Gazométrie artérielle aux urgences : Contre
Laurent Jacquin
Défendre le « contre » de la gazométrie artérielle aux urgences doit prendre en
compte 2 approches.
La première est de s’opposer à un acte pour lequel le risque de complications
semble supérieur au bénéfice apporté par ses résultats. La seconde est de faire abstraction
de ces complications et de discuter l’intérêt de cet examen en lui-même.
Premièrement, Il existe très peu d’étude dans la littérature sur les complications
d’une ponction artérielle simple, sans mise en place d’un cathéter, la rareté des événements
majeurs conduisant à la publication habituelle de cas rapportés. Seul Mortensen et coll en
1967 rapporte un taux de complication mineure de 2,5% en ce qui concerne la voie radiale,
c’est-à-dire sans influence ni sur la durée d’hospitalisation, ni le traitement, ni sur le
pronostic fonctionnel. Cependant, il convient de prendre en compte la douleur générée par
cet acte, parfois oubliée dans l’agitation des urgences, et de se poser la question de
l’influence des résultats de la gazométrie sur la démarche diagnostic et le devenir du patient.
La décision de réaliser cet examen doit tenir compte de certaines limitations : la
difficulté d’accès à l’artère, la réponse physiologique à un événement récent ou à une
modification de la ventilation, les conditions de prélèvements ; et de la validité des résultats
obtenus pour les interpréter : mélange air-sang artériel, mélange sang artériel–veineux,
supplémentation en oxygène, fréquence respiratoire.
Deuxièmement, Avant de prélever une gazométrie artérielle, il convient de
s’interroger sur les résultats attendus. Des éléments simples de l’examen clinique peuvent
prédire certains de ces résultats. C’est le cas de la SpO2. Lee et coll, entre autres, ont
retrouvé une corrélation entre la saturation pulsatile et la pression artérielle en O2. En effet,
une SpO2 supérieure à 92% permet d’écarter une hypoxémie avec une sensibilité à 92% et
une spécificité de 90%. Seule la concentration en CO de l’hémoglobine semble influer sur ces
résultats lors de l’analyse multivariée. De même, Corbo et coll, en 2002, concluent à une
forte corrélation entre les valeurs de CO2 obtenus par capnographie et la pression artérielle
du CO2 avec une différence moyenne de 1 mmHg lors des décompensations asthmatiques.
Ces derniers résultats doivent être validés sur une plus large population.
Par ailleurs, sur l’ensemble des patients se présentant aux urgences, indépendamment
de l’orientation diagnostique, plusieurs auteurs (Rang et coll en 2002, Middleton et coll en
2006, Malatesha et coll en 2007) parviennent aux conclusions similaires sur la corrélation
entre la gazométrie artérielle et veineuse à l’aide d’un facteur correctif. Le pH, le taux de
bicarbonates et la pCO2 semblent être les valeurs les plus fiables. Plus spécifiquement lors
des acido-cétoses diabétiques, Ma et coll, en 2003, relèvent la rare influence de la
gazométrie artérielle sur la démarche diagnostic et l’orientation des patients par les
médecins urgentistes. Leurs conclusions vont dans le sens d’autres études pour l’utilisation
des valeurs veineuses dans ce cas. Il en est de même pour la mesure de la pCO2 veineuse
chez les patients BPCO, notamment avec le travail de Kelly et coll qui propose le seuil de 45
mmHg avec une valeur prédictive négative de 100%. L’emploi de la gazométrie veineuse
aurait évité une ponction artérielle pour 29% de leur population.
Enfin, certains auteurs décrivent l’intérêt des gaz du sang capillaire qui apportent des
valeurs correctement corrélés avec les valeurs artériel. Seule la pO2 semble échapper à
cette règle et l’interprétation simultanée de la SpO2 semble éviter une ponction artérielle.
En conclusion, la gazométrie artérielle ne semble pas être un outil diagnostic
indispensable et des indications plus restreintes sont à envisager étant donné l’utilisation
possible, et plus confortable pour le patient, de la SpO2 et des prélèvements veineux ou
capillaires.
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