IN SE INSE ils ont donné lieu, et les observations nombreuses

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ils ont donné lieu, et les observations nombreuses publiées
par les imitateurs et les continuateurs du grand savant anglais,
que la question de l'Insectivorisme a passionné le monde scientifique. La première plante qu'on ait signalée comme insectivore est probablement le Dionœa muscipula L. (voy. ce mot),
dont Diderot écrivait déjà : « Voilà une plante presque Carnivore. » On l'a encore nommée Trappe de Vénus et Attrapemouche. Ellis l'envoyant à Linné, en 1765, des marais de la
Caroline, l'appelait un miraculum naturœ, et la considérait
comme « douée d'un mode de nutrition spécial » . Sa feuille
présente, au-dessus d'une porlion aplatie et allongée, un rétrécissement que surmonte la trappe ou le piège, formé de deux
moitiés symétriques, séparées l'une de l'autre par la nervure
médiane du limbe, suivant laquelle elles peuvent se replier
comme sur une charnière, et toutes bordées de longues dents
de peigne, qui s'entre-croisent quand les deux moitiés sont rapprochées l'une de l'autre. Sur leur face supérieure, ces deux
moitiés portent trois processus aigus, encore nommés filaments, plus rarement au nombre de deux ou de quatre, longs
d'environ 2 millimètres, et remarquables par leur extrême sensibilité. Quand on touche l'un d'eux, même très légèrement,
les deux moitiés de la feuille se rapprochent. La plus grande
partie de cette face est d'ailleurs recouverte de petites glandes
rouges et polycystiques, formées de 20 à 30 éléments polyédriques. Quand une mouche ou tout autre insecte, se posant
sur la feuille, touche légèrement un des trois filaments dont il
vient d'être parlé, la feuille, se repliant, emprisonne l'animal ;
les glandes sécrètent autour de lui un liquide parfois très
abondant, et les deux moitiés de la feuille ne se séparent lentement l'une de l'autre qu'après un nombre variable de jours
suivant la taille de la proie, et, seulement alors, d'après l'opinion de Darwin et de plusieurs autres naturalistes, que celle-ci
a été digérée par la feuille, et que les substances assimilables
que la proie renfermait ont été absorbées par le végétal. Darwin
a de plus conclu de ses expériences que divers aliments azotés,
comme l'albumine, la fibrine, la viande, etc., sont de même
dissous et rendus assimilables par la face interne de la feuille
avec laquelle on les a mis en contact et qui se referme pareillement sur eux. Le liquide sécrété est acide et renferme, a-t-on
dit, de l'acide formique (Dewar). Quelques personnes ont pensé
que les Dionées auxquelles on donne ces aliments croissent plus
vigoureusement que celles qui en sont privées ; mais ce fait, de
même que celui de l'absorption des matériaux nutritifs rendus
solubles, a été contesté par plusieurs autres auteurs.
Darwin a surtout étendu des observations analogues à celles
notamqui précèdent aux feuilles des Bossolis ou Drosera,
ment des D. rotundifolia,
intermedia, anglica, etc., espèces
de nos marais, et à quelques plantes exotiques du même genre.
La feuille du D. rotundifolia,
la plus commune de nos espèces,
a un limbe orbiculaire, brusquement rétréci en pétiole. Le
limbe porte à sa face supérieure un grand nombre de prolongements qu'on décrivait jadis comme des poils. Les plus extérieurs, nommés par Darwin tentacules, représentent probablement des lobes de feuille linéaires, à structure vasculaire,
terminés par une glande en forme de tète. Les plus extérieurs,
plus courts, non vasculaires, sont plutôt considérés aujourd'hui
comme des glandes. Ils sécrètent un liquide abondant dans certaines circonstances, et il en est de même des tentacules, dont
la tête est entourée, à certains moments, d'une couche de ce
liquide sécrété, ressemblant à une goutte de rosée ; d'où est
venu le nom de Rossolis. Darwin, dans ses observations sur les
Drosera, s'est proposé de démontrer : « 1° la sensibilité extraordinaire des glandes quand on les soumet à une légère pression
ou quand on les traite par des doses infinitésimales de certaines
liqueurs azotées, sensibilité qui se traduit par les mouvements
des tentacules; 2° la faculté que possèdent les feuilles de rendre
solubles ou de digérer les substances azotées, puis de les absorber ; 3° les changements qui se produisent à l'intérieur des cellules des tentacules quand on excite les glandes de différentes
façons. » On savait depuis longtemps, quoique le fait eût été
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quelquefois contesté, que, lorsqu'un insecte se pose sur ces
feuilles, les tentacules se replient sur lui, l'embrassent pendant
un certain temps, en même temps que le suc sécrété par' les
glandes devient plus abondant, s'acidifie de plus en plus, et
Darwin a admis que ce suc digère l'insecte, rend une porlion
de sa substance assimilable'; après quoi elle est absorbée par la
feuille. Beaucoup d'autres substances, placées sur cette feuille,
produisent des phénomènes analogues, et l'on a remarqué que
« les tentacules restent bien plus longtemps fixés sur les corps
qui fournissent des substances azotées solubles que sur ceux,
organiques ou inorganiques, qui ne fournissent pas de semblables substances » . Des fragments de viande, de fibrine, d'albumine coagulée, etc., sont lentement ramollis et dissous par le
suc qu'excrètent les glandes. Au bout d'un certain nombre de
jours, la sécrétion diminue ou cesse tout à fait, et les tentacules
se redressent peu à peu. Si un insecte se pose sur la portion
centrale de la feuille, la sécrétion visqueuse des glandes l'englue; les tentacules s'infléchissent sur lui, l'enserrent de toutes
parts; il est bientôt tué par asphyxie, le suc visqueux sécrété
bouchant les orifices de ses stigmates. Si l'insecte ne se pose
que sur les tentacules marginaux, ceux-ci, en s'infléchissant,
tendent à le pousser vers les tentacules plus intérieurs, et ces
derniers peuvent graduellement, en s'infléchissant à leur tour,
faire passer l'animal jusqu'au centre de la feuille. Darwin croit
que la plante se nourrit de la substance assimilable de l'insecte ou des aliments azotés dont nous avons parlé, après les
avoir, par suite d'une véritable digestion, transformés en une
sorte de peptone ; qu'en même temps le protoplasma intérieur
des éléments du tentacule s'agrège d'une façon particulière;
que les alcalins arrêtent cette sorte de digestion; que le suc
acide du Drosera agit à peu près comme le suc gastrique, non
seulement sur les aliments déjà cités, mais encore sur les cartilages, les fibro-cartilages, la chondrine, la gélatine, le gluten
acidifié, etc., mais qu'il n'agit pas sur l'urée, la cellulose, la
fécule, les graisses, etc. Les sels d'ammoniaque déterminent
une inflexion très énergique des tentacules. Beaucoup d'autres
plantes, comme YAldrovandia,
le Drosophyllum, les Pinguicula, les Utricularia,
ont été également indiquées comme
insectivores. Les uns ont admis que les glandes qui couvrent
le centre de la feuille des Drosera sont les agents de l'absorption des aliments digérés ; les autres leur ont contesté cette
faculté. Le carnivorisme a été attribué à un grand nombre
d'autres végétaux, aux Nepenthes, aux Sarracena.
Outre les
régions qui sécrètent des liquides digestifs, M. J. Hooker a
décrit dans ces plantes une zone d'attraction pour les animaux,
zone ordinairement caractérisée par une coloration particulière.
On a même admis, dans les sucs de toutes ces plantes, un ferment analogue à la pepsine; et l'on sait que, de nos jours, on
préconise comme digestif le latex du Papayer (Papaya Carica)
et la papaïne qui en est extraite. Sans doute il n'y a point de
comparaison absolue à établir entre un latex qui demeure
enfermé dans des réservoirs internes d'une plante telle que le
Papayer, et un liquide excrété au dehors, comme celui des Drosera, Dionœa, etc., et qui est mis en contact avec le corps d'un
insecte. Mais le genre d'action est au fond le même. Directement ou indirectement, les plantes peuvent se nourrir des animaux, sont carnivores ; et l'insectivorisme des feuilles ne serait
qu'un mode particulier d'un phénomène qui est beaucoup plus
général. On a affirmé que les Drosera, les Utriculaires, qui
ont à leur portée des insectes et les saisissent, végètent plus
vigoureusement que celles qui en sont dépourvues ; on a c o n staté que, dans bien des cas au moins, les insectes qui sont mis
en contact avec les plantes carnivores et sur lesquelles celles-ci
réagissent, ne présentent pas ou présentent à un moindre degré
le phénomène de la putréfaction, de riïême qu'on a constaté que
le latex du Papayer conserve longtemps les viandes dans les
climats tropicaux; mais il restera toujours un argument à
opposer aux partisans du carnivorisme végétal, tant qu'on
n'aura pas montré les peptones produites passant dans l'intérieur du végétal qui les aura préparées, et l'on conçoit que
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