91 - MTRL ID

publicité
LA REVUE DE LA MTRL
REVUE TRIMESTRIELLE D’INFORMATION DE LA MTRL – N° 91 – SEPTEMBRE 2016 – 1 ¤
Mutuelle et Santé
Prévention santé seniors
Coup d’envoi 17 novembre 2016
ÉDITORIAL
La Revue de la MTRL
Mutuelle et Santé
n° 91
Les affres du contrat responsable
VIE DE LA MTRL
• Brèves
• La Mutuelle des Monts d’Or
• Prévention Santé Seniors
3
ÉCONOMIE DE LA SANTÉ
Le développement
de la télémédecine en France :
un fort potentiel mais
des obstacles à lever
8
SANTÉ PUBLIQUE
Endométriose :
quand les stars s’en mêlent
12
CONNAÎTRE
Le curcuma
14
LECTURE
Feu sur le quartier général !
17
NOUVELLE APPROCHE MÉDICALE
Révolution génomique
18
MIEUX VIVRE
Dormir naturellement :
pourquoi et comment ?
20
ACCOMPAGNEMENT DES MALADES
Agir+ à l’hôpital,
avec la Fondation Hospices
Civils de Lyon
22
Photo de couverture : Kzenon / Shutterstock
La Revue de la MTRL - Mutuelle et Santé
est la publication officielle de la MTRL,
une Mutuelle pour tous,
37, avenue Jean-Jaurès 69007 Lyon
Tél. : 04 72 60 13 02. Fax : 04 78 60 87 25
Internet : mtrl.fr et mtrl-id.com
e-mail : [email protected]
N° de CPPAP : 0417 M 05960.
23e année – trimestriel – septembre 2016 – n° 91
Le numéro : 1 ¤, dans tous les bureaux et agences
de la MTRL. Abonnement annuel : 4 ¤.
Directeur de la publication : Romain Migliorini.
Administrateur : Thierry Thévenet.
Éditeur délégué : Les Éditions du Chaland.
ISSN : 1253-921X
Impression : Roto France, 77185 Lognes.
L
e contrat responsable, cette massue réglementaire assénée aux
complémentaires santé, commence à faire douloureusement ressentir ses
effets. Les assurés sociaux constatent les dégâts tandis que la controverse
s’anime entre le ministère de la Santé et les médias.
Pour rappel, de nouvelles règles impératives relevant du “contrat responsable”
censées favoriser, par des mesures d’encadrement des dépenses, la maîtrise des
coûts de santé de l’optique et des honoraires et actes médicaux ont été mises en
œuvre à coups de calculettes et de décrets.
Les dispositions relatives à l’optique avec, pour les adultes, un équipement
monture et verres remboursé une fois tous les deux ans (avec retour au forfait
annuel en cas de changement de correction attestée) et un remboursement de la
monture ne pouvant excéder 150 ¤ ne posent pas de problème majeur.
La situation est bien différente s’agissant des honoraires des médecins
(généralistes, spécialistes, praticiens hospitaliers) et des actes médicaux. En effet,
leur remboursement doit être différencié selon que le praticien est ou n’est pas
signataire du Contrat d’accès aux soins (CAS) instauré par l’Assurance
maladie, distinction que doivent obligatoirement respecter les contrats de
complémentaire santé. Concrètement, le remboursement d’un praticien non
signataire du CAS est obligatoirement minoré et ne peut dépasser 2 fois le tarif
de convention.
Deux exemples concrets. Une consultation d’un médecin spécialiste dont le
tarif de convention est de 25 ¤ et qui est facturée 65 ¤. Si le praticien est
signataire du CAS, le patient sera remboursé en fonction du niveau prévu par
son contrat. S’il n’est pas signataire du CAS, le remboursement maximal total
ne pourra dépasser 2 fois le tarif de convention, soit un maximum de 50 ¤.
Laissant, ici, 15 ¤ à la charge de l’assuré. Autre exemple : une intervention
chirurgicale effectuée en secteur hospitalier privé, facturée 800 ¤ (honoraires
chirurgien et anesthésiste) et dont le tarif de convention serait de 300 ¤. Si le
praticien est signataire du CAS, le patient sera remboursé en fonction du
niveau prévu par son contrat. S’il ne l’est pas, le remboursement maximal total
ne pourra dépasser 2 fois le tarif de convention, soit un maximum de 600 ¤.
Le reste à charge sera alors de 200 ¤.
Ainsi, l’adhésion des praticiens à ce contrat étant facultative, la MTRL
s’inquiète à la fois du risque évident de moindre couverture et de restes à charge
pouvant être très importants, en particulier lors d’interventions chirurgicales.
Conséquence : au lieu d’encadrer les dépenses, c’est l’accès aux soins qui recule
et le risque de renoncement à des actes nécessaires qui s’accroît.
Il est évidemment commode pour les pouvoirs publics de prétendre
contraindre les médecins à limiter leurs dépassements d’honoraires en faisant
pression sur les mutuelles pour qu’elles réduisent leurs remboursements, mais
qui peut croire un instant que cette pression financière supplémentaire exercée
sur l’assuré pourrait modifier de la plus minime des façons son rapport de force
individuel avec les membres du corps médical pour les obliger à des pratiques
tarifaires plus raisonnables…
Le président,
Romain Migliorini
Vie de la MTRL
RENCONTRES PRÉVENTION SANTÉ DU 2E SEMESTRE 2016
Les rencontres se déroulent au siège de la Mutuelle, 37 avenue Jean-Jaurès à Lyon.
Jeudi 8 septembre à 18 heures.
Mme Béatrice Mercier, biologiste, « Le rôle
de l’oxygène dans les maladies dégénératives »
Jeudi 29 septembre à 18 heures.
Mme Pénélope Restoy, diététicienne, nutritionniste :
䉴 « Introduction : une consultation de diététique
implique-t-elle forcément la notion de régime ? »
䉴 « 2e partie : présentation de la cohérence
cardiaque dans cette approche »
Jeudi 6 octobre à 18 heures. Dr Philippe Fiévet,
médecin nutritionniste, « Constipation :
mais que se passe-t-il ? »
Mercredi 26 octobre à 18 heures.
M. Jean-Pierre Croutaz,
médecine traditionnelle chinoise,
« Médecine chinoise, médecine
ancestrale, médecine d’avenir »
Lundi 7 novembre à 18 h 30.
Dr Christelle Charvet, gynécologue
obstétricienne, « L’endométriose »
Lundi 21 novembre à 18 heures.
Dr Bernard Croisille, neurologue,
« Peut-on entretenir sa mémoire ? »
Jeudi 1er décembre à 18 heures.
Mme Meriem Kouidri, pédicure podologue,
« Développer son maintien pour renforcer
son équilibre : les bienfaits de la posturologie
dans la prévention des douleurs »
Jeudi 15 décembre à 18 heures.
Mme Véronique Geronutti, naturopathe,
« La naturopathie et l’alimentation,
dans laquelle puiser énergie et vitalité »
Pour toute information, contacter
Frédérique Ersonmez-Barbier au 01 44 71 52 41
ou par mail : [email protected]
LES COUPS DE CŒUR DE L’ECO À TOURNUS
SIXIÈME COLLOQUE D’ÉCONOMIE DE LA SANTÉ
ORGANISÉ PAR LA MTRL LE 8 OCTOBRE À LYON
Comme chaque année, au début du mois d’octobre, la MTRL
organise un colloque d’économie de la santé. Cette sixième
édition se déroulera le samedi 8 octobre, toujours dans la salle du
théâtre des musées Gadagne de Lyon, et aura pour thème
Télémédecine, télédiagnostic, téléchirurgie… une révolution de la
pratique médicale et de nos systèmes de santé.
Désireux de participer à ces débats mais
absent de Lyon ce jour-là, le Pr Guy
Vallancien, auteur de La médecine sans
médecin ?, interviendra en visioconférence… ce qui est bien le moins quand,
aujourd’hui, on peut pratiquer une intervention chirurgicale depuis un lieu
distant de plusieurs milliers de kilomètres
de celui de l’opération !
Un compte rendu des débats sera
présenté dans la prochaine édition de
cette revue.
C’est dans le cadre prestigieux de la salle capitulaire de
l’abbaye Saint-Philibert à Tournus que s’est déroulée la
3e édition des Coups de Cœur de l’Eco de Saône-et-Loire.
Accueillis par le maire de Tournus, Claude Roche, également président de la Communauté de communes du
Tournougeois, Romain Migliorini, président de la MTRL,
et Florent Dessus, créateur des Coups de Cœur de l’Eco,
les représentants du monde économique ont découvert le
palmarès 2016.
HOMMAGE À MICHEL COURBET
En 2009, l’ancienne Mutuelle MEGAM, mutuelle de
l’entreprise Alstom de Mâcon, créée avec volontarisme
en 1990, rejoignait la MTRL. Michel Courbet, qui en
était le président, lui avait apporté tout son savoir-faire
avec la générosité qui le caractérisait.
Nous saluons sa mémoire avec respect et amitié car nous
avons toujours apprécié ses qualités humaines et son engagement droit et rigoureux.
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
Il n’a jamais cessé d’œuvrer pour une action mutualiste
solidaire et responsable. Au service des autres, il fut notamment membre du conseil d’administration de l’Union des
mutuelles de Saône-et-Loire durant une quinzaine d’années.
Personnalité forte et attachante, nous souhaitions lui
témoigner une dernière fois notre reconnaissance et notre
sincère estime. Il avait 79 ans.
3
Vie de la MTRL
LOUHANS 2016
Les trois conférences
de Jean-François Berthet,
kinésithérapeute
Vendredi 21 octobre à 15 heures
“Santé et stress”
Le stress est une perturbation psychique, organique
et fonctionnelle pouvant conduire à un dérèglement musculaire, tendineux, articulaire et favoriser
des maladies auto-immunes ou essentielles, ainsi
que la dépression.
On peut résumer le stress comme une dérégulation de la cohérence vibratoire et du système
nerveux autonome (SNA).
Vendredi 21 octobre à 17 heures
“Sport et traitement des traumatismes”
Le sport, comme toute activité physique, est bon
pour notre santé. Il permet de garder ou de retrouver vitalité, souplesse, force, en assurant un travail
cardio-pulmonaire opérationnel.
En outre, le côté ludique, les relations avec d’autres
personnes partageant le même plaisir apportent en
général un équilibre psychophysique de qualité.
Samedi 22 octobre à 14 h 30
“La prévention santé”
La notion de prévention décrit l’ensemble des
actions, des attitudes et comportements qui
tendent à éviter la survenue de maladies ou de
traumatismes ou à maintenir et à améliorer la
santé. En résumé, la prévention c’est prendre soin
de soi, garder un potentiel de santé intact et mener
une vie agréable.
La conférence du Dr Antoine Demonceaux,
médecin homéopathe, psychanalyste
Vendredi 21 octobre à 19 heures
“La santé autrement”
Des affections de la petite enfance à celles de la personne âgée, en passant par le stress ou les
maladies auto-immunes, l’homéopathie est une thérapeutique préventive et curative dans de
nombreux domaines. Elle est un facteur clé dans la réussite des politiques de santé publique
de demain, tant en termes de coût que d’efficacité.
Antoine Demonceaux invite ainsi à repenser la complémentarité de l’homéopathie et de
l’allopathie dans leurs enrichissements mutuels, et il répond à toutes les questions que l’on
peut se poser sur le sujet.
LIMONEST
La Mutuelle des Monts d’Or
11 communes associées font le choix de la MTRL
Désireuses de proposer une mutuelle négociée et partagée, 11 communes du nord-ouest de Lyon ont ainsi créé
la Mutuelle des Monts d’Or. Chasselay, Champagne-au-Mont-d’Or, Civrieux-d’Azergues, La Tour-de-Salvagny,
Les Chères, Limonest, Lissieu, Marcilly-d’Azergues, Morancé,
Saint-Cyr-au-Mont-d’Or et Saint-Didier-au-Mont-d’Or
ont en effet travaillé à un projet de mutuelle intercommunale,
et c’est la proposition et l’offre de services de la MTRL
qui ont été retenues pour ce partenariat dynamique
et porteur de nouvelles solidarités.
La signature de cette nouvelle convention de partenariat
s’est déroulée le jeudi 1er septembre dernier à la mairie de
Limonest en présence des maires, des représentants des Centres
communaux d’action sociale, du président Romain Migliorini,
de M. Étienne Depeyre, directeur général de la MTRL
et des acteurs de ce projet.
La Mutuelle des Monts d’Or sera officiellement active le 1er janvier 2017,
mais le plan d’action et de développement est en place avec des réunions
publiques et des permanences dans l’ensemble des communes.
CHAMPAGNE
AU MONT D’OR
LISSIEU
LA MUTUELLE DES COTEAUX DU LYONNAIS
La Mutuelle des Mornantais (Mornant) et la Mutuelle des Jarréziens (Soucieu-en-Jarrest) changent de dénomination. En effet, avec
l’arrivée, au 1er janvier prochain, de quatre nouvelles communes du canton de Mornant (Saint-Laurent-d’Agny, Taluyers, Montagny,
Orliénas), il a été proposé d’unir l’ensemble de ces mutuelles communales sous le nom de Mutuelle des Coteaux du Lyonnais.
Un succès dont on peut légitimement se réjouir.
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
5
Vie de la MTRL
Prévention Santé Seniors :
A l’UGC Lyon Confluence, en partenariat avec
d’information à l’intention de ses adhérents les plus
pratiques pour leur permettre de vivre un
S
ous la conduite du Pr Claude Jeandel, chef de service de
gériatrie au CHRU de Montpellier*, trois tables rondes
permettront à d’éminents spécialistes des problèmes de vieil-
lissement d’aborder successivement les thèmes suivants : “Fragilité et
parcours de santé des seniors”, “Nutrition et activité physique : deux
acteurs majeurs de la prévention”, “Prévention des accidents médicamenteux chez les seniors”. La réunion publique qui clôturera la journée
permettra de tracer les grandes lignes d’action que la MTRL souhaite
mettre en place.
Pour reprendre les mots du président Migliorini, dans son dernier
éditorial de Mutuelle et Santé, « nous allons proposer un bilan de
prévention pour les personnes de plus de 60 ans, adhérentes à la MTRL
depuis plus de cinq années. Sont concernés quelque 23 000 adhérents de la Mutuelle. A partir d’un auto-questionnaire conçu par des
spécialistes de gériatrie, nous pourrons ainsi offrir aux personnes intéressées la possibilité de faire un point complet sur leur état de santé
et leurs habitudes de vie, en identifiant les points forts et ce qui mérite
attention. Chacun pourra compléter son bilan prévention et la Mutuelle
prendra une charge une consultation consécutive avec un médecin ».
* Pour rappel, l’article du Pr Jeandel (Revue n° 87) sur le concept de fragilité chez les personnes âgées :
“Pourquoi et comment identifier les sujets âgés fragiles”. Voici le lien : http://www.mtrl-id.com/e_e/16/concept_fragilite.pdf
6
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
Vie de la MTRL
coup d’envoi 17 novembre 2016
le Groupe Progrès, la MTRL organise une journée
âgés afin de leur proposer un ensemble de solutions
vieillissement de la meilleure qualité possible
Programme de la journée
8 h 30
䉴
Accueil
9 heures - 12 h 15
䉴
Trois tables rondes
9 heures - 10 h 30 Table ronde 1
Fragilité et parcours de santé des seniors
en présence de :
䊉 Pr Claude Jeandel, gériatre, président du Conseil national
professionnel de gériatrie
䊉 Pr Pierre Krolak, gériatre
䊉 (nom à confirmer), assistante sociale
10 h 45 - 12 h 15 Table ronde 2
Nutrition et activité physique :
deux acteurs majeurs de la prévention
en présence de :
䊉 Pr Claude Jeandel, gériatre
䊉 Pr Marc Bonnefoy, gériatre
䊉 M. Pierrick Bernard, UFRSTAPS Montpellier
䊉 (nom à confirmer), diététicienne
12 h 15 - 15 heures
䉴
Pause
15 heures - 16 h 30 Table ronde 3
Prévention des accidents médicamenteux chez les seniors
en présence de :
䊉 Pr Claude Jeandel, gériatre
䊉 Mme Élodie Jean-Bart, pharmacienne
La Revue de la MTRL
䉬
17 heures - 18 heures
䉴
Grande réunion publique
18 h 15
䉴
Cocktail
septembre 2016
䉬
numéro 91
7
Économie de la santé
Le développement de la
un fort potentiel mais
S’il faut absolument une date de naissance, celle de la “télémédecine” serait le
le premier service de radio de service médical pour bateaux à New York. Puis se sont
Schreveningen aux Pays-Bas (1930), Cuwhaven en Allemagne (1931), Toulouse
New York 1925.
l n’est pas étonnant que la navigation maritime ait été le premier, et
longtemps le seul, lieu d’apparition, une fois inventée la radio
(1897), de ce qu’on appelle
aujourd’hui la télémédecine. En effet,
les marins peuvent être loin de tout
centre de soins pendant plusieurs
semaines et avoir des besoins thérapeutiques urgents.
I
Les facteurs
de la télémédecine
Or le besoin de cette assistance à distance existe tout aussi bien dans des
zones géographiques spécifiques,
comme des pays aux nombreuses îles
(Danemark : 443 îles dont 76 habitées ; Grèce, 777 “dignes d’intérêt”
dont 200 habitées), dans lesquelles il
est très difficile d’envisager sur site
l’ensemble des services médicaux ; ou
encore des zones désertiques disposant d’oasis du même type que des
îles. Enfin, phénomène récent, les
“déserts médicaux” dans lesquels les
jeunes médecins refusent aujourd’hui
de venir s’installer sauf création ex
abrupto de centres médicaux plus ou
moins complets, regroupant divers
professionnels de santé, pouvant
8
“faire population”, dont l’environnement n’est toutefois même pas encore
assez attrayant pour eux.
Deux autres facteurs humains de
développement d’une télémédecine
moderne viennent s’ajouter à ces
données de base. En premier lieu, la
difficulté actuelle en France, au-delà
des déserts médicaux, pour obtenir
un rendez-vous dans certaines spécialités à faible densité de spécialistes.
En second lieu, la préférence de nombreux patients pour les soins et l’hospitalisation à domicile. En troisième
lieu enfin, l’avantage, ou la nécessité
économique, pour certains établissements, de développer ces services de
télémédecine.
Encore fallait-il que face à ces
besoins, comme la radio en 1897,
soient inventées des techniques. Et
c’est évidemment la numérisation de
nombre des examens divers, et surtout le développement des réseaux,
filaires (fibre) et non filaires, parallèlement aux téléphones portables, permettant les télétransmissions quasi
instantanées, qui ont ouvert la voie
aux nombreuses applications de la
télémédecine moderne, dont les progrès potentiels sont encore inimaginables. Récemment, à l’occasion de la
Journée du cancer de la peau, on a
présenté un exemple de télédiagnostic à partir d’une photo sur téléphone
portable transmise à une permanence
dermatologique. Les objets connectés, au développement actuel assez
fulgurant, vont évidemment jouer un
rôle très important dans certains
aspects de la télémédecine.
Domaines d’application
Pour détailler les domaines promis à la
télémédecine, on peut reproduire l’Article L. 6316-1 du Code de la santé
qui décrit les cinq actes de télémédecine officiellement déterminés (décret
no 2010-1229 du 19 octobre 2010) :
䊉 la téléconsultation, qui a pour objet
de permettre à un professionnel
médical de donner une consultation
à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent
auprès du patient et, le cas échéant,
assister le professionnel médical au
cours de la téléconsultation. Les psychologues mentionnés à l’article 44
de la loi no 85-772 du 25 juillet 1985
portant diverses dispositions d’ordre
social peuvent également être présents auprès du patient dans le cas,
notamment, des consultations dans
les EHPAD de personnes atteintes de
déficiences cognitives. Dans une
pharmacie mutualiste de Roanne, la
Mutualité de la Loire a installé une
cabine de téléconsultation qui vise les
patients atteints d’une maladie chronique vers laquelle des généralistes
trop lointains pour être consultés
assez fréquemment peuvent guider
leurs patients. Elle est équipée d’un
grand nombre d’instruments de
mesure que le patient actionne, guidé
par un écran. Une mutuelle étudiante, la SNEREP, a installé aussi
une “e-cabine” près de la Sorbonne
pour les étudiants, dont 20 % ne
voient jamais de médecins, compte
tenu, en particulier, des frais ;
䊉 la téléexpertise, qui a pour objet de
permettre à un professionnel médical
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
Économie de la santé
télémédecine en France :
des obstacles à lever
18 novembre 1920. C’est, en effet, en cette année-là que fut créé, en l’église des Marins,
succédé les centres de Götteborg en Suède (1922), Tokyo et Yokohama (Japon, 1928),
en France (1983), Esgjeg au Danemark (1992) et Falmouth au Royaume-Uni (2001).
de solliciter à distance l’avis d’un ou
de plusieurs professionnels médicaux
en raison de leurs formations ou de
leurs compétences particulières, sur la
base des informations médicales liées
à la prise en charge d’un patient ;
䊉 la télésurveillance médicale, qui a
pour objet de permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi
médical d’un patient et, le cas échéant,
de prendre des décisions relatives à la
prise en charge de ce patient. Il s’agit
d’une téléconsultation régulière ou
suscitée par une alerte. L’enregistrement et la transmission des données
peuvent être automatisés ou réalisés
par le patient lui-même, ou par un
professionnel de santé. Deux exemples
notables : la création des unités de dialyse médicalisées télésurveillées, lancées à Saint-Brieuc en 2001, par le
Dr Pierre Simon, néphrologue, président de la Société française de télémédecine jusqu’en 2015, ou encore la
télésurveillance des dialyses à SaintPierre (Saint-Pierre-et-Miquelon) par
le Centre François-Dunan du Mans1.
Ou encore les 235 patients, souvent
plus âgés que la moyenne, greffés du
rein à Saint-Etienne et télésuivis sur
leur lieu de résidence ;
䊉 la téléassistance médicale, qui a
pour objet de permettre à un professionnel médical d’assister à distance
un autre professionnel de santé au
cours de la réalisation d’un acte ;
䊉 la réponse médicale qui est apportée
dans le cadre de la régulation médicale
1. Revue de la FNAIR n°146, juin 2016.
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
mentionnée à l’article L. 6311-2 et au
troisième alinéa de l’article L. 6314-1.
On peut compléter cette liste par
d’autres
occasions
d’emploi.
D’abord, la téléchirurgie, qui permet
à un chirurgien spécialisé d’opérer à
distance un patient, éventuellement
assisté d’un collègue près du patient.
Ensuite, la téléassistance des voyageurs isolés (nautisme, montagne,
“trekking”), par laquelle on revient
aux origines, ensuite la téléformation
des étudiants et médecins en spécialisation à distance, enfin la télétransmission de données déjà couramment pratiquée entre centres pour
compléter ou parachever ailleurs le
traitement d’un patient.
Quelques réalisations
C’est le Pr Louis Lareng qui est à
l’origine de l’Institut européen de
télémédecine, laquelle a démarré en
1989 entre l’hôpital Rangueil à Toulouse et l’hôpital Combarel à Rodez,
permettant aux patients une meilleure prise en charge des spécialités
médicales.
C’est le 8 novembre 1994 qu’eut
lieu la première démonstration internationale de télémédecine : un examen scanner à rayons X avait été piloté
depuis l’Hôtel-Dieu de Montréal
(Canada) sur un patient situé dans
l’appareil de l’hôpital Cochin, à Paris.
En 2001, une
opération de téléchirurgie a été réalisée entre New York,
où était le chirurgien, et Strasbourg,
numéro 91
où se trouvait la patiente, par le
Pr Jacques Marescaux. Il s’agissait de
l’ablation de la vésicule biliaire d’une
patiente de 68 ans à l’aide d’un robot
selon un système dénommé Zeus. Le
délai entre le geste du chirurgien et le
retour image a pu être réduit à
150 millisecondes. Une autre première mondiale a été, en 2007, dans
le cadre du pôle de compétitivité
Alsace BioValley, une opération sans
cicatrice par voie vaginale.
A partir du moment où la chirurgie
endoscopique, avec ses écrans et ses
“bras articulés”, est apparue dans les
blocs opératoires, la porte était
ouverte à la téléchirurgie. C’est une
pratique devenue, si l’on peut dire,
courante. Elle ouvre des perspectives
extraordinaires, étant porteuse, par
exemple, de progrès très importants,
notamment dans les zones de guerre
ou pour entraîner des chirurgiens des
pays émergents.
L’économie de la télémédecine
Le gouvernement français a pris un
décret télémédecine en 2010 censé
soutenir le développement de la télémédecine nationalement et internationalement. Mais la rémunération
des actes divers de télémédecine n’est
pas encore établie. Ces actes sont
encore rémunérés au coup par coup,
sur décision et financement des
© Photographee.eu / Shutterstock
Économie de la santé
diverses Agences régionales de santé.
Le médecin qui accepte de réaliser
des téléconsultations médicales, ou le
spécialiste qui examine une image
médicale, un électrocardiogramme à
distance, doit le faire soit sur la base
du volontariat bénévole, soit parce
qu’il y a eu un accord spécifique entre
l’ARS et l’hôpital où il exerce.
De nombreuses expériences se
déroulent en France. Ainsi une cabine
de télémédecine est installée dans une
résidence pour personnes âgées non
médicalisée à Cluny (Saône-et-Loire)
où sont effectuées les prises de
paramètres ou images. Les médecins
peuvent consulter les paramètres
médicaux de ces derniers par Internet.
L’expérience est soutenue par le
FEDER et l’ARS, l’expérimentation
se poursuit dans le département de la
Loire en 2016. Mais pas de généralisation des prises en charge.
A l’étranger, les grands pays ont
créé des systèmes spécifiques de
rémunération. Aux Etats-Unis, dès
1997, Medicare a pris en charge la
télémédecine. Au Danemark et en
Grande-Bretagne, la télémédecine est
un service de routine, intégré à tous
égards dans le système de soins. En
Allemagne, un certain nombre
d’organismes privés de télémédecine
ont signé des accords avec les Caisses
d’assurance maladie devenues d’ailleurs concurrentes en 1992, avec,
dans chaque cas, des dispositions
spécifiques de financement.
En Suisse, depuis avril 2015, il est
désormais possible de bénéficier
d’une téléconsultation par Internet
sur le site www.tondocteur.ch Ceux
qui ne peuvent ou ne veulent se
déplacer pour aller consulter un
médecin bénéficient d’une télécon10
sultation remboursée par les caisses
suisses d’assurance
maladie, d’accident,
militaire ou d’invalidité et peuvent
obtenir une prescription électronique ou un certificat
médical.
La CNAM hésite
à rémunérer le “téléacte” médical
comme l’acte clinique lui-même,
sous forme du paiement à l’acte. Les
médecins sont fermement attachés à
ce mode de rémunération, qui est
une machine à multiplier les actes. Il
est évident que le même mode de
rémunération pour la téléconsultation ou la télé-expertise ne peut
qu’entraîner la même dérive. Peutêtre pire ! Par ailleurs, si une telle
dérive n’est apparemment pas possible avec la téléchirurgie, comment
rémunérer la télésurveillance d’un
patient à domicile, ou dans un
EHPAD ?
La fixation d’un “modèle” économique de la télémédecine est d’autant
plus importante que, compte tenu de
la qualité réelle de la médecine
française et de ses installations dans
certaines parties du monde, comme
les Antilles, la Réunion, la Polynésie,
zones entourées d’autres îles ou
régions sous-médicalisées, elle peut
s’exporter, à la fois en procédant à des
opérations dans les établissements
français, et/puis pratiquer des actes
de télésurveillance des suites opératoires ou de traitements longue
durée, voire même d’actes de chirurgie sur place téléguidés depuis les
centres français.
Télémédecine
et hospitalisation à domicile
Nous avons déjà évoqué l’hospitalisation à domicile dans un numéro précédent de la revue de la MTRL2.
Les cliniques et hôpitaux sont de
plus en plus fortement incités à développer l’hospitalisation à domicile
car, si le prix moyen d’une journée
d’hospitalisation oscille, selon les
services d’hospitalisation (chiffres
d’août 2015), entre réanimation et
soins intensifs à 3 189 ¤, et médecine interne, pédiatrie, obstétrique à
1 376,43 ¤, le coût d’une journée
d’hospitalisation à domicile est de
200 à 250 ¤. L’intérêt de la CNAM
est donc que les séjours hospitaliers
soient les moins nombreux et les
moins longs possibles. Dans le cadre
d’une tarification à l’activité3 bien
gérée, cet intérêt rejoint celui des
hôpitaux qui, touchant ces prix de
journée pour chaque acte, ont intérêt, s’ils le peuvent, à abréger le
séjour du malade pour en accueillir
un autre.
En 2014, l’hospitalisation à domicile a assuré 156 284 séjours, pour
plus de 4,4 millions de journées
(1,5 million en 2005) et plus de
105 000 patients. La HAD est pratiquée par 309 établissements, dont
42 % sont des structures privées à but
non lucratif (61 % de l’activité),
41 % font partie du secteur public
(26 %) et 17 % sont privées à but
lucratif (12 %). Les principales prises
en charge sont les pansements
complexes (1,1 million de journées),
les soins palliatifs (1 million), le
“nursing” lourd (491 000), les traitements intraveineux (253 000), la
surveillance post-opératoire et
chimiothérapique (157 000), l’assistance respiratoire (127 000)…
Cette citation est utile parce qu’elle
évoque aisément l’aide que les pratiques de télémédecine peuvent apporter à l’hospitalisation à domicile,
aussi bien pour la rendre plus efficace
(pansements complexes, soins palliatifs…) que pour la surveillance postopératoire ou post-chimiothérapie.
Pour le pansement complexe, si la
plaie semble avoir évolué, ou pour
une injection intraveineuse si l’infirmier constate une anomalie, la téléconsultation d’un praticien déjà
pratiquée depuis longtemps par téléphone peut être grandement amélio-
2. “L’hospitalisation à domicile”, Mutuelle et Santé n° 70, juin 2011.
3. “La tarification hospitalière à l’activité”, op. cit. n° 84, déc. 2014.
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
Économie de la santé
Préalables et freins
au développement
de la télémédecine
En dehors du frein que représente
l’absence de modèle économique
pour la télémédecine, il en existe
d’autres, plus humains.
D’abord la trop faible informatisation des cabinets individuels ou de
groupe, notamment en ce qui
concerne le dossier médical personnel
rebaptisé dossier médical partagé. Ce
DMP, dont tout Français doit être
doté, a été lancé en 2004. Il devrait
déjà permettre à tout professionnel
de santé prenant en charge un patient
et, en premier lieu, aux spécialistes
chez lesquels il est envoyé, ou dans les
services hospitaliers notamment d’urgence, de disposer d’un bilan complet
des antécédents pathologiques du
patient et de ses constantes biologiques ou imageries récentes. Après
sept ans de mise au point, le système,
jugé opérationnel en 2011, n’a produit en 2014 que 400 000 dossiers,
soit 0,6 % des patients ! Réticence
des médecins, qui ne veulent pas en
faire l’investissement financier (matériel informatique de saisie) ni temporel. Pour légitimer ce refus, nombre
Ça a failli !…
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
de médecins affirment tout simplement qu’ils n’en ont pas besoin, ce
qui, dans trente ou quarante ans,
paraîtra une de ces énormes erreurs
qui retardent des évolutions pourtant
essentielles. On peut comprendre
qu’au bord de la retraite certains
médecins se refusent à l’apprentissage
minimal, encore que les mêmes utilisent souvent chez eux avec habileté
tablettes et smartphones.
À juste titre, la Haute Autorité de
santé affirme « qu’il existe un
lien entre la bonne tenue du
dossier patient, hospitalier en
l’occurrence (composé du dossier médical et du dossier de
soins) et la qualité et la sécurité
des soins dispensés ».
Il est clair, en tout cas, que la
diffusion de la télémédecine
dépend de la généralisation de
cet équipement élémentaire du
médecin.
L’autre frein est humain. Aussi
bien l’hospitalisation à domicile
que la télémédecine, notamment lorsqu’elles suppléent à la
présence de médecins dans des îles
trop nombreuses ou des déserts
médicaux, nécessiteraient la présence
auprès des patients de professionnels
de santé, nommément des “un peu
plus qu’infirmiers”, infirmière
experte, dit-on quelquefois, comme
celle qui surveille les dialyses à SaintPierre (Saint-Pierre-et-Miquelon), ou
pour le Centre Dunan au Mans. Des
“infirmiers experts” capables non
seulement de procéder à des actes
élémentaires mais surtout à des
prédiagnostics à confirmer par téléassistance, ou télé-expertise,
avec le médecin généraliste
ou spécialiste en charge du
“télésecteur”. Or, si certains
personnels infirmiers passent
des diplômes universitaires
pour augmenter leur savoir,
en pansements, en diabétologie… et acquièrent donc une
compétence supplémentaire,
il y a un barrage humain à les
“élever” administrativement
et économiquement dans la
hiérarchie médicale. On a
numéro 91
bien créé des “cadres infirmiers” qui
s’occupent de la gestion des infirmiers d’un service, mais ils n’ont pas
de grade technique au-dessus des
autres, donc plus proches du
médecin. Le corps médical y fait
barrage, comme d’autoriser les
pharmaciens, qui pourraient d’ailleurs être aussi, dans certaines situations locales, de bons intervenants
dans les circuits de la télémédecine, à
faire des injections.
© wavebreakmedia / Shutterstock
rée avec les systèmes vidéo. La télésurveillance en continu “prépare”
éventuellement la visite de l’infirmière, et les données accumulées
préparent celle du médecin ou le
prochain rendez-vous avec lui. Mais,
là encore, alors que la tarification de
la HAD, s’inscrivant dans la tarification générale, fonctionne, l’addition
de la télésurveillance reste à valoriser.
Autrefois, souvent dispensateur de premiers soins,
le pharmacien, aujourd’hui, n’a pas le droit de faire
d’injections ni de poser de points de suture.
Ce ne sont là que quelques obstacles au développement plus rapide de
la télémédecine, parallèlement à la
HAD. Une volonté forte et durable
peut les faire sauter. Mais il y a deux
risques à prendre en compte, donc à
réduire ou pallier, avec la généralisation de la télémédecine. D’abord le
risque d’“uberisation” qui menace
toutes les professions : n’importe qui,
à la limite, doté des appareils nécessaires et d’un rien de connaissances
superficielles, peut, demain, proposer
thérapies et traitements réputés
“télésurveillés” à des patients accrocs
à Internet mais rendus plus captifs
encore par la nécessité du suivi.
Surtout, l’argument que ma petitefille, interne, m’a opposé : « Et que
fais-tu de la clinique ? » Il nous faudra
un Michel Foucault, à la fin du siècle,
pour écrire une archéologie de la
télémédecine.
䊔
Jean Matouk
agrégé de sciences économiques,
professeur des universités
11
Santé publique
Endométriose : quand
© Little_Desire / Shutterstock
’endométriose enflamme les
milieux de la presse people,
mais pourquoi ? L’endométriose est une maladie planétaire :
180 millions de femmes sont touchées dans le monde ; il s’agit
d’une maladie qui touche des femmes jeunes et qui a un impact sur
la qualité de vie et la fertilité.
L
Bizarre… Comment définir
l’endométriose ?
L’endométriose est une maladie définie par la présence d’endomètre, qui
est la muqueuse qui tapisse l’intérieur
de l’utérus, dans un autre endroit que
la cavité utérine.
Elle touche presque exclusivement
les femmes et atteint en France 8 à
10 % des femmes en âge de procréer,
soit 2 à 4 millions de femmes.
L’atteinte la plus fréquente est pelvienne (cul-de-sac de Douglas, ovaires, rectum), mais d’autres organes
comme la peau, les poumons, le cerveau, peuvent être le siège de localisations endométriosiques. La particularité de ce tissu endométrial est sa
capacité à diffuser, à se reproduire
selon un mode qui ressemble beaucoup à celui de la diffusion des cellules métastatiques du cancer.
Vous avez dit bizarre ? Une
pathologie encore méconnue
La physiopathologie de l’endométriose reste incertaine et, depuis cent
ans, continue à faire couler beaucoup
d’encre. Elle repose sur deux théories
principales :
12
Comme c’est bizarre ! Une
pathologie multifactorielle
䉴 Des facteurs génétiques ont été relevés : un antécédent d’endométriose
sévère chez une parente de premier
degré multiplie par 6 le risque d’être
atteinte et certains gènes sont en
cours d’étude ; la maladie pourrait
survenir si ces gènes sont présents
mais dans des conditions d’environnement particulières.
䉴 Les
facteurs environnementaux
incriminés sont l’exposition au distilbène et les polluants interférant avec
l’action des stéroïdes comme la
dioxine.
D’autres facteurs, comme l’exposition aux UV et l’exposition au soja en
grande quantité in utero et dans l’enfance ont été évoqués.
䉴 Les
facteurs hormonaux sont
impliqués : l’endométriose est une
maladie qui est dépendante des
œstrogènes puisque les lésions
endométriosiques produisent plus
d’œstradiol que de tissu sain, que
l’endométriose est une pathologie
de la femme en activité génitale et
que des récidives d’endométriose
ont été constatées après la méno-
pause chez des femmes sous traitement hormonal.
䉴 Les facteurs psychologiques semblent
aussi interférer : fréquence accrue de
dépression, anxiété chez les patientes
porteuses d’endométriose sans que
l’on sache si c’est la cause ou la
conséquence.
Quels symptômes sont
évocateurs d’endométriose ?
L’endométriose peut ne donner
aucun symptôme. Elle est alors
découverte de façon fortuite sur des
examens complémentaires ou au
cours d’une intervention chirurgicale.
Le plus souvent, elle entraîne des
douleurs : les plus typiques sont des
douleurs de règles majeures, appelées
dysménorrhées, qui s’aggravent avec
les cycles et sont tellement intenses
que les prises en charge par des antalgiques deviennent insuffisantes. Les
douleurs pendant les rapports (dyspareunie) sont fréquentes.
L’endométriose peut être découverte lors d’un bilan d’infertilité.
C’est en effet une cause d’infertilité
majeure.
L’endométriose
est une inflammation de l’endomètre
inflammation
trompe de Fallope
trompe de Fallope
cavité utérine
endomètre
ovaire
ligament ovarien
canal cervical
myomètre
col de l’utérus
périmétrium
vagin
Enfin, en fonction de la localisation de l’endométriose, les symptômes peuvent varier : douleur vésicale,
constipation, douleur à la défécation,
saignements par le rectum au nodule
cutané douloureux, les symptômes
apparaissant au moment des règles.
L’examen clinique retrouve une
douleur à la mobilisation des organes
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
© Marochkina Anastasiia / Shutterstock
le reflux menstruel par les trompes
des cellules de l’endomètre qui, ainsi,
iraient se greffer sur les organes de
proximité ;
䉴 la métaplasie cellulaire, qui consiste
à imaginer la possibilité d’une transformation de cellules indifférenciées
des feuillets péritonéaux en cellules
d’endomètre ; cela permettrait d’expliquer les cas rares d’endométriose
masculine.
Cette
localisation
anormale
entraîne des réactions inflammatoires
à l’origine de lésions, d’adhérences et
de kystes. Ces lésions vont se comporter de manière comparable à un
endomètre (intérieur de l’utérus) sous
l’influence des hormones ovariennes.
Elles vont se développer et peuvent
saigner chaque mois.
䉴
Santé publique
les stars s’en mêlent*
Et ça se traite, Docteur ?
La prise en charge allopathique est
chirurgicale ou médicale et a donné
lieu à des recommandations officielles ; ces traitements visent à traiter
les lésions et à éviter la propagation
de la maladie. Malheureusement, si
ces traitements stabilisent ou
cachent la maladie, ils ne la guérissent généralement pas et les
poussées peuvent reprendre à l’arrêt
des traitements.
La chirurgie d’exérèse des lésions
ne se conçoit qu’en cas de symptômes
gênants ou dans un bilan d’infertilité ; la chirurgie par cœlioscopie est
conseillée car elle génère moins
d’adhérences.
Les traitements médicaux allopathiques consistent à freiner l’activité
hormonale. Analogues de la LHRH,
progestérone macrodosée sont les
produits les plus prescrits. Le diénogest semble présenter un intérêt :
Visanne® est commercialisée en
France depuis novembre 2010 avec
l’indication “traitement de l’endométriose”.
Les pilules œstroprogestatives sont
non seulement autorisées mais
conseillées puisqu’elles bloquent
l’ovulation et évitent les à-coups hormonaux (sauf évidemment en cas de
désir de grossesse).
Les antalgiques et les antiinflammatoires doivent être prescrits en respectant posologie et
contre-indications.
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
Et en médecine intégrative ?
La médecine intégrative associe toutes les méthodes thérapeutiques
contribuant à guérir ou à prévenir les pathologies.
䉴 Les conseils alimentaires doivent être intégrés dans la
consultation.
L’impact de l’alimentation
sur les maladies inflammatoires
chroniques est bien connu. Il
est utile de conseiller aux
patientes porteuses d’endométriose d’éviter la consommation
d’aliments pro-inflammatoires
comme les laitages, les produits gras
saturés, les céréales contenant du gluten, les céréales raffinées, les sucres
rapides, l’alcool, les fruits citrins
(pamplemousse, orange), les éléments frits, la caféine, les oméga-6
(huile de tournesol, maïs), tous les
agents conservateurs, additifs, colorants, édulcorants. Le soja doit être
consommé avec modération en raison de son pouvoir œstrogénique.
Il faut privilégier les aliments antiinflammatoires comme les petits
fruits rouges (myrtilles, mûres, framboises), les légumineuses (lentilles,
pois chiches), les noix et graines, les
poissons gras, les légumes frais, les
fibres contenues dans les céréales
complètes, les fruits, les légumes, les
haricots, le riz brun, les crucifères, les
oméga-3 (noix, huile d’onagre, poisson gras). La complémentation par
de la vitamine D est conseillée.
䉴 L’arrêt de toute intoxication tabagique est fondamental comme dans
toute pathologie douloureuse ; le
tabac est, de plus, connu comme
aggravant spécifiquement les dysménorrhées. L’endométriose étant
probablement aussi une maladie
immunitaire, l’intoxication tabagique
perturbe l’immunité et ne peut
qu’aggraver l’évolution.
L’acupuncture a été évaluée dans
cette pathologie et diminue les dysménorrhées sévères.
䉴
© wavebreakmedia / Shutterstock
pelviens, voire même une impossibilité de mobilisation de ces organes.
Les examens complémentaires
comportent une échographie pelvienne réalisée si possible par voie
vaginale ; l’IRM est particulièrement
indiquée pour faire le bilan des
lésions et savoir en préopératoire
quels organes sont atteints.
La chirurgie permet de stadifier
l’endométriose (score de l’American
Fertility Society).
La prise en charge homéopathique est
intéressante car individualisée, permettant d’adapter le traitement au
type de symptôme et au terrain de la
patiente. Elle n’a jamais été évaluée, à
ma connaissance, dans cette pathologie. Le traitement homéopathique
peut être prescrit seul après la chirurgie lorsque les lésions ne nécessitent
pas un traitement allopathique médical ou dans l’attente d’une grossesse.
Il peut aussi accompagner des traitements d’endométriose sévère pour
tenter de stabiliser la maladie.
Les patientes porteuses d’endométriose se sentent souvent démunies car
les traitements conventionnels proposés sont généralement agressifs ; une
prise en charge globale peut les accompagner. Une meilleure connaissance de
la pathologie qu’est l’endométriose
pourra sans doute permettre de trouver des traitements individualisés et
mieux tolérés et peut-être de prévenir
la pathologie en cas de facteurs de
risque identifiés ; c’est l’objectif de la
médiatisation de cette pathologie.
Pour en savoir plus sur les associations de patients :
http://info-endometriose.fr/
䊔
䉴
Dr Christelle Charvet
gynécologue obstétricienne
*“Julie Gayet et les stars réunies pour l’endométriose” (Paris-Match, 6 avr. 2016).
“Dix stars américaines racontent leur combat contre l’endométriose” (The Huffington Post, mars 2016).
numéro 91
13
© Imageman / Shutterstock
Connaître
Le curcuma
e curcuma, plante appartenant à
la famille des Gingembres (Zingiberacea), est un des ingrédients
les plus utilisés parmi les épices. De
couleur orange, il sert de colorant alimentaire (coloration – et goût – du
riz de la paëlla), mais il est traditionnellement utilisé en médecine ayurvédique depuis des millénaires, car il
possède des propriétés antioxydantes,
analgésiques, anti-inflammatoires et
antiseptiques, tout en ne montrant
pas de toxicité.
On l’a donc empiriquement
employé pour soigner un très grand
nombre de maladies. Les effets du
Curcuma longa sont dus principalement à la curcumine. C’est elle qui
confère sa couleur au curcuma. La
curcumine est le principal polyphénol naturel isolé du rhizome de la
plante. Cependant, à côté de la curcumine, il existe d’autres composés
appelés curcuminoïdes. La curcumine est la substance la plus abondante au sein du groupe des curcuminoïdes (77 % du poids total), et ce
groupe curcuminoïde constitue environ 5 % de la composition totale du
Curcuma longa.
L
Biodisponibilité
et métabolisme
La curcumine administrée par voie
orale est rapidement absorbée par
les entérocytes. Elle y est métabolisée
en plusieurs dérivés, qui sont alors
14
glucuronidés. La curcumine
résiduelle parvenue au foie est aussi
transformée en métabolites, euxmêmes rapidement glucuronidés. En
somme, la curcumine devient
soluble dans l’eau pour être éliminée
via la bile ou l’urine.
Administrée par voie veineuse
chez la souris, la curcumine s’accumule dans le foie, la rate, les poumons et le cerveau. Il semblerait
donc que la curcumine possède une
affinité particulière spécifique
envers ces tissus. Après administration orale, 75 % des métabolites
sont retrouvés uniquement dans les
selles mais pas dans l’urine.
L’ajout oral de pipérine (issue du
poivre) concomitamment à la prise
de curcumine ralentit son métabolisme et améliore la glucuronidation :
de ce fait, la biodisponibilité de la
curcumine s’élève. Cependant,
celle-ci reste faible.
On a montré que les curcuminoïdes possédaient une action
synergique létale par exemple envers
les nématodes (vers ronds : ascaris,
trichine, oxyure). La curcumine a fait
l’objet de toutes les attentions, principalement en raison de ses multiples
activités biologiques, antioxydantes,
anti-inflammatoires, antiarthritiques,
antibactériennes, et de ses applications thérapeutiques potentielles dans
un large éventail de maladies comme
le cancer, les maladies neurodégéné-
ratives, les allergies et le diabète. On a
montré qu’il n’y avait pas d’effets
toxiques du curcuma administré
oralement chez des patients porteurs
de cancer du côlon.
Rôle de la curcumine
sur la santé
Il est maintenant bien établi que
nombre de maladies sont provoquées
par une alimentation malsaine : nous
sommes ce que nous mangeons car
nous ne sommes pas séparés de la
Nature. On sait que certains régimes
alimentaires riches en antioxydants –
comme le régime crétois,
méditerranéen,
indien,
népalais, excellent contre les pathologies en lien avec le stress oxydatif,
comme le cancer, les maladies cardiovasculaires, les troubles métaboliques, le vieillissement prématuré –
améliorent la mortalité et la morbidité de celles-ci. Plusieurs des effets
des régimes indiens et népalais sont
en relation avec la curcumine et les
curcuminoïdes.
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
Connaître
Activité anti-inflammatoire
L’inflammation joue un rôle important dans le développement des maladies chroniques (maladies autoimmunes, cardiovasculaires, endocrines, neurodégénératives et néoplasiques). La curcumine est capable de
diminuer l’inflammation en interagissant avec plusieurs processus
inflammatoires majeurs, notamment
celui impliquant la molécule NF-KB.
La curcumine inhibe aussi certaines
enzymes inflammatoires (bloquées
aussi par les AINS). La curcumine est
donc capable d’améliorer différentes
maladies chroniques comme nous
allons le voir.
Inflammations respiratoires
Il existe plusieurs études confirmant
le rôle important de la curcumine
dans les affections respiratoires
inflammatoires, notamment dans
l’asthme allergique.
Inflammations digestives
Les maladies inflammatoires de l’intestin sont caractérisées par un stress
oxydatif exacerbé, par l’infiltration
leucocytaire et par la production de
cytokines pro-inflammatoires. Le
NF-KB prend pleinement part à ces
maladies. La curcumine est donc efficace pour freiner l’inflammation
digestive. Dans la pancréatite chronique induite par l’alcool, la curcumine
améliore la sévérité de la maladie. Elle
agit aussi sur l’inflammation retrouvée lors du cancer du pancréas. Enfin,
la curcumine exerce une action antiinflammatoire dans la muqueuse gastrique infectée par la bactérie Helicobacter pylori (ulcère gastroduodénal).
Inflammations neurologiques
La curcumine est au minimum neuroprotectrice. Des chercheurs utilisant des cultures de lignées cellulaires
issues de différentes régions du système nerveux ont pu montrer la
capacité de la curcumine à agir
comme neuroprotecteur grâce à ses
propriétés antioxydantes, antiinflammatoires et antiagrégantes. La
capacité de la curcumine à diminuer
la neuro-inflammation (qui prend
part à la progression des maladies
neurodégénératives) est maintenant
bien établie. Plusieurs études effectuées chez les rongeurs ont prouvé la
neuroprotection de la curcumine,
spécialement dans les modèles de
maladie d’Alzheimer et de Parkinson.
La curcumine diminue les dégâts du
stress oxydatif et de l’inflammation
dans le cerveau.
Inflammations pulmonaires
Les maladies les plus étudiées sont la
fibrose pulmonaire, la bronchite, l’allergie et l’asthme, en relation avec les
Inflammations articulaires
Les radicaux libres jouent un rôle
crucial dans la destruction articulaire.
Ces molécules activent plusieurs
voies de l’inflammation comme
celle du NF-KB. La curcumine
anti-inflammatoire et antioxydante possède donc des
propriétés antirhumatismales
et antiarthritiques.
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
processus inflammatoires et les modifications du statut oxydatif. La curcumine diminue l’accumulation des
cellules inflammatoires, diminue la
surproduction de cytokines proinflammatoires, et améliore l’efficacité des systèmes de capture des radicaux libres oxygénés.
Syndrome métabolique et pathologies cardiovasculaires
Le syndrome métabolique est un
groupe de facteurs de risque qui augmente la survenue de maladies cardiaques et d’autres problèmes comme
le diabète ou les accidents vasculaires
cérébraux. Tous ces facteurs de risque
sont intimement reliés à la prise de
poids, à l’insulinorésistance, au style
de vie et au régime alimentaire. Pour
cette raison, le syndrome métabolique est appelé le quartet mortel
(hypertriglycéridémie, hyperglycémie, hypertension et surpoids) et
aboutit aux maladies cardiovasculaires et au diabète de type 2. L’inflammation recouvrant le tout, on comprend aisément que la curcumine soit
efficace en freinant celle-ci.
Hépatoprotection
Les effets bénéfiques de la curcumine dans les maladies du foie sont
dus à son activité anti-inflammatoire, antioxydante, et antifibrosique. La curcumine diminue les
lésions hépatiques induites par le fer
(hémochromatose) en diminuant la
lipoperoxydation, accroît l’activité
des enzymes de détoxification des
xénobiotiques, et la capacité antioxydante hépatique totale. Quelques
études montrent que la curcumine
diminue la stéatose hépatique non
alcoolique, apanage des situations de
surcharge impliquant une mauvaise
hygiène alimentaire.
© Swapan Photography / Shutterstock
Activité antioxydante et
piégeuse de radicaux libres
Les mécanismes les plus importants
par lesquels la curcumine est capable
de promouvoir la majorité de ses activités sont représentés par l’inhibition
de la formation des radicaux libres.
La curcumine améliore aussi l’activité
des enzymes antioxydantes. Elle
réduit la peroxydation lipidique et
diminue les dégâts hépatiques. De
plus, la curcumine accroît l’activité
des enzymes de détoxification des
xénobiotiques à la fois dans le foie et
dans le rein, protégeant ainsi des processus néoplasiques. Tous ces effets
combinés sont donc considérés
comme protecteurs de la santé et
jouent un rôle dans la radioprotection et la neuroprotection.
15
Connaître
Effet antitumoral
Des études épidémiologiques ont
déterminé que l’inflammation était
un des plus importants facteurs de
risque associés à la carcinogenèse.
Les radicaux libres oxygénés et
l’inflammation sont en effet reliés au
processus cancéreux. Pour cette
raison, la curcumine, en tant qu’antioxydant et piégeuse de radicaux
libres, montre certaines propriétés
anticancéreuses.
On a trouvé plus récemment que la
curcumine affectait toute une série de
voies biologiques impliquées dans la
mutagenèse, l’expression des oncogènes, la régulation du cycle cellulaire,
l’apoptose, l’angiogenèse et dans les
métastases. Plusieurs études ont
montré que la curcumine régulait de
multiples voies de signalisation dans
le cancer.
La curcumine peut également
réguler différentes voies en relation
avec l’angiogenèse, l’invasion, la
croissance tumorale et les métastases,
et peut promouvoir l’apoptose (la
mort cellulaire), ce qui induit un
arrêt du cycle cellulaire.
La curcumine peut provoquer sélectivement l’induction d’effets prooxydants seulement dans les cellules
malignes. Toutes les études montrent
que la curcumine détermine un fort
accroissement intracellulaire de
radicaux libres oxygénés par déclenchement d’un dysfonctionnement
mitochondrial. On peut donc en
conclure que la curcumine protège les
cellules normales du stress oxydatif et
agresse les cellules cancéreuses.
L’avenir…
Nombre d’études précliniques et
cliniques indiquent un grand potentiel thérapeutique dans le traitement
de ces maladies, mais l’utilisation
thérapeutique de la curcumine est
entravée par sa faible biodisponibilité
systémique. Même pour de fortes
doses administrées de curcumine, les
taux de curcumine dans l’organisme,
aussi bien que les taux de ses dérivés
in vivo, sont extrêmement faibles
dans le sérum et dans les tissus après
un court laps de temps. Tout cela
pose question : comment la curcumine est-elle capable de manifester de
remarquables effets biologiques avec
une si faible biodisponibilité systémique ? Comment la curcumine exercet-elle son activité antioxydante après
administration orale et bioconversion
in vivo en glucuronides ?
Les dérivés de la curcumine in vivo
représentent les métabolites majeurs
chez l’homme après consommation,
et leurs taux sont plus élevés que ceux
du composé originel. Il apparaît donc
que les produits de dégradation possèdent une activité biologique plus
importante que le composé de
départ. En tout cas, il est clair que ce
sont les curcuminoïdes non modifiés
qui sont les agents efficaces.
L’encapsulation en liposomes, en
nanoparticules polymériques, en
cyclodextrine, en lipides complexes
ou par synthèse de complexes
polymériques
de
curcumine
augmente l’activité biologique et la
biodisponibilité, et améliore les
effets bénéfiques de la curcumine
contre les cancers ou les maladies du
foie. Ce qui représente actuellement
un axe majeur de recherche thérapeutique car véritablement le
curcuma, malgré ses mystères,
semble très prometteur. Mais il est
évident que ce n’est pas que la curcumine, à elle seule, qui détermine
tous les effets du curcuma.
En attendant, utilisez le curcuma
entier dans toute votre cuisine ! 䊓
Philippe Fiévet
Médecin nutritionniste
Maître en sciences et biologie médicales
LE CURCUMA AU MENU
Outre la belle couleur ocre qu’il donne aux aliments – au riz notamment –, le curcuma facilite
la digestion et son action anti-inflammatoire renforce les défenses immunitaires.
Quelques idées de plats
Moules au curcuma
Soupe de potiron au curcuma
Tajine d’agneau au curcuma
16
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
Lecture
Feu sur le quartier général !
e sens de l’histoire, en médecine comme dans bien
d’autres domaines, ne fait guère de doute pour le
professeur Guy Vallancien* : « Quelles que soient les
idéologies, les nouveaux outils de l’information, à la puissance aujourd’hui sans limite, lamineront retardataires et
réfractaires, tous emportés dans le déferlement de la robotique, de la génomique et de l’ordinateur diagnostic. Le
tsunami de l’intelligence artificielle est en route vers nos
côtes. Alerte rouge, sirènes hurlantes, digues et parapets
balayés, rien ne l’arrêtera, nul n’y échappera ! »
L
Comprendre la morosité ambiante
Pour l’heure, notre système de santé résiste même s’il
craque de partout : le malaise est profond chez les médecins généralistes, qui se sentent mal aimés – et mal traités
– par les pouvoirs publics, les médecins hospitaliers voient leur pouvoir
traditionnel leur échapper au profit
de l’autorité administrative, le
secteur privé vit sa vie, en marge, et
les professionnels de santé nonmédecins restent confinés à des
rôles d’auxiliaires, avec les lourdeurs
de fonctionnement que tout le
monde constate et les coûts prohibitifs que cela entraîne, dans la
morosité d’une situation qui semble
sans issue : « Atmosphère délétère
dont l’explication s’avère pourtant
simple : nous n’avons, professionnellement jamais osé affronter la
question fondamentale du rôle et de
la place du médecin dans notre
société, elle-même en pleine mutation. On continue à proposer des solutions à court terme
fondées sur une fonction médicale invariée, colmatages
pitoyables, source d’échecs attendus. Les pourfendeurs
d’une prospective à long terme, au prétexte de l’extrême
rapidité du progrès, en seront pour leurs frais : il est
urgent de repenser le rôle et la place du médecin dans ce
nouvel environnement sanitaire au cœur duquel il se
trouve immergé. La formation, la qualité, le nombre, la
répartition, les modes et niveaux de rémunération des
“hommes de l’art” sont à repenser. »
Cette formation, notamment, trop longue, centrée sur
les seules sciences dures, ignorant les sciences humaines,
et éliminant dès la première année de nombreux éléments
brillants, régie par un numerus clausus aux variations
sinusoïdales dont personne, depuis des décennies, n’a
jamais compris la logique qui les déterminait. Le mur du
corporatisme dressé entre le corps médical et les nouvelles
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
professions d’assistants médicaux ou chirurgicaux, de
niveau ingénieur, contre lequel se heurte la possibilité de
transfert d’actes dévolus aux seuls médecins. Le gâchis du
cloisonnement entre secteur public et secteur privé, qui se
pare de raisons idéologiques et qui ressemble plutôt à la
querelle bouffe du confiseur et du pâtissier, le premier au
second : « Moi, Monsieur, j’ai porté l’épée ! » Enfin, dans
ce tableau assez déprimant, la saga des données de santé,
qui se poursuit depuis des années et dont l’accès reste
toujours largement verrouillé par le ministère et la
CNAM, au nom d’une confidentialité de principe que
l’univers d’internet rend risible, mais qui explique assez
bien l’échec d’un Dossier médical personnalisé, lancé en
2004 à grands frais, et qui cumule misérablement
400 000 dossiers une décennie plus tard.
La média-médecine
comme dynamique nouvelle
Dans ce contexte, la média-médecine,
dont Guy Vallancien salue l’avènement, ne peut que revivifier ce grand
corps administrativement malade par
les possibilités d’action qu’elle
procure : en vrac, robots chirurgiens,
imagerie médicale, nanotechnologies,
sciences cognitives, médecine génomique, objets connectés, applications de
santé, télémédecine… “l’ubérisation”
de la santé est en marche et aucun
obstacle mis sur sa route ne l’arrêtera,
car tout ce qu’il est possible de faire,
un jour ou l’autre, se fera.
C’est à ce stade que l’on peut ralentir l’allure et laisser l’auteur continuer
à son pas, car ce meilleur des mondes est tout aussi
inquiétant que séduisant, inquiétant parce que fascinant,
par tout ce qu’il dévoile des autres et qui excite notre
curiosité, et ce qu’il nous dit de nous-même, que l’on
préférerait, souvent, ne pas savoir.
Pour conclure, il serait faux, néanmoins, de croire à
travers ces lignes que Guy Vallancien se laisse totalement
“marabouter” par ces progrès vertigineux et que le transhumanisme scientiste a trouvé là un nouveau prophète.
Les pages qu’il consacre à la “mort choisie” sont admirables. Membre depuis longtemps d’une association
militante et rompu à ce discours, je n’avais jamais lu des
mots aussi sincères, aussi sensibles, et justes.
䊓
Christian Charron
* La médecine sans médecin ? Gallimard, 2015.
17
Nouvelle approche médicale
Révolution génomique
Les découvertes en génétique et l’accès de plus en plus aisé au décryptage
du génome de l’individu ont bouleversé le paysage médical : des maladies orphelines
sont maintenant des maladies génétiques avec des possibilités thérapeutiques,
des patients bénéficient de traitements ciblés lors du traitement de leur cancer,
le génome du fœtus est techniquement accessible avant la naissance
à partir d’une simple prise de sang…
Une révolution génomique a commencé en médecine
© http://sfmpp.org/ Société française de médecine prédictive et personnalisée
Médecine prédictive et personnalisée
En raison de cette capacité de plus en plus
importante à prédire les maladies et à orienter
des traitements précis, deux médecines nouvelles
ont émergé : la médecine prédictive et la
médecine personnalisée. Ces deux médecines
s’appuient sur les caractéristiques génétiques de
l’individu, pour orienter le dépistage et la
prévention (médecine prédictive), ou pour
orienter de façon ciblée les traitements
(médecine personnalisée ou de précision).
Le concept de la médecine prédictive n’est
pas nouveau. Ce qui est innovant, voire fascinant, c’est l’apport de cette prédiction à la
prise en charge (dépistage, prévention ou
traitement) qui accompagne ces progrès. Les
démonstrations de plus haut niveau de
preuve s’accumulent pour valider l’utilisation des données génétiques. Cela va des
possibilités de prise en charge de risque
dans le cadre de maladies héréditaires, à la
prédiction de la réponse thérapeutique à
des traitements conventionnels (génomiques ou pharmacogénomiques) ou spécifiques (thérapies ciblées). Les perspectives
d’actions directes sur le génome (thérapies
géniques, excision “chirurgicale” de
l’ADN, etc.) se précisent.
Bénéfice médical et économie de santé
ne sont pas antinomiques
Si la médecine prédictive a déjà permis de grandes
avancées en matière de prévention et de traitement
personnalisé, elle sera probablement aussi à l’origine
des plus grands progrès de la médecine de demain.
Ces avancées ont un certain coût, mais la plupart
des études médico-économiques (analyses génomi18
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
Nouvelle approche médicale
ques tumorales, utilisation des gènes de prédispositions…) montrent, en plus du bénéfice médical, des
économies de coût de santé global.
La prise en charge de cette médecine est le
problème de tous. La Sécurité sociale, les mutuelles et les assurances de santé doivent concourir à
améliorer l’accès à ces innovations médicales et à
leur prise en charge. Les tutelles et instances
(ministère de la Santé, Institut national du cancer,
Haute Autorité de santé…) ont inscrit le dépistage et la prévention, mais aussi aujourd’hui la
génomique dans les priorités de leur programme
(Rapport France Médecine Génomique 2025 gouvernement.fr). Nul doute que les mutuelles et
les assureurs de santé, qui multiplient les actions
dans ce domaine, auront une place importante
dans la couverture et l’accès du plus grand
nombre à cette médecine.
Éthique et génétique
Cette révolution est donc en marche. Cependant, il
est primordial de ne pas oublier que c’est le patient
qui doit rester au centre des préoccupations et que
les possibilités médicales élargies par les données
génétiques ne sont là que pour aider à une problématique donnée. Il ne faut pas la craindre, mais l’accompagner de toute la réflexion déontologique et
éthique qu’elle requiert, ainsi que des évaluations
médico-économiques nécessaires. C’est bien l’objectif principal de la Société française de médecine
prédictive et personnalisée (www.sfmpp.org).
A l’image d’une discipline nouvelle et complexe, la
SFMPP s’est d’emblée voulue multidisciplinaire en
invitant à son bord des généticiens, des chirurgiens,
des médecins anténatalistes, des oncologues, des
éthiciens, mais aussi des régulateurs et des économistes de la santé.
Notre objectif est de répondre ensemble aux questions que pose cette nouvelle
approche de la médecine. Notre initiative
a été bien accueillie par la communauté
médicale et le grand public, et nous avons
été identifiés comme un interlocuteur par
nos tutelles (relecture de recommandations nationales, participation à des
groupes de travail). Un diplôme interuniversitaire et des formations spécifiques
ont été créés. Des recommandations concernant la
médecine génomique sont en préparation et seront
annoncées lors du congrès annuel à Montpellier les
22 et 23 juin 2017 sur le même thème.
䊓
La Société française de médecine prédictive
et personnalisée (SFMPP) évalue le bénéfice
médical et les bonnes pratiques de tests
génétiques prédictifs pour améliorer le dépistage,
la prévention et les traitements. Elle apporte
un avis d’expertise auprès des professionnels
de santé et du grand public à travers une approche
transversale et pluridisciplinaire.
Pascal Pujol,
professeur de médecine, CHU de Montpellier,
président de la Société française
de médecine prédictive et personnalisée
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
19
Mieux vivre
Dormir naturellement :
Le sommeil est une perte de conscience – toute connexion avec l’extérieur est interrompue –,
de stimulus extérieur (bruit, lumière, contact…), permettant à l’organisme de se régénérer.
ce qui est exact mais incomplet. Dormir permet aussi de restaurer les cellules, de nettoyer
l’immunité de manière à lutter contre les microbes et les cellules cancéreuses. Chez l’enfant,
e pas dormir assez augmente le
risque d’obésité et de diabète.
De même, la tension artérielle
augmente avec un certain nombre de
risques au niveau cardiovasculaire.
Enfin, fatigue, troubles de la concentration et de la mémorisation, somnolence diurne avec augmentation du
risque d’accidents de voiture sont le lot
des insomniaques et des… fêtards !
Sans oublier malheureusement les
travailleurs de nuit, ceux qui font les
3x8 et les voyageurs transméridiens.
N
Conséquences de la prise
prolongée d’inducteurs
de sommeil
Une étude anglaise de 2015 aurait pu
faire réfléchir les médias, les médecins
français et leurs patients : plus de
104 145 sujets de plus de 16 ans ont
été suivis en moyenne pendant 7 ans
et demi. Deux groupes de sujets ont
été identifiés :
䉴 les uns (n = 34 727) ont eu une
première prescription d’anxiolytique
et/ou d’hypnotiques entre 1998
et 2001,
䉴 les autres n’ont jamais pris de benzodiazépines (n = 69 418).
Un travail statistique a permis de
corriger le déséquilibre qui aurait pu
résulter entre les deux groupes en
fonction :
䊉 des maladies physiques associées
car, en effet, on pourrait penser que si
certains prenaient des médicaments
pour dormir, c’est parce qu’ils étaient
plus malades que ceux qui ne prenaient rien et qu’ils avaient donc plus
de raisons de mourir,
䊉 des maladies psychiatriques qui
constituent un autre facteur de mortalité,
䊉 des troubles du sommeil, pour la
même raison,
20
䊉 des
autres médicaments qui
auraient également pu constituer des
causes de mortalité.
Les patients ayant consommé
d’une part des benzodiazépines et,
d’autre part, des Z drugs (Zopiclone
= Imovane®, Zolpidem = Stilnox®)
ont un risque de décès presque deux
fois plus élevé que les autres. Le
risque augmente avec les doses et
reste élevé pour les patients qui
n’ont pourtant eu ces produits qu’au
cours de la première année du suivi.
Au final, la mortalité cumulée
pendant la totalité du suivi est de
26,46 pour 100 patients ayant reçu
ces molécules, contre 16,82 pour
100 sujets témoins. Après exclusion
de la première année du suivi, il
reste 4 décès “en excès”, en lien avec
la consommation de ces médicaments pour 100 personnes suivies
pendant en moyenne 7 ans et demi
après une première prescription.
Même si ces résultats ont été
discutés, ils n’en restent pas moins
inquiétants quand on sait qu’environ 11,5 millions de Français sont
des consommateurs occasionnels de
benzodiazépines et que près de
7 millions en sont des consommateurs réguliers avec au moins
4 prescriptions par an, d’autant plus
que le pourcentage augmente avec
l’âge car 1/3 des femmes de plus de
70 ans en consomment ; par
ailleurs, 52 % des personnes à qui
l’on prescrit une première fois des
benzodiazépines en consomment
régulièrement pendant au moins
2 ans. La recommandation de
limitation dans le temps est restée
lettre morte puisque les médecins
français continuent imperturbablement à renouveler leur prescription
de manière indéfinie.
De quoi risquent de mourir
les consommateurs
de tranquillisants
et hypnotiques ?
La première contre-indication n’est
pas enseignée au cours des études
de médecine et ne figure pas dans le
Vidal : le ronflement et sa très
fréquente
conséquence,
le
syndrome d’apnée du sommeil.
Quand on sait qu’un quart de
comprimé de n’importe quel
tranquillisant ou hypnotique pris le
soir multiplie par deux le nombre et
la durée des apnées, cela devrait
retenir les prescripteurs… comme
les consommateurs.
Les complications du syndrome
d’apnées du sommeil sont nombreuses et graves et vont de l’infarctus à
l’AVC en passant par la maladie d’Alzheimer, la dépression et l’accident de
la circulation, sans parler de l’impuissance et de la fatigue majeure accompagnée de maux de tête le matin.
Les benzodiazépines et Z drugs
provoquent également des levées
d’inhibition avec amnésie. Le sujet
accomplit des actions contraires à
son éthique et qu’il réprimait
jusque-là car le surmoi semble
soluble dans l’alcool et les benzodiazépines. C’est ainsi qu’un
médecin a massacré femme et filles
à coups de hache avant de se
suicider en prison. Il avait certes
des raisons de leur en vouloir
(divorce violent en cours) mais,
compte tenu de son passé, on peut
supposer qu’il ne l’aurait jamais fait
sans Tranxène® + alcool…
Enfin, depuis peu, on sait que le
sommeil sous benzodiazépine n’apporte pas les bénéfices décrits ci-dessus.
En réalité, on peut parler d’anesthésie
légère mais pas de sommeil.
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
Mieux vivre
pourquoi et comment ?
cyclique selon un rythme de 24 heures sous nos latitudes, facilement réversible en cas
À quoi sert de dormir ? La première réponse qui vient à l’esprit est : à se reposer,
le cerveau, de consolider les souvenirs après les avoir triés et, enfin, de mettre à jour
le sommeil permet de grandir et de programmer les comportements de notre espèce.
Comment dormir
naturellement ?
Approche psychologique
Ce sont de loin les thérapies cognitives et comportementales qui ont le
mieux démontré qu’elles sont les plus
efficaces, les plus durables et qu’elles
sont capables d’être aussi rapides ou
presque que les médicaments. Cette
approche inclut l’hygiène des rythmes
(dormir à son heure), la restriction de
sommeil, la maîtrise de la température
corporelle (qui doit monter le matin
et descendre le soir), l’éviction des stimulants le soir (sport, disputes, thrillers, lumière bleue ou blanche, bruit,
etc.). La respiration contrôlée, la
cohérence cardiaque, la relaxation, la
sophrologie, la méditation en pleine
conscience, l’utilisation de distracteurs agréables en cas d’éveil nocturne, toutes ces techniques sont efficaces. L’alimentation doit également
obéir à un certain nombre de règles.
Enfin, le thermalisme tel que pratiqué à Saujon ou Divonne, pour ne
citer que les stations les plus actives
dans ce domaine, s’avère particulièrement intéressant dans cette indication du fait qu’il associe hygiène des
rythmes et psychologie. De plus, il
permet souvent de sevrer les psychotropes inutiles.
Approche physique
(le sommeil high tech)
Nombre de dispositifs sont proposés
et la plupart n’ont aucun intérêt ou
presque. Certains, pourtant onéreux,
vont même jusqu’à proposer de dormir en utilisant la lumière bleue !
Néanmoins, il est possible de retenir
3 techniques :
䉴 l’utilisation de la lumière (luminothérapie) le matin en cas d’insomnie
d’endormissement, le soir en cas d’inLa Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
somnie de réveil précoce ; les simulateurs d’aube peuvent également
représenter un appoint intéressant
dans les troubles de phase ;
䉴 le PSIO est une synthèse des techniques de relaxation, de thérapies
cognitives et comportementales,
d’hypnose et est un distracteur
remarquable ;
䉴 la tortue du sommeil (Sleapie®)
vient d’arriver sur le marché et paraît
prometteuse grâce à l’utilisation rythmique de la lumière rouge (diode
placée sur le front, entre les yeux).
Approche chimique
Les plantes devraient systématiquement être prescrites en première
intention. La valériane a démontré
son efficacité en double aveugle et il
est probable qu’escholtzia ait la même
efficacité. Il est recommandé de les
associer. La camomille, la passiflore,
le tilleul sont utilisés traditionnellement et l’on peut leur adjoindre des
antistress comme aubépine, des adaptogènes comme rhodiole, etc. Certains composés comme Euphytose®
sont également utiles.
De même, la mélatonine, neurohormone physiologique et signal de
sommeil pour l’organisme, devrait
être proposée quasi systématiquement, soit sous forme de complément alimentaire, soit en préparation
magistrale (1 à 5 mg), soit chez les
plus de 55 ans sous forme de Circadin® (sur ordonnance mais non remboursable). Ce dernier produit est
pris en charge chez les enfants autistiques et maladies apparentées où il a
une action remarquable, et dans
notre expérience non encore validée
chez les personnes souffrant de la
maladie d’Alzheimer et ayant une
inversion de rythme.
numéro 91
Enfin, les hypnotiques devraient
être prescrits en dernière intention,
après échec des techniques précitées. À
l’image des antibiotiques, la durée
(brève) de prescription devrait être
fixée dès le premier jour. Les deux
Z drugs (zopiclone et zolpidem) sont
les produits dont la pharmacocinétique est la plus intéressante, la première
entraînant semble-t-il moins de risque
d’utilisation récréative. Les hypnotiques à demi-vie trop longue sont à
oublier. Les tranquillisants n’ont guère
d’indication dans l’insomnie à l’exception du Séresta® dont la demi-vie et
l’absence de métabolites actifs sont
particulièrement intéressantes.
Le Donormyl® est un antihistaminique faible peu ou pas addictif et peut
rendre des services (sans ordonnance).
Dans les insomnies rebelles, certains antidépresseurs comme le
Laroxyl® à très faible dose (1 à
10 gouttes), la miansérine, peuvent
être envisagés.
Les neuroleptiques doivent, selon
moi, être bannis car le blocage de la
dopamine a des conséquences à moyen
et long terme, notamment sur l’humeur. De plus, leurs effets sur le poids,
voire le déclenchement de diabète en
font des produits redoutables.
䊓
Dr Patrick Lemoine
psychiatre, docteur en neurosciences
21
Accompagnement des malades
Agir+ à l’hôpital,
avec la Fondation Hospices Civils de Lyon
Depuis 2013, les Hospices Civils de Lyon (HCL), 2e centre hospitalo-universitaire
de France, se sont dotés d’une fondation. Sans se substituer au cœur de mission
de l’hôpital, la Fondation HCL entend “agir+” au sein des établissements,
pour apporter aux malades et à leurs proches davantage de confort,
d’espoirs thérapeutiques et de solutions d’accompagnement.
Rencontre avec son président, Bruno Lacroix
Quelle est la mission de
la Fondation Hospices
Civils de Lyon ?
La Fondation HCL a
été créée pour accélérer le développement de projets innovants, favorisant
une prise en charge personnalisée de
chaque malade au sein des hôpitaux.
Elle a pour mission de recevoir les
dons et legs, afin de soutenir financièrement des projets
qui induisent un bénéfice direct pour les
patients
et
leurs
proches, et qui répondent à trois objectifs :
Quel est le périmètre d’action de la
Fondation HCL ?
Les projets soutenus couvrent un
large éventail : du laboratoire jusqu’au
lit du patient, à tous les âges de la vie
(néonatologie, pédiatrie, maladies
chroniques, fin de vie) et dans toutes
les pathologies, notamment les spécialités de pointe des HCL : cancer,
maladies cardiovasculaires, neurologi-
䉴 améliorer l’accueil et
le confort pour donner
toujours plus d’humanité à l’hôpital à tous les
instants ;
䉴 accélérer les projets
de recherche et l’innovation afin que de nouveaux espoirs
thérapeutiques se concrétisent ;
accompagner les malades et leurs
proches au-delà des traitements,
notamment dans un contexte de
maladie chronique.
䉴
La Fondation assure la traçabilité
des dons et donations et leur affectation aux projets.
22
ques, infectieuses, maladies rares,
pour ne citer que celles-là. Ainsi,
chacun peut être amené à bénéficier
de l’action de la Fondation HCL lors
d’un séjour à l’hôpital.
Quels sont les projets phares qui ont
besoin de financements ?
Un des projets soutenus par la
Fondation HCL concerne un service
emblématique : les urgences pédia-
triques, à l’hôpital Femme-MèreEnfant.
Ce
service
reçoit
81 000 enfants malades par an, soit
250 par jour, avec des temps d’attente qui peuvent être très longs. Le
projet, d’un coût de 176 000 ¤, vise
à réorganiser l’espace, à aménager des
salles d’attentes confortables pour
favoriser une attente plus sereine
(installation d’un aquarium géant, de
jeux muraux…) et à mieux adapter
les locaux aux plus petits. Mais le
projet comporte également un volet pédagogique, essentiel pour
sensibiliser les parents à
“la bonne attitude”
lorsque leur enfant est
malade. En effet, plus
de la moitié des enfants
reçus pourraient être
traités par un service
médical de proximité
car ils ne relèvent pas
d’une urgence véritable… ce qui désengorgerait le service des urgences
pédiatriques et faciliterait de fait la
prise en charge des vraies urgences.
En matière de recherche, nous
plaçons beaucoup d’espoirs dans une
étude menée par nos chercheurs en
génétique, sur la trisomie 21. Malgré
les progrès de la médecine, il naît
encore 1 à 2 enfants trisomiques
chaque jour en France. Parmi eux,
certains vont développer des compli-
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
Accompagnement des malades
ZOOM SUR UN PROJET FINANCÉ PAR LA FONDATION HCL
omment faire comprendre aux enfants
– parfois tout petits – et aux adolescents qu’ils souffrent de diabète et les
aider à vivre avec la maladie ? Comment leur
apprendre à être autonomes dans la gestion
de leur diabète ? C’est tout l’enjeu de l’éducation thérapeutique. Mais les outils pédagogiques traditionnels (supports papier multipliant
les QCM, tableaux, graphiques…) sont peu
adaptés aux enfants. Depuis 2013, l’équipe du
Service diabétologie pédiatrique de l’hôpital
Femme-Mère-Enfant (HFME) travaille à l’amélioration de ces outils pour communiquer plus
efficacement avec les enfants et rendre plus
ludique l’apprentissage. Fin 2014, une rencontre entre le chef de service, la direction des
projets innovants d’Orange et la Fondation
Hospices Civils de Lyon fait naître un projet
inédit : concevoir un “serious game” pour les
enfants diabétiques et s’appuyer sur cette
application ludique pour les séances d’éducation thérapeutique. Voici l’histoire de l’application “Lilou et le diabète”.
C
Lilou : l’alliée des soignants,
l’amie des enfants
© Image Point Fr / Shutterstock
Lilou est une petite fille née de l’imagination
des soignants, sous le crayon du mari d’une
cations médicales, une déficience
intellectuelle importante voire des
troubles de la relation sociale et de la
communication, tandis que d’autres
vont pouvoir suivre une scolarité dans
un milieu ordinaire avec une aide.
Aujourd’hui, nous ne savons pas l’expliquer et donc, a fortiori, l’anticiper.
© Robert Przybysz / Shutterstock
Enfants diabétiques : une application et un “bar à tablettes”
dédiés à l’éducation thérapeutique
éducatrice du service. En 2013, elle
est fabriquée sous forme de tableau
magnétique avec différents objets
aimantés représentant du sucre, des
bandelettes urinaires, un stylo à
insuline, etc. En faisant vivre ces
objets, les soignants montrent aux
jeunes malades ce qui se passe
dans l’organisme d’une personne
“saine”, puis dans celui d’un diabétique : trajet du sucre depuis la
bouche jusqu’aux muscles en
passant par le pancréas, apport de
l’hormone manquante par injection
d’insuline, etc.
Les enfants suivis en diabétologie à l’HFME
découvrent alors leur pathologie à travers
Lilou, au cours d’une semaine d’éducation
thérapeutique au moment de l’annonce de
leur diabète. Mais l’équipe soignante a
souhaité aller plus loin dans la sensibilisation et
rendre l’apprentissage interactif. Les explications du Pr Marc Nicolino, chef de service :
« Nous avons réalisé un jour que nous demandions à nos patients de couper leurs portables
en début de séance, alors que nous devions
plutôt utiliser ces outils numériques et digitaux
qui font partie de leur quotidien pour être plus
efficaces dans la transmission de nos
messages. Les enfants diabétiques ne
peuvent pas être passifs car ils doivent
très vite s’approprier leur diabète : lors de
la découverte de la maladie, ils restent
une semaine à l‘hôpital et ils doivent
impérativement en partir en sachant la
gérer. Une sensibilisation interactive à
travers le jeu leur permet alors de mieux
s’approprier la maladie et, en même
temps, d’intégrer un message : le diabète
c’est sérieux, mais pas dramatique. »
Avec un peu plus de 200 000 ¤, nos
chercheurs pourraient mener une
étude permettant d’expliquer les
différences d’évolution de la maladie
chez des enfants porteurs d’une même
anomalie génétique, afin de prévoir
les difficultés des enfants et ainsi
mieux adapter leur prise en charge.
Lilou prend le virage du numérique
Le projet est donc de concevoir le “serious
game” évoqué plus haut dont Lilou sera
l’héroïne, et s’appuyer sur cette application
ludique pour les séances d’éducation thérapeutique, dans une salle réorganisée sous
forme de “bar à tablettes”.
Bellecour Ecole rejoint alors l’aventure : en
lien avec les soignants, des étudiants volontaires travaillent sur le scénario et les règles du
jeu (étudiants Game Designers) et sur le
graphisme (étudiants Concept Artists). Le
personnage de Lilou est redessiné pour mieux
coller à l’univers des jeux vidéo et permettre
aux jeunes patients de s’identifier quel que soit
leur âge. Dans le même temps, le studio
BreakFirst Games, start-up lyonnaise, accepte
de s’associer au projet et de réaliser le développement informatique de l’application.
Seize mois plus tard, c’est avec une application totalement inédite, conçue pour eux et par
leurs soignants, que les patients de diabétologie pédiatrique vont apprivoiser leur maladie…
Mais nous avons encore bien d’autres projets pour lesquels de remarquables professeurs et leurs équipes
sont en attente de financements.
Vous pouvez en découvrir quelques
exemples sur le site web de la
Fondation Hospices Civils de Lyon :
www.fondationhcl.fr
䊔
Pour contacter la Fondation Hospices Civils de Lyon : tél. 07 89 83 03 91 / [email protected]
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2016
䉬
numéro 91
23
Téléchargement