique, et porte attention aux pratiques sociales, éducatives et les engagements
collectifs qui développent de nouvelles façons d'agir et de nouveaux régimes discursifs. Elle
59Description par J-Lavis de ce qu’il considère être un nouvel engagement public. `` Les citoyens constituent des organisations horizontales
et réticulaires, qui favorisent une prise directe sur la vie associative. Le pouvoir y est décentralisé en un ordre acéphale ou polycéphale ;
nombre de décisions sont prises ou réinterprétées et réajustées par des instances relativement autonomes ; aucun leader n’a de véritable
pouvoir de commandement, sinon sur le fondement de son charisme. La structure organisationnelle est segmentée en une multiplicité de
groupements localisés et autonomes, liés par des processus de fission et de fusion ; des réseaux ont une grande souplesse d’intégration ou
d’engendrement de nouveaux groupements. ‘’ in Cefai D, “Politique de l’association : engagement public et économie solidaire Discussion de
l’ouvrage Politique de l’association, par Jean-Louis Laville, Paris, Éditions du Seuil, 2010” Sociologies, Paris 2012 p. 6.
61
engage une analyse descriptive et compréhensive des pratiques sociales qui recomposent les
relations entre l’économique et le social.
Les mouvements associationnistes sous la dictature militaire (1973-1990).
La répression engagée par la Junte militaire après le coup d'Etat avait pour but de détruire
l'ensemble des agences publiques et organisations sociales représentatives du pouvoir
populaire, mais il ne parvint pas à détruire ses racines historiques et ses fondements
socioculturel. Le désengagement de la puissance publique des affaires sociales et économiques
a fait surgir la propension autonomiste et la débrouillardise des populations vulnérables. Les
luttes sociales prenaient deux formes : l’une formait une rébellion engagée contre le système
dictatorial ; l'autre, des pratiques collectives de survie à partir de la création d'organisations
sociales basées sur l’autogestion et sur une synergie collective pour résoudre les problèmes de
vies matérielles (Salazar 2012). Cette dernière, se manifestait par la création d’ollas comunes,
de talleres productivos60, de groupes de santé, d’écoles libres et de coopératives d’autoconstruction. Ces expériences signifiaient l'existence d'une économie populaire qui
n’émergeait que par l’existence préalable d'une cohésion sociale et d’une identité collective
suffisamment forte pour conduire à la solidarité des individus ensevelis dans une situation de
précarité (Razzeto 1983). Ce pouvoir populaire qui émerge spontanément rend compte de la
rupture des liens clientélistes entre l’ancienne masse populaire et l’Etat socialiste, et de leur
conséquente transformation en de nouveaux acteurs sociaux.
Les négociations pour organiser la transition démocratique ont été en partie dues à la montée
des violences perpètre par les mouvements politiques armés61contre la dictature. Pendant la
campagne pour le referendum en 1988, les partis politiques de la Concertation parviennent à
unir l’ensemble des acteurs contre la dictature autour d’un vaste mouvement sociale qui donne
la victoire du non avec un 54% et marque le retour à la démocratie. Dans un premier temps, le
premier gouvernement conversationniste entend la pluralité des revendications des
mouvements associationnistes. Mais rapidement les principes de la société néolibérale
défigurent les fondements même de la spontanéité des mouvements sociaux contestataires.
60 Traduction non-officielle : marmite ou repas collectif, ateliers productifs.
61 Formées par le Frente Patriotico Manuel Rodriguez, le Movimiento de Izquierda Revolucionario et le Frente Lautaro.
62
Le retour démocratique : société civile fragmentée et dépolitisation.
Depuis le retour à la démocratie, les associations citoyennes renaissent au travers d’une
multitude de groupements sociaux qui donne lieu à une société civile hétérogène et
fragmentée. Les mouvements sociaux se décomposent en plusieurs secteurs portant des
revendications
variées :
féministes,
écologiques,
indigènes
notamment
Mapuches,
62
pobladores , d'éducation libre et populaire, des travailleurs, des paysans, des salariés, du
secteur hospitalier etc (Salazar 2012). La prise de conscience concernant la « trahison » des
partis de la Concertation est lente.63 Un basculement notable a lieu en 2006 avec la
mobilisation des collégiens, appelé le mouvement des pingouins. Les mêmes étudiants mènent
les mobilisations universitaires de 2001. A partir de ces mobilisations étudiantes, une
convergence entre les différents secteurs de la société civile mobilisée prend forme, conduisant
à la politisation des revendications. Des grèves nationales et des assemblées citoyennes
municipales, régionales et de quartiers se créent autour d'une revendication centrale : la
réforme constitutionnelle. Les mouvements sociaux critiquent les méfaits de la société
néolibérale et prennent conscience que la pierre angulaire du système néolibéral est la
Constitution de 1980 (Gaudichaud 2011).
Malgré la puissance des revendications sociales et politiques les caractéristiques de la société
civile et des individus révèlent la prégnance de l’idéologie néolibérale sur la sphère sociale. La
majorité des groupements de la société civile ne portent pas de revendications politiques.
Leurs membres se disent apolitiques et refusent les débats, perçus comme des conflits, liés au
jeu démocratique (Moulian 2002). Le désencastrement politique implanté par le système
néolibéral a conduit à une dépolitisation importante de la société chilienne. La faiblesse des
liens entre les partis communiste et socialiste avec les bases sociales renforce cette politisation
et inexistence d'alternative politique englobant (Salazar 2012).
Un processus d'isomorphisme institutionnel sous la forme d’entreprise marchande caractérise
le fonctionnement interne des organisations représentantes de la société civile, qui se traduit
par une prévalence de ce qu’Alain Caillé (2001) appelle les associations civiles secondaires
62 Les habitants des colonies de peuplement caractérisées par des habitats informels à la périphérie des grandes villes.
63La population chilienne profitait du retour à la démocratie, il a fallu attendre l'oublie complet du passe démocrate-populiste des partis
Concertationniste. Le niveau de vie permis par le boom consumériste entrainé par le développement libre échangiste et l’affaiblissement des
idées marxistes-léninistes empêchent la croyance en la possibilité d’autre alternatives. De plus, à partir de 1990, l'ensemble des centres
d'actions alternatifs surgis pendant les années 80 disparaissent : ONGs, groupes de luttes armées, les réseaux d'éducation populaire, le rock et
l'églises des pauvres et des persécutés.
63
sur les primaires64. La puissance publique renforce ce processus par la mise en concurrence
des organisations pour bénéficier d`aides et de subventions publiques. Le renforcement des
exigences des programmes publiques conduisent à une professionnalisation des travailleurs
sociaux. Les culpabilités et compétences priment sur les liens de solidarités qui deviennent
secondaires.
Cette tendance renforce la chute de la participation sociale de la population chilienne au sein
des organisations et l’inexistence de l’élaboration de processus de démocratie directe. La
précarisation économique des conditions de vie, les rythmes de travail et la situation
d'endettement généralisée explique en partie cette baisse de l’engagement social et politique
citoyens. L'émergence d'une culture de l’impossibilisme liée à la peur, la faiblesse de l'estime
de soi des individus et la désespérassions face à la perte des droits anciennement conquis,
accentue ce phénomène (Salazar 2012). L’inexistence d'une participation sociale massive
favorise la naissance de spécialistes des nouvelles questions sociales, qui se transforment en
porte-parole des groupements sociaux, de plus en plus coupés de la base. La déficience des
conditions subjectives pour la création d’une alternative politique par les populations pauvres
et la croyance en que seule la classe dirigeante peut se confronter aux problèmes des sociétés
forme un terreau favorable à l’émergence de cette situation que l’on retrouve au niveau
mondial65. Ce fossé entre des intellectuels spécialistes qui s'octroient le monopole de la
représentation d'un problème et la base social souffrant de ce problème, conduit à des tensions
entre acteurs de la société civile (Laville 2001). Une convergence autour du même mot d’ordre
ne serait cacher des tensions politiques et idéologiques entre plusieurs groupes, c’est
notamment le cas entre les ONGs écologistes du monde urbain et les communautés indigènes.
L’existence d'un secteur d’économie sociale et solidaire ambivalent.
Parmi cette société civile fragmentée, plusieurs mouvements sont porteurs d’initiatives
assimilables à des expériences d’'économie sociale et solidaire. Ces expériences remettent en
64 Alain Caillé a élaboré une typologie historique des associations. Il définit les associations primaires, comme les associations étant proches
du monde traditionnel dans lesquelles les interconnaissances et les liens de socialités primaires sont fondamentaux. Les associations
secondaires, sont celles dans lesquelles l’appartenance dépends davantage des compétences professionnelles des individus.
65 « Il existe, conclut J.-F. Bayart, une rente de la critique sociale qui érige les porte-parole de celle-ci en interlocuteurs valables. Mais leur
représentativité est sujette à caution, et leur reconnaissance risque d’éclipser des institutions dont la légitimité est autrement assise : celle des
parlements » in Caillé Alain et Laville Jean-Louis, « Introduction », in Jean-Louis Laville et al., Association, démocratie et société civile La
Découverte « Recherches », 2001 p. 7-13. p.7
64
question les modes de production existants ancrés dans une économie de marché. Leurs
actions ne se cantonnent pas à une remise en question de la propriété privée, elles cherchent à
démocratiser les rapports économiques, en définitif à réencastrer l'économie dans les relations
sociales et environnementales en la rapportant à son sens substantif. Ces organisations
économiques hybrides reposent sur une économie plurielle qui intègre des ressources
marchandes, non marchandes et non-monétaires (Laville 2011). Toutefois, leur capacité à
remettre en question politiquement le système économique national reste limitée.
Le développement d’activité économique marchande informelle, communément appelée
économie populaire constitue une hybridation entre le principe de marché et de l'activité
domestique (Razetto 1983, Corragio 2011). La contestation politique de l'économie attachée à
ses activités a souvent été négligée et niée. Cela était dû à un stigmate attaché à ces activités
considérées comme étant situées à la limite de la légalité et développées par les populations
marginales dans les interstices spatiaux urbains. Dans un contexte de précarité et de prégnance
de l’individualisme, le développement d'activités individuelles peut l'emporter sur
l'engagement collectif. Mais l'économie informelle est composée d’une pluralité d’activités, et
Luis Razeto (1983) distingue en son sein les OEP Organisations d'Économie Populaire
caractérisées par l’existence d'une forte cohésion sociale et du partage d’une identité collective
qui témoigne d’une volonté pour un engagement politique collectif commun. C'est le cas des
pobladores chiliens qui ont toujours mêlés activités économiques et revendications politiques
(Kornbluth 2011, Salazar 2012).
Les communautés indigènes en milieu rurale développent des modes de production, de
consommation et d’échange reposant sur une économie hybride. Les populations indigènes
représentent leur monde social comme un tout, gouverné par un ordre moral sacré intimement
lié à l'environnement naturel. Les principes de réciprocité et de distribution au sein de leurs
communautés ont plus d'importance que le principe marchand. Toutefois cette communauté
reste isolée, peu connue de l'ensemble de la population chilienne et les revendications
politiques des réseaux indigènes sont cooptés par l’agence nationale CONADI, par laquelle les
communautés ne se sentent pas représentées. Le gouvernement chilien ne reconnait pas les
particularités des communautés indigènes (Observatorio ciudadano 2009)
Depuis quelques années des communautés écologiques, développant la permaculture, se sont
65
formées dans les espaces périurbains, proches des cordillères. Elles ont été créées par des
personnes lassées de leurs quotidiens cherchant un retour au mode de vie plus traditionnel et
respectueux de l'environnent. Cette néoruralisation témoigne d’une volonté de changer de
mode de subsistance en réaffirmant les solidarités sociales réciprocitaires et le respect de
l'environnement. Toutefois, ces expériences ponctuelles, bien que porteuses d'un discours
politique, restent des secteurs autonomes, en voie d'être récupérées par l'économie capitaliste
sous la forme d’un tourisme écologique naissant (Gautrat 2004).
Aujourd’hui des organisations spécialisées66 dans le domaine de l’économie sociale et
solidaire émergent au Chili et se convertissent en des organisations d'appuis aux organisations
d’économie sociale et solidaire. Cependant leurs liens avec les expériences locales et
empiriques restent limités. Leurs actions se limitent à se présenter comme des techniciens
spécialistes, avec des comportements avant-gardistes incapables d’influer les politiques
publiques ou de développer une logique discursive contrebalançant le discours dominant basé
sur un imaginaire alternatif (Latouche 2001).
B.1.b Les chances d'institutionnaliser une nouvelle forme d’économie dans un Etat
néolibéral.
Le principe de solidarité démocratique émerge seulement avec l’existence de liens de
redistributions mis en œuvre par la puissance publique, et d’une reconnaissance par cette
dernière de l’importance du mouvement associationniste pour la démocratie (Laville 2001). Le
contre-mouvement politique existe uniquement si l'Etat met en place des normes et des
prestations qui renforcent la cohésion sociale et atténuent les inégalités.
Selon l'approche d'ESS, l’institutionnalisation d'une autre forme d’économie qui dépasse
l'économie de marché doit se faire par la combinaison dans une nouvelle gouvernance des trois
formes d'organisation économique associées aux trois formes d’intégration économique67. La
reconnaissance politique de la nécessité de réaliser une synergie entre une économie publique,
le
marché
et
des
organisations
d'économie
sociale
et
solidaire
doit
permettre
d'institutionnaliser une économie plus sociale et solidaire, soumise aux nécessités humaines.
Toutefois, de fait, la coexistence des trois principes économique dans le cadre d'une nouvelle
66
Des cabinets de consulting, des centres de recherche, des ONGs, le CIESCOOP, l’ICECOOP, et l’AGRESAP.
67 L'économie plurielle repose alors sur la reconnaissance des trois principes d’intégration économique polanyien : le principe du marché, de
la redistribution et de la réciprocité. Ils permettent de proposer une définition extensive de l’économie.
66
gouvernance politique et solidaire a rarement existé. Les organisations d'économie sociale et
solidaire sont souvent prises dans une dynamique ambivalente. Leurs institutionnalisations
peuvent conduire à une perte d'autonomie. Elles peuvent être assujetties à un isomorphisme
institutionnel sous la forme marchande par l'acquisition de techniques de gestion managérial
leurs faisant perdre l’esprit associatif premier. Enfin, ces initiatives peuvent être cooptées par
le capitalisme dans son nouveau discours d'éthique et de business (Laville 2001).
Le secteur d’ESS perçu comme un secteur subsidiaire.
Historiquement, les mouvements sociaux ont eu peu d'influence sur les décisions politiques
chiliennes. L'‘Etat de tradition centraliste ne prend pas en considération les mouvements situés
en dehors du cadre légal et du jeu démocratique. Le modèle présidentialiste ne reconnaît que la
participation politique électorale et ne laisse pas de place à une démocratie délibérative. Le
gouvernement chilien est peu ouvert aux négociations avec les représentants de la société
civile autres que les entités légitimes comme les partis politiques, syndicats et agences de
représentations nationales. Dans ce système politico-corporatiste, les groupes reconnus font
pressions sur les politiques entrainant un cycle de « protestations-pressions-réponses partielles
de l’Etat » qui empêche toute remise en question de la structure économique et sociale. Il ne
donne à cet effet aucune place aux initiatives d'économie sociale et solidaire, qui reste
cantonnées à la sphère privée et étouffe violement les mouvements de grandes ampleurs
comme les mouvements étudiants et mobilisations mapuches (Salazar 2012).
La conception dominante de l’État subsidiaire conduit à un déploiement minimal de la
puissance publique en matière redistributive. Une grande place est laissée aux initiatives
privées et marchandes, créant un système de compétition entre les individus pour la survie et
l'amélioration de leurs conditions sociales d'existence. La question sociale est abordée comme
un problème de gestion décentralisé des ressources qui sont rares, ce qui justifie la mise en
place de programmes sociaux compensatoires ciblés68 visant à réduire uniquement les
situations d'extrême pauvreté. Ces nouvelles politiques tendent à responsabiliser les individus
et à impulser la création d'organisations socio-productives gérées directement par les
68 Ces programmes reposent sur l'idée selon laquelle les pauvres sont des personnes assistés, responsables de leur situations, ainsi les
mécanismes cherchent à développer les capacités entrepreneuriales des plus pauvres afin de les rendre autonomes le plus rapidement possible.
67
travailleurs, leurs familles et leurs communautés ce qui permet de légitimer là des
interventions de l’Etat (Corragio 2011). Suivant cette logique, le secteur informel est valorisé,
il donne à voir la naturalité de l'instinct marchand des personnes. Mais les aspects culturels,
relationnels et politiques de l'économie populaire sont niés et les politiques publiques
cherchent à internaliser le secteur informel ou à l'interdire. Par exemple, par l’interdiction des
coleros69 dans les marchés de rue légaux ou par la construction de bâtiments pour placer les
vendeurs de rue dans des locaux fermés.
Concernant l'existence des communautés indigènes, le gouvernement nie les revendications
politiques et identitaires attachées à leurs formes d'organisation économique70. Dans le
discours officiel, le Chili se présente comme une exception en Amérique Latine en ce qui
concerne la prégnance culturelle des populations dites originaires. Les communautés sont
perçues comme des minorités ethniques « en retard », pour lesquelles les organismes
publiques créent des programmes spécifiques de façon non concertés visant à l'amélioration de
leurs conditions de vie (Nicolas 2013).
Le gouvernement chilien procède à une récupération du concept de participation citoyenne,
constituée comme une façade démocratique (Deneuil 2008). Les concepts de décentralisation
et de participation sont des coquilles vides permettant la légitimation d'un système politique
voué à perdurer en absence de débat démocratique. La multiplication des expériences
participatives sont synonyme de campagne d'information et d’intégration d’idées exogènes
plutôt que d'ouverture d'un espace publique ouvert au dialogue. La société néolibérale se
caractérise par une absence d'un espace publique d’échange au sens Habermasien du terme,
qui permettrait des échanges rétroactifs de construction et définition collective du bien
commun. Dans ce contexte, toute initiative impliquant la participation spontanée des citoyens
est susceptible de récupération institutionnelle avortant le processus à sa naissance.
Le système économique néolibérale chilien repose sur la croyance en la théorie du
déversement et considère qu’il n’existe aucune alternative au modèle néolibéral et au mode de
production capitaliste (Sunkel 2011, Fazio 2010). Seule la croissance économique constitue le
vecteur de développement social et économique du pays. Cette pensée dominante constitue un
obstacle à l'émergence d’alternatives politiques et économiques. Alors que dans plusieurs pays
69 Vendeurs de rue non autorisés qui se placent à la suite des stands des marchands autorisés.
70 Le gouvernement chilien a été accusé en 2013, du non-respect de la Convention 169 de l’O.I.T par l’Observatoire du Citoyen et l’ O.I.T.
68
d’Amérique Latine les alternatives d’ESS sont valorisées71, le Chili reste à la marge, et
l'influence de l'approche en termes d'ESS dans les universités ou « think-tank » est minimale
(Denle 2008 Corragio2012)
B.2 L'impact du nouvel engagement associationiste dans le secteur de l'eau.
Pour déterminer si la population civile peut constituer un contre-mouvement capable de
remettre en question la marchandisation des ressources et la privatisation du service, il est
important d’analyser la nature et la portée des revendications pour savoir s’il existe une
« architecture du bien commun » pour l’eau, en construction (Thevenot, 1991).
B.2.La question de l'eau dans les revendications sociales.
Portrait des organisations de la société civile mobilisées pour l'eau.
Les travaux de recherche sur la société civile et l'eau au Chili sont peu nombreux voire
inexistant. L'observation de terrain donne à voir l'existence d'une multitude d'organisations
sociales portant des revendications associées à la protection de l'eau. Elles concernent plus
souvent la protection des ressources que la gestion du service de l'eau. Depuis le retour à la
démocratie les conflits de l’eau ont acquis une visibilité médiatique croissante. Les analystes
tendent à adopter une lecture marxiste, et à dater l’apparition des tensions depuis la période
militaire en cantonnant les conflits de l’eau à une lutte pour l’appropriation des ressources
entre une classe industrielle dominante et les populations rurales dominées (Padilla San Martin
cité par Folchi 2001). Certes, depuis la dictature les conflits environnementaux et de l’eau se
sont multipliés (Sabatini cité par Folchi 2001), mais M. Folchi datent les premiers conflits de
l’eau au XIXème siècle. Ce qu’il appelle les conflits de type environnementaux, éclatent
lorsqu'un processus de transformation politique affecte la stabilité historique des relations
sociales d’un espace socio-environnemental72donné. En terme polanyien lorsque la forme
d’habitation des personnes dans leur monde social est remis en question de façon non
concertée et consensuelle. Cette acceptation large des conflits environnementaux, nous permet
71 L'approche d'E.S.S gagne de l'importance dans certains pays d’Amérique du Sud comme au Brésil et en Equateur. Elle commence a être
relayée par des organisations interrégionales de coopération comme l’ALBA ou l'UNASUR.
72 M. Folchi développe sa recherche à partir de l'analyse des relations établies entre un groupes humains et leurs environnements social qui
conduisent à la consolidation d'un espace socio-environnemtal donnée. Chaque espace se défini par des relations spécifiques entre
société/nature auxquelles sont associées un système de croyances, des organisation politiques, des valeurs et des coutumes spécifiques.
69
de comprendre comment les mobilisations pour l’eau peuvent avoir une pluralité de cause et se
manifester sous des formes diverses.
Il existe plus d'une cinquantaine d'organisations sociales dont leur mot d’ordre est lié à l’eau.
Certaines de ces organisations concentrent leurs revendications uniquement sur la question de
l'eau, comme la Brigada SOS Huasco ou le Comité de défense du fleuve Loa. D’autres sont
des organisations écologistes, qui développent leurs actions à échelles internationales,
nationales ou régionales. C’est le cas de Greenpeace Chile, l'ONG écologiste « Movimiento de
accion por los cisnes » de Valdivia ou du Comité de défense de la Terre-Mère.
Une partie des associations engagées dans ces revendications sont constituées par des
populations directement affectées par la dégradation des ressources ou du service. Ces
associations de type primaire ou hybrides, d’économie solidaire (Caillé 2001) se forment
souvent sur la base d'associations sociales traditionnelles préexistantes, comme par exemple,
les communautés indigènes, les associations des usagers de l’eau ou les Juntas de vigilancia,
les Comités d'eau potable et les Juntas de vecinos. Elles revendiquent une meilleure habitation
des hommes dans le monde et portent une critique politique sévère à l’égard de l’économie de
marché. Ces associations d’individus surgissent localement et ponctuellement lorsqu’un
facteur extérieur modifie leur accès traditionnel à l’eau et menace leurs modes de vies. Les
revendications sont fragmentées en fonction du secteur géographique pour lequel
l’engagement des citoyens s'est constitué : la protection d’un fleuve, d’un glacier, ou d’un bord
côtier (Larrain 2010). Seules, ces revendications ont peu de chance d’être entendue à échelle
nationale. Mais souvent, ces petites entités s'organisent en réseaux plus élargi, se modelant aux
bassins naturels et à l'écosystème qu'ils souhaitent protéger. Le réseau de protection
environnementale du Valle del Huasco, regroupe par exemple l'ensemble des associations
formées pour la défense du bassin naturel du fleuve Huasco. Cet associationnisme croissant
permet la montée en généralité des revendications. Les mouvements tendent à se politiser et
les modes d'actions se déploient au niveau national.
Une capacité d'influencer l’ordre politique et économique limitée.
Pour déterminer la capacité des mouvements sociaux à influer sur l’ordre politique il est
nécessaire de dépasser la définition de la politique proposée par M. Weber, vue comme
l’ensemble des pouvoirs publics qui détiennent le monopole de la violence physique légitime.
70
Nous adoptons une acceptation plus large, en termes de démocratie vivante, à l’instar des
définitions proposées par H. Arendt ou J. Habermas. Celles-ci supposent l’existence d’espaces
publics de délibération et d’argumentation où les personnes se retrouvent pour définir les
modalités d’un monde commun qu’il faut construire (Laville 2001).
Les grandes manifestations pour l’eau73qui se sont déroulées au mois de mars et d’avril 2013
ont regroupé plus d'une centaine d'associations engagées pour la défense de l'eau. La
revendication principale du carnaval : « El agua es vida », « Por la recuperacion del agua y de
la vida » témoignent de l'engagement citoyen contre la marchandisation de l'eau et
l'appropriation privé des ressources, considérées comme une ressource vitale. Par extension,
certaines organisations demandent la suppression de la Constitution de 1981, ce qui témoigne
d'une prise de conscience politique élevée. Dans l'ensemble des organisations présentes,
seulement une organisation évoquait le service de l'eau : AGRESAP, représentante des
Comités et coopératives d'eau potable rurale. Pourtant un des mots d'ordre était le refus de la
privatisation de l'eau, ce qui révèle l’existence d’une confusion sémantique importante au sein
du mouvement associationniste contestataire. En réalité, la population chilienne, contrairement
aux pays voisins (Breuil in Baron 2005), n’a jamais remis en question la tarification de l'eau
puisque son application s’est réalisée progressivement. Les mouvements de contestation
remettent davantage en question la qualité du service. Cette passivité donne à voir l’intégration
dans les mentalités chilienne du sophisme économiciste.
Certaines organisations, marquée par la vision marxiste-léniniste traditionnelle, demande la
nationalisation des ressources et de faire de l’eau un bien public. Pourtant la théorie des biens
publics est une partie de la doctrine générale des biens économiques pour laquelle la plupart
des biens doivent être produits sur une marche concurrentielle, ce qui ne met pas en question
fondamentalement la marchandisation des ressources (Dardot 2001).
Lors de ces journées de mobilisation, de nombreuses organisations de la société civile74se sont
jointes aux revendications. La convergence des luttes se cristallise autour d’un refus du
modèle économique extractiviste, de la marchandisation de l’eau et demandait la suppression
du Code de l’eau de 1985 et de la constitution de 1981. Mais aucune alternative économique et
sociale autour d’un projet politique englobant n'était proposée, ce qui a limité la portée
73 Le 22 mars et le 22 avril 2013 ont été célébré la journée mondiale de l'eau et la grande marche-carnaval pour l'eau dans tout le pays.
74 Les fédérations d'étudiants, les syndicats de travailleurs, la CUT, les mouvements féministes (entre autres) se sont unis aux célébrations.
71
politique des revendications. Les associations hybrides d’économie solidaire, les seules
pouvant porter une alternative économique et sociale à l’économie de marché étaient peu
présentes et à peine prises en considération par les médias, et les représentants du mouvement
auprès des autorités (Nicolas 2013).
En 2013, dans un contexte de campagne électorale présidentielle, la protection des ressources
hydriques a été mise sur agenda. Les partis politiques indépendants ont pris position en se
joignant à la contestation. Cependant le système politique binominal75 les empêche
d’influencer sur les décisions politiques.
Les membres de l'organisation Chilesustentable, Sara Larrain et Cristian Villaroel sont
considérés par le gouvernement comme les deux portes paroles et représentants de l’ensemble
des contestations survenues lors des conflits de types environnementaux dans le pays. Or, ces
associations, de type primaire, composées d’experts, sont fortement critiquées par les
associations locales et les communautés indigènes considérant qu’elles sont coupées de la base
sociale. L’un des points de divergence tient à la définition des modalités de protection des
ressources. Les uns cherchent à établir un consensus national pour déterminer un cadre
normatif destiné à protéger l’environnement. Pour les autres, celui-ci sera forcément injuste, et
considèrent que la protection des ressources doit partir d’une reconnaissance des méthodes de
gestion traditionnelles de l’eau, voire même d’attacher des droits à la nature.
Les mouvements de la société civile pour la défense et la protection de l'eau constitue un
mouvement fragmenté, conflictuel dont la portée politique reste fortement limitée. L'absence
de relations entre les Ongs spécialistes et les populations locales et l'inexistence d'un espace
public national de débat pour définir l'eau comme un bien commun, collectif ou public
empêche la création d'une alternative politique possible proposant une nouvelle gouvernance
de l'eau. L'absence de prise en considération des organisations d'usagers et des Comités et
coopératives d'eau potable rurale, organisations d'économie sociale encore encastrées dans les
rapports sociaux ruraux, n'aide pas à la constitution d'une gouvernance sociale et solidaire de
l'eau qui permettrait de déseconomiser les consciences (Latouche 2007).
75 Le système politique binominal fut inventé par le polonais W. Jaruzelski et appliqué par la Junte Militaire pour favoriser la stabilité du
pays en promouvant les consensus et les négociations entre les partis opposés du gouvernement lors d’une élaboration ou modification de
loi sur des politiques publiques touchant certains sujets sensibles (Moulian T., 2002).
72
B.2.b Les Comités d'Eau Potables une forme d'approvisionnement en eau rural sous forme
d'organisation d'économies sociale et solidaire.
L'approvisionnement d'eau douce en milieu rural n'entre pas dans le domaine de concession
des entreprises sanitaires urbaines et n'est pas non plus pris en charge par un service public. Le
mode de gouvernance instauré par le Programme d’Eau Potable Rural est un exemple de
politique publique qui donne à voir le retrait de l'Etat et l'implication d'acteurs étatiques et
extra étatiques dans les dispositifs d'actions publiques qui sont de plus en plus décentralisés.
Cette transformation des conditions de production, distribution et gestion du service d’accès à
l'eau potable nous renvoie au concept de gouvernance, qui peut être définit comme étant « un
processus de coordination d'acteurs, de groupes sociaux, d'institutions pour atteindre des buts
discutés et définis collectivement ».76
Les Comités et coopératives d'eau potable peuvent être assimilés à des organisations
d'économie sociale et solidaire (voir annexe 13). Elles donnent à voir l’existence d’une gestion
communautaire de l’eau basée sur une économie plurielle, et sur des principes démocratiques.
Toutefois, elles forment un ensemble hétérogène extrêmement divers, qui empêche de
conclure en l’existence d’un contre mouvement remettant en question l’économie de marché.
Le contexte idéologique dominant caractérisé par la vision économiciste au sein de la fonction
publique et des entreprises sanitaires privées castrent l’émergence d’une alternative
d’économie sociale solidaire.
En principe, sur plusieurs aspects, ces organisations répondent aux critères des organisations
sociales et solidaires. Elles reposent sur une administration démocratique et transparente, qui
implique une participation sociale et économique égalitaire de ses membres, dans le but de
garantir un accès équitable à l’eau et permettre un développement communautaire locale. Elles
fonctionnent sur la base d’une économie plurielle, ce qui signifie que les rapports
économiques qui ont lieu ne sont pas exclusivement marchands. En effet, les associés
perçoivent des subventions pour la consommation d’eau potable –ressource non marchande-,
l’aide mutuelle et le travail non rémunéré sont important surtout au moment de la création de
l’organisation –ressource non marchande et non monétaire- enfin, la finalité de l’organisation
est de proposer un service marchand aux populations où la tarification finance la maintenance
des infrastructures. L'existence depuis plus de quarante ans de ces organisations contrebalance
76 Baron C. « Figures d'eau » in Société civile et marchandisation de l'eau : expériences internationales p. 7
73
la théorie de la tragédie des communs, selon laquelle la gestion communautaire des ressources
naturelles est synonyme de libre accès conduisant à sa surexploitation. Ce mode de gestion
communautaire de l'eau potable réaffirme la théorie d’E. Ostrom (2010), et son étude sur les
Commons, comme alternative de la représentation dominante des ressources comme biens
économiques, sous une forme publique ou privée. L’approvisionnement rural en eau douce est
assimilable à ce qu’elle appelle les Commons, en ce qu’elle préfigure l'établissement d'un
système de règles régissant les actions collectives des modes d'existence des communautés,
non réductibles à un agrégat d'individus intéressés. Autrement dit, les Commons sont des
modes de gouvernance locale, territorialement limités, dont les règles sont fixées à la suite
d’un processus de délibération et décision collective. E. Ostrom souligne l'importance du
processus de construction endogène du modèle de gestion communautaire pour la réussite de
son fonctionnement.
En créant le Programme d'eau potable en 1964 le gouvernement chilien impose un modèle de
gestion démocratique qui prend la forme de coopératives, puis de comités, dont les modes de
fonctionnement sont régis par la Loi de coopérative puis, des 1977, par la Loi sur les Juntas de
Vecinos. Ce processus semble en apparence exogène, mais de fait, les populations rurales
s’organisent spontanément sous la forme de Juntas de Vecinos. De plus, elles élaborent des
stratégies de détournement et de réappropriation des normes exigées en fonction de leur mode
de fonctionnement interne et de leur système de croyances et représentations (Nicolas 2013).
La liberté pour élaborer leurs propres statuts et la tolérance des fonctionnaires chargés de
l’application des règles du Programme permet l’existence de cette marge de liberté
fonctionnelle, qui est fondamental pour les communautés indigènes77. L'approche des
Commons démontre que les rapports et représentations économiques sont des processus
institutionnalisé, encastré dans les relations sociales, en cela elle s'inscrit dans la continuité des
travaux de Karl Polanyi. Elle permet de déconstruire par ailleurs l’un des postulats de
l’économie de l'environnement en soulignant que ce n’est pas la qualité intrinsèque du bien qui
détermine sa nature – l'eau douce n'est pas un bien économique parce qu’elle est rare- mais
c’est le système politique et sociale qui en instituant une activité économique converti l’eau en
un commun.
77 Les Comités d’eau potable des communautés Aymara ne possède pas de comité directeur. Un chef est choisi selon leurs propres coutumes.
Il sert d’intermédiaire entre les pouvoirs publics et la communauté plus que de s’occuper de la gestion du service.
74
Si ces organisations répondent en principe, aux critères des organisations d’économie sociale
et solidaire, il faut toutefois prendre garde à ne pas procéder à une réification de la gestion
communautaire en lui attachant des qualités supposées, mais inexistantes. Par exemple,
l’existence d’une solidarité naturelle, et d’un altruisme exacerbé pour le bien-être collectif
(Bakker, 2008). Or, pour l’honnêteté de la recherche il est important d’interroger le degré et
les caractéristiques de participations et d’implications réelles des populations dans la gestion
communautaire de l’eau. Dans l’ensemble des organisations force est de constater, une faible
participation des populations rurales (Durston 2010). Même si le degré de participation change
en fonction de la taille de l’organisation, celle-ci se limite à une participation électorale, lors
du choix du comité directeur. Malgré l’application d’une amende en cas d’absence à
l’assemblée générale annuelle, le taux de participation atteint rarement les 60%. Les espaces
publics permettant des débats politiques se font rares et les assemblées générale notamment
dans les organisations composées de plus de 1000 membres deviennent des rituels politiques
ne durent pas plus d’une heure.
L’analyse factuelle montre que dans chacune des organisations les relations sociales et les
modes de fonctionnements sont différents, les éloignant ou les rapprochant aux principes
constitutifs d’une association d’E.S.S. Malgré cette diversité deux grands groupes se
distinguent quant à leur modèle d’évaluation dominant et leur position sur les modifications
apportées au projet de loi sur les services sanitaires ruraux. Certaines organisations se
positionnent à faveur d’une privatisation, et d’autres défendent les particularités économiques
et sociales des comités et des coopératives d’eau potable, formant un contre-mouvement
associationniste. Notons que de nombreuses organisations ne se positionnent pas par manque
d’information sur les tenants et aboutissants de la loi. Le rôle des organisations d’appuis sont à
cet égard fondamentaux dans le travail de prise de conscience politique des populations et de
lobbying auprès des institutions gouvernementales.
En reprenant la grille d’analyse en termes de « modèle d’évaluation » de C. Baron et A. Isla78,
on peut distinguer un modèle communautaire d’un modèle marchand. Ces deux modèles
78 Ce modèle théorique s’inspire des travaux de Luc Boltanski et de Laurent Thevenot sur l’économie de la grandeur et la sociologie de la
justice. In Boltanski L., Thevenot L. De la justification. Les économies de la grandeur.Gallimard, 1991.in BARON, C. (cood), Société civile
et marchandisation de l’eau, Expériences internationales. Toulouse : Sciences de la société n°64, 2005.
75
d’évaluation, servent de référence à l’interprétation des règles des modèles d’accès à l’eau
élaborées par les acteurs, coordonnent les représentations des comportements, et hiérarchisent
les stratégies mises en place. Les organisations appartenant au modèle communautaire, sont le
plus souvent des organisations récemment créés, située en milieu rural dispersé, éloignées de
l’influence urbaine, avec une identité collective rurale forte dites de « Huaso » et dont les
membres du comité directeur ont le profil du dirigeant social traditionnel. Les caractéristiques
de ces dernières s'approchent plus des principes d'économie sociale et solidaire (Nicolas,
2013). La distribution repose sur un droit naturel d’utiliser la ressource en reconnaissance de
la tradition, le jeu démocratique est au cœur de l’édiction des règles qui souligne l’importance
d’une distribution équitable des ressources et de la protection de celles-ci pour les générations
futures. Les organisations appartenant au modèle d’évaluation marchande se situent plus
proches des milieux urbains, l’influence culturelle de la modernité et du discours économiciste
institutionnel est plus important. Souvent ce sont des organisations de plus grandes tailles,
dans laquelle les dirigeants se sont professionnalisés, et l’organisation connait un processus
d’isomorphisme institutionnel sous sa forme marchande. Le mécanisme du marché est perçu
comme la forme optimale de coordination des besoins par le prix, ce qui suppose que l’on
considère l’eau comme un bien économique rare. La recherche de l’efficacité économique
devient fondamentale pour atteindre le bien-être collectif, et repose sur la nécessaire
reconnaissance de la propriété privée. D’après les dirigeants de ces organisations le progrès
économique des organisations communautaires doit les conduire à se convertir en société
anonyme reposant sur la propriété privée. Pour cela ils demandent un renforcement de la
propriété privée des infrastructures, c'est-à-dire l’abusus, pour gagner une autonomie
financière, sans remettre pour autant en question le Code de l’eau (Annexe).
Un des paradoxes des travaux d’E. Ostrom , et ce qui la distingue des travaux de K. Polanyi et
de K. Marx, est de lier les Commons à une délibération permanente tout en négligeant les
relations sociales et les rapports de forces existant dans les sociétés pour augmenter la
propriété privée ou protéger un espace commun (Harribey 2011). En effet si les communs sont
une construction sociale, les évolutions des modèles de gestion sont dus à des rapports de
forces qui abolissent les anciennes règles et en produisent des nouvelles. Le projet de loi
implique une modification des règles concernant la gestion des ressources en milieu rural. Les
76
positions autour du projet de loi opposent les organisations plus informées ayant la vision
communautaire à celle ayant la vision marchande (voir annexe 7). L’utilisation de l’approche
de la sociologie des réseaux permet de déceler que ces deux modèles d’évaluation sont relayés
par des organisations d’appuis. AGRESAP et FENAPRU consolide la vision communautaire
prônant un discours qui défend l’approche théorique de l’économie sociale et solidaire. La
FESAN, ICECOOP, et les Unité Techniques des entreprises sanitaires relayent la vision
marchande basée sur un discours marchands et technico scientifique. Des tensions et des
conflits éclatent lorsque des acteurs représentant de chacun des mondes se rencontrent : lors
des visites de l’Unité Technique à une organisation communautaire du monde rurale ; lors des
débats sur le projet de loi ; entre les organisations d’appuis pour la reconnaissance du
monopole de représentation officielle auprès du gouvernement.
Depuis 2004, les modifications du projet de loi se font en huit-clos. Pourtant l’adoption de la
loi sur les services sanitaires ruraux est importante pour la résolution de plusieurs défaits
persistants : la couverture d’eau potable en zone semi-dispersée et dispersée (voir annexe 10)
et l’installation d’un réseau d’assainissement des eaux. Les fonctionnaires publics du
Ministère de développement social, en charge des investissements publics pour le Programme
d’APR, ne peuvent plus justifier les coûts de construction des installations en appliquant la
méthodologie coût-avantage (voir annexe 14). Cela est source de tension avec les
fonctionnaires de la Subdireccion de APR du MOP, accusés d’accepter les coûts exorbitants
des Unités Techniques sans contreparties. En reprenant G. Godars (Petit 2009), les tensions
proviennent de l’impossibilité d’effectuer une évaluation marchande de l’environnement. Le
problème provient du tropisme marchand et est lié à une difficulté plus générale attachée à la
notion polysémique de l’environnement. Ce trouble de légitimité est lié aux différents monde
et principes qui s’affrontent et s’oublient, ici la vision marchande et la vision communautaire.
La reconnaissance d’un domaine patrimoniale de l’eau permettrait de dépasser les conflits de
légitimité irréductible entre la privatisation et la défense des services publics par la création
d’un monde commun en gestation donnant naissance à un modèle de gestion de l’eau
consensuel. A l’échelle nationale cela induirait la reconnaissance de l’économie du patrimoine
aux côtés d’une économie publique et une économie privée. Toutefois, la reconnaissance de la
patrimonialisation de l’eau ne peut s’effectuer qu’à une échelle locale, et ne résolue pas les
77
conflits idéologiques nationaux (S. Paquerot cité Petit 2009). L’approche de l’économie
sociale et solidaire est plus pertinente dans le sens où elle argue la mise en place d’un nouveau
modèle de gouvernance solidaire à partir de la définition de l’économie sous sa forme
substantive, par laquelle l'on reconnaîtrait les trois principes d’intégration économique. Il
suppose de reconnaitre l’économie patrimoniale ou l’économie plurielle propre aux
organisations communautaires.
Toutefois l’instauration d’une gouvernance d’économie sociale et solidaire est une question
éminemment politique. Elle implique de refuser le sens formel de l’économie en dégageant
une conception de l’entreprise qui ne soit pas que capitaliste, de l’échange qui ne soit pas que
marchand et de la société qui ne soit pas que de marché. Or il semble que les modifications
apportes sur le projet de loi des services sanitaires ruraux, en faveur d’une privatisation des
services rends compte de la prédominance dans la sphère politique de la croyance en
l’économie formelle.
Conclusion :
La marchandisation des ressources d’eau douce et de leur approvisionnement est le fruit d’un
projet politique éminemment idéologique, qui donne naissance à la société néolibérale,
fondée contre la pensée socialiste. L’usage de la violence et d’un discours centré sur le
progrès et la modernité légitimée par la science économique a contribué à modifier les
rapports entre les hommes et leur environnement. Les ressources naturelles, dont l’eau,
deviennent des biens économiques. Face aux destructions et détériorations provoquées par le
fonctionnement de l’économie de marché sur les modes d’habitation des hommes sur terre, la
population civile s’organise, se révolte et critique à différents degrés le modèle de société
néolibérale. Toutefois la prégnance économiciste sur les schémas de pensée individuelle reste
forte, notamment en milieu urbain où le modèle marchand est synonyme de modernité et de
progrès. Les mouvements sociaux se limitent à l’édiction de discours, sans proposer
d’alternatives d’économie sociale solidaire. Ils ne parviennent pas à remettre en cause les
fondements scientifiques de la marchandisation et de la privatisation de l’eau, et sont
rapidement réabsorbés par la pensée dominante. En milieu rural, les modes de contestation
portés par les organisations d’eau potable rural ont un plus fort potentiel contestataire, puisque
78
leurs modes d’organisation repose sur une économie substantive, leurs revendications ne se
résument pas à un discours mais à une façon d’agir autrement. Toutefois, les modes
organisations communautaires d’eau potable, se déploient dans une société de marché avec un
Etat centralisé. L’isolement social, le manque de reconnaissance, les procédures d’absorption
étatique ou capitaliste, tout comme l’individualisme et la dépolitisation croissante des
individus limitent la portée de leur proposition. Il semblerait que pour faire émerger un contre
mouvement réel au Chili il serait nécessaire de réaliser une rupture avec le ''fondamentalisme
marchand’’ (J. Stiglitz cité in Laville 2001). Celle-ci ne peut exister sans une modification de
l’éthique des individus, ce qui signifie selon S. Latouche de déseconomiser les consciences.
Au Chili, malgré l’existence des Comités et coopératives d’eau potable rurale, l’influence
néolibérale est omnisciente, et la volonté de privatiser les services ruraux, témoigne de la
prégnance et persistance de la croyance en l’économie formelle
79
Liste des abréviations :
AGRESAP
Asscociación Gremial de los Servicios de Agua Potable
APR
Agua Potable Rural
BID
Banco Interamericano de Desarrollo
BM
Banco Mundial
CEPAL
Comission Economique pour l’Amérique Latine
CIESCOP
Centro Internacional de Economia Social y Cooperativa
CONADI
Corporación Nacional de Desarrollo Indígena
CORFO
Corporación de Fomento de la Producción
DGA
Dirección General de Aguas
DOH
Dirección de Obras Hidráulicas
EMOS
Empresa de Obras Sanitarias
ENDESA
Empresa Nacional de Electricidad S.A
ESS
Economie Sociale et Solidaire
ESSBIO
Empresa de Servicios Sanitarios del Bio-Bio
ESVAL
Empresa Sanitaria de Valparaíso
FENAPRU
Federación Nacional de Agua Potable Rural
FESAN
Federación Nacional de Cooperativas de Servicios Sanitarios
FMI
Fond Monétaire International
ICECOOP
Instituto Chileno de Educación Cooperativa
MOP
Ministerio de Obras Públicas
OEP
Organización de Economía Popular
ONG
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SENDOS
Servicio Nacional De Obras Sanitarias
SISS
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90
Liste des annexes :
Annexe 1: Cartographie. ................................................................................................................. 92
Annexe 2 : Rappel historique sur l’histoire du Chili. ................................................................... 102
Annexe 3 : L’importance de la cosmovision Andine. ................................................................... 107
Annexe 4 : Système de distribution et de répartition de l’eau des peuples de cultures
indigènes. ...................................................................................................................................... 107
Annexe 5 : Les institutions compétentes pour la gestion des ressources hydriques et pour le
contrôle du service de distribution de l’eau. ................................................................................. 108
Annexe 6 : Le cadre normatif applicable au secteur sanitaire urbain et rural................................112
Annexe 7 : Le projet de loi de 1998 et les modifications apportées depuis 2010 .........................113
Annexe 8 : La disponibilité totale des ressources face à la pression croissante de la demande
par secteur. .....................................................................................................................................115
Annexe 9 : La privatisation du service de distribution de l’eau et l’augmentation
consubstantielle des tarifs. .............................................................................................................118
Annexe 10 : Définition du milieu rural et taux de couverture d’eau potable et assainissement
en milieu rural et urbain. ............................................................................................................... 120
Annexe 11 : Liste des entretiens réalisés et des visites de terrain................................................. 123
Annexe 12 : Grilles d’entretiens et d’observation. ....................................................................... 125
Annexe 13 : Synthèse des résultats du terrain .............................................................................. 128
Annexe 14: Les limites de l’analyse coût-avantage pour l’évaluation des investissements des
projets d’eau potable rurale. .......................................................................................................... 131
Annexe 15 : Photographies de terrain. .......................................................................................... 132
91
Annexe 1: Cartographie.
I - Organisation politique et peuplement du territoire.
Carte de l’organisation politique et administrative du Chili.
Sources : http://mapasdechile.blogspot.com/2011/12/mapapolitico-de-chile.html
92
Densité de la population et mode de peuplement.
Sources : http://www.educarchile.cl/Portal.Base/Web/VerContenido.aspx?ID=133092
93
Répartition sur le territoire des différents peuples de cultures indigènes avant la colonisation.
Sources : http://www.educarchile.cl/Portal.Base/Web/VerContenido.aspx?ID=133092
94
II-Un territoire contrasté riche en ressources naturelles.
Exemple du relief du territoire Chilien à partir de la région d’Antofagasta.
Sources : http://www.icarito.cl/herramientas/despliegue/laminas/2009/12/376-608865-3relieve-de-la-region-de-antofagasta.shtml
95
Carte des reliefs.
Sources : http://www.educarchile.cl/Portal.Base/Web/VerContenido.aspx?ID=133092
96
Une distribution disparate des ressources hydriques sur le territoire.
Sources :
97
http://www.educarchile.cl/Portal.Base/Web/VerContenido.aspx?ID=133092
II – La diversité de ressources naturelles et végétales, source de biodiversité.
La répartition des différents types écologiques sur le territoire.
Source: INSTITUTO NACIONAL DE ESTADISTICAS, Rapport année 2010 sur
l'environnement au Chili, Santiago, 2010
98
Les surfaces naturelles dites protégées.
Source : INSTITUTO NACIONAL DE ESTADISTICAS, Rapport année 2010 sur
l'environnement au Chili, Santiago, 2010
99
III- La dégradation de l’environnement provoquée par les activités humaines.
Distribution sectorielle des sources de contamination du territoire.
Sources : INSTITUTO NACIONAL DE ESTADISTICAS, Rapport année 2010 sur
l'environnement au Chili, Santiago, 2010
100
Représentation géographique des territoires en voie de désertification.
Sources : INSTITUTO NACIONAL DE ESTADISTICAS, Rapport année 2010 sur
l'environnement au Chili, Santiago, 2010
101
Annexe 2 : Rappel historique sur l’histoire du Chili.
Les peuples de cultures indigènes pendant la période précoloniale.
La période précoloniale s'étend depuis l'arrivée des premiers hommes sur le territoire chilien
vers 9 000 avant J-C jusqu'au début de la colonisation espagnole en 1540 (Blancpain, 1996).
Durant ces siècles, une multitude de peuples indigènes ont habité le territoire correspondant
approximativement au territoire du Chili actuel. Les historiens comptent entre 14 à 17 peuples
originaires, répartis le long du territoire en fonction de la richesse des terres et de leur mode
« d'autosuffisance » (Sarguet, 1996 ;)
La zone Nord était habitée par des peuples sédentaires comme les Aymaras situés dans
l’Altiplano et par les Atacameños et les Diaguitas installés plus au sud, à l’intérieur des terres.
Ils formaient des civilisations avancées et étaient particulièrement performants dans le
domaine agricole avec une bonne maîtrise des techniques d'irrigation agricole dans une zone
extrêmement aride. Ils cultivaient la pomme de terre, la coca, le haricot, le maïs et élevaient
des lamas, des alpagas et des guanacos. Les Changos composés essentiellement de pécheurs,
formaient la seule tribu nomade du nord qui se déplaçait le long de la côte depuis Arica jusqu'à
Copiapo.
La zone centrale, qui correspond approximativement au territoire qui s'étend aujourd'hui de la
Vième à la Xième région, était habitée par des tribus nomades et des peuples sédentaires. Les
peuples nomades comme les Pehuenches, les Puelches et les Poyas étaient des chasseurscueilleurs. D'autres tribus comme les Chiquiyanes, et les Mapuches étaient horticulteurs et
éleveurs. Notons que la tribu des Mapuches, littéralement « homme de la terre » regroupe en
réalité tous les peuples parlant la même langue depuis le rio Choapa jusqu'à l'île de Chiloe.
Bien que partageant une langue commune, le mapudungun, les Mapuches ne formaient pas
une société unie, et étaient composés de plusieurs groupes rivaux qui s'unissaient
ponctuellement lorsqu'ils faisaient face à un ennemi commun. Les Auracans situés entre le
fleuve Biobio et Tolten constituent la branche principale des Mapuches. Les Picunches quant à
eux étaient les « gens du nord » et les Huiliches, ceux du sud (Blancpain, 1996 : 26).
Le sud du Chili était peuplé par les Chonos, les Tehuelches, les Yaganes, les Alacalufes, les
Cuncos et les Selk'nam. Les caractéristiques climatiques et géologiques de la zone sud
rendaient la sédentarisation des peuples difficile. Les Cuncos, Chonos, Alacalufes et Yaganes
vivaient de la pêche. Les Tehuelches et les Onas, étaient des nomades collecteurs habitant au
pied de la cordillère.
L’invasion Inca dans le nord du Chili.
L'invasion du nord du Chili par les Incas a bousculé l'organisation sociale et politique des
sociétés indigènes. Au XVième siècle Tupac Yupanqui puis Huayna Capa, empereurs Incas,
envahissent le nord du Chili. Il est difficile de dater avec précision le début de l'invasion Inca
du Chili. Les différentes sources historiques datent l'expansion de l'empire Inca vers la fin du
XVième siècle. Le monarque Pachacutec connu pour ses talents de chef militaire,
d'organisateurs et homme d'Etat, ordonna la conquête de nouveaux territoires pour l'expansion
102
de l'empire Inca. Sous son règne et à la suite de nombreuses expéditions réussies, l'empire
englobe l'ensemble du Perou, la Bolivie et le nord-ouest Argentin ce qui correspond à la région
Diaguita (Karsten 1993 : 51). Son fils, Tupac Yupanci, porta l'empire Inca au plus « haut degré
de sa puissance extérieure et son organisation intérieure » (Karsten R., p. 51), avec une
conquête méthodique caractérisée par une organisation territoriale systématique et l’allégeance
des nouvelles tribus annexées.
Les Incas vont pénétrer le Chili actuel jusqu'au fleuve Maule. Ils obtiennent le contrôle des
terres par le transfert systématique de garnisons et de colonies dans les territoires habités par
les Aymaras, les Atacameños et les Diaguitas. Les gouverneurs incas vont réussir à exercer
leur autorité sur les caciques (nom donné aux chefs indigènes) locaux et à imposer leur
domination en instaurant notamment le tribut (impôt devant être versé aux chefs incas). La
colonisation des terres septentrionales a été facilitée par les ressemblances culturelles et
similitudes organisationnelles qui existaient entre les peuples résidants et les Incas (Blancpain,
1996 : 28).
Ainsi, selon les historiens au moment de la colonisation espagnole, les peuples indigènes du
nord du Chili et les Incas étaient porteurs d'une même civilisation (Itier, 2008). Cette influence
inca s'étend jusqu'au sud du territoire, où habitaient les Picunches, qui développèrent de ce fait
des systèmes d'irrigation plus avancés, des habitations moins rudimentaires et ornèrent les
cramiques de motifs à l'instar des Incas. (Blancpain, 1996 : 26). Mais les Incas ne dépasseront
pas le fleuve Maule où les Araucans empêcheront leur avancée. Deux explications permettent
de comprendre l’arrêt de l'invasion inca. L'une souligne la force guerrière du peuple
Mapuches. L'autre explication tient à l'isolement du territoire, trop excentré du centre impérial
qui paraissait aux yeux des incas dépourvu de richesses et donc d’intérêt (Itier 2008 : 36).
Presque un siècle s'est écoulé entre l'invasion inca et la colonisation espagnole (Blancpain,
1996 : 28). Pendant ces années, les peuples indigènes du nord du Chili ont été modelés par la
civilisation inca. Aujourd'hui les archéologues et historiens intègrent clairement les territoires
chiliens à cette civilisation En effet les contours géographiques de l'empire Incas ont été
défini en faisant référence au domaine des Andes centrales qui « englobe la côte, les
montagnes et le piémont amazonien de l'actuel Pérou, les hautes terres de la Bolivie et
l'extrême nord du Chili. » (Itier, 2008 : 47).
Brève présentation des formes d’habitations de la civilisation Inca :
Dans l'ancien empire inca, les peuples vivaient de l'agriculture et de l'élevage. Ils
étaient organisés en petites tribus sédentaires. Les descendants des Atacameños, Diaguitas et
Aymaras sous influence incas avaient développés une agriculture en terrasse avec un système
d'irrigation extrêmement performant. Ils vivaient également de l'élevage de lamas, alpagas et
des chèvres. L'unité de production était la famille élargie. Les familles se regroupaient pour
former des communautés plus larges appelées Ayllu. L'influence Inca a eu des conséquences
considérables sur l'organisation économique et sociale des Atacameños, Aymaras et Diaguitas.
L'ayllu devint notamment leur unité sociale et territoriale de base. Chacun des ayllus était
dirigé par un cacique, représentant sur terre de l’ancêtre propriétaire de la terre qui leur en
donnait l'usufruit. Le cacique était chargé de répartir les tâches et l'organisation du travail au
sein de l'ayllu. La proximité des différentes communautés caractérisées par des écosystèmes
hautement différenciés permettait l'échange de produits variés directement, ce qui empêchait le
développement de petits commerçants.
L'économie étatique prenait forme par le phénomène de la « mil'ta » et du contrôle du
commerce de biens précieux. La mil’ta consistait en la mobilisation de sujets forcés à réaliser
103
une corvée, ce qui permettait la construction de canaux d'irrigation et de construction
d'édifices. Chaque chef de famille formant un foyer devait réaliser la mil’ta, à l'exception des
personnes habitant les régions côtières où les ayllu devaient payer un tribut. On imagine mal
dans quelle mesure les deux systèmes ont coexistés, mais l'essentiel de la production de biens
et de services sous l'empire Inca s'est faite à travers du régime de la mit'a. La légitimité de ce
système tenait au fait qu'il se réalisait dans un cadre festif et d'échanges réciproques puisque
l'Etat redistribuait des biens et des richesses aux populations.
Les biens les plus précieux étaient stockés dans des entrepôts à Cuzco. Souvent, il s'agissait de
biens produits dans les régions plus septentrionales qui étaient destinés à être échangés contre
des biens introuvables et rares dans les régions plus méridionales, et vice versa. L'inca
s'arrogeait ainsi le quasi-monopole de la circulation des biens à longue distance laissant peu de
place au commerce et au marché. Cependant, la plupart des biens produits par les
communautés pour l'Etat étaient redistribués localement aux garnisons, aux divinités, aux
caciques et aux travailleurs ayant accomplis leur mi'ta. Cette mobilisation de la force de travail
explique le rayonnement économique et culturel de l'empire Inca. (Itier, 2008)
Brève présentation des modes d’habitation du peuple Mapuche :
Les Mapuches constituaient au moment de la colonisation espagnole les seuls indigènes
n'ayant pas été envahi par les Incas. Habitant le sud du Chili depuis le rio Maule jusqu'à
Chiloe, ils sont formés de plusieurs tribus indigènes partageant la même langue le
mapudungun. Ainsi les Huiliches de Valdivia, les Pehuenches des Andes et les Moluche de la
Pampa avec les Mapuches de l'Auracanie constituent un même groupe partageant un même
système symbolique et porteur d'une même dynamique sociale. (Zavala, 2000 p. 30)
Contrairement aux Incas, il n'existe pas d'unité politique dans la société Mapuche. Il s'agit
d'une société sans Etat et sans pouvoir centralisateur, dont les membres évitent la
concentration spatiale par une occupation du sol diffuse. Pourtant, les mapuches ont réussi à
faire face à l'envahisseur Inca puis Espagnol par la complexité de leur organisation sociale et
politique stratifiée et éparse. Chacun des différents niveaux de regroupement s'articulait entre
eux par des rapports d'inclusion ce qui leurs permettaient d'établir des alliances ponctuelles
d'ordres différents. (Zavala, 2000, p. 70)
Ainsi, contrairement à la civilisation Inca, il n'existait pas de pouvoir politique autonome dans
la société Mapuches organisant un système de redistribution généralisée. Les Mapuches
formaient une « société proto-agricole ». Le degré limité des pratiques agricoles n'était pas lié
à une question de retard ou de ''méconnaissance'' des techniques agricoles mais se comprend
en termes de choix technique et d'adaptation aux contextes écologiques variés favorable à la
cueillette et pratique d'élevage. (Zavala, 2000, p. 29.). M. Sahlins parlerait de société
d'abondance. L'unité de production structurante était la ruka, maison individuelle regroupant la
famille élargie. Chaque famille héritait d'une parcelle gérée de façon communautaire. Notons
qu'il ne s'agissait pas d'une propriété de la terre mais l'usufruit communautaire des ressources.
L’exercice de ce droit d'usufruit dépendait de l'appartenance à un lov. Le lov était composé de
plusieurs ruka qui entretenaient des rapports de coopération et de solidarité entre eux, sans
constituer pour autant un village puisqu'ils ne prenaient pas la forme d'un conglomérat
d'habitation. (Zavala, 2000 :53). A la tête du lov, se trouvait un cacique appelé lonko qui
détenait le droit de juridiction et établissait les principes de traitement des ressources dans une
logique de préservation pour les générations futures (Muñoz, 1999). Il existait au-dessus de
104
lov, une forme d'organisation clanique79 appelé le kuga. Les membres d'une même kuga,
reconnaissable par leurs noms n'habitaient pas à proximité les uns des autres mais
entretenaient des rapports ponctuels malgré la distance, notamment en cas de conflit ou de
litige avec un ennemi commun. En temps de paix, le rassemblement rituel appelé lakutun
permettait la réactualisation des liens grâce à l'échange dans un acte d'obligation de don et de
contre-don. (Zavala, 2000, p.53-60).
Les spécificités de la colonisation espagnole sur le territoire chilien :
La colonisation espagnole fut un processus historique qui s'étend depuis la première conquête
entreprise par Diego de Almargo en 1536 jusqu'à la fin de la conquête en 1561 avec
l'édification des principales villes comme Santiago del nuevo extremo en 1541, la Serena en
1544 et Concepcion en 1553. L'on date la chute de l'empire Inca en 1533 avec le début de la
conquête espagnol. Toutefois, Diego Almagro n'entreprend la colonisation du Chili qu'en 1536
à la tête d'une armée de 500 hommes. Le premier contact avec les Araucans se solda par un
conflit : le combat de Reinohuelen qui leur fit rebrousser chemin. L'occupation des terres
chiliennes n'a été une réalité qu'à partir de la seconde moitié du XVIème siècle lorsque Pedro
de Valdivia décide, au nom de Pizarro, de poursuivre les conquêtes des territoires découverts
par Almagro.
A la tête de l'organisation politique et administrative du système colonial se trouve le roi
d'Espagne représenté sur le territoire Chilien par le capitaine général, appelé aussi gouverneur.
Le gouverneur avait pour supérieur hiérarchique le vice-roi du Pérou et était assisté dans ses
fonctions par le Conseil des Indes.
Le gouverneur possédait une pluralité de fonctions : il était le chef des armées, dirigeait
l'administration, procédait à des nominations religieuses et répartissait les terres et les indiens.
Dans les provinces l'administration était dirigée par un corregidor qui possédait des
prérogatives dans le domaine civil et militaire. Des cabildos était chargés de l'administration
urbaine. Ils étaient composés par un alcalde, le maire ; l'alfarez real, le gonfalonier ; le fiel
ejecutor qui fixe les prix ; et l'alguacil mayor, le chef de gendarmerie. Les membres du
cabildos étaient en principe nommés par les gouverneurs puis ils choisissaient leurs
successeurs. Cependant les postes ont pu être achetés par des notables qui les occupaient
durablement. Cela renforçait la stratification sociale de la société coloniale.
La hiérarchie sociale était déterminée par les origines et la descendance des personnes et ce,
durant toute l'époque de la colonisation. Seule l'aristocratie blanche formée par la noblesse, ou
d'origine militaire formait l'oligarchie politique ayant un pouvoir décisionnel notamment dans
les cabildos.
L'aristocratie créole pouvait parvenir aux postes administratifs et ou avoir des charges
ecclésiastiques. Ils dirigeaient les estancias, haciendas ou encomiendas. Les descendants
d'espagnols plus modestes occupaient les emplois administratifs subalternes, le commerce en
détail et avaient des petites exploitations minière ou agricole, devenait majordome ou
personnel d'encadrement de la main d'oeuvre. Les métis s'occupaient des activités artisanales
ou des services domestiques et à partir de 1791, avec l'abolition de l'esclavage ils remplacent
massivement les indiens dans les estancias, haciendas ou encomiendas. Les descendants
d'esclaves, les zambos ou mulâtre sont durement traités et dépourvus de toute protection
légale. (Sarguet, 1996 : 30)
79
forme d'organisation clanique : definition du clan cmme un groupe d'unifiliation dont les membres ne
peuvent établir les liens généalogiques réles qui les relient à un ancêtre commun. (Zalaya, 2000 p.57)
105
L'administration centrale définissait et contrôlait l'ensemble des propriétés du foncier et de ce
fait, la production sur le territoire. Lors de la fondation d'une ville, le capitaine rémunérait les
meilleurs soldats en leur octroyant une encomienda. Dans cette propriété un groupe d'indigène
devait travailler pour l'encomendero ou lui payer un tribut en échange celui-ci devait les
protéger et les évangéliser. Durant le XVIème siècle, ce travail consistait à chercher de l'or
dans les fleuves, puis à l'agriculture et à l'élevage de bétail (Sater 1996). Une partie de la
production était destiné au secteur exportateur au bénéfice de l'encomendero, qui réinvestissait
dans l'achat de petites marchandises destinées au développement de petites activités de
commerce en détail (Assadourian). Les grands latifundios apparaissent au Chili au XVIIème
siècle avec les « mercedes de tierras » qui étaient des attributions de terres donnant lieu à des
haciendas céréalière ou des estancias, destinées à l'élevage. L'unité des terres était préservée
par l'institution de majorats, un droit d'ainesse qui garantissait l'héritage intégral des terres au
mâle le plus âgé. (Sarguet, 1996 : 26). Ces trois formes de propriétés formaient les unités
productives de base de la vice royauté du Chili.
Le contrôle de ces unités de productions permettait à l'administration coloniale de capter
facilement les excédents. Cette captation était une des conditions de la distribution des terres
aux colons. Elles devaient atteindre un niveau de rentabilité suffisant pour permettre le
financement de l'administration et de la défense militaire, et satisfaire les prétentions sociales
et économiques du groupe dominant tout en générant un courant d'excédent pour la métropole.
L'Hacienda Publica était l'institution créée pour l'appropriation d'une partie de l’excédent
dégagé par le système fiscal imposé. Les impôts directs les plus importants était le cobo et le
quinto sur les métaux précieux, le diezmo dans le secteur agricole et le bétail, l'almojarifazgo
était une taxe sur la circulation de marchandises et l'alcabala sur les ventes (Assadourian).
L'argent récupéré par voie fiscal était dépensé à hauteur de 30 à 50% dans les colonies,
principalement à deux fins : maintien de la bureaucratie et des personnes biens situés et fret de
guerre. (Assadourian 1982).
L'administration centrale avait également mainmise sur l'ensemble des échanges commerciaux
de la colonie. La métropole s'arrogeait le monopole du commerce au loin avec le Chili en
interdisant le commerce avec d'autres pays et entre les colonies latino-américaines. Toutefois
tout le long du XVIème siècle et XVIIème siècle les seules relations commerciales avec la
métropole s’établissaient par Lima, capital politique et économique de la vice royauté du
Pérou.
Après la mort de Charles II de la maison d'Autriche en 1700, le prince français Philippe
d'Anjou, de la dynastie des Bourbons monte sur le trône. A cette époque, l'Espagne souffre
d'un grand retard productif qui l'oblige à importer l'essentiel des produits manufacturés. Il
amène avec la conception française sur l'origine divine du pouvoir justifiant la centralisation
des pouvoirs. Pour renflouer le déficit de la balance commerciale, Philippe V puis Charles III
vont entreprendre une série de réformes politiques et économiques de grande ampleur.
(Buñuego, 2003 : 142)
A partir de cette nouvelle conception de l'Etat une série de réformes vont être mises en place
dans les colonies essentiellement destinées à renforcer l'administration locale par l'inclusion
d'homme d'Etats éclairés. Dans le domaine économique, les théories mercantilistes, inspirées
du Colbertisme vont être désormais appliquées aux colonies. Les gouverneurs de la vice
royauté du Chili vont encourager la production agricole, industrielle et artisanale en créant une
multitude d'institutions nouvelles. Des institutions visant à réglementer le commerce et les
activités économiques sont créés. A Santiago la Real Casa de la Moneda va permettre de
frapper la monnaie sur place en fonction des besoins de l'économie. Sont créés le Real
106
Tribunal de Consulado, qui est une assemblée des grands commerçants faisant office de
tribunal de commerce, tout comme le Real tribunal de Mineria chargé des affaires minières et
du développement de ce secteur. Ces institutions sont chargées de la gestion des affaires
économiques et l'on supprime la Casa de Contratacion qui était compétente à la fois dans les
domaines politiques et les affaires économiques.
A la veille de l'indépendance, la vice royauté du Chili est de fait une région des plus pauvres
des Amériques avec un niveau de développement médiocre. Le contraste est très grand entre le
mode de vie de l'aristocratie et celui des masses miséreuses. Les inégalités sociales et
économiques sont extrêmement fortes. Les personnes en bas de la hiérarchie vivent dans des
conditions misérables dépourvues de tout confort et le manque d'hygiène multiplie les
maladies et les épidémies. (Sarguet 1996 : 32-34)
Annexe 3 : L’importance de la cosmovision Andine.
La cosmovision andine divise le monde en trois espaces, supraterrestre, terrestre et souterrain,
chacun d’eux représenté par une multitude de divinité associé par exemple aux eaux
souterraines, aux rivières et aux eaux de pluies. La divinité principale est la Pachamama, la
terre, considérée comme la mère nourricière, qui donne la vie à l’ensemble de la faune et la
flore terrestre. L’ensemble des rituels et activités sacrés pour bénéficier de ressources en eau
fait honneur aux volcans et aux montagnes puisque dans leurs cimes se concentrent les
principales sources d´eau douce. Ils sont considérés comme des esprits qui régulent le climat
et les précipitations.
Dans les communautés indigènes, la transmission des connaissances, des représentations et
croyances liées à l’usage ancestral des ressources en eaux, se réalise par voie orale. Ainsi,
l’ancrage des communautés dans un territoire donné est fondamental pour leur subsistance
puisque l’ensemble de leurs savoirs se fonde sur la compréhension et l’adaptation à ce
territoire ancestral. La sécheresse ou manque d’eau entrainant des processus de migration
forcée lors de la colonisation ont été fatal pour la vie de la communauté.
Annexe 4 : Système de distribution et de répartition de l’eau des peuples de
cultures indigènes.
Les indigènes de culture Aymaras, s´étendent de l´altiplano jusqu´a la côte. Ils se sont adaptés
aux diverses conditions géographiques et climatiques grâce au développement de l’agriculture
en terrasse, en andenes, en canchones, ou en vega. La répartition des ressources pour l´usage
agricole est régulée par des autorités élues au sein de chaque ayllu. Ce système de
gouvernance s'appelle la mitación. Les autorités élues sont chargées de distribuer l’eau et les
bénéficiaires mènent l’eau par des canaux d’irrigation jusqu’aux parcelles. La répartition se
fait par tranche horaire en fonction de la superficie de la parcelle. Ainsi la gestion des
ressources hydriques est fortement imbrique dans les relations sociales.
Les indigènes de culture atacameña construisaient un système de canaux d'irrigation élaborés
pour conduire l'eau des versants jusqu´aux terres arides. Des tours de distribution de l’eau pour
l’irrigation étaient organisés en fonction des disponibilités des ressources : une fois tous les 25
ou 27 jours en moyenne. Ce système d’irrigation a permis une forte diversification de la
107
production agricole ainsi que l’utilisation des excédents pour réaliser des échanges avec les
peuples voisins.
Apres l’invasion Incas dans le Norte grande les peuples utilisent des méthodes de gestion des
ressources plus élaborées. Les aymaras intègrent le système de l’accumulation de l’eau dans
la cocha. Il s'agit d´un bassin commun à partir duquel l'eau stockée est distribuée pour
l´irrigation et pour la consommation personnelle de certaines familles ayant droit chaque 15
jours. La répartition se fait par temps d’utilisation de l´eau.
La culture diaguita, peuples vivant essentiellement de l’agriculture des terres fertiles de la
valle de huasco, intègre une forme de gestion de l´eau de la culture inca. Elle consiste en la
désignation d´un camayoc, personne responsable de la distribution et le paiement de l´eau
auprès des bénéficiaires. Les ressources sont ensuite transportées par des canaux d’irrigation
pour arroser les terres agricoles des différents pueblos, caserios ou villorios.
Les peuples indigènes installés au sud du fleuve bio bio, utilisaient essentiellement l’eau de
pluie pour leurs cultures qui étaient peu diversifiées et dispersées dans le territoire.
Annexe 5 : Les institutions compétentes pour la gestion des ressources hydriques
et pour le contrôle du service de distribution de l’eau.
I -Les institutions compétentes pour la gestion des ressources hydriques.

Direction Générale des Eaux (DGA)
Elle est chargée d’appliquer la législation et de s’occuper du développement de la politique
nationale des ressources hydriques ainsi que du contrôle et de la planification de son usage.
Ses fonctions principales sont :
Mesurer et étudier l’état des ressources hydriques par le biais du Service Hydrométrique
National.
Formuler des recommandations pour l’utilisation des ressources des bassins.
Surveiller les cours naturels du domaine public, pour empêcher des constructions,
modifications ou destructions des œuvres non-autorisées.
La DGA doit de plus :
Superviser le fonctionnement des Juntas de Vigilancia et des organisations d’usagers.
Constituer les droits d’appropriation des eaux dans les cours naturels
Administrer un cadastre public des eaux.
Réaliser des études pour déterminer les ressources d’eau existantes dans le pays.

La Commission Nationale d’Irrigation et le Conseil de la Commission.
Elle est chargée de l’étude et l’évaluation des projets d’irrigation pour les différents bassins
d’hydrographiques du pays.
La Loi N°18.450, de 1985 la rend responsable d’un programme de bonification des coûts de
construction et de réparation des ouvrages d’irrigation ou de drainage pour améliorer leur
efficience ; et des investissements privés en matière d’irrigation mécanisée.
Le Conseil de la Commission Nationale d’Irrigation est composé des ministres d’économie,
108
des travaux publics, de l’agriculture et du développement social. Il fixe des politiques
concernant l’utilisation de l’eau dans le domaine agricole et évalue et approuve les œuvres
d’irrigations. Il établit les subventions à ses bénéficiaires.

Direction des Ouvrages Hydrauliques.
Elle remplace l’ancienne Direction d’irrigation. Elle est chargée d’étudier, concevoir,
construire, maintenir, réparer et exploiter les installations d’irrigation construites avec des
fonds publiques n’ayant pas été transférés aux privés.
Développer des infrastructures d’ouvrages hydrauliques.
Donner accès à la population aux ressources hydriques en quantité et qualité suffisante.
Améliorer le cadre institutionnel, les procédures et les technologies nécessaires à la prestation
du service.

Les organisations d’usagers.
Elles sont constituées dès lors que plus de deux personnes ont un droit d’accès sur un même
cours d’eau.
Les Asociaciones de canalistas et les Comunidades de Agua ont pour but de :
Administrer les sources d’eau ou cours naturels, artificiels sur lesquels ils ont compétence et
les ouvrages au travers desquels les eaux sont captées stockées et conduites.
Distribuer ou redistribuer les eaux entre ses membres.
Résoudre les conflits entre les membres de l’organisation des usagers, ou entre l’organisation
et l’un de ses membres qui sont liés à la répartition des eaux ou à l’exercice de leurs droits en
tant que membre de l’organisation.
Les Juntas de Vigilancia, sont chargées de veiller sur la qualité et quantité du cours d’eau sur
lequel elles puisent leur source. Chaque titulaire d’un droit d’appropriation est de fait inscrit
dans la Junta de Vigilancia qui lui correspond.
II - Institutions compétentes dans le domaine du service de distribution de l’eau.
En milieu urbain :
 Les entreprises sanitaires :
Depuis 1990, le service est fourni par des entreprises sanitaires à capitaux privés.
Le contrat de concession est passé entre la Superintendenia de Servicios Sanitarios80 (SISS) et
les sociétés anonymes pour une durée de 30 ans. Ces sociétés sont régulées par la loi et
soumises au contrôle de la SISS. Elles ne fixent pas leurs propres tarifications, ces dernières
sont fixées par la SISS à partir du fonctionnement d'une « entreprise modèle ».

La Superintendencia de los Servicios Sanitarios :
80 Traduction non-officielle : Surintendance des Services Sanitaires
109
Elle est chargée de contrôler les entreprises concessionnaires pour le respect des normes liées
à la gestion et l'offre du service.
 Le Ministerio de Obras Publicas (MOP):
Il est responsable de l'élaboration et de la planification des politiques publiques en matière de
gestion des ressources en eau et du service de production et de distribution de l'eau. Il est
chargé de la législation en matière de gestion des ressources hydriques, il attribue les droits
d'usage de l'eau et approuve les droits de concessions pour la construction et la gestion des
services sanitaires.
En milieu rural :
Depuis 1964, le programme d'APR a connu plusieurs changements institutionnels et
juridiques.
Depuis 1994 c'est le MOP qui est chargé de son application, d'abord par le biais de la
Direccion de Planeamiento, puis de la Direccion d’Obras Publicas (DOH), puis depuis 2013
par la Subdireccion de Agua Potable Rurall. Aujourd'hui l'objectif du programme est de
permettre l'accès à l'eau en zone rural concentrée et semi-concentrée et les entités responsables
sont :

La Subdireccion de Agua Potable Rural del Ministerio de Obras Publicas :
La Loi de finance détermine chaque année le budget alloué au programme d'APR, géré par le
MOP.
Il est constitué en deux parties :
- Un fond pour l'amélioration, l'agrandissement, la maintenance des services déjà existant, et la
construction des nouvelles infrastructures.
- Un fond pour permettre le financement des contrats de concession ou des conventions
passées entre le MOP et les entreprises sanitaires pour superviser ou fournir l'assistance
technique aux communautés qui administrent le service. (Représente moins de 10% du budget
du programme en 2007)
Le MOP finance l'installation et la maintenance des infrastructures et des installations d'eau
potable, et délègue la gestion aux Comités et coopératives d'eau potable.
La DOH du MOP a un bureau dans chacune des treize régions chiliennes.
Les bureaux de la DOH à échelle régionale sont chargés de choisir les projets d’adduction
d'eau potable susceptibles d'être financés par le programme d'APR sur leur propre territoire.
Pour être éligible la localité doit répondre aux critères démographiques, et de densité de
logement par kilomètre de réseaux ; le projet doit également être économiquement et
socialement rentable. La rentabilité est calculée par le Ministerio de desarrollo social.
La DOH assure également la coordination des projets avec les entreprises sanitaires et les
communautés villageoises.
La loi oblige uniquement le MOP à garantir l'accès à l'eau potable en milieu rural, et ne
110
l'oblige pas à prendre en charge l'assainissement. Il n'existe à ce jour aucune institution
chargée du traitement des eaux usées et de l'assainissement au Chili, milieu urbain et rural
confondus.

Les comités et les coopératives d'eau potable :
Les populations en milieu rural peuvent se réunir en comités ou coopératives et décider
d'administrer le service de gestion d'eau potable.
Ces organisations à but non lucratif sont chargées de l'administration et de la gestion du
service.
Les décisions sont prises en Assemblée Générale. L'AG doit choisir un président, un trésorier,
un secrétaire et un opérateur chargé des aspects techniques. Les organisations choisissent leurs
propres tarifications.
Les infrastructures sont simples et sont les mêmes sur tout le territoire ce qui facilite
l'administration par les populations rurales et la mise en place des programmes d'assistance
technique.

Les entreprises sanitaires et la SISS :
Le MOP passe des contrats avec les entreprises sanitaires pour qu'elles offrent une assistance
technique aux Comités et coopératives d'eau potable. Chaque entreprise compte avec une unité
technique chargée de répondre à cette fonction en milieu rural.
Deux cas particuliers d'extension du rôle des entreprises sanitaires en milieu rural :
1- Lorsque les habitants font le choix de passer un contrat avec les entreprises sanitaires
directement (situation rare). Dans ce cas, il ne s'agit pas d'une concession contrôlée par la SISS
donnant un droit d'exploitation exclusif à l'entreprise sanitaire.
2- Lorsqu'une zone rurale, par forte extension et croissance urbaine, et à la suite d'une
modification apportée au Plan Regulador81 de la ville, devient partie intégrante de la zone
urbaine. Dans ce cas deux situations sont possibles :
-si le service d'eau potable rural existait avant 1989 : le comité et la coopérative sont
prioritaires pour modifier leur situation et signer un contrat de concession avec la SISS.
-Si le comité ou coopérative ont été créé après 1989 : la SISS passe un appel d'offre,
l'organisme proposant la tarification la plus faible et étant doté d'un fonctionnement acceptable
deviendra le nouveau concessionnaire du service.

Le Ministère du développement social.
Réalise l'évaluation des projets d'eau potable rural proposés par les Comités et coopératives et
offre les aides sociales relatives à la consommation d'eau potable.
81 Traduction non-officielle : Plan local d'urbanisme
111
D’autres ministères sont impliqués dans la politique d’accès à l'eau potable et à
l'assainissement en milieu rural au Chili :
Le Ministère de la Santé : les autorités sanitaires surveillent les Comités et coopératives d'eau
potable pour garantir la qualité, quantité et continuité du service.
Le Ministerio de Viviendas y Urbanismo (MINVU) :
Le programme Chilebarrio a pour objectif de construire des logements sociaux en étant obligé
de garantir un accès à l'eau et à l’assainissement.
Le Ministère du Travail est chargé du respect des normes du Code du travail au sein des
coopératives et des comités d'eau potable rural.
Le Ministère de l’Intérieur et la Subsecretaria de Desarrollo Regional y Administrativo
(SUBDERE)
Depuis 2007, la BID a créé le Fond National de Développement Régional (FNDR) qui peut
être destiné à des projets visant à améliorer l'accès à l'eau potable en milieu rural et à
construire des infrastructures d'assainissements. La SUBDERE est chargée de la gestion de ce
fond mais elle délègue la réalisation des projets aux municipalités.
Annexe 6 : Le cadre normatif applicable au secteur sanitaire urbain et rural.
Avant 1989:
DFL 1122 1981: Code de l’eau.
Décret Nº996 Nch 777 1971: Statut sur l’eau potable, les sources d’approvisionnements et les
ouvrages de captations, définissant les conditions d’accès aux ressources
D.S. 735 1.969: Les conditions relatives à la Consommation Humaine de l’eau.
Circulaire Nº 27 1979: Actualisation de normes sur le contrôle du chlore résiduel dans les
réseaux d’eau potable.
Période 1989 – 1990.
Ley General de Servicios Sanitarios (DFL N 382 del MOP. Diario Oficial 21 de Junio de
1989)
a) Sollicite, octroie et exploite les concessions sanitaires (DFL Nº 382 MOP, 1989),
b) Détermine les tarifs (DFL Nº 70, 1988),
c) Crée un organisme régulateur (Superintendencia de Servicios Sanitarios) y définir ses
attributions (Ley Nº18.902, 1990),
d) Octroie la subvention directe à la demande pour les usagers à bas revenus (Ley Nº 18.778,
1989), y
e) Transforme en sociétés anonymes les onze directions régionales du SENDOS et a EMOS et
ESVAL, initialement avec sa propriété détenue aux mains de l’Etat et autorise l’Etat a
développer des activités entrepreneuriales en matière d’eau potable et d’assainissement (Ley
N 18.777, 1989, y Nº 18.885, 1990)
DS Nº 121 1991: Approuve le règlement de la Ley General de Servicios Sanitarios.
112
Période à partir de 1990.
Loi N° 19.338 de 1994: modifie la Loi N°18.778 et son règlement qui fut approuvé par le D.S.
N° 195 du 19/02/99 et qui intègre la subvention pour l’investissement (jamais appliquée).
Loi 19.300 1994: Bases Generales del Medio Ambiente.
Loi Nº 19.418, de 1995: Loi sur les Juntas de Vecinos et autres Organisations
Communautaires.
D.F.L. 725 1968: Code Sanitaire.
DFL Nº5 de 2004: Ministerio de Economía
Nch 1.333 1978: Conditions requises sur la qualité de l’eau pour différents usages.
D.S. 90/00: Normes d’émissions pour la régulation des sources de contaminations
DS Nº 50 2002: Approuve le règlement des installations domiciliaire d’eau potable et
d’assainissement.
DS Nº 609/98: Etablit des normes d’émission pour la régulation des pollutions.
DS Nº 46/02: Normes sur les émissions de résidus liquides dans les eaux souterraines.
Annexe 7 : Le projet de loi de 1998 et les modifications apportées depuis 2010.
113
Système de renforcement institutionnel
Système de financement
TEXTE APROUVÉ PAR LE SENAT
MODIFICATIONS APPORTEES AU PROJET DE LOI dit MOP 2010
La conception de la politique est responsabilité d’un nouveau
Conseil Consultif ou participe les organisations d’APR.
On crée la Subdirección de Desarrollo y Fomento de Servicio Sanitario Rural qui impulse, planifie,
coordonne et gère les ressources relatives aux politiques publiques d’eau potable et assainissement.
Le MOP est chargé de l’exécution des politiques.
On rompt la relation unilatérale entre la Subdireccion et les U.T, en permettant à d’autres entités d’offrir le
service d’assistance et de formation. La Subdireccion organise l’appel d’offre, choisit l’entité compétente et
surveille la réalisation effective du contrat.
On reconnait le cadre d’action des communautés, on décrète
l’immunité de son territoire, et dans le cas de dysfonctionnement
d’une organisation, uniquement les organisations d’APR peuvent
prendre la concession.
Les particularités indigènes ne sont pas prises en considération.
Les spécificités culturelles, sociales et politiques des populations indigènes ne sont pas reconnues. L’on
n’établit aucune procédure de discrimination positive puisque les normes appliquées ont un caractère
universel.
El estado invierte mediante fondos concursales, y asume la
prestación de un servicio de S.S.R en las zonas dispersas.
Du seul fait de créer une Subdireccion une hausse des affectations budgétaires par la Loi budgétaire.
L’Etat intervient par le biais de subventions attribuées au titre d’un
appel à proposition.
La subvention pour la consommation de l’eau est maintenue, et on
crée une subvention pour connecter et adapter les nouvelles
technologies jusqu’au foyer.
Opérateur de Service d’eau potable rural
(APR) / Service sanitaire ruraux.
Assainissement :
Participation :
En cas de liquidation d’une organisation, les organisations autorise à prendre la concession sont celles
appartenant à la liste de la SISS, autrement dit les entreprises sanitaires urbaines et les organisations d’APR.
La loi ne prévoit aucune facilité pour l’accès au crédit, et le laisse au libre jeu de la marche et des exigences
du système financé.
Pour permettre la viabilité financière de l’accès à l’eau en milieu rural très dispersé, les subventions à la
consommation sont rehaussées
Les systèmes d’APR deviennent des Systèmes de Services
Sanitaires Ruraux (SSR), en charge de l’assainissement rural. Les
coopératives et les comités se transforment en des entreprises
titulaires d’une licence, ou d’un permis de SSR, sous la forme
juridique d’une coopérative.
La Subdireccion se charge de la formation des dirigeants dans le domaine de la comptabilité et de
l’administration. De plus, les opérateurs ont la liberté de faire appel a une entité privée pour répondre aux
besoins de formation.
Le cadre normatif désignant les solutions sanitaires permises
introduit de nouvelles solutions et des technologies vertes. Pour
cela, il autorise d’ouvrir les appels d’offre au-delà des seules
concessions sanitaires urbaines.
L’intégration du concept de participation communautaire, et le respect du Convenio 169 sont vus comme un
moyen d’information et de communication au sujet des bénéfices estimés et attendus par les autorités
publique pour les communautés. L’objectif étant que les communautés internalisent le projet sans créer un
espace d’échanges et de retro-alimentation pour définir le projet communément.
Le sujet est encore en discussion. Avant de pouvoir évaluer quelles sont les meilleures alternatives possibles,
on prévoit de modifier le cadre normatif actuel qui définit les technologies sanitaires autorisées.
Le contrôle de l’assemblée sur les activités des dirigeants est
augmenté pour augmenter le degré de confiance au sein de la
communauté. Les dirigeants perçoivent une rémunération et on
rénove le comité directeur de forme partielle.
La SISS fixe les tarifs qui doivent couvrir l’ensemble des couts et
contrôle les organisations d’APR.
Système de régulation et de contrôle.
Les organisations sont soumises au contrôle fiscal de la SISS et fixe
les tarifs qui recouvrent les coûts.
114
La SIIS est chargée de fixer les tarifs et de fiscaliser les opérateurs des services.
Annexe 8 : La disponibilité totale des ressources face à la pression croissante de la
demande par secteur.
Le Chili dispose de considérables quantités de ressources hydriques. Le taux de ruissellement
moyen total, autrement dit, le volume d’eau provenant des précipitations qui ruissellent dans les
cours superficiels et souterrains représente en moyenne 53.000m3/personne/année (World Bank,
2010). Cette valeur est au-dessus de la moyenne mondiale 6.600m3/personne/année) et
supérieure à la valeur considérée internationalement comme étant nécessaire pour un
développement soutenable (de 2.000m3/personne/année). Cependant, il existe au Chili de fortes
disparités régionales:
Niveau de ruissellement des eaux moyen annuel par région, 2009.
Source : VERGARA, ALEJANDRO, B., «Administración y distribución de las aguas en Chile». Santiago:
Academica agronomía y forestal 2011, n°42
Région
115
Superficie
km
I
58 698
II
III
IV
V
126 444
75 573
40 656
16 396
RM
VI
15 349
16 341
VII
VIII
30 325
36 929
Principaux cours
hydrauliques
Quebradas de Azapa,
Vitor y Camarones
Rio Loa
Quebrada Salado
Rios Elqui, hoapa y Limari
Rios Petrorca, Ligua y
Aconcagua
Rio Maipo
Rios Cachapoal Claro y
Tingurrica
Mataquilo y Maule
Rios Itala y Bio-Bio
Précipitation
moyenne
annuelle
mm/an
93,6
Ruissellement
moyen annuel
mm/an
Disponibilité
en eau par
habitant
7,1
1226
44,5
82,4
222,0
434,0
0,2
0,7
18,0
84,0
71
249
1411
995
650,0
898,0
200,0
362,0
584
8495
1377,0
1766,0
784,0
1173,0
28434
24977
IX
X
31 842
67 013
XI
109 025
XII
132 033
Rios Imperial y Tohen
Rios Valdivia, Bueno,
Maulin , puelo, yelcho y
Palena
Rios Palena, Cisnes,
Aisen, Baker, Bravo y
Pascua
Rios Serrano, Natales,
Hollenberg, Gallegos,
Chico y Azopardo
2058,0
2970,0
1476,0
2423,0
60159
171133
3263,0
2818,0
3816505
2713,0
2338,0
2155709
Bilan des ressources hydriques au Chili, par régions.
Sources : LARRAIN, S. et al., « Marco jurídico para la gestión del agua en Chile. » Santiago : Chile sustentable, 2010
Région
Numero total de
bassins dans la région
VII
VIII
IX
XIV
X
10
18
9
10
20
Numero de bassins
dans lequel la
demande excède les
capacité naturelle de
régénération
4
4
0
0
1
Numero de bassin
dans lequels la
demande excède
50% du
renouvellement
5
5
1
1
2
Disponibilite juridique des eaux souterraines dans les régions VII à X et XV.
Region
Bassins
VII
Mataquito
medio
Matauito bajo
Maule medio
Maule bajo
Itata inferior
Bio bio inferior
Coronel
Iota
Lago Llanquihue
VIII
X
Renouvellement
estime (million
de m3/an)
26,3
Demande
estime (million
de m3/an)
183,6
% de sur octroie
23,4
446,9
35
17,3
15,4
1,6
2,3
15,1
19,2
616,5
69,4
37,7
22,1
75,1
7,9
46,3
43%
38%
98%
118%
44%
4,594%
243%
207%
97,7%
La disponibilité juridique des eaux souterraines dans la VIIème, Xème et XVème régions et la
sur attribution des droits.
Source : Elaboration propre à partir des données de la DGA, 2011 in VERGARA, ALEJANDRO, B.,
«Administración y distribución de las aguas en Chile». Santiago: Academica agronomía y forestal 2011, n°42
La distribution des ressources est très disparate en fonction des secteurs et de l’usage des ressources.
116
Le Code de l’eau distingue les usages « consuntivos » des usages « no-consuntivos ».
Le premier –usage destructeur - consiste en l’utilisation des ressources hydriques pour la consommation,
qui empêche sa réutilisation ou son retour à son cours d’eau naturel dans des conditions similaires à celles
préalables à son usage. Cependant, une grande partie de la ressource destinée à cet usage est à nouveau
déversée dans les cours d’origines sous forme localisée ou diffuse.
Le second – usage non destructeur – fait référence à l’usage qui ne modifie pas la ressource puisqu’elle
est rendue à son cours naturel dans la même quantité et qualité, sans modifier les conditions d’accès des
usagers du même cours en aval. C’est le cas des centrales hydroélectriques.
D’après la DGA, 67,8% de la consommation continue correspond à des usages non destructeurs 32,2% a
des usages destructeurs.
Utilisation des droits pour usage destructeur, en fonction des secteurs, 2002.
Source: BRAVO, P. «Agua: ¿Dónde está y de quién es? ». Santiago : Chile sustentable, 2004.
Les détenteurs des droits d’usages non destructeurs des eaux au Chili, 1998.
Source : BRAVO, P. «Agua: ¿Dónde está y de quién es? ». Santiago : Chile sustentable, 2004.
117
La croissance de la consommation d’eau reste importante pour l’ensemble des secteurs,
notamment pour les usages productifs.
La croissance de la demande de consommation d’eau par secteur (m3/s/ans).
Source : VERGARA, ALEJANDRO, B., «Administración y distribución de las aguas en
Chile». Santiago: Academica agronomía y forestal 2011, n°42
Annexe 9 : La privatisation du service de distribution de l’eau et l’augmentation consubstantielle
des tarifs.
Entre 1998 et 2005, l’ensemble des entreprises sanitaires a été privatisé. En 2005, le secteur privé
était propriétaire de 83 % des entreprises sanitaires. Les principales entreprises transnationales
qui contrôlent le marché sont Suez Lyonnaise des Eaux, Thames Water et Anglian Water. Cette
privatisation a eu pour conséquence une augmentation des tarifs permise par une augmentation
consubstantielle des subventions pour la consommation de l’eau offerte par l’Etat.
Seconde étape :
118
Région
Premiere étape :
privatisation par
vente d’action
Transfert au secteur
privé des droits
d’exploitation sur 30
ans.
I
-
ESSAT
II
-
ESSAN(*)
III
-
EMSSAT
IV
-
ESSCO
V
ESVAL
-
VI
ESSEL
-
VII
-
ESSAM
VIII
ESSBIO
-
IX
-
ESSAR
X
ESSAL
-
XI
-
EMSSA
XII
-
ESMAG
Metropolitana
EMOS
La privatisation des services par étapes historiques, 1998.
Source : Elaboration propre.
L’augmentation du tarif moyen des entreprises sanitaires entre 1997 et 2000.
Source : VERGARA, ALEJANDRO, B., «Administración y distribución de las aguas en Chile». Santiago:
Academica agronomía y forestal 2011, n°42
119
L’augmentation des subventions pour la consommation d’eau potable depuis 1992 jusqu’en
2000.
Source : DOUROJEANNI, A., JOURAVLEV, A., «El Código de Aguas de Chile: entre la ideología y la realidad»,
Santiago, Serie DNRI – CEPAL, 1999
Annexe 10 : Définition du milieu rural et taux de couverture d’eau potable et
assainissement en milieu rural et urbain.
Il existe plusieurs définitions du milieu rural, proposés par différentes institutions.
 Instituto Nacional de Estadisticas (INE) :
Propose une combinaison de critères démographiques et économiques.
On déduit la définition du milieu rural à partir de celle du milieu urbain.
Le milieu urbain se caractérise par un ensemble de logements concentrés avec plus de 2000
habitants, ou entre 1001 et 2000 habitants, dont au moins 50% de la population est active,
occupée dans le secteur secondaire ou tertiaire. Selon cette définition, 13,4% de la population
chilienne habiterait en milieu rural, soit 2.026.322 habitants
120
Milieu
Urbain
Rural
Classification
Ciudad
Pueblo
Aldea
Caserío
Rang de population
>5.000 habitants
5.000 – 10.000 Habitants
1.000 – 300 Habitants
<300 Hab Y> 3 logements
concentrés
Autres
Composition de la population selon l’Institut National des Statistiques, utilisé comme référence sur les
recensements.
Source : SUBDERE, División de desarrollo regional, manual de soluciones de saneamiento sanitario para zonas
rurales, Santiago, 2009.

Direccion de Obras Hidraulicas
Vivent en milieu rural toutes les personnes résidant dans une zone non desservie en eau potable
par une entreprise sanitaire, puisque les entreprises sanitaires ne sont compétentes qu'en zone
urbaine.
La DOH distingue trois zones : zone rurale concentrée, zone rurale semi-concentrée, zone rurale
dispersée.
Les critères les distinguant ne sont pas définitifs, ils évoluent en fonction des objectifs atteints
par le programme d'APR.
Lors de sa création, le MOP ne finançait que des projets situés en zone rurale concentrée, c'est à
dire, comptant 150 à 3000 habitants avec au moins 40 logements par kilomètre de réseaux.
Aujourd'hui, le MOP finance des zones où il y a au moins 8 logements par kilomètre de réseaux.
On peut dire qu'il vise à atteindre les habitants vivant en zone rurale semi-dispersée.
Programa Agua Potable Rural
Secteur
Rural concentré
Rural semi-concentré
Rural dispersé
Habitant par localité
150 - 3.000
>80 - 150
Densité ( par km de
reseau)
>15
>8
<8
Source: Elaboration propre.
Ci-dessous, deux tableaux présentent la couverture en eau potable et assainissement permise par
les entreprises sanitaires en milieu urbain, et les organisations d’eau potable en milieu rural.
121
Population
desservie
Au sein du
programme
d’APR
Milieu rural
total
Eau par canalisation
Acceso
Sin acceso
1.325.173
407.628
1.551.124
407.889
Connecté à des egouts
Acceso
Sin acceso
180.000
1.145.173
1.015.195
943.818
POBLACION
TOTAL
1.580.000
1.959.013 (*)
La couverture des organisations d’APR en eau potable et assainissement en milieu rural en 2012.
Source : Elaboration propre à partir de SUBDERE, INE, Censo 2002 (*) 2.171.745 habitantes
con el Censo 2012.
L’évolution de la couverture des services urbains en eau potable et assainissement de 1965 à 2009.
Source : BANCO MUNDIAL, Chile, Diagnostico de la gestión de los recursos hídricos, Departamento de Medio
Ambiente y Desarrollo Sostenible Región para América Latina y el Caribe, Washington DC, BM, 2011.
122
Annexe 11 : Liste des entretiens réalisés et des visites de terrain.

Instituciones públicas:
Ministerio de Obras Hidraulicas, Dirección de Obras Hidraulicas, Subdirección de Agua Potable
Rural :
Denise Charpentier
Reinaldo Fuentealba Sanhueza
Marcel Hurtado
Canales, Jefe de Depto. De Gestión Comunitaria
Nayaret Sierra Villalba
Miguel Pantoja Guzman
Ministerio de Desarrollo Social :
Marcia Vallejo Ramos, Analista de inversiones
Maria Margarita Allende Valdés, Analista de inversiones
Ministerio de Economía Fomento y Turismo, Departamento de cooperativas, Departamento de
Cooperativas:
Pedro Pablo Lagos Baquedano, Coordinador Unidad de Control de Gestión
Dirección regional de planeamiento, Región Metropolitana de Santiago :
Vianel Gonzalez Parra
Superintendencia de Servicios Sanitarios :
Ricardo Sepúlveda M., abogado
Marta Sepúlveda, ingeniera civil.
 Organizaciones de APR :
Cooperativa de Abastecimiento y Distribución de Agua Potable, Alcantarillado y Saneamiento
Ambiental Hospital-Champa Ltda – Región Metropolitana
Jorge Quintanilla Cabeza Gerente
Cooperativa de Abastecimiento y Distribución de Agua Potable, Alcantarillado y Saneamiento
Ambiental El Granizo Ltda –V Región
Cooperativa de Abastecimiento y Distribución de Agua Potable, Alcantarillado y Saneamiento
Ambiental Los Maitenes Ltda – V Región
Hugo Ahonzo Ponce
Cooperativa de Abastecimiento y Distribución de Agua Potable, Alcantarillado y Saneamiento
Ambiental Yungay Gultro Los Lirios Aguacoop Ltda – VI Región
Comité de Agua Potable Rural Riñihue – X Región
Comité de Agua Potable Rural Las Calderas –Región Metropolitana
Comité de Agua Potable Rural La alianza Los choapinos – VI Región
Comité de Agua Potable Rural San Joaquín de los mayos – VI Región
Comité de Agua Potable Rural Domingo Padilla – VII Región
Comité de Agua Potable Rural Los Guaicos – VII Región
 Entreprises sanitaires
Aguas Andinas S. A.:
Carlos Berroeta Bustos
ESSBIO S. A.:
Aldo Valencia Eyzaguirre
M. Eliana Sepúlveda Bobadilla
123
Nuevo sur :
Paula E. Cornejo González Asistente Social Nuevosur VII Región

Organismes liés au Programme d’APR.
Asociación Gremial Servicios de Agua Potable Rural :
Jose Miguel Rivera Navarro, Presidente VI Región
Gloria Alvarado Jorquera, Secretaria VI Región
Instituto Chileno de Educación Cooperativa :
Jorge A. Rossi Catalá, Gerente
Fundación Chile:
Axel Doureojeanni
Jorge Lobos, Jefe proyectos gestión hídrica
Federación Nacional de Cooperativas de Servicios Sanitarios Ltda.
Guillermo Saavedra, presidente.
Asociación Nacional de Empresas de Servicios Sanitarios A.G. :
Francisco Donoso D.
Fundación AVINA :
María Pía Hevía, Coordinadora Programática
Alexander Repenning
Michael Hantke Domas, abogado.
Cristian Villaroel, Chilesustentable
Osvaldo Martinez, Sindicato Campesinos RANQUIL

Rencontres :
Le 23 fevrier 2013, Rencontre Campesinos de Canela, convoqué par la Ranquil, Canela, Région
V.
Le 16 mars 2013, Présentation debat par la Brigada SoS Huasco, Centre social et culturel le Le
syndicat, Santiago, Region RM.
Le 22 et 23 Mars 2013, Rencontre Latinoamericaine d’expériences d’intégration coopérative
dans l’Economie sociale et solidaire, Academia de humanismo cristiano, Santiago, Région RM.
Les 17,18 et 19 avril 2013, la « Division des Evaluations Sociales et des Investissements » du
Ministère de Développement Social a organisé un Atelier appelé Secteur Eau Potable et
Assainissement, Santiago, Région RM
Le 14 mars 2013, Mesa del Agua, Gobernación de Chacabuco, Región V.
124
Annexe 12 : Grilles d’entretiens et d’observation.
Grille pour définir le profil des organisations d’eau potable visitées.
FICHA PRESENTACION DE LA ORGANIZACION DE APR
CRITERIOS
EVALUACIÓN
Nombre de la organización
Fecha y motivo de creación
Numero de arranques
Proximidad a la zona urbana
Proximidad a la comunidad
Cohesión entre los dirigentes
Conocimiento del programa de APR
Interés, conocimiento y participación
en el proyecto de Ley
Perfil sociológico de los dirigentes
Relación con investigadora
Grille pour analyser le niveau d’approximation de l’organisation d’eau potable avec le
modèle d’économie sociale et solidaire créé.
125
EVALUACIÓN DE :
ORGANIZACION APR)
Gestión democrática
Asistencia y participación de los socios
Participación a candidaturas
Acceso equitativo al servicio de agua
potable
Facilidad de adhesión
Acceso incondicionado al servicio
Participación económica de los asociados
Repartición de los remanentes
Propiedad colectiva
Existencia de una economía plural
Relaciones mercantiles
Relaciones no mercantiles
Relaciones de reciprocidad
Igualdad entre los socios.
Relaciones socios/directiva
Jerarquía interna en la directiva
Objetivo de desarrollo local-comunitario.
Educación, información, transparencia.
Asociatividad entre las organizaciones de
APR.
Autonomía, independencia.
Relación con el Estado
Relación con las empresas sanitarias
126
(NOMBRE
y
NUMERO
DE
Ce que je veux savoir
Antécédents historiques et raisons de création :
(nécessité, revendications politiques, imposés)
Questions
Como nació esta cooperativa, porque razón ?
Habían varias cooperativas en esta zona? Como
vivía la gente acá?
Spécificités de la coopérative vs privé
Niveau de Conscience / Différences
Ressemblances
Cuál es su objetivo principal como cooperativa? Su
- principal misión? Cuál es la ventaja que tienen
ustedes? Las mayores dificultades?
Organisation interne :
Participation / solidarité / démocratie/ lien social
Cómo se organizan de manera interna? Como se
toman las decisiones? Como participan las
personas?
Gestion du service :
Compétence / Paiement / Moyen financier
Qué tipo de servicio presta? Los dirigentes tiene
experiencias? Han recibido algún tipo de
capacitación?
Autonomie et solidarité entre organisations d’APR
Qué relación tiene con el Estado? Y con las
Empresas sanitarias?
Positionnement vis-à-vis de la Loi
Ha oído hablar de la Ley MOP 2010?
Exemple d’une grille d’entretien simplifiée.
FICHE D’EVALUATION DE L’ASSOCIATION / RESEAU d’ASSOCIATION
Nom de l’association
ou du réseau
Noms des associés
Type
Nombre d’associations
Type d’organisation de la
d’association
dans le réseau
société civile associée
Lieu
Revendications
Moyens d’actions
Représentations
de l’eau
Agents
responsables
et propositions
Tableau pour analyser les associations présentent lors des manifestations pour l’eau du 22 mars
et le 22 avril 2013.
127
Annexe 13 : Synthèse des résultats du terrain
Après avoir visité des organisations d’eau potable et m’être entretenue avec les membres
présents du Comité directeur et, lorsque l’occasion se présentait, des membres de l’organisation,
j’ai pu classifier les organisations en fonction de plusieurs critères.
Au niveau des comportements et de la situation subjectifs des individus j’ai pu distinguer deux
« mondes », liés aux modèles d’évaluation communautaire et marchande, vu plus haut.
Les critères objectifs me permettant de définir chacun des mondes étaient : emplacement
géographique et le degré d’influence de la culture de la modernité chez les habitants, les modes
de consommations dominant et le profil sociologique dominant des dirigeants de l’organisation.
Le second critère d’évaluation discriminant était le degré de connaissance du fonctionnement du
Programme d’Eau Potable Rural et le niveau d’implication dans les débats concernant le projet
de loi sur les services sanitaires urbains.
Concernant l’évaluation de l’organisation en tant que telle, j’ai classé la performance des
organisations en fonction d’un niveau de capital total définie par un capital économique, social,
culturelle et technologique et informatique.
Le capital économique : niveau de patrimoine communautaire que possède chaque organisation.
Le capital social : peut se mesurer par le nombre de contacts formels et informels que possèdent
les membres de l’organisation pouvant être active pour obtenir une aide ou faciliter le
développement de l’activité productive.
Le capital culturel : est le niveau de connaissance et les habilitées que possèdent les dirigeants de
l’organisation pour participer aux Programmes d’APR et administrer le service.
Le capital technologique et informatique : se mesure par le niveau d’utilisation des nouvelles
technologies de l’information et de la communication dans chacune des organisations pour
faciliter la production ou la transparence. Chacun des capitaux est intimement lié.
A partir de ces critères, j’ai pu classer les organisations et déterminer quels types d’organisations
étaient plus proches d’un modèle d’économie sociale et solidaire.
Monde
marchand
Monde
Communautaire
Bonne connaissance du
programme et du projet de
loi
Aucune connaissance du
programme et du projet de loi
Refus du modèle d’ESS
Eloignement construit, par
influence
Rapprochement volontaire au
modèle
Rapprochement inconscient et
spontané au modèle
Typologie : position des organisations face au modèle d’économie social et solidaire.
Source: Elaboration propre.
128
Schéma résumant la position des organisations et l’évaluation des services en fonction du modèle
d’Economie Sociale et Solidaire.
Source : Elaboration propre.
129
Principes et valeurs des
organisations
d’économie
sociale et solidaire.
Administration démocratique
et participative.
Satisfaction des nécessitées
et
des
aspirations
économiques, sociales et
culturelles des membres.
Organisation économique de
propriété
économique
collective.
Organisation économique et
solidaire.
Critères d’évaluation applicables á
une organisation d’eau potable rural.
Explication des critères
Modalités extrêmes existantes pour chaque
critères (*)
Gestion démocratique
-Présence de la majorité des membres dans les Juntes
Générales, où les décisions se prennent à la majorité ou de
façons consensuelles après un débat public.
Participation spontanée et acceptation du jeu
démocratique.
-Assistance et participation active des
membres.
–Participation pour présentation a
candidatures.
Accès équitable au service d’eau
potable.
-Facilite d’adhésion.
-Accès inconditionné au service.
Participation
économique
des
membres associés juste et équitable.
-Répartition des excédents
-Propriété communautaire.
Existence d’une économie plurielle.
Compromis
communauté.
avec
la
-Echanges marchands
-Redistribution
-Réciprocité
Volonté
de
former
politiquement les membres.
Coopération
organisations d’E.S.S.
entre
Autonomie et indépendance.
130
-Répartition égalitaire des excédents entre les membres.
Esprit de solidarité, de coopération et d’aide mutuelle entre
tous les membres sans distinctions par le statut de la personne
au sein de l’organisation.
-Relation membres/dirigeants
-Hiérarchie interne
Objectif de développement
communautaire.
-Service d’APR continue, de qualité, en quantité suffisante à
un prix abordable, sans condition d’accès
-Propriété communautaire des moyens de productions et du
capital de l’organisation.
Existence et reconnaissance des modalités d’échanges
économiques plurielles :
- relations économiques marchandes
-relations économiques non marchandes
-relations économiques de réciprocité.
Egalité entre les membres.
Organisation
égalitaire,
équitable et démocratique.
-Les membres se présentent leur candidature pour assumer
les responsabilités du mandat et que la JG lui dicte
-Inexistence de discrimination lors de l’adhésion à
l’organisation.
local-
Education,
information
transparence.
-Transparence
-Education sur l’organisation d’APR
et
Associativité entre les organisations
d’APR.
Modèle
de
Gouvernance
du
Programme d’APR intégrateur et
solidaire.
-relation avec l’Etat
-relation avec les entreprises sanitaires.
Objectif principal est l’amélioration des conditions de vie et
de bien-être des personnes résidentes dans la communauté
rurale.
Formation et information pour les membres au sujet du
fonctionnement de l’organisation d’APR et de son rôle de
façon permanente, opportune et progressive.
Intégration et association ou fédération avec d’autres
organisations d’APR.
Autonomie, autodétermination et gouvernance propre des
organisations, en recevant une aide du MOP et en travaillant
avec les entreprises sanitaires privées.
Professionnalisation de l’organisation et rejet du
jeu démocratique.
Accès facile à l’organisation et au service d’eau
potable.
Accès discriminé à l’organisation et au service
d’eau potable.
Une gestion et appropriation économique des
organisations par ses membres élevées.
Organisation proche du mode de gestion
capitaliste.
Organisation qui valorise les liens sociaux
primaires et les relations solidaires entre ses
membres
Organisation
qui
valorise
les
relations
marchandes.
Relations égalitaires entre les membres.
Distanciation entre les membres et le comité
directeur et
hiérarchie interne au comité
directeur, marquées.
Focalisation pour le développement endogène de
la communauté.
Focalisation sur la croissance économique de
l’organisation.
Volonté de faire prendre conscience sur
l’importance de l’organisation et de développe un
sentiment d’appartenance.
Organisation opaque qui ne valorise par
l’éducation des membres.
Oui : FENAPRU/AGRESAP/ FESAN
Non
Volonté d’établir un modèle de gouvernance
solidaire démocratique, transparent et intégrateur.
Volonté de gagner une autonomie économique
pour devenir une entreprise capitaliste.
Annexe 14: Les limites de l’analyse coût-avantage pour l’évaluation des investissements des
projets d’eau potable rurale.
Les 17,18 et 19 avril 2013, la « Division des Evaluations Sociales et des Investissements » du
Ministère de Développement Social a organisé un Atelier appelé Secteur Eau Potable et
Assainissement. Il réunissait l’ensemble des fonctionnaires publics chargés de l’évaluation des
investissements pour la création de nouvelles organisations d’eau potable, et des représentants de
la DGA et de la Subdireccion de Agua Potable Rural.
Des frustrations étaient palpables chez les fonctionnaires du Ministère de Développement Social,
ne pouvant pas justifier des investissements urgents et nécessaires pour les populations en vertu
de la méthodologie coût-avantages. Le tableau ci-dessous montre le nombre de projets<
nécessaires mais ne pouvant être validé car le coût dépasse le plafond fixe dans chacune des
régions
.
COSTO
MÁX.
REGIÓN ZONA
VIGENTE
(UF)
I
1
230
III
2
221
IV
2
221
V
2
221
VI
3
130
VII
3
130
VIII
3
130
IX
4
175
X
4
175
X (islas) 6
163
XI
5
209
XII
5
209
RM
3
130
XIV
4
175
XV
1
230
PROY.
PROMEDIO MÁX MÍN %
NO
PROYECTOS
QUE
NO
(UF)
(UF) (UF) CUMPLE
TOTALES
CUMPLEN
201
301
231
82
183
151
140
158
130
219
306
181
133
196
149
357
342
289
82
298
389
208
316
198
390
364
474
324
276
257
141
271
132
82
94
76
78
38
49
75
249
77
41
103
102
Source : Subdirección de Agua Potable Rural, D.O.H, M.O.P, 2013.
131
27%
100%
75%
0%
86%
50%
67%
46%
7%
20%
100%
76%
14%
17%
20%
TOTAL
3
5
3
0
12
13
4
11
1
2
2
13
5
1
2
77
11
5
4
1
14
26
6
24
14
4
2
17
35
6
10
179
Annexe 15 : Photographies de terrain.
Ilustración 1Réservroi d’eau type du Programme d’APR, Riñihue, Region XV
Ilustración 2Assemblée Générale Cooperative Hospital-Champa
Ilustración 3Champl près de Rancagua Region VI
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Ilustración 4Comite d'eau potable Las calderas
Ilustración 5 Comite d'eau potable La Alianza
Ilustración 6Cooperative d'eau potable Los Lirios
Ilustración 7 Station d’épuration de la Coopérative d’eau potable Los Lirios
133
Ilustración 8 Mapuche lors du Carnaval de l'eau
Ilustración 9Representant Brigada SOS Huasco
Ilustración 10AGRESAP pendant le carnaval de l'eau
134
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