LA REVUE DE LA MTRL REVUE TRIMESTRIELLE D’INFORMATION DE LA MTRL – N° 91 – SEPTEMBRE 2016 – 1 ¤ Mutuelle et Santé Prévention santé seniors Coup d’envoi 17 novembre 2016 ÉDITORIAL La Revue de la MTRL Mutuelle et Santé n° 91 Les affres du contrat responsable VIE DE LA MTRL • Brèves • La Mutuelle des Monts d’Or • Prévention Santé Seniors 3 ÉCONOMIE DE LA SANTÉ Le développement de la télémédecine en France : un fort potentiel mais des obstacles à lever 8 SANTÉ PUBLIQUE Endométriose : quand les stars s’en mêlent 12 CONNAÎTRE Le curcuma 14 LECTURE Feu sur le quartier général ! 17 NOUVELLE APPROCHE MÉDICALE Révolution génomique 18 MIEUX VIVRE Dormir naturellement : pourquoi et comment ? 20 ACCOMPAGNEMENT DES MALADES Agir+ à l’hôpital, avec la Fondation Hospices Civils de Lyon 22 Photo de couverture : Kzenon / Shutterstock La Revue de la MTRL - Mutuelle et Santé est la publication officielle de la MTRL, une Mutuelle pour tous, 37, avenue Jean-Jaurès 69007 Lyon Tél. : 04 72 60 13 02. Fax : 04 78 60 87 25 Internet : mtrl.fr et mtrl-id.com e-mail : [email protected] N° de CPPAP : 0417 M 05960. 23e année – trimestriel – septembre 2016 – n° 91 Le numéro : 1 ¤, dans tous les bureaux et agences de la MTRL. Abonnement annuel : 4 ¤. Directeur de la publication : Romain Migliorini. Administrateur : Thierry Thévenet. Éditeur délégué : Les Éditions du Chaland. ISSN : 1253-921X Impression : Roto France, 77185 Lognes. L e contrat responsable, cette massue réglementaire assénée aux complémentaires santé, commence à faire douloureusement ressentir ses effets. Les assurés sociaux constatent les dégâts tandis que la controverse s’anime entre le ministère de la Santé et les médias. Pour rappel, de nouvelles règles impératives relevant du “contrat responsable” censées favoriser, par des mesures d’encadrement des dépenses, la maîtrise des coûts de santé de l’optique et des honoraires et actes médicaux ont été mises en œuvre à coups de calculettes et de décrets. Les dispositions relatives à l’optique avec, pour les adultes, un équipement monture et verres remboursé une fois tous les deux ans (avec retour au forfait annuel en cas de changement de correction attestée) et un remboursement de la monture ne pouvant excéder 150 ¤ ne posent pas de problème majeur. La situation est bien différente s’agissant des honoraires des médecins (généralistes, spécialistes, praticiens hospitaliers) et des actes médicaux. En effet, leur remboursement doit être différencié selon que le praticien est ou n’est pas signataire du Contrat d’accès aux soins (CAS) instauré par l’Assurance maladie, distinction que doivent obligatoirement respecter les contrats de complémentaire santé. Concrètement, le remboursement d’un praticien non signataire du CAS est obligatoirement minoré et ne peut dépasser 2 fois le tarif de convention. Deux exemples concrets. Une consultation d’un médecin spécialiste dont le tarif de convention est de 25 ¤ et qui est facturée 65 ¤. Si le praticien est signataire du CAS, le patient sera remboursé en fonction du niveau prévu par son contrat. S’il n’est pas signataire du CAS, le remboursement maximal total ne pourra dépasser 2 fois le tarif de convention, soit un maximum de 50 ¤. Laissant, ici, 15 ¤ à la charge de l’assuré. Autre exemple : une intervention chirurgicale effectuée en secteur hospitalier privé, facturée 800 ¤ (honoraires chirurgien et anesthésiste) et dont le tarif de convention serait de 300 ¤. Si le praticien est signataire du CAS, le patient sera remboursé en fonction du niveau prévu par son contrat. S’il ne l’est pas, le remboursement maximal total ne pourra dépasser 2 fois le tarif de convention, soit un maximum de 600 ¤. Le reste à charge sera alors de 200 ¤. Ainsi, l’adhésion des praticiens à ce contrat étant facultative, la MTRL s’inquiète à la fois du risque évident de moindre couverture et de restes à charge pouvant être très importants, en particulier lors d’interventions chirurgicales. Conséquence : au lieu d’encadrer les dépenses, c’est l’accès aux soins qui recule et le risque de renoncement à des actes nécessaires qui s’accroît. Il est évidemment commode pour les pouvoirs publics de prétendre contraindre les médecins à limiter leurs dépassements d’honoraires en faisant pression sur les mutuelles pour qu’elles réduisent leurs remboursements, mais qui peut croire un instant que cette pression financière supplémentaire exercée sur l’assuré pourrait modifier de la plus minime des façons son rapport de force individuel avec les membres du corps médical pour les obliger à des pratiques tarifaires plus raisonnables… Le président, Romain Migliorini Vie de la MTRL RENCONTRES PRÉVENTION SANTÉ DU 2E SEMESTRE 2016 Les rencontres se déroulent au siège de la Mutuelle, 37 avenue Jean-Jaurès à Lyon. Jeudi 8 septembre à 18 heures. Mme Béatrice Mercier, biologiste, « Le rôle de l’oxygène dans les maladies dégénératives » Jeudi 29 septembre à 18 heures. Mme Pénélope Restoy, diététicienne, nutritionniste : 䉴 « Introduction : une consultation de diététique implique-t-elle forcément la notion de régime ? » 䉴 « 2e partie : présentation de la cohérence cardiaque dans cette approche » Jeudi 6 octobre à 18 heures. Dr Philippe Fiévet, médecin nutritionniste, « Constipation : mais que se passe-t-il ? » Mercredi 26 octobre à 18 heures. M. Jean-Pierre Croutaz, médecine traditionnelle chinoise, « Médecine chinoise, médecine ancestrale, médecine d’avenir » Lundi 7 novembre à 18 h 30. Dr Christelle Charvet, gynécologue obstétricienne, « L’endométriose » Lundi 21 novembre à 18 heures. Dr Bernard Croisille, neurologue, « Peut-on entretenir sa mémoire ? » Jeudi 1er décembre à 18 heures. Mme Meriem Kouidri, pédicure podologue, « Développer son maintien pour renforcer son équilibre : les bienfaits de la posturologie dans la prévention des douleurs » Jeudi 15 décembre à 18 heures. Mme Véronique Geronutti, naturopathe, « La naturopathie et l’alimentation, dans laquelle puiser énergie et vitalité » Pour toute information, contacter Frédérique Ersonmez-Barbier au 01 44 71 52 41 ou par mail : [email protected] LES COUPS DE CŒUR DE L’ECO À TOURNUS SIXIÈME COLLOQUE D’ÉCONOMIE DE LA SANTÉ ORGANISÉ PAR LA MTRL LE 8 OCTOBRE À LYON Comme chaque année, au début du mois d’octobre, la MTRL organise un colloque d’économie de la santé. Cette sixième édition se déroulera le samedi 8 octobre, toujours dans la salle du théâtre des musées Gadagne de Lyon, et aura pour thème Télémédecine, télédiagnostic, téléchirurgie… une révolution de la pratique médicale et de nos systèmes de santé. Désireux de participer à ces débats mais absent de Lyon ce jour-là, le Pr Guy Vallancien, auteur de La médecine sans médecin ?, interviendra en visioconférence… ce qui est bien le moins quand, aujourd’hui, on peut pratiquer une intervention chirurgicale depuis un lieu distant de plusieurs milliers de kilomètres de celui de l’opération ! Un compte rendu des débats sera présenté dans la prochaine édition de cette revue. C’est dans le cadre prestigieux de la salle capitulaire de l’abbaye Saint-Philibert à Tournus que s’est déroulée la 3e édition des Coups de Cœur de l’Eco de Saône-et-Loire. Accueillis par le maire de Tournus, Claude Roche, également président de la Communauté de communes du Tournougeois, Romain Migliorini, président de la MTRL, et Florent Dessus, créateur des Coups de Cœur de l’Eco, les représentants du monde économique ont découvert le palmarès 2016. HOMMAGE À MICHEL COURBET En 2009, l’ancienne Mutuelle MEGAM, mutuelle de l’entreprise Alstom de Mâcon, créée avec volontarisme en 1990, rejoignait la MTRL. Michel Courbet, qui en était le président, lui avait apporté tout son savoir-faire avec la générosité qui le caractérisait. Nous saluons sa mémoire avec respect et amitié car nous avons toujours apprécié ses qualités humaines et son engagement droit et rigoureux. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 Il n’a jamais cessé d’œuvrer pour une action mutualiste solidaire et responsable. Au service des autres, il fut notamment membre du conseil d’administration de l’Union des mutuelles de Saône-et-Loire durant une quinzaine d’années. Personnalité forte et attachante, nous souhaitions lui témoigner une dernière fois notre reconnaissance et notre sincère estime. Il avait 79 ans. 3 Vie de la MTRL LOUHANS 2016 Les trois conférences de Jean-François Berthet, kinésithérapeute Vendredi 21 octobre à 15 heures “Santé et stress” Le stress est une perturbation psychique, organique et fonctionnelle pouvant conduire à un dérèglement musculaire, tendineux, articulaire et favoriser des maladies auto-immunes ou essentielles, ainsi que la dépression. On peut résumer le stress comme une dérégulation de la cohérence vibratoire et du système nerveux autonome (SNA). Vendredi 21 octobre à 17 heures “Sport et traitement des traumatismes” Le sport, comme toute activité physique, est bon pour notre santé. Il permet de garder ou de retrouver vitalité, souplesse, force, en assurant un travail cardio-pulmonaire opérationnel. En outre, le côté ludique, les relations avec d’autres personnes partageant le même plaisir apportent en général un équilibre psychophysique de qualité. Samedi 22 octobre à 14 h 30 “La prévention santé” La notion de prévention décrit l’ensemble des actions, des attitudes et comportements qui tendent à éviter la survenue de maladies ou de traumatismes ou à maintenir et à améliorer la santé. En résumé, la prévention c’est prendre soin de soi, garder un potentiel de santé intact et mener une vie agréable. La conférence du Dr Antoine Demonceaux, médecin homéopathe, psychanalyste Vendredi 21 octobre à 19 heures “La santé autrement” Des affections de la petite enfance à celles de la personne âgée, en passant par le stress ou les maladies auto-immunes, l’homéopathie est une thérapeutique préventive et curative dans de nombreux domaines. Elle est un facteur clé dans la réussite des politiques de santé publique de demain, tant en termes de coût que d’efficacité. Antoine Demonceaux invite ainsi à repenser la complémentarité de l’homéopathie et de l’allopathie dans leurs enrichissements mutuels, et il répond à toutes les questions que l’on peut se poser sur le sujet. LIMONEST La Mutuelle des Monts d’Or 11 communes associées font le choix de la MTRL Désireuses de proposer une mutuelle négociée et partagée, 11 communes du nord-ouest de Lyon ont ainsi créé la Mutuelle des Monts d’Or. Chasselay, Champagne-au-Mont-d’Or, Civrieux-d’Azergues, La Tour-de-Salvagny, Les Chères, Limonest, Lissieu, Marcilly-d’Azergues, Morancé, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or et Saint-Didier-au-Mont-d’Or ont en effet travaillé à un projet de mutuelle intercommunale, et c’est la proposition et l’offre de services de la MTRL qui ont été retenues pour ce partenariat dynamique et porteur de nouvelles solidarités. La signature de cette nouvelle convention de partenariat s’est déroulée le jeudi 1er septembre dernier à la mairie de Limonest en présence des maires, des représentants des Centres communaux d’action sociale, du président Romain Migliorini, de M. Étienne Depeyre, directeur général de la MTRL et des acteurs de ce projet. La Mutuelle des Monts d’Or sera officiellement active le 1er janvier 2017, mais le plan d’action et de développement est en place avec des réunions publiques et des permanences dans l’ensemble des communes. CHAMPAGNE AU MONT D’OR LISSIEU LA MUTUELLE DES COTEAUX DU LYONNAIS La Mutuelle des Mornantais (Mornant) et la Mutuelle des Jarréziens (Soucieu-en-Jarrest) changent de dénomination. En effet, avec l’arrivée, au 1er janvier prochain, de quatre nouvelles communes du canton de Mornant (Saint-Laurent-d’Agny, Taluyers, Montagny, Orliénas), il a été proposé d’unir l’ensemble de ces mutuelles communales sous le nom de Mutuelle des Coteaux du Lyonnais. Un succès dont on peut légitimement se réjouir. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 5 Vie de la MTRL Prévention Santé Seniors : A l’UGC Lyon Confluence, en partenariat avec d’information à l’intention de ses adhérents les plus pratiques pour leur permettre de vivre un S ous la conduite du Pr Claude Jeandel, chef de service de gériatrie au CHRU de Montpellier*, trois tables rondes permettront à d’éminents spécialistes des problèmes de vieil- lissement d’aborder successivement les thèmes suivants : “Fragilité et parcours de santé des seniors”, “Nutrition et activité physique : deux acteurs majeurs de la prévention”, “Prévention des accidents médicamenteux chez les seniors”. La réunion publique qui clôturera la journée permettra de tracer les grandes lignes d’action que la MTRL souhaite mettre en place. Pour reprendre les mots du président Migliorini, dans son dernier éditorial de Mutuelle et Santé, « nous allons proposer un bilan de prévention pour les personnes de plus de 60 ans, adhérentes à la MTRL depuis plus de cinq années. Sont concernés quelque 23 000 adhérents de la Mutuelle. A partir d’un auto-questionnaire conçu par des spécialistes de gériatrie, nous pourrons ainsi offrir aux personnes intéressées la possibilité de faire un point complet sur leur état de santé et leurs habitudes de vie, en identifiant les points forts et ce qui mérite attention. Chacun pourra compléter son bilan prévention et la Mutuelle prendra une charge une consultation consécutive avec un médecin ». * Pour rappel, l’article du Pr Jeandel (Revue n° 87) sur le concept de fragilité chez les personnes âgées : “Pourquoi et comment identifier les sujets âgés fragiles”. Voici le lien : http://www.mtrl-id.com/e_e/16/concept_fragilite.pdf 6 La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 Vie de la MTRL coup d’envoi 17 novembre 2016 le Groupe Progrès, la MTRL organise une journée âgés afin de leur proposer un ensemble de solutions vieillissement de la meilleure qualité possible Programme de la journée 8 h 30 䉴 Accueil 9 heures - 12 h 15 䉴 Trois tables rondes 9 heures - 10 h 30 Table ronde 1 Fragilité et parcours de santé des seniors en présence de : 䊉 Pr Claude Jeandel, gériatre, président du Conseil national professionnel de gériatrie 䊉 Pr Pierre Krolak, gériatre 䊉 (nom à confirmer), assistante sociale 10 h 45 - 12 h 15 Table ronde 2 Nutrition et activité physique : deux acteurs majeurs de la prévention en présence de : 䊉 Pr Claude Jeandel, gériatre 䊉 Pr Marc Bonnefoy, gériatre 䊉 M. Pierrick Bernard, UFRSTAPS Montpellier 䊉 (nom à confirmer), diététicienne 12 h 15 - 15 heures 䉴 Pause 15 heures - 16 h 30 Table ronde 3 Prévention des accidents médicamenteux chez les seniors en présence de : 䊉 Pr Claude Jeandel, gériatre 䊉 Mme Élodie Jean-Bart, pharmacienne La Revue de la MTRL 䉬 17 heures - 18 heures 䉴 Grande réunion publique 18 h 15 䉴 Cocktail septembre 2016 䉬 numéro 91 7 Économie de la santé Le développement de la un fort potentiel mais S’il faut absolument une date de naissance, celle de la “télémédecine” serait le le premier service de radio de service médical pour bateaux à New York. Puis se sont Schreveningen aux Pays-Bas (1930), Cuwhaven en Allemagne (1931), Toulouse New York 1925. l n’est pas étonnant que la navigation maritime ait été le premier, et longtemps le seul, lieu d’apparition, une fois inventée la radio (1897), de ce qu’on appelle aujourd’hui la télémédecine. En effet, les marins peuvent être loin de tout centre de soins pendant plusieurs semaines et avoir des besoins thérapeutiques urgents. I Les facteurs de la télémédecine Or le besoin de cette assistance à distance existe tout aussi bien dans des zones géographiques spécifiques, comme des pays aux nombreuses îles (Danemark : 443 îles dont 76 habitées ; Grèce, 777 “dignes d’intérêt” dont 200 habitées), dans lesquelles il est très difficile d’envisager sur site l’ensemble des services médicaux ; ou encore des zones désertiques disposant d’oasis du même type que des îles. Enfin, phénomène récent, les “déserts médicaux” dans lesquels les jeunes médecins refusent aujourd’hui de venir s’installer sauf création ex abrupto de centres médicaux plus ou moins complets, regroupant divers professionnels de santé, pouvant 8 “faire population”, dont l’environnement n’est toutefois même pas encore assez attrayant pour eux. Deux autres facteurs humains de développement d’une télémédecine moderne viennent s’ajouter à ces données de base. En premier lieu, la difficulté actuelle en France, au-delà des déserts médicaux, pour obtenir un rendez-vous dans certaines spécialités à faible densité de spécialistes. En second lieu, la préférence de nombreux patients pour les soins et l’hospitalisation à domicile. En troisième lieu enfin, l’avantage, ou la nécessité économique, pour certains établissements, de développer ces services de télémédecine. Encore fallait-il que face à ces besoins, comme la radio en 1897, soient inventées des techniques. Et c’est évidemment la numérisation de nombre des examens divers, et surtout le développement des réseaux, filaires (fibre) et non filaires, parallèlement aux téléphones portables, permettant les télétransmissions quasi instantanées, qui ont ouvert la voie aux nombreuses applications de la télémédecine moderne, dont les progrès potentiels sont encore inimaginables. Récemment, à l’occasion de la Journée du cancer de la peau, on a présenté un exemple de télédiagnostic à partir d’une photo sur téléphone portable transmise à une permanence dermatologique. Les objets connectés, au développement actuel assez fulgurant, vont évidemment jouer un rôle très important dans certains aspects de la télémédecine. Domaines d’application Pour détailler les domaines promis à la télémédecine, on peut reproduire l’Article L. 6316-1 du Code de la santé qui décrit les cinq actes de télémédecine officiellement déterminés (décret no 2010-1229 du 19 octobre 2010) : 䊉 la téléconsultation, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation. Les psychologues mentionnés à l’article 44 de la loi no 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social peuvent également être présents auprès du patient dans le cas, notamment, des consultations dans les EHPAD de personnes atteintes de déficiences cognitives. Dans une pharmacie mutualiste de Roanne, la Mutualité de la Loire a installé une cabine de téléconsultation qui vise les patients atteints d’une maladie chronique vers laquelle des généralistes trop lointains pour être consultés assez fréquemment peuvent guider leurs patients. Elle est équipée d’un grand nombre d’instruments de mesure que le patient actionne, guidé par un écran. Une mutuelle étudiante, la SNEREP, a installé aussi une “e-cabine” près de la Sorbonne pour les étudiants, dont 20 % ne voient jamais de médecins, compte tenu, en particulier, des frais ; 䊉 la téléexpertise, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 Économie de la santé télémédecine en France : des obstacles à lever 18 novembre 1920. C’est, en effet, en cette année-là que fut créé, en l’église des Marins, succédé les centres de Götteborg en Suède (1922), Tokyo et Yokohama (Japon, 1928), en France (1983), Esgjeg au Danemark (1992) et Falmouth au Royaume-Uni (2001). de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient ; 䊉 la télésurveillance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. Il s’agit d’une téléconsultation régulière ou suscitée par une alerte. L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même, ou par un professionnel de santé. Deux exemples notables : la création des unités de dialyse médicalisées télésurveillées, lancées à Saint-Brieuc en 2001, par le Dr Pierre Simon, néphrologue, président de la Société française de télémédecine jusqu’en 2015, ou encore la télésurveillance des dialyses à SaintPierre (Saint-Pierre-et-Miquelon) par le Centre François-Dunan du Mans1. Ou encore les 235 patients, souvent plus âgés que la moyenne, greffés du rein à Saint-Etienne et télésuivis sur leur lieu de résidence ; 䊉 la téléassistance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte ; 䊉 la réponse médicale qui est apportée dans le cadre de la régulation médicale 1. Revue de la FNAIR n°146, juin 2016. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 mentionnée à l’article L. 6311-2 et au troisième alinéa de l’article L. 6314-1. On peut compléter cette liste par d’autres occasions d’emploi. D’abord, la téléchirurgie, qui permet à un chirurgien spécialisé d’opérer à distance un patient, éventuellement assisté d’un collègue près du patient. Ensuite, la téléassistance des voyageurs isolés (nautisme, montagne, “trekking”), par laquelle on revient aux origines, ensuite la téléformation des étudiants et médecins en spécialisation à distance, enfin la télétransmission de données déjà couramment pratiquée entre centres pour compléter ou parachever ailleurs le traitement d’un patient. Quelques réalisations C’est le Pr Louis Lareng qui est à l’origine de l’Institut européen de télémédecine, laquelle a démarré en 1989 entre l’hôpital Rangueil à Toulouse et l’hôpital Combarel à Rodez, permettant aux patients une meilleure prise en charge des spécialités médicales. C’est le 8 novembre 1994 qu’eut lieu la première démonstration internationale de télémédecine : un examen scanner à rayons X avait été piloté depuis l’Hôtel-Dieu de Montréal (Canada) sur un patient situé dans l’appareil de l’hôpital Cochin, à Paris. En 2001, une opération de téléchirurgie a été réalisée entre New York, où était le chirurgien, et Strasbourg, numéro 91 où se trouvait la patiente, par le Pr Jacques Marescaux. Il s’agissait de l’ablation de la vésicule biliaire d’une patiente de 68 ans à l’aide d’un robot selon un système dénommé Zeus. Le délai entre le geste du chirurgien et le retour image a pu être réduit à 150 millisecondes. Une autre première mondiale a été, en 2007, dans le cadre du pôle de compétitivité Alsace BioValley, une opération sans cicatrice par voie vaginale. A partir du moment où la chirurgie endoscopique, avec ses écrans et ses “bras articulés”, est apparue dans les blocs opératoires, la porte était ouverte à la téléchirurgie. C’est une pratique devenue, si l’on peut dire, courante. Elle ouvre des perspectives extraordinaires, étant porteuse, par exemple, de progrès très importants, notamment dans les zones de guerre ou pour entraîner des chirurgiens des pays émergents. L’économie de la télémédecine Le gouvernement français a pris un décret télémédecine en 2010 censé soutenir le développement de la télémédecine nationalement et internationalement. Mais la rémunération des actes divers de télémédecine n’est pas encore établie. Ces actes sont encore rémunérés au coup par coup, sur décision et financement des © Photographee.eu / Shutterstock Économie de la santé diverses Agences régionales de santé. Le médecin qui accepte de réaliser des téléconsultations médicales, ou le spécialiste qui examine une image médicale, un électrocardiogramme à distance, doit le faire soit sur la base du volontariat bénévole, soit parce qu’il y a eu un accord spécifique entre l’ARS et l’hôpital où il exerce. De nombreuses expériences se déroulent en France. Ainsi une cabine de télémédecine est installée dans une résidence pour personnes âgées non médicalisée à Cluny (Saône-et-Loire) où sont effectuées les prises de paramètres ou images. Les médecins peuvent consulter les paramètres médicaux de ces derniers par Internet. L’expérience est soutenue par le FEDER et l’ARS, l’expérimentation se poursuit dans le département de la Loire en 2016. Mais pas de généralisation des prises en charge. A l’étranger, les grands pays ont créé des systèmes spécifiques de rémunération. Aux Etats-Unis, dès 1997, Medicare a pris en charge la télémédecine. Au Danemark et en Grande-Bretagne, la télémédecine est un service de routine, intégré à tous égards dans le système de soins. En Allemagne, un certain nombre d’organismes privés de télémédecine ont signé des accords avec les Caisses d’assurance maladie devenues d’ailleurs concurrentes en 1992, avec, dans chaque cas, des dispositions spécifiques de financement. En Suisse, depuis avril 2015, il est désormais possible de bénéficier d’une téléconsultation par Internet sur le site www.tondocteur.ch Ceux qui ne peuvent ou ne veulent se déplacer pour aller consulter un médecin bénéficient d’une télécon10 sultation remboursée par les caisses suisses d’assurance maladie, d’accident, militaire ou d’invalidité et peuvent obtenir une prescription électronique ou un certificat médical. La CNAM hésite à rémunérer le “téléacte” médical comme l’acte clinique lui-même, sous forme du paiement à l’acte. Les médecins sont fermement attachés à ce mode de rémunération, qui est une machine à multiplier les actes. Il est évident que le même mode de rémunération pour la téléconsultation ou la télé-expertise ne peut qu’entraîner la même dérive. Peutêtre pire ! Par ailleurs, si une telle dérive n’est apparemment pas possible avec la téléchirurgie, comment rémunérer la télésurveillance d’un patient à domicile, ou dans un EHPAD ? La fixation d’un “modèle” économique de la télémédecine est d’autant plus importante que, compte tenu de la qualité réelle de la médecine française et de ses installations dans certaines parties du monde, comme les Antilles, la Réunion, la Polynésie, zones entourées d’autres îles ou régions sous-médicalisées, elle peut s’exporter, à la fois en procédant à des opérations dans les établissements français, et/puis pratiquer des actes de télésurveillance des suites opératoires ou de traitements longue durée, voire même d’actes de chirurgie sur place téléguidés depuis les centres français. Télémédecine et hospitalisation à domicile Nous avons déjà évoqué l’hospitalisation à domicile dans un numéro précédent de la revue de la MTRL2. Les cliniques et hôpitaux sont de plus en plus fortement incités à développer l’hospitalisation à domicile car, si le prix moyen d’une journée d’hospitalisation oscille, selon les services d’hospitalisation (chiffres d’août 2015), entre réanimation et soins intensifs à 3 189 ¤, et médecine interne, pédiatrie, obstétrique à 1 376,43 ¤, le coût d’une journée d’hospitalisation à domicile est de 200 à 250 ¤. L’intérêt de la CNAM est donc que les séjours hospitaliers soient les moins nombreux et les moins longs possibles. Dans le cadre d’une tarification à l’activité3 bien gérée, cet intérêt rejoint celui des hôpitaux qui, touchant ces prix de journée pour chaque acte, ont intérêt, s’ils le peuvent, à abréger le séjour du malade pour en accueillir un autre. En 2014, l’hospitalisation à domicile a assuré 156 284 séjours, pour plus de 4,4 millions de journées (1,5 million en 2005) et plus de 105 000 patients. La HAD est pratiquée par 309 établissements, dont 42 % sont des structures privées à but non lucratif (61 % de l’activité), 41 % font partie du secteur public (26 %) et 17 % sont privées à but lucratif (12 %). Les principales prises en charge sont les pansements complexes (1,1 million de journées), les soins palliatifs (1 million), le “nursing” lourd (491 000), les traitements intraveineux (253 000), la surveillance post-opératoire et chimiothérapique (157 000), l’assistance respiratoire (127 000)… Cette citation est utile parce qu’elle évoque aisément l’aide que les pratiques de télémédecine peuvent apporter à l’hospitalisation à domicile, aussi bien pour la rendre plus efficace (pansements complexes, soins palliatifs…) que pour la surveillance postopératoire ou post-chimiothérapie. Pour le pansement complexe, si la plaie semble avoir évolué, ou pour une injection intraveineuse si l’infirmier constate une anomalie, la téléconsultation d’un praticien déjà pratiquée depuis longtemps par téléphone peut être grandement amélio- 2. “L’hospitalisation à domicile”, Mutuelle et Santé n° 70, juin 2011. 3. “La tarification hospitalière à l’activité”, op. cit. n° 84, déc. 2014. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 Économie de la santé Préalables et freins au développement de la télémédecine En dehors du frein que représente l’absence de modèle économique pour la télémédecine, il en existe d’autres, plus humains. D’abord la trop faible informatisation des cabinets individuels ou de groupe, notamment en ce qui concerne le dossier médical personnel rebaptisé dossier médical partagé. Ce DMP, dont tout Français doit être doté, a été lancé en 2004. Il devrait déjà permettre à tout professionnel de santé prenant en charge un patient et, en premier lieu, aux spécialistes chez lesquels il est envoyé, ou dans les services hospitaliers notamment d’urgence, de disposer d’un bilan complet des antécédents pathologiques du patient et de ses constantes biologiques ou imageries récentes. Après sept ans de mise au point, le système, jugé opérationnel en 2011, n’a produit en 2014 que 400 000 dossiers, soit 0,6 % des patients ! Réticence des médecins, qui ne veulent pas en faire l’investissement financier (matériel informatique de saisie) ni temporel. Pour légitimer ce refus, nombre Ça a failli !… La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 de médecins affirment tout simplement qu’ils n’en ont pas besoin, ce qui, dans trente ou quarante ans, paraîtra une de ces énormes erreurs qui retardent des évolutions pourtant essentielles. On peut comprendre qu’au bord de la retraite certains médecins se refusent à l’apprentissage minimal, encore que les mêmes utilisent souvent chez eux avec habileté tablettes et smartphones. À juste titre, la Haute Autorité de santé affirme « qu’il existe un lien entre la bonne tenue du dossier patient, hospitalier en l’occurrence (composé du dossier médical et du dossier de soins) et la qualité et la sécurité des soins dispensés ». Il est clair, en tout cas, que la diffusion de la télémédecine dépend de la généralisation de cet équipement élémentaire du médecin. L’autre frein est humain. Aussi bien l’hospitalisation à domicile que la télémédecine, notamment lorsqu’elles suppléent à la présence de médecins dans des îles trop nombreuses ou des déserts médicaux, nécessiteraient la présence auprès des patients de professionnels de santé, nommément des “un peu plus qu’infirmiers”, infirmière experte, dit-on quelquefois, comme celle qui surveille les dialyses à SaintPierre (Saint-Pierre-et-Miquelon), ou pour le Centre Dunan au Mans. Des “infirmiers experts” capables non seulement de procéder à des actes élémentaires mais surtout à des prédiagnostics à confirmer par téléassistance, ou télé-expertise, avec le médecin généraliste ou spécialiste en charge du “télésecteur”. Or, si certains personnels infirmiers passent des diplômes universitaires pour augmenter leur savoir, en pansements, en diabétologie… et acquièrent donc une compétence supplémentaire, il y a un barrage humain à les “élever” administrativement et économiquement dans la hiérarchie médicale. On a numéro 91 bien créé des “cadres infirmiers” qui s’occupent de la gestion des infirmiers d’un service, mais ils n’ont pas de grade technique au-dessus des autres, donc plus proches du médecin. Le corps médical y fait barrage, comme d’autoriser les pharmaciens, qui pourraient d’ailleurs être aussi, dans certaines situations locales, de bons intervenants dans les circuits de la télémédecine, à faire des injections. © wavebreakmedia / Shutterstock rée avec les systèmes vidéo. La télésurveillance en continu “prépare” éventuellement la visite de l’infirmière, et les données accumulées préparent celle du médecin ou le prochain rendez-vous avec lui. Mais, là encore, alors que la tarification de la HAD, s’inscrivant dans la tarification générale, fonctionne, l’addition de la télésurveillance reste à valoriser. Autrefois, souvent dispensateur de premiers soins, le pharmacien, aujourd’hui, n’a pas le droit de faire d’injections ni de poser de points de suture. Ce ne sont là que quelques obstacles au développement plus rapide de la télémédecine, parallèlement à la HAD. Une volonté forte et durable peut les faire sauter. Mais il y a deux risques à prendre en compte, donc à réduire ou pallier, avec la généralisation de la télémédecine. D’abord le risque d’“uberisation” qui menace toutes les professions : n’importe qui, à la limite, doté des appareils nécessaires et d’un rien de connaissances superficielles, peut, demain, proposer thérapies et traitements réputés “télésurveillés” à des patients accrocs à Internet mais rendus plus captifs encore par la nécessité du suivi. Surtout, l’argument que ma petitefille, interne, m’a opposé : « Et que fais-tu de la clinique ? » Il nous faudra un Michel Foucault, à la fin du siècle, pour écrire une archéologie de la télémédecine. 䊔 Jean Matouk agrégé de sciences économiques, professeur des universités 11 Santé publique Endométriose : quand © Little_Desire / Shutterstock ’endométriose enflamme les milieux de la presse people, mais pourquoi ? L’endométriose est une maladie planétaire : 180 millions de femmes sont touchées dans le monde ; il s’agit d’une maladie qui touche des femmes jeunes et qui a un impact sur la qualité de vie et la fertilité. L Bizarre… Comment définir l’endométriose ? L’endométriose est une maladie définie par la présence d’endomètre, qui est la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus, dans un autre endroit que la cavité utérine. Elle touche presque exclusivement les femmes et atteint en France 8 à 10 % des femmes en âge de procréer, soit 2 à 4 millions de femmes. L’atteinte la plus fréquente est pelvienne (cul-de-sac de Douglas, ovaires, rectum), mais d’autres organes comme la peau, les poumons, le cerveau, peuvent être le siège de localisations endométriosiques. La particularité de ce tissu endométrial est sa capacité à diffuser, à se reproduire selon un mode qui ressemble beaucoup à celui de la diffusion des cellules métastatiques du cancer. Vous avez dit bizarre ? Une pathologie encore méconnue La physiopathologie de l’endométriose reste incertaine et, depuis cent ans, continue à faire couler beaucoup d’encre. Elle repose sur deux théories principales : 12 Comme c’est bizarre ! Une pathologie multifactorielle 䉴 Des facteurs génétiques ont été relevés : un antécédent d’endométriose sévère chez une parente de premier degré multiplie par 6 le risque d’être atteinte et certains gènes sont en cours d’étude ; la maladie pourrait survenir si ces gènes sont présents mais dans des conditions d’environnement particulières. 䉴 Les facteurs environnementaux incriminés sont l’exposition au distilbène et les polluants interférant avec l’action des stéroïdes comme la dioxine. D’autres facteurs, comme l’exposition aux UV et l’exposition au soja en grande quantité in utero et dans l’enfance ont été évoqués. 䉴 Les facteurs hormonaux sont impliqués : l’endométriose est une maladie qui est dépendante des œstrogènes puisque les lésions endométriosiques produisent plus d’œstradiol que de tissu sain, que l’endométriose est une pathologie de la femme en activité génitale et que des récidives d’endométriose ont été constatées après la méno- pause chez des femmes sous traitement hormonal. 䉴 Les facteurs psychologiques semblent aussi interférer : fréquence accrue de dépression, anxiété chez les patientes porteuses d’endométriose sans que l’on sache si c’est la cause ou la conséquence. Quels symptômes sont évocateurs d’endométriose ? L’endométriose peut ne donner aucun symptôme. Elle est alors découverte de façon fortuite sur des examens complémentaires ou au cours d’une intervention chirurgicale. Le plus souvent, elle entraîne des douleurs : les plus typiques sont des douleurs de règles majeures, appelées dysménorrhées, qui s’aggravent avec les cycles et sont tellement intenses que les prises en charge par des antalgiques deviennent insuffisantes. Les douleurs pendant les rapports (dyspareunie) sont fréquentes. L’endométriose peut être découverte lors d’un bilan d’infertilité. C’est en effet une cause d’infertilité majeure. L’endométriose est une inflammation de l’endomètre inflammation trompe de Fallope trompe de Fallope cavité utérine endomètre ovaire ligament ovarien canal cervical myomètre col de l’utérus périmétrium vagin Enfin, en fonction de la localisation de l’endométriose, les symptômes peuvent varier : douleur vésicale, constipation, douleur à la défécation, saignements par le rectum au nodule cutané douloureux, les symptômes apparaissant au moment des règles. L’examen clinique retrouve une douleur à la mobilisation des organes La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 © Marochkina Anastasiia / Shutterstock le reflux menstruel par les trompes des cellules de l’endomètre qui, ainsi, iraient se greffer sur les organes de proximité ; 䉴 la métaplasie cellulaire, qui consiste à imaginer la possibilité d’une transformation de cellules indifférenciées des feuillets péritonéaux en cellules d’endomètre ; cela permettrait d’expliquer les cas rares d’endométriose masculine. Cette localisation anormale entraîne des réactions inflammatoires à l’origine de lésions, d’adhérences et de kystes. Ces lésions vont se comporter de manière comparable à un endomètre (intérieur de l’utérus) sous l’influence des hormones ovariennes. Elles vont se développer et peuvent saigner chaque mois. 䉴 Santé publique les stars s’en mêlent* Et ça se traite, Docteur ? La prise en charge allopathique est chirurgicale ou médicale et a donné lieu à des recommandations officielles ; ces traitements visent à traiter les lésions et à éviter la propagation de la maladie. Malheureusement, si ces traitements stabilisent ou cachent la maladie, ils ne la guérissent généralement pas et les poussées peuvent reprendre à l’arrêt des traitements. La chirurgie d’exérèse des lésions ne se conçoit qu’en cas de symptômes gênants ou dans un bilan d’infertilité ; la chirurgie par cœlioscopie est conseillée car elle génère moins d’adhérences. Les traitements médicaux allopathiques consistent à freiner l’activité hormonale. Analogues de la LHRH, progestérone macrodosée sont les produits les plus prescrits. Le diénogest semble présenter un intérêt : Visanne® est commercialisée en France depuis novembre 2010 avec l’indication “traitement de l’endométriose”. Les pilules œstroprogestatives sont non seulement autorisées mais conseillées puisqu’elles bloquent l’ovulation et évitent les à-coups hormonaux (sauf évidemment en cas de désir de grossesse). Les antalgiques et les antiinflammatoires doivent être prescrits en respectant posologie et contre-indications. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 Et en médecine intégrative ? La médecine intégrative associe toutes les méthodes thérapeutiques contribuant à guérir ou à prévenir les pathologies. 䉴 Les conseils alimentaires doivent être intégrés dans la consultation. L’impact de l’alimentation sur les maladies inflammatoires chroniques est bien connu. Il est utile de conseiller aux patientes porteuses d’endométriose d’éviter la consommation d’aliments pro-inflammatoires comme les laitages, les produits gras saturés, les céréales contenant du gluten, les céréales raffinées, les sucres rapides, l’alcool, les fruits citrins (pamplemousse, orange), les éléments frits, la caféine, les oméga-6 (huile de tournesol, maïs), tous les agents conservateurs, additifs, colorants, édulcorants. Le soja doit être consommé avec modération en raison de son pouvoir œstrogénique. Il faut privilégier les aliments antiinflammatoires comme les petits fruits rouges (myrtilles, mûres, framboises), les légumineuses (lentilles, pois chiches), les noix et graines, les poissons gras, les légumes frais, les fibres contenues dans les céréales complètes, les fruits, les légumes, les haricots, le riz brun, les crucifères, les oméga-3 (noix, huile d’onagre, poisson gras). La complémentation par de la vitamine D est conseillée. 䉴 L’arrêt de toute intoxication tabagique est fondamental comme dans toute pathologie douloureuse ; le tabac est, de plus, connu comme aggravant spécifiquement les dysménorrhées. L’endométriose étant probablement aussi une maladie immunitaire, l’intoxication tabagique perturbe l’immunité et ne peut qu’aggraver l’évolution. L’acupuncture a été évaluée dans cette pathologie et diminue les dysménorrhées sévères. 䉴 © wavebreakmedia / Shutterstock pelviens, voire même une impossibilité de mobilisation de ces organes. Les examens complémentaires comportent une échographie pelvienne réalisée si possible par voie vaginale ; l’IRM est particulièrement indiquée pour faire le bilan des lésions et savoir en préopératoire quels organes sont atteints. La chirurgie permet de stadifier l’endométriose (score de l’American Fertility Society). La prise en charge homéopathique est intéressante car individualisée, permettant d’adapter le traitement au type de symptôme et au terrain de la patiente. Elle n’a jamais été évaluée, à ma connaissance, dans cette pathologie. Le traitement homéopathique peut être prescrit seul après la chirurgie lorsque les lésions ne nécessitent pas un traitement allopathique médical ou dans l’attente d’une grossesse. Il peut aussi accompagner des traitements d’endométriose sévère pour tenter de stabiliser la maladie. Les patientes porteuses d’endométriose se sentent souvent démunies car les traitements conventionnels proposés sont généralement agressifs ; une prise en charge globale peut les accompagner. Une meilleure connaissance de la pathologie qu’est l’endométriose pourra sans doute permettre de trouver des traitements individualisés et mieux tolérés et peut-être de prévenir la pathologie en cas de facteurs de risque identifiés ; c’est l’objectif de la médiatisation de cette pathologie. Pour en savoir plus sur les associations de patients : http://info-endometriose.fr/ 䊔 䉴 Dr Christelle Charvet gynécologue obstétricienne *“Julie Gayet et les stars réunies pour l’endométriose” (Paris-Match, 6 avr. 2016). “Dix stars américaines racontent leur combat contre l’endométriose” (The Huffington Post, mars 2016). numéro 91 13 © Imageman / Shutterstock Connaître Le curcuma e curcuma, plante appartenant à la famille des Gingembres (Zingiberacea), est un des ingrédients les plus utilisés parmi les épices. De couleur orange, il sert de colorant alimentaire (coloration – et goût – du riz de la paëlla), mais il est traditionnellement utilisé en médecine ayurvédique depuis des millénaires, car il possède des propriétés antioxydantes, analgésiques, anti-inflammatoires et antiseptiques, tout en ne montrant pas de toxicité. On l’a donc empiriquement employé pour soigner un très grand nombre de maladies. Les effets du Curcuma longa sont dus principalement à la curcumine. C’est elle qui confère sa couleur au curcuma. La curcumine est le principal polyphénol naturel isolé du rhizome de la plante. Cependant, à côté de la curcumine, il existe d’autres composés appelés curcuminoïdes. La curcumine est la substance la plus abondante au sein du groupe des curcuminoïdes (77 % du poids total), et ce groupe curcuminoïde constitue environ 5 % de la composition totale du Curcuma longa. L Biodisponibilité et métabolisme La curcumine administrée par voie orale est rapidement absorbée par les entérocytes. Elle y est métabolisée en plusieurs dérivés, qui sont alors 14 glucuronidés. La curcumine résiduelle parvenue au foie est aussi transformée en métabolites, euxmêmes rapidement glucuronidés. En somme, la curcumine devient soluble dans l’eau pour être éliminée via la bile ou l’urine. Administrée par voie veineuse chez la souris, la curcumine s’accumule dans le foie, la rate, les poumons et le cerveau. Il semblerait donc que la curcumine possède une affinité particulière spécifique envers ces tissus. Après administration orale, 75 % des métabolites sont retrouvés uniquement dans les selles mais pas dans l’urine. L’ajout oral de pipérine (issue du poivre) concomitamment à la prise de curcumine ralentit son métabolisme et améliore la glucuronidation : de ce fait, la biodisponibilité de la curcumine s’élève. Cependant, celle-ci reste faible. On a montré que les curcuminoïdes possédaient une action synergique létale par exemple envers les nématodes (vers ronds : ascaris, trichine, oxyure). La curcumine a fait l’objet de toutes les attentions, principalement en raison de ses multiples activités biologiques, antioxydantes, anti-inflammatoires, antiarthritiques, antibactériennes, et de ses applications thérapeutiques potentielles dans un large éventail de maladies comme le cancer, les maladies neurodégéné- ratives, les allergies et le diabète. On a montré qu’il n’y avait pas d’effets toxiques du curcuma administré oralement chez des patients porteurs de cancer du côlon. Rôle de la curcumine sur la santé Il est maintenant bien établi que nombre de maladies sont provoquées par une alimentation malsaine : nous sommes ce que nous mangeons car nous ne sommes pas séparés de la Nature. On sait que certains régimes alimentaires riches en antioxydants – comme le régime crétois, méditerranéen, indien, népalais, excellent contre les pathologies en lien avec le stress oxydatif, comme le cancer, les maladies cardiovasculaires, les troubles métaboliques, le vieillissement prématuré – améliorent la mortalité et la morbidité de celles-ci. Plusieurs des effets des régimes indiens et népalais sont en relation avec la curcumine et les curcuminoïdes. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 Connaître Activité anti-inflammatoire L’inflammation joue un rôle important dans le développement des maladies chroniques (maladies autoimmunes, cardiovasculaires, endocrines, neurodégénératives et néoplasiques). La curcumine est capable de diminuer l’inflammation en interagissant avec plusieurs processus inflammatoires majeurs, notamment celui impliquant la molécule NF-KB. La curcumine inhibe aussi certaines enzymes inflammatoires (bloquées aussi par les AINS). La curcumine est donc capable d’améliorer différentes maladies chroniques comme nous allons le voir. Inflammations respiratoires Il existe plusieurs études confirmant le rôle important de la curcumine dans les affections respiratoires inflammatoires, notamment dans l’asthme allergique. Inflammations digestives Les maladies inflammatoires de l’intestin sont caractérisées par un stress oxydatif exacerbé, par l’infiltration leucocytaire et par la production de cytokines pro-inflammatoires. Le NF-KB prend pleinement part à ces maladies. La curcumine est donc efficace pour freiner l’inflammation digestive. Dans la pancréatite chronique induite par l’alcool, la curcumine améliore la sévérité de la maladie. Elle agit aussi sur l’inflammation retrouvée lors du cancer du pancréas. Enfin, la curcumine exerce une action antiinflammatoire dans la muqueuse gastrique infectée par la bactérie Helicobacter pylori (ulcère gastroduodénal). Inflammations neurologiques La curcumine est au minimum neuroprotectrice. Des chercheurs utilisant des cultures de lignées cellulaires issues de différentes régions du système nerveux ont pu montrer la capacité de la curcumine à agir comme neuroprotecteur grâce à ses propriétés antioxydantes, antiinflammatoires et antiagrégantes. La capacité de la curcumine à diminuer la neuro-inflammation (qui prend part à la progression des maladies neurodégénératives) est maintenant bien établie. Plusieurs études effectuées chez les rongeurs ont prouvé la neuroprotection de la curcumine, spécialement dans les modèles de maladie d’Alzheimer et de Parkinson. La curcumine diminue les dégâts du stress oxydatif et de l’inflammation dans le cerveau. Inflammations pulmonaires Les maladies les plus étudiées sont la fibrose pulmonaire, la bronchite, l’allergie et l’asthme, en relation avec les Inflammations articulaires Les radicaux libres jouent un rôle crucial dans la destruction articulaire. Ces molécules activent plusieurs voies de l’inflammation comme celle du NF-KB. La curcumine anti-inflammatoire et antioxydante possède donc des propriétés antirhumatismales et antiarthritiques. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 processus inflammatoires et les modifications du statut oxydatif. La curcumine diminue l’accumulation des cellules inflammatoires, diminue la surproduction de cytokines proinflammatoires, et améliore l’efficacité des systèmes de capture des radicaux libres oxygénés. Syndrome métabolique et pathologies cardiovasculaires Le syndrome métabolique est un groupe de facteurs de risque qui augmente la survenue de maladies cardiaques et d’autres problèmes comme le diabète ou les accidents vasculaires cérébraux. Tous ces facteurs de risque sont intimement reliés à la prise de poids, à l’insulinorésistance, au style de vie et au régime alimentaire. Pour cette raison, le syndrome métabolique est appelé le quartet mortel (hypertriglycéridémie, hyperglycémie, hypertension et surpoids) et aboutit aux maladies cardiovasculaires et au diabète de type 2. L’inflammation recouvrant le tout, on comprend aisément que la curcumine soit efficace en freinant celle-ci. Hépatoprotection Les effets bénéfiques de la curcumine dans les maladies du foie sont dus à son activité anti-inflammatoire, antioxydante, et antifibrosique. La curcumine diminue les lésions hépatiques induites par le fer (hémochromatose) en diminuant la lipoperoxydation, accroît l’activité des enzymes de détoxification des xénobiotiques, et la capacité antioxydante hépatique totale. Quelques études montrent que la curcumine diminue la stéatose hépatique non alcoolique, apanage des situations de surcharge impliquant une mauvaise hygiène alimentaire. © Swapan Photography / Shutterstock Activité antioxydante et piégeuse de radicaux libres Les mécanismes les plus importants par lesquels la curcumine est capable de promouvoir la majorité de ses activités sont représentés par l’inhibition de la formation des radicaux libres. La curcumine améliore aussi l’activité des enzymes antioxydantes. Elle réduit la peroxydation lipidique et diminue les dégâts hépatiques. De plus, la curcumine accroît l’activité des enzymes de détoxification des xénobiotiques à la fois dans le foie et dans le rein, protégeant ainsi des processus néoplasiques. Tous ces effets combinés sont donc considérés comme protecteurs de la santé et jouent un rôle dans la radioprotection et la neuroprotection. 15 Connaître Effet antitumoral Des études épidémiologiques ont déterminé que l’inflammation était un des plus importants facteurs de risque associés à la carcinogenèse. Les radicaux libres oxygénés et l’inflammation sont en effet reliés au processus cancéreux. Pour cette raison, la curcumine, en tant qu’antioxydant et piégeuse de radicaux libres, montre certaines propriétés anticancéreuses. On a trouvé plus récemment que la curcumine affectait toute une série de voies biologiques impliquées dans la mutagenèse, l’expression des oncogènes, la régulation du cycle cellulaire, l’apoptose, l’angiogenèse et dans les métastases. Plusieurs études ont montré que la curcumine régulait de multiples voies de signalisation dans le cancer. La curcumine peut également réguler différentes voies en relation avec l’angiogenèse, l’invasion, la croissance tumorale et les métastases, et peut promouvoir l’apoptose (la mort cellulaire), ce qui induit un arrêt du cycle cellulaire. La curcumine peut provoquer sélectivement l’induction d’effets prooxydants seulement dans les cellules malignes. Toutes les études montrent que la curcumine détermine un fort accroissement intracellulaire de radicaux libres oxygénés par déclenchement d’un dysfonctionnement mitochondrial. On peut donc en conclure que la curcumine protège les cellules normales du stress oxydatif et agresse les cellules cancéreuses. L’avenir… Nombre d’études précliniques et cliniques indiquent un grand potentiel thérapeutique dans le traitement de ces maladies, mais l’utilisation thérapeutique de la curcumine est entravée par sa faible biodisponibilité systémique. Même pour de fortes doses administrées de curcumine, les taux de curcumine dans l’organisme, aussi bien que les taux de ses dérivés in vivo, sont extrêmement faibles dans le sérum et dans les tissus après un court laps de temps. Tout cela pose question : comment la curcumine est-elle capable de manifester de remarquables effets biologiques avec une si faible biodisponibilité systémique ? Comment la curcumine exercet-elle son activité antioxydante après administration orale et bioconversion in vivo en glucuronides ? Les dérivés de la curcumine in vivo représentent les métabolites majeurs chez l’homme après consommation, et leurs taux sont plus élevés que ceux du composé originel. Il apparaît donc que les produits de dégradation possèdent une activité biologique plus importante que le composé de départ. En tout cas, il est clair que ce sont les curcuminoïdes non modifiés qui sont les agents efficaces. L’encapsulation en liposomes, en nanoparticules polymériques, en cyclodextrine, en lipides complexes ou par synthèse de complexes polymériques de curcumine augmente l’activité biologique et la biodisponibilité, et améliore les effets bénéfiques de la curcumine contre les cancers ou les maladies du foie. Ce qui représente actuellement un axe majeur de recherche thérapeutique car véritablement le curcuma, malgré ses mystères, semble très prometteur. Mais il est évident que ce n’est pas que la curcumine, à elle seule, qui détermine tous les effets du curcuma. En attendant, utilisez le curcuma entier dans toute votre cuisine ! 䊓 Philippe Fiévet Médecin nutritionniste Maître en sciences et biologie médicales LE CURCUMA AU MENU Outre la belle couleur ocre qu’il donne aux aliments – au riz notamment –, le curcuma facilite la digestion et son action anti-inflammatoire renforce les défenses immunitaires. Quelques idées de plats Moules au curcuma Soupe de potiron au curcuma Tajine d’agneau au curcuma 16 La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 Lecture Feu sur le quartier général ! e sens de l’histoire, en médecine comme dans bien d’autres domaines, ne fait guère de doute pour le professeur Guy Vallancien* : « Quelles que soient les idéologies, les nouveaux outils de l’information, à la puissance aujourd’hui sans limite, lamineront retardataires et réfractaires, tous emportés dans le déferlement de la robotique, de la génomique et de l’ordinateur diagnostic. Le tsunami de l’intelligence artificielle est en route vers nos côtes. Alerte rouge, sirènes hurlantes, digues et parapets balayés, rien ne l’arrêtera, nul n’y échappera ! » L Comprendre la morosité ambiante Pour l’heure, notre système de santé résiste même s’il craque de partout : le malaise est profond chez les médecins généralistes, qui se sentent mal aimés – et mal traités – par les pouvoirs publics, les médecins hospitaliers voient leur pouvoir traditionnel leur échapper au profit de l’autorité administrative, le secteur privé vit sa vie, en marge, et les professionnels de santé nonmédecins restent confinés à des rôles d’auxiliaires, avec les lourdeurs de fonctionnement que tout le monde constate et les coûts prohibitifs que cela entraîne, dans la morosité d’une situation qui semble sans issue : « Atmosphère délétère dont l’explication s’avère pourtant simple : nous n’avons, professionnellement jamais osé affronter la question fondamentale du rôle et de la place du médecin dans notre société, elle-même en pleine mutation. On continue à proposer des solutions à court terme fondées sur une fonction médicale invariée, colmatages pitoyables, source d’échecs attendus. Les pourfendeurs d’une prospective à long terme, au prétexte de l’extrême rapidité du progrès, en seront pour leurs frais : il est urgent de repenser le rôle et la place du médecin dans ce nouvel environnement sanitaire au cœur duquel il se trouve immergé. La formation, la qualité, le nombre, la répartition, les modes et niveaux de rémunération des “hommes de l’art” sont à repenser. » Cette formation, notamment, trop longue, centrée sur les seules sciences dures, ignorant les sciences humaines, et éliminant dès la première année de nombreux éléments brillants, régie par un numerus clausus aux variations sinusoïdales dont personne, depuis des décennies, n’a jamais compris la logique qui les déterminait. Le mur du corporatisme dressé entre le corps médical et les nouvelles La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 professions d’assistants médicaux ou chirurgicaux, de niveau ingénieur, contre lequel se heurte la possibilité de transfert d’actes dévolus aux seuls médecins. Le gâchis du cloisonnement entre secteur public et secteur privé, qui se pare de raisons idéologiques et qui ressemble plutôt à la querelle bouffe du confiseur et du pâtissier, le premier au second : « Moi, Monsieur, j’ai porté l’épée ! » Enfin, dans ce tableau assez déprimant, la saga des données de santé, qui se poursuit depuis des années et dont l’accès reste toujours largement verrouillé par le ministère et la CNAM, au nom d’une confidentialité de principe que l’univers d’internet rend risible, mais qui explique assez bien l’échec d’un Dossier médical personnalisé, lancé en 2004 à grands frais, et qui cumule misérablement 400 000 dossiers une décennie plus tard. La média-médecine comme dynamique nouvelle Dans ce contexte, la média-médecine, dont Guy Vallancien salue l’avènement, ne peut que revivifier ce grand corps administrativement malade par les possibilités d’action qu’elle procure : en vrac, robots chirurgiens, imagerie médicale, nanotechnologies, sciences cognitives, médecine génomique, objets connectés, applications de santé, télémédecine… “l’ubérisation” de la santé est en marche et aucun obstacle mis sur sa route ne l’arrêtera, car tout ce qu’il est possible de faire, un jour ou l’autre, se fera. C’est à ce stade que l’on peut ralentir l’allure et laisser l’auteur continuer à son pas, car ce meilleur des mondes est tout aussi inquiétant que séduisant, inquiétant parce que fascinant, par tout ce qu’il dévoile des autres et qui excite notre curiosité, et ce qu’il nous dit de nous-même, que l’on préférerait, souvent, ne pas savoir. Pour conclure, il serait faux, néanmoins, de croire à travers ces lignes que Guy Vallancien se laisse totalement “marabouter” par ces progrès vertigineux et que le transhumanisme scientiste a trouvé là un nouveau prophète. Les pages qu’il consacre à la “mort choisie” sont admirables. Membre depuis longtemps d’une association militante et rompu à ce discours, je n’avais jamais lu des mots aussi sincères, aussi sensibles, et justes. 䊓 Christian Charron * La médecine sans médecin ? Gallimard, 2015. 17 Nouvelle approche médicale Révolution génomique Les découvertes en génétique et l’accès de plus en plus aisé au décryptage du génome de l’individu ont bouleversé le paysage médical : des maladies orphelines sont maintenant des maladies génétiques avec des possibilités thérapeutiques, des patients bénéficient de traitements ciblés lors du traitement de leur cancer, le génome du fœtus est techniquement accessible avant la naissance à partir d’une simple prise de sang… Une révolution génomique a commencé en médecine © http://sfmpp.org/ Société française de médecine prédictive et personnalisée Médecine prédictive et personnalisée En raison de cette capacité de plus en plus importante à prédire les maladies et à orienter des traitements précis, deux médecines nouvelles ont émergé : la médecine prédictive et la médecine personnalisée. Ces deux médecines s’appuient sur les caractéristiques génétiques de l’individu, pour orienter le dépistage et la prévention (médecine prédictive), ou pour orienter de façon ciblée les traitements (médecine personnalisée ou de précision). Le concept de la médecine prédictive n’est pas nouveau. Ce qui est innovant, voire fascinant, c’est l’apport de cette prédiction à la prise en charge (dépistage, prévention ou traitement) qui accompagne ces progrès. Les démonstrations de plus haut niveau de preuve s’accumulent pour valider l’utilisation des données génétiques. Cela va des possibilités de prise en charge de risque dans le cadre de maladies héréditaires, à la prédiction de la réponse thérapeutique à des traitements conventionnels (génomiques ou pharmacogénomiques) ou spécifiques (thérapies ciblées). Les perspectives d’actions directes sur le génome (thérapies géniques, excision “chirurgicale” de l’ADN, etc.) se précisent. Bénéfice médical et économie de santé ne sont pas antinomiques Si la médecine prédictive a déjà permis de grandes avancées en matière de prévention et de traitement personnalisé, elle sera probablement aussi à l’origine des plus grands progrès de la médecine de demain. Ces avancées ont un certain coût, mais la plupart des études médico-économiques (analyses génomi18 La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 Nouvelle approche médicale ques tumorales, utilisation des gènes de prédispositions…) montrent, en plus du bénéfice médical, des économies de coût de santé global. La prise en charge de cette médecine est le problème de tous. La Sécurité sociale, les mutuelles et les assurances de santé doivent concourir à améliorer l’accès à ces innovations médicales et à leur prise en charge. Les tutelles et instances (ministère de la Santé, Institut national du cancer, Haute Autorité de santé…) ont inscrit le dépistage et la prévention, mais aussi aujourd’hui la génomique dans les priorités de leur programme (Rapport France Médecine Génomique 2025 gouvernement.fr). Nul doute que les mutuelles et les assureurs de santé, qui multiplient les actions dans ce domaine, auront une place importante dans la couverture et l’accès du plus grand nombre à cette médecine. Éthique et génétique Cette révolution est donc en marche. Cependant, il est primordial de ne pas oublier que c’est le patient qui doit rester au centre des préoccupations et que les possibilités médicales élargies par les données génétiques ne sont là que pour aider à une problématique donnée. Il ne faut pas la craindre, mais l’accompagner de toute la réflexion déontologique et éthique qu’elle requiert, ainsi que des évaluations médico-économiques nécessaires. C’est bien l’objectif principal de la Société française de médecine prédictive et personnalisée (www.sfmpp.org). A l’image d’une discipline nouvelle et complexe, la SFMPP s’est d’emblée voulue multidisciplinaire en invitant à son bord des généticiens, des chirurgiens, des médecins anténatalistes, des oncologues, des éthiciens, mais aussi des régulateurs et des économistes de la santé. Notre objectif est de répondre ensemble aux questions que pose cette nouvelle approche de la médecine. Notre initiative a été bien accueillie par la communauté médicale et le grand public, et nous avons été identifiés comme un interlocuteur par nos tutelles (relecture de recommandations nationales, participation à des groupes de travail). Un diplôme interuniversitaire et des formations spécifiques ont été créés. Des recommandations concernant la médecine génomique sont en préparation et seront annoncées lors du congrès annuel à Montpellier les 22 et 23 juin 2017 sur le même thème. 䊓 La Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP) évalue le bénéfice médical et les bonnes pratiques de tests génétiques prédictifs pour améliorer le dépistage, la prévention et les traitements. Elle apporte un avis d’expertise auprès des professionnels de santé et du grand public à travers une approche transversale et pluridisciplinaire. Pascal Pujol, professeur de médecine, CHU de Montpellier, président de la Société française de médecine prédictive et personnalisée La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 19 Mieux vivre Dormir naturellement : Le sommeil est une perte de conscience – toute connexion avec l’extérieur est interrompue –, de stimulus extérieur (bruit, lumière, contact…), permettant à l’organisme de se régénérer. ce qui est exact mais incomplet. Dormir permet aussi de restaurer les cellules, de nettoyer l’immunité de manière à lutter contre les microbes et les cellules cancéreuses. Chez l’enfant, e pas dormir assez augmente le risque d’obésité et de diabète. De même, la tension artérielle augmente avec un certain nombre de risques au niveau cardiovasculaire. Enfin, fatigue, troubles de la concentration et de la mémorisation, somnolence diurne avec augmentation du risque d’accidents de voiture sont le lot des insomniaques et des… fêtards ! Sans oublier malheureusement les travailleurs de nuit, ceux qui font les 3x8 et les voyageurs transméridiens. N Conséquences de la prise prolongée d’inducteurs de sommeil Une étude anglaise de 2015 aurait pu faire réfléchir les médias, les médecins français et leurs patients : plus de 104 145 sujets de plus de 16 ans ont été suivis en moyenne pendant 7 ans et demi. Deux groupes de sujets ont été identifiés : 䉴 les uns (n = 34 727) ont eu une première prescription d’anxiolytique et/ou d’hypnotiques entre 1998 et 2001, 䉴 les autres n’ont jamais pris de benzodiazépines (n = 69 418). Un travail statistique a permis de corriger le déséquilibre qui aurait pu résulter entre les deux groupes en fonction : 䊉 des maladies physiques associées car, en effet, on pourrait penser que si certains prenaient des médicaments pour dormir, c’est parce qu’ils étaient plus malades que ceux qui ne prenaient rien et qu’ils avaient donc plus de raisons de mourir, 䊉 des maladies psychiatriques qui constituent un autre facteur de mortalité, 䊉 des troubles du sommeil, pour la même raison, 20 䊉 des autres médicaments qui auraient également pu constituer des causes de mortalité. Les patients ayant consommé d’une part des benzodiazépines et, d’autre part, des Z drugs (Zopiclone = Imovane®, Zolpidem = Stilnox®) ont un risque de décès presque deux fois plus élevé que les autres. Le risque augmente avec les doses et reste élevé pour les patients qui n’ont pourtant eu ces produits qu’au cours de la première année du suivi. Au final, la mortalité cumulée pendant la totalité du suivi est de 26,46 pour 100 patients ayant reçu ces molécules, contre 16,82 pour 100 sujets témoins. Après exclusion de la première année du suivi, il reste 4 décès “en excès”, en lien avec la consommation de ces médicaments pour 100 personnes suivies pendant en moyenne 7 ans et demi après une première prescription. Même si ces résultats ont été discutés, ils n’en restent pas moins inquiétants quand on sait qu’environ 11,5 millions de Français sont des consommateurs occasionnels de benzodiazépines et que près de 7 millions en sont des consommateurs réguliers avec au moins 4 prescriptions par an, d’autant plus que le pourcentage augmente avec l’âge car 1/3 des femmes de plus de 70 ans en consomment ; par ailleurs, 52 % des personnes à qui l’on prescrit une première fois des benzodiazépines en consomment régulièrement pendant au moins 2 ans. La recommandation de limitation dans le temps est restée lettre morte puisque les médecins français continuent imperturbablement à renouveler leur prescription de manière indéfinie. De quoi risquent de mourir les consommateurs de tranquillisants et hypnotiques ? La première contre-indication n’est pas enseignée au cours des études de médecine et ne figure pas dans le Vidal : le ronflement et sa très fréquente conséquence, le syndrome d’apnée du sommeil. Quand on sait qu’un quart de comprimé de n’importe quel tranquillisant ou hypnotique pris le soir multiplie par deux le nombre et la durée des apnées, cela devrait retenir les prescripteurs… comme les consommateurs. Les complications du syndrome d’apnées du sommeil sont nombreuses et graves et vont de l’infarctus à l’AVC en passant par la maladie d’Alzheimer, la dépression et l’accident de la circulation, sans parler de l’impuissance et de la fatigue majeure accompagnée de maux de tête le matin. Les benzodiazépines et Z drugs provoquent également des levées d’inhibition avec amnésie. Le sujet accomplit des actions contraires à son éthique et qu’il réprimait jusque-là car le surmoi semble soluble dans l’alcool et les benzodiazépines. C’est ainsi qu’un médecin a massacré femme et filles à coups de hache avant de se suicider en prison. Il avait certes des raisons de leur en vouloir (divorce violent en cours) mais, compte tenu de son passé, on peut supposer qu’il ne l’aurait jamais fait sans Tranxène® + alcool… Enfin, depuis peu, on sait que le sommeil sous benzodiazépine n’apporte pas les bénéfices décrits ci-dessus. En réalité, on peut parler d’anesthésie légère mais pas de sommeil. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 Mieux vivre pourquoi et comment ? cyclique selon un rythme de 24 heures sous nos latitudes, facilement réversible en cas À quoi sert de dormir ? La première réponse qui vient à l’esprit est : à se reposer, le cerveau, de consolider les souvenirs après les avoir triés et, enfin, de mettre à jour le sommeil permet de grandir et de programmer les comportements de notre espèce. Comment dormir naturellement ? Approche psychologique Ce sont de loin les thérapies cognitives et comportementales qui ont le mieux démontré qu’elles sont les plus efficaces, les plus durables et qu’elles sont capables d’être aussi rapides ou presque que les médicaments. Cette approche inclut l’hygiène des rythmes (dormir à son heure), la restriction de sommeil, la maîtrise de la température corporelle (qui doit monter le matin et descendre le soir), l’éviction des stimulants le soir (sport, disputes, thrillers, lumière bleue ou blanche, bruit, etc.). La respiration contrôlée, la cohérence cardiaque, la relaxation, la sophrologie, la méditation en pleine conscience, l’utilisation de distracteurs agréables en cas d’éveil nocturne, toutes ces techniques sont efficaces. L’alimentation doit également obéir à un certain nombre de règles. Enfin, le thermalisme tel que pratiqué à Saujon ou Divonne, pour ne citer que les stations les plus actives dans ce domaine, s’avère particulièrement intéressant dans cette indication du fait qu’il associe hygiène des rythmes et psychologie. De plus, il permet souvent de sevrer les psychotropes inutiles. Approche physique (le sommeil high tech) Nombre de dispositifs sont proposés et la plupart n’ont aucun intérêt ou presque. Certains, pourtant onéreux, vont même jusqu’à proposer de dormir en utilisant la lumière bleue ! Néanmoins, il est possible de retenir 3 techniques : 䉴 l’utilisation de la lumière (luminothérapie) le matin en cas d’insomnie d’endormissement, le soir en cas d’inLa Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 somnie de réveil précoce ; les simulateurs d’aube peuvent également représenter un appoint intéressant dans les troubles de phase ; 䉴 le PSIO est une synthèse des techniques de relaxation, de thérapies cognitives et comportementales, d’hypnose et est un distracteur remarquable ; 䉴 la tortue du sommeil (Sleapie®) vient d’arriver sur le marché et paraît prometteuse grâce à l’utilisation rythmique de la lumière rouge (diode placée sur le front, entre les yeux). Approche chimique Les plantes devraient systématiquement être prescrites en première intention. La valériane a démontré son efficacité en double aveugle et il est probable qu’escholtzia ait la même efficacité. Il est recommandé de les associer. La camomille, la passiflore, le tilleul sont utilisés traditionnellement et l’on peut leur adjoindre des antistress comme aubépine, des adaptogènes comme rhodiole, etc. Certains composés comme Euphytose® sont également utiles. De même, la mélatonine, neurohormone physiologique et signal de sommeil pour l’organisme, devrait être proposée quasi systématiquement, soit sous forme de complément alimentaire, soit en préparation magistrale (1 à 5 mg), soit chez les plus de 55 ans sous forme de Circadin® (sur ordonnance mais non remboursable). Ce dernier produit est pris en charge chez les enfants autistiques et maladies apparentées où il a une action remarquable, et dans notre expérience non encore validée chez les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer et ayant une inversion de rythme. numéro 91 Enfin, les hypnotiques devraient être prescrits en dernière intention, après échec des techniques précitées. À l’image des antibiotiques, la durée (brève) de prescription devrait être fixée dès le premier jour. Les deux Z drugs (zopiclone et zolpidem) sont les produits dont la pharmacocinétique est la plus intéressante, la première entraînant semble-t-il moins de risque d’utilisation récréative. Les hypnotiques à demi-vie trop longue sont à oublier. Les tranquillisants n’ont guère d’indication dans l’insomnie à l’exception du Séresta® dont la demi-vie et l’absence de métabolites actifs sont particulièrement intéressantes. Le Donormyl® est un antihistaminique faible peu ou pas addictif et peut rendre des services (sans ordonnance). Dans les insomnies rebelles, certains antidépresseurs comme le Laroxyl® à très faible dose (1 à 10 gouttes), la miansérine, peuvent être envisagés. Les neuroleptiques doivent, selon moi, être bannis car le blocage de la dopamine a des conséquences à moyen et long terme, notamment sur l’humeur. De plus, leurs effets sur le poids, voire le déclenchement de diabète en font des produits redoutables. 䊓 Dr Patrick Lemoine psychiatre, docteur en neurosciences 21 Accompagnement des malades Agir+ à l’hôpital, avec la Fondation Hospices Civils de Lyon Depuis 2013, les Hospices Civils de Lyon (HCL), 2e centre hospitalo-universitaire de France, se sont dotés d’une fondation. Sans se substituer au cœur de mission de l’hôpital, la Fondation HCL entend “agir+” au sein des établissements, pour apporter aux malades et à leurs proches davantage de confort, d’espoirs thérapeutiques et de solutions d’accompagnement. Rencontre avec son président, Bruno Lacroix Quelle est la mission de la Fondation Hospices Civils de Lyon ? La Fondation HCL a été créée pour accélérer le développement de projets innovants, favorisant une prise en charge personnalisée de chaque malade au sein des hôpitaux. Elle a pour mission de recevoir les dons et legs, afin de soutenir financièrement des projets qui induisent un bénéfice direct pour les patients et leurs proches, et qui répondent à trois objectifs : Quel est le périmètre d’action de la Fondation HCL ? Les projets soutenus couvrent un large éventail : du laboratoire jusqu’au lit du patient, à tous les âges de la vie (néonatologie, pédiatrie, maladies chroniques, fin de vie) et dans toutes les pathologies, notamment les spécialités de pointe des HCL : cancer, maladies cardiovasculaires, neurologi- 䉴 améliorer l’accueil et le confort pour donner toujours plus d’humanité à l’hôpital à tous les instants ; 䉴 accélérer les projets de recherche et l’innovation afin que de nouveaux espoirs thérapeutiques se concrétisent ; accompagner les malades et leurs proches au-delà des traitements, notamment dans un contexte de maladie chronique. 䉴 La Fondation assure la traçabilité des dons et donations et leur affectation aux projets. 22 ques, infectieuses, maladies rares, pour ne citer que celles-là. Ainsi, chacun peut être amené à bénéficier de l’action de la Fondation HCL lors d’un séjour à l’hôpital. Quels sont les projets phares qui ont besoin de financements ? Un des projets soutenus par la Fondation HCL concerne un service emblématique : les urgences pédia- triques, à l’hôpital Femme-MèreEnfant. Ce service reçoit 81 000 enfants malades par an, soit 250 par jour, avec des temps d’attente qui peuvent être très longs. Le projet, d’un coût de 176 000 ¤, vise à réorganiser l’espace, à aménager des salles d’attentes confortables pour favoriser une attente plus sereine (installation d’un aquarium géant, de jeux muraux…) et à mieux adapter les locaux aux plus petits. Mais le projet comporte également un volet pédagogique, essentiel pour sensibiliser les parents à “la bonne attitude” lorsque leur enfant est malade. En effet, plus de la moitié des enfants reçus pourraient être traités par un service médical de proximité car ils ne relèvent pas d’une urgence véritable… ce qui désengorgerait le service des urgences pédiatriques et faciliterait de fait la prise en charge des vraies urgences. En matière de recherche, nous plaçons beaucoup d’espoirs dans une étude menée par nos chercheurs en génétique, sur la trisomie 21. Malgré les progrès de la médecine, il naît encore 1 à 2 enfants trisomiques chaque jour en France. Parmi eux, certains vont développer des compli- La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 Accompagnement des malades ZOOM SUR UN PROJET FINANCÉ PAR LA FONDATION HCL omment faire comprendre aux enfants – parfois tout petits – et aux adolescents qu’ils souffrent de diabète et les aider à vivre avec la maladie ? Comment leur apprendre à être autonomes dans la gestion de leur diabète ? C’est tout l’enjeu de l’éducation thérapeutique. Mais les outils pédagogiques traditionnels (supports papier multipliant les QCM, tableaux, graphiques…) sont peu adaptés aux enfants. Depuis 2013, l’équipe du Service diabétologie pédiatrique de l’hôpital Femme-Mère-Enfant (HFME) travaille à l’amélioration de ces outils pour communiquer plus efficacement avec les enfants et rendre plus ludique l’apprentissage. Fin 2014, une rencontre entre le chef de service, la direction des projets innovants d’Orange et la Fondation Hospices Civils de Lyon fait naître un projet inédit : concevoir un “serious game” pour les enfants diabétiques et s’appuyer sur cette application ludique pour les séances d’éducation thérapeutique. Voici l’histoire de l’application “Lilou et le diabète”. C Lilou : l’alliée des soignants, l’amie des enfants © Image Point Fr / Shutterstock Lilou est une petite fille née de l’imagination des soignants, sous le crayon du mari d’une cations médicales, une déficience intellectuelle importante voire des troubles de la relation sociale et de la communication, tandis que d’autres vont pouvoir suivre une scolarité dans un milieu ordinaire avec une aide. Aujourd’hui, nous ne savons pas l’expliquer et donc, a fortiori, l’anticiper. © Robert Przybysz / Shutterstock Enfants diabétiques : une application et un “bar à tablettes” dédiés à l’éducation thérapeutique éducatrice du service. En 2013, elle est fabriquée sous forme de tableau magnétique avec différents objets aimantés représentant du sucre, des bandelettes urinaires, un stylo à insuline, etc. En faisant vivre ces objets, les soignants montrent aux jeunes malades ce qui se passe dans l’organisme d’une personne “saine”, puis dans celui d’un diabétique : trajet du sucre depuis la bouche jusqu’aux muscles en passant par le pancréas, apport de l’hormone manquante par injection d’insuline, etc. Les enfants suivis en diabétologie à l’HFME découvrent alors leur pathologie à travers Lilou, au cours d’une semaine d’éducation thérapeutique au moment de l’annonce de leur diabète. Mais l’équipe soignante a souhaité aller plus loin dans la sensibilisation et rendre l’apprentissage interactif. Les explications du Pr Marc Nicolino, chef de service : « Nous avons réalisé un jour que nous demandions à nos patients de couper leurs portables en début de séance, alors que nous devions plutôt utiliser ces outils numériques et digitaux qui font partie de leur quotidien pour être plus efficaces dans la transmission de nos messages. Les enfants diabétiques ne peuvent pas être passifs car ils doivent très vite s’approprier leur diabète : lors de la découverte de la maladie, ils restent une semaine à l‘hôpital et ils doivent impérativement en partir en sachant la gérer. Une sensibilisation interactive à travers le jeu leur permet alors de mieux s’approprier la maladie et, en même temps, d’intégrer un message : le diabète c’est sérieux, mais pas dramatique. » Avec un peu plus de 200 000 ¤, nos chercheurs pourraient mener une étude permettant d’expliquer les différences d’évolution de la maladie chez des enfants porteurs d’une même anomalie génétique, afin de prévoir les difficultés des enfants et ainsi mieux adapter leur prise en charge. Lilou prend le virage du numérique Le projet est donc de concevoir le “serious game” évoqué plus haut dont Lilou sera l’héroïne, et s’appuyer sur cette application ludique pour les séances d’éducation thérapeutique, dans une salle réorganisée sous forme de “bar à tablettes”. Bellecour Ecole rejoint alors l’aventure : en lien avec les soignants, des étudiants volontaires travaillent sur le scénario et les règles du jeu (étudiants Game Designers) et sur le graphisme (étudiants Concept Artists). Le personnage de Lilou est redessiné pour mieux coller à l’univers des jeux vidéo et permettre aux jeunes patients de s’identifier quel que soit leur âge. Dans le même temps, le studio BreakFirst Games, start-up lyonnaise, accepte de s’associer au projet et de réaliser le développement informatique de l’application. Seize mois plus tard, c’est avec une application totalement inédite, conçue pour eux et par leurs soignants, que les patients de diabétologie pédiatrique vont apprivoiser leur maladie… Mais nous avons encore bien d’autres projets pour lesquels de remarquables professeurs et leurs équipes sont en attente de financements. Vous pouvez en découvrir quelques exemples sur le site web de la Fondation Hospices Civils de Lyon : www.fondationhcl.fr 䊔 Pour contacter la Fondation Hospices Civils de Lyon : tél. 07 89 83 03 91 / [email protected] La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2016 䉬 numéro 91 23