Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire 02/12/2013 BRIS Pierre-Nicolas L3 Immunopathologie et immunointervention Relecteur 11 Pr. Olive 16 pages Biothérapie cellulaire Plan A. Rappels I. Activation des lymphocytes T et réponse immune II. Lymphocytes B et anticorps B. Système immunitaire et cancer I. Traitements des cancers II. Tumeur et micro-environnement tumoral C. Immunothérapie cellulaire I. Les différents types d'immunothérapies T II. Déroulement de la pathologie tumorale III. Le rôle de l'immunité innée dans la réponse immune anti-tumorale IV. Les antigènes associés aux tumeurs (TAA) V. Les différentes stratégies d'immunothérapie active utilisant les TAA D. Anticorps monoclonaux I. Histoire des traitements à base d'anticorps monoclonaux II. Production des anticorps monoclonaux III. Récapitulatif des différents modes d'action des anticorps thérapeutiques A. Rappels I. Activation des lymphocytes T et réponse immune Comment activer le Lymphocyte T ? Le signal d'activation du lymphocyte T vient d'un récepteur qui reconnaît un antigène. Ce récepteur met en route le système, il est présent à la surface des lymphocytes T. L'antigène reconnu par cette molécule, c'est la combinaison d'un peptide associé à une molécule HLA, classe I ou II selon que ce soit CD8 ou CD4. Cette combinaison est portée à la surface des cellules présentant l'antigène. C'est le signal princeps, nécessaire mais non suffisant pour activer le lymphocyte. Pour que l'activation du lymphocyte T soit suffisante, il faut un deuxième signal. Le signal 1 joue un rôle important pour la spécificité, pour la mise en route mais « pour » éviter des problèmes d’auto-immunité, cette activation est très fortement contrôlée. Le signal qui va lui permettre de fonctionner, c'est la présence de molécules (dont le prototype est B7-1, B7-2 ou CD80/86) à la surface de la cellule qui amène l'antigène. La présence de ces molécules est induite, dans le cas d'une infection, par l'activation par le pathogène de la cellule présentant l'antigène. 1/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire La cellule présentant l'antigène et qui a les molécules B7-1/B7-2 va activer le LT qui a le récepteur T ad hoc et la molécule CD28 qui est la molécule de co-stimulation. Si on a tout ça, une réponse immune se met en place. Avec ces bases-là, on peut imaginer des déficits et des façons d'optimiser ces réponses dans un contexte pathologique. Déroulement d'une réponse immunitaire T On a trois phases lors d'une réponse immune. De gauche vers la droite : on a d'abord l'activation du LT par l'antigène lié à HLA et le signal de costimulation. Ensuite, le LT va proliférer. A ce stade-là, on a des facteurs de croissance qui jouent un rôle moteur dans ce phénomène. On a historiquement l'Interleukine 2 mais d'autres ont été décrits. Ces cytokines vont permettre d'avoir une prolifération des cellules pour amplifier la réponse. En même temps, on a une différentiation des cellules qui vont alors acquérir leur programme fonctionnel pour être le plus efficace possible et acquérir une fonction différenciée. 2/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire A droite, on a la cellule activée. Son fonctionnement est maintenant différent. La cellule activée a quitté les organes lymphoïdes (rate, etc...) et se trouve dans les tissus périphériques pour lutter contre une infection par exemple. On a sur l'image une cellule épithéliale infectée par un virus. Dans ce contexte, la cellule activée est capable d'aller vers le lieu d'infection. Son activation ne dépend alors plus que du récepteur T. Il n'y a plus besoin du signal de co-stimulation. La cellule de gauche est la cellule dite naïve, celle de droite est la cellule différenciée qui a la fonction effectrice. II. Lymphocytes B et anticorps Le système immunitaire acquis ou adaptatif comprend la réponse T mais aussi les lymphocytes B. Le lymphocyte B n'a pas d'effet direct pour lutter contre un pathogène mais il fonctionne par procuration : au stade terminal de sa différentiation, il produit des anticorps. Les anticorps sont intéressants en biothérapie car c'est un outil très puissant. Sur cette figure, on voit deux des fonctions les mieux connues d'un anticorps : à gauche, l'activation du complément. La conséquence de l'activation du complément, c'est que l'anticorps qui va reconnaître son antigène peut induire la lyse de la cellule qui porte cet antigène grâce au recrutement du complément. A droite, le recrutement des effecteurs de l'immunité. On peut voir le recrutement d'un phagocyte qui est apte à interagir avec une structure reconnue par l'anticorps. Dans ce contexte-là, l'anticorps fonctionne à travers son site appelé le fragment Fc, qui est la partie constante. Le fragment Fc va permettre de recruter les cellules phagocytaires grâce aux Fc récepteurs présents à la surface de ces cellules. 3/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire B. Système immunitaire et cancer I. Traitements des cancers Beaucoup de traitements actuels dans le cadre de leucémies, de lymphomes font appel au système immunitaire. Sur cette diapo, on voit l'ensemble des médicaments utilisés chez un patient atteint de leucémie ou de lymphome. A gauche, en vert, on a des traitements classiques : les chimiothérapies et la radiothérapie. Juste en dessous, on a des traitements qui vont agir sur les oncogènes (molécules impliquées dans le développement du lymphome, de la leucémie, ex : kinase inhibitors). Dans la partie haute du camembert, en couleurs mauve et bleue, on a les transplantation de moelle osseuse ou de cellules souches. La façon dont ça marche, c'est essentiellement à travers ce qu'on appelle la réponse immunitaire allogénique impliquant surtout des effecteurs immuns qui sont issus le plus souvent de la sœur ou du frère et qui vont avoir des fonctions anti-tumorales. C'est connu depuis les années 70, c'est un standard thérapeutique. On peut utiliser des lymphocytes du donneur qu'on injecte en même temps que les cellules de moelle osseuse ou les cellules souches pour avoir la réponse allogénique. A droite, on a les anticorps monoclonaux, ce sont des traitements qui sont entrés dans le domaine thérapeutique de l'immunothérapie des lymphomes depuis 1997. On peut donc utiliser les anticorps, il y a par exemple CD20. CD est une nomenclature internationale, qui veut dire groupe de différenciation. On peut ainsi avoir un nom d'anticorps reconnu au niveau international. CD 20 est le premier et depuis ce domaine se développe avec des cibles portées par les lymphomes et leucémies. 4/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire A côté de ça, on a des thérapies plus expérimentales qui correspondent à l'immunothérapie active. Active veut dire que ce que l'on va injecter va stimuler une réponse par le système immunitaire du receveur. Cela permet une vaccination du patient contre quelque chose (tumeur par exemple). Ce sont des thérapies qui font partie des plus attractives car la réponse dure longtemps mais il existe néanmoins des soucis quant à l'efficacité vaccinale. Pour finir, il y a des agents chimiques utilisés tous les jours chez les patients. Le prototype, qui est l'un des plus intéressants, s'appelle IMID. Ce sont des agents qui modifient les réponses immunes. IMID est un acronyme anglais qui veut dire Immunomodifiers. Plusieurs composés sont utilisés et certains sont des traitements utilisés chez les patients atteints de leucémie et de myélome multiple (cancer du plasmocyte). On a donc dans les stratégies thérapeutiques actuelles des agents qui vont utiliser le système immunitaire de manière différente par rapport aux thérapies standards. II. Tumeur et micro-environnement tumoral a) Le micro-environnement tumoral Au niveau d'un cancer, on a un environnement complexe avec de nombreux acteurs qui vont au delà de la tumeur et qui impliquent d'autres partenaires dont le système immunitaire qui est présent au niveau du site. On a une réponse immune des cellules immunes présentes qui est plus ou moins importante avec une réponse plutôt CD8 et CD4, de type suppresseur. On a aussi les vaisseaux, du collagène et un stroma avec des fibroblastes. On ne sait pas répondre à certaines questions comme : pourquoi y a-t-il des différences entre les différentes tumeurs dans ce microenvironnement tumoral ? 5/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire Les différences dans le microenvironnement tumoral peuvent avoir des conséquences sur le pronostic La biothérapie consiste ici à agir sur la tumeur pour permettre de l'éliminer de façon plus efficace (IMIDs). On peut agir aussi sur le microenvironnement (par exemple le fibroblaste ou les cellules immunes présentes). L'immunothérapie, c'est l'utilisation des agents issus du système immunitaire qui vont participer au contrôle de la tumeur. Les agents utilisés à l'heure actuelle sont les anticorps monoclonaux, les facteurs de croissance (cytokines ou IL), les agents qui vont agir sur les lymphocytes T (vaccins...) ou les lymphocytes T eux-mêmes (modification des lymphocytes T par thérapie cellulaire). On sait depuis 25 ans que les cellules tumorales ont des cibles reconnues par le système immunitaire, il y a des listes de molécules reconnues. Ce sont des cibles pour le système immunitaire acquis et inné (monocytes, macrophages, NK...). b) Tolérance et échappement Il existe des mécanismes de tolérance (analogie avec les maladies auto-immunes) et des mécanismes d'échappement et de résistance. Dans la plupart des tumeurs humaines, on a des mécanismes de tolérance. Cela correspond à un ensemble de mécanismes qui empêchent la réponse immune acquise ou innée d'être mise en route ou de fonctionner. On a aussi des mécanismes d'échappement et de résistance. Au cours du temps, les tumeurs humaines vont accumuler des mécanismes qui vont empêcher la réponse de fonctionner de façon efficace. Le point commun, c'est qu'une fois ces mécanismes en place, ils peuvent affecter aussi bien l'immunité adaptative qu'innée. Depuis les années 2000, les stratégies thérapeutiques ont pour but entre autres d'agir sur ce mécanisme d'échappement, de résistance en essayant au mieux d'augmenter les réponses immunes en agissant sur les inhibiteurs portés par la tumeur ou son environnement qui vont inhiber les réponses immunes. C. Immunothérapie cellulaire I. Les différents types d'immunothérapies T a) L'immunothérapie T active On a les immunothérapies T qu'on appelle actives, ce qui veut dire que l'on va modifier le système immunitaire du patient par la création d'un immunogène qui va induire une vaccination. Pour ne pas confondre avec le vaccin prophylactique classique, on est ici dans une stratégie de vaccination thérapeutique. Dans ce cas-là, on agit sur un patient qui a la pathologie, on ne veut donc pas se prémunir de la pathologie vu qu'elle est déjà là. Ce que l'on cherche à obtenir, c'est créer un vaccin chez ce patient afin d'avoir une réponse efficace car on considère que si un cancer s'est développé, la réponse immune a échoué. Il y a plusieurs types d'immunogènes possibles. Certains sont très compliqués à utiliser. • On peut utiliser des tumeurs autologues (thérapie personnalisée), cela consiste à utiliser une tumeur du patient, à la modifier in vitro et à la réinjecter. Ça s'est beaucoup pratiqué il y a quelques années mais moins à l'heure actuelle. 6/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire • On peut réaliser une thérapie allogénique : on peut utiliser une lignée tumorale chez quelqu'un qui a une leucémie. Allogénique veut dire issu d'un autre individu de la même espèce. C'est de moins en moins utilisé à l'heure actuelle. C'est facile à préparer mais concernant la réponse, celle-ci va être maximale contre les HLA mais les effets anti-tumoraux seront minimes. Ça ne fonctionne donc pas très bien. • Ce qui est le plus en vogue à l'heure actuelle, ce sont les Defined antigens (antigènes moléculairement définis). C'est la suite des travaux des années 90 qui ont identifié plusieurs centaines d'antigènes reconnus par les lymphocytes T et portés par les tumeurs. Les industriels ont donc pu créer des médicaments vaccins qui sont en ce moment à l'étude. Ce sont des antigènes bien définis, préparés aux normes pharmaceutiques et injectés chez le patient. b) L'immunothérapie T passive L'immunothérapie T passive part du principe qu'il n'y a pas assez de lymphocytes T anti-tumoraux à cause de la tolérance notamment. Une thérapie personnalisée est réalisée, elle consiste à produire des effecteurs lymphocytaires CD4 et CD8 anti-tumoraux, in vitro. Ce sont des stratégies qui ont l'avantage de leur ciblage. La difficulté est d'obtenir chez chaque patient assez de cellules pour pouvoir les réinjecter, ce sont des coûts très importants. c) Inhibition des inhibiteurs On peut aussi inhiber les inhibiteurs. Il y a plusieurs façons d'agir pour obtenir cette immunomodulation. L'immunomodulation, c'est moduler la réponse immune, ici pour avoir une stimulation de la réponse T. Il y a plusieurs stratégies utilisant des anticorps monoclonaux. Le chef de file est l'anti-CTLA-4. On va agir sur d'autres molécules portées par la tumeur ou les lymphocytes T grâce aux anticorps monoclonaux ou à des agents chimiques tels que anti TGF beta, anti PD1 ou des inhibiteurs de COX2. II. Déroulement de la pathologie tumorale a) Développement de la tumeur On peut voir sur la diapo ci-dessous le développement d'une tumeur observée chez la souris et comment le système immunitaire se positionne par rapport à cette tumeur. Ce qui est reconnu chez la souris, c'est qu'il y a une réponse T dirigée contre la tumeur. Dans la plupart des tumeurs chez la souris, ces lymphocytes T vont agresser la tumeur et la détruire. A partir d'un certain stade, la tumeur n'est plus tuée par le système immunitaire car des variants se développent. Ce sont des modifications génétiques au niveau de la tumeur. On a des variants avec divers types de modifications génétiques qui vont faire que la tumeur est de moins en moins reconnue par le système immunitaire, le prototype étant la perte par la tumeur du complexe HLA de classe I (20% des cancers du poumon chez l'homme). Si on suit la souris sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, dans l'immense majorité des cas, on bascule sur la partie droite de la diapo. La tumeur a donc régressé, elle s'est stabilisée et au bout d'un certain temps, la tumeur redémarre. La caractéristique de cette tumeur est d'avoir moins de capacité à être reconnue par le système immunitaire et elles ont, en particulier, des mécanismes d'immunosuppression souvent très puissants qui se retrouvent au niveau de ces tumeurs chez la souris mais aussi chez l'homme. Cela correspond à une théorie publiée dans les années 2000, la théorie des 3 E : Elimination, Equilibre et Echappement. C'est une des théories qui est à l'oeuvre chez la plupart des chercheurs qui travaillent dans ce domaine. 7/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire b) Mécanismes d'échappement Au niveau des mécanismes d'échappement, en haut et à droite de la diapo: – on a PD-1 sur le lymphocyte T, son récepteur est PDL-1. C'est une molécule de co-signalisation, elle va inhiber les réponses T. Si la tumeur exprime PDL-1, le lymphocyte T qui est au contact, en reconnaissant PDL-1, va être inhibé – il y a aussi CTLA-4, c'est aussi une molécule de co-signalisation et qui inhibe les réponses immunes. Si on retrouve dans l'environnement B7-1/B7-2 qui sont les ligands de CTLA-4, les lymphocytes T vont être inhibés. C'est ce qu'on observe dans les tumeurs humaines. On a accumulation au niveau du site tumoral de lymphocytes T qui vont surexprimer PD-1 et CTLA-4. On peut donc proposer un traitement : on va agir avec des anticorps monoclonaux qui vont empêcher l'interaction entre le récepteur porté par le lymphocyte T (CTLA-4 et PD-1) et son ligand présent dans l'environnement tumoral. B7-1 et B7-2 ne sont pas présentes sur les tumeurs (excepté sur les tumeurs hématopoïétiques). Ces ligands sont donc présents sur les cellules de l'environnement qui sont modifiées par la tumeur, en particulier les cellules présentant l'antigène qui sont perturbées et vont exprimer les ligands de façon inappropriée. 8/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire Les cellules tumorales portent donc à leur surface des molécules que le système immunitaire peut reconnaître. Il y a dans le sérum de patients des anticorps pouvant reconnaître les antigènes que sont les molécules que les cellules tumorales portent à leur surface (découvert en 1995). Depuis ce temps, des tentatives de vaccination ont été faites et aujourd'hui, le seul traitement vaccinal qui soit reconnu et utilisé chez des patients est le Provenge®. C'est un traitement utilisé dans les cancers de la prostate. C'est une combinaison d'un antigène particulier associé à des cellules présentant l'antigène. C'est un vaccin cellulaire. Il n'est pas révolutionnaire mais possède tout de même une certaine efficacité. c) A-t-on des moyens de prédire en observant l'infiltrat immun au niveau de la tumeur si le cancer est associé à un bon ou à un mauvais pronostic ? C'est une discussion très ancienne, toujours pas tranchée à l'heure actuelle. Il y a quelques cancers où il semble que plus il y a une réponse T (CD8) et de cellules mémoires, meilleur sera le pronostic. C'est proposé dans le cancer du colon, dans le cancer de l'ovaire mais c'est beaucoup moins évident dans les autres. Quand on a un infiltrat, on a un équilibre de plusieurs populations de cellules. Le problème des réponses immunes, c'est que les cellules qui se différencient ont des fonctions effectrices de plusieurs types. Il peut y avoir un lymphocyte T qui peut être une cellule TH1 qui va produire de l'interféron γ, de l'interleukine 2 qui peut activer des macrophages mais on peut avoir avoir juste à côté des cellules suppressives qui agissent comme des inhibiteurs. Sur un site tumoral, on peut donc avoir côte à côte des cellules anti-tumorales et des cellules qui vont agir sur ces cellules anti-tumorales pour les inhiber. Si on a les deux populations de cellules en quantité égale, on ne sait pas ce qui va se passer. C'est le problème de l'interprétation du microenvironnement tumoral. Chez la souris, on peut avoir au niveau des tumeurs des cellules suppressives T, B et myéloïdes qui vont perturber les réponses. III. Le rôle de l'immunité innée dans la réponse immune anti-tumorale L'immunité innée est constituée de cellules déjà prêtes à l'emploi en quelques minutes. Chez l'homme, l'immunité innée à travers les cellules NK a des effets anti-tumoraux. Dans un contexte très particulier de transplantation, il a été découvert que les NK allogéniques sont capables de lutter contre les tumeurs. Un des récepteurs essentiels de la fonction des NK mais aussi des lymphocytes T est une molécule de surface appelée NKG2D. C'est un récepteur activateur. S'il est présent à la surface des cellules, il a un rôle favorable pour que ces cellules soient capables de fonctionner. Il a été découvert en 2001 que les ligands de NKG2D étaient portés par les tumeurs traitées par chimiothérapie ou radiothérapie. Cela a surpris au départ mais ce n'est finalement pas choquant car les cellules de l'immunité innée reconnaissent les cellules stressées. Ce qui a été démontré un peu plus tard, c'est que si on analyse le sérum ou le microenvironnement, on se rend compte que les ligands de NKG2D sont clivés par des protéases et sont présents immédiatement dans le sérum sous forme soluble ou dans le microenvironnement. La conséquence, c'est que ces ligands solubles vont interagir avec NKG2D et vont induire son internalisation sans fonction. Sur les NK, on trouve une dizaine de récepteurs activateurs et la plus forte activation survient suite à une combinaison de plusieurs récepteurs. Dans les leucémies, on pense qu'il y a 4 récepteurs qui jouent un rôle majeur dans les fonctions des NK. Jusqu'à preuve du contraire, ils ne sont pas clivés. Dans ce cas-là, le contexte allogénique est suffisant pour permettre d'avoir la bonne combinaison. 9/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire IV. Les antigènes associés aux tumeurs (TAA) Les antigènes associés aux tumeurs (TAA) sont les cibles des cellules T présentes à la surface des tumeurs. Comment les a-t-on identifiés ? Les premiers antigènes tumoraux qui ont été identifiés l'ont été à partir de tumeurs humaines. Ce qui a été fait, c'est de récupérer une pièce opératoire tumorale, d'obtenir des fragments tumoraux (tumeur + microenvironnement). Dans la culture, les investigateurs avaient utilisé une cytokine importante pour les lymphocytes T CD8 (IL2). Au bout de quelques semaines, sous l'influence de l'interleukine 2, les lymphocytes au contact des antigènes portés par la tumeur vont proliférer. Cela a permis d'obtenir des lymphocytes spécifiques d'antigènes qui ont été identifiés. Une expérience est ensuite réalisée pour démontrer que ces lymphocytes issus de la tumeur ont des potentialités anti-tumorales : la première étape consiste à obtenir une lignée tumorale (après la biopsie, on adapte la tumeur in vitro et ça permet d'avoir une lignée tumorale, dans le mélanome par exemple ça marche entre 1/3 et la moitié des cas). A partir de cette lignée, les lymphocytes T cytotoxiques obtenus étaient capables de reconnaître sur la tumeur, dans un contexte HLA-dépendant, un peptide issu d'un antigène. Celui-ci s'est révélé être le premier TAA. 10/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire Les 5 grands groupes de TAA A l'heure actuelle, il y a 5 grands groupes de TAA qui définissent la centaine d'antigènes portés par les tumeurs et reconnus par des lymphocytes T. • Le premier antigène décrit en 1991 correspond à la catégorie 1, c'est un antigène spécifique commun à plusieurs tumeurs. Ça correspond à un gène qui est présent dans la vie foetale, éteint pendant le processus d'acquisition de l'âge adulte et qui se ré-exprime dans la tumeur. C'est le prototype des antigènes que l'on appelle oncofoetaux. • Le deuxième grand groupe correspond à quelque chose qui est beaucoup plus spécifique au processus tumoral, pouvant être une protéine oncogénique. Dans la leucémie myéloïde chronique, c'est un gène de fusion nommé BCR/ABL qui peut donner des antigènes issus de la protéine oncogénique produite par ce gène. On retrouve aussi dans les tumeurs (mélanomes) des mutations somatiques (se met en place quand la tumeur se développe et il y a une hétérogénéité au niveau de celle-ci). Ces mutations créent un type d'épitope. • Le troisième groupe correspond aux protéines ubiquitaires sur-exprimées dans le processus tumoral. Les processus tumoraux se traduisent par des dérégulations importantes au niveau de processus de transcriptions, d'épissages, de glycosylation etc... mais il peut y avoir aussi des sur-expressions. Le système a tendance à ne pas voir un antigène qui est présent en toute petite quantité, c'est la tolérance basse dose. Par contre, à partir d'un certain seuil, il est mis en éveil et on pense que c'est ce qui se passe pour les tumeurs quand on atteint des niveaux importants. • La 4ème catégorie était la plus inattendue, ce sont les antigènes de différentiation tissulaire ou cellulaire. Dans les mélanomes et leucémies, c'est un cadre très important. Ex : une des surprises initiales dans le mélanome, qui est un cancer issu du mélanocyte, c'est de se rendre compte qu'on pouvait isoler dans la tumeur des lymphocytes anti-tumoraux qui reconnaissaient les cellules tumorales mais aussi le mélanocyte normal. Au niveau du tissu, en particulier tumoral, dans les cellules immunes présentes in situ, il y a des cellules dirigées contre la tumeur mais ils ne sont pas restreints au mélanome puisqu'ils détectent aussi le mélanocyte normal. Ça pourrait expliquer les vitiligo : ce sont des zones de dépigmentation cutanées, des zones achromiques, qui sont liées au fait qu'on a une destruction au niveau de ce site-là des mélanocytes par une réponse immune. • La dernière catégorie correspond aux antigènes viraux, que l'on retrouve dans les cancer directement liés à un pathogène, en particulier viral. La caricature, c'est HPV (papilloma virus, cancer du col de l'utérus) et EBV (Epstein Barr virus). Le premier antigène tumoral identifié est aussi le mieux connu, il s'appelle MAGE (melanoma antigen). A partir de ça, on a pu développer des stratégies d'immunothérapie active. 11/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire V. Les différentes stratégies d'immunothérapie active utilisant les TAA Il y a plusieurs types de candidats vaccins qui sont utilisés : – On peut utiliser le peptide (antigène) directement. Un peptide présenté par HLA classe I fait 8 à 10 acides aminés. On va ajouter à ce peptide des adjuvants. Un adjuvant correspond à tous les éléments de la réponse immune en plus de l'antigène qui vont permettre au lymphocyte T de s'activer. Ce sont par exemple tous les éléments de l'immunité innée qui vont contribuer à créer une réponse immune et une activation des lymphocytes ainsi que les cellules présentant l'antigène, les cytokines présentes dans l'environnement, les molécules de co-stimulation et tout l'environnement favorable au lymphocyte T. Les adjuvants représentent donc quelque chose de très important. C'est un axe de recherche majeur car on n'a pas de très bons adjuvants actuellement, qui garantissent un effet vaccinal efficace. L'avantage de cette stratégie, c'est qu'on peut reconnaître facilement le lymphocyte T qui va reconnaître ce peptide. L'inconvénient, c'est que les peptides sont des produits très labiles, ils sont dégradés en quelques minutes parce que les protéases font partie des enzymes les plus représentées dans un environnement tissulaire quel qu'il soit. – On peut prendre l'antigène moléculaire mais sous forme de protéine. On produit la protéine et on injecte chez le patient la protéine en totalité avec tous les peptides possibles portés par la protéine et l'adjuvant. L'avantage de cette technique, c'est qu'on a potentiellement plusieurs peptides qui vont être créés si, dans l'environnement, il y a des protéases suffisantes pour les cliver et on a les bons sites qui vont permettre à ces peptides de s'associer aux molécules HLA de classe I et de classe II. Il y a toujours les mêmes problèmes au niveau de l'adjuvant. L'inconvénient de cette stratégie, c'est qu'il est parfois plus difficile techniquement d'identifier la réponse, car, dans les potentialités, on aura plusieurs dizaines de récepteurs T différents qui pourront être mis en route. Les identifier est donc plus difficile. – On peut partir sur des vecteurs (plasmide). On utilise dans ce cas-là des constructions issues de virus, en particulier des virus qui vont avoir une réplication dans les cellules présentant l'antigène. L'avantage de cette stratégie, c'est que le virus est très efficace pour se développer dans un environnement cellulaire et avoir une transcription de gènes qui vont s'associer aux molécules HLA de classe I et II et stimuler les cellules présentant l'antigène. On a plusieurs stratégies vaccinales dérivées des virus. L'inconvénient, c'est que le virus est tellement efficace pour avoir une réponse immune que si on l'injecte une fois, la réponse contre le virus va être totalement dominante. Si on fait une deuxième injection, le système immunitaire va nettoyer le vaccin très rapidement. Des combinaisons sont proposées. On injecte tout d'abord par exemple un adénovirus dans lequel on met le gène MAGE, on a la première réponse. Pour le rappel, on va utiliser une construction issue d'un autre virus totalement différent, par exemple un poxvirus. L'avantage de cette combinaison, c'est qu'on combine l'efficacité d'immunisation et il y a peu de chance d'avoir une réponse qui va éliminer le deuxième virus car il est différent du premier. 12/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire – On peut aussi utiliser les cellules professionnelles qui servent à induire les réponses immunes, ce sont les cellules dendritiques. On les produit in vitro et on les modifie de la façon la plus ad hoc (adéquate) avec un virus recombinant. On réalise donc le vaccin dans la cellule présentant l'antigène avant de l'injecter chez le patient. Il faut vérifier si le vaccin fonctionne. Pour cela, on regarde dans le sang du patient si ce qui a été réalisé induit une réponse chez ses patients. On peut aussi utiliser des anticorps monoclonaux. D. Anticorps monoclonaux I. Histoire des traitements à base d'anticorps monoclonaux Le premier anticorps monoclonal à usage thérapeutique accepté comme un médicament est l'anti-CD20, utilisé dans les lymphomes en 97. Le but à l'époque était d'avoir à travers l'anticorps la reconnaissance d'une cible portée par le lymphome en considérant que l'anticorps thérapeutique allait être capable de participer à éliminer la cellule lymphomateuse. Basé sur cette stratégie, un nouvel anticorps est arrivé en 98, dirigé contre un récepteur tyrosine kinase (HER-2neu) portée par les tumeurs solides (cancer du sein). Ces médicaments sont injectés tous les jours à des patients. C'est un traitement devenu totalement banal. On ne connaît qu'en partie le mécanisme d'action. On pensait au début que ça allait tuer la tumeur, cela semble le cas in vitro mais c'est moins sûr in vivo. En 2002,il a été démontré chez des patients atteints de lymphome que l'efficacité de l'anticorps était d'autant plus importante que ces patients avait un polymorphisme particulier pour un le gène CD16. CD16 est un Fc récepteur. Il est présent sur les monocytes, les NK et sur certains lymphocytes T. Dans la population, il y a un polymorphisme de ce gène qui fait qu'on sera plus ou moins affin (être capable d'interagir plus ou moins fortement avec le Fc de l'anticorps). Chez les personnes qui avaient le polymorphisme donnant la meilleure affinité pour le Fc des anticorps, ces patients avaient une meilleure réponse à l'anticorps. Comme CD16 est présent surtout sur les NK et les monocytes, cela a fait conclure qu'en dehors des fonctions que l'on croyait être uniquement dues à l'effet direct de l'anticorps, il y avait un recrutement à travers les Fc récepteurs. L'anticorps agit donc par l'intermédiaire de cellules. On s'est rendu compte en 2011 qu'au plus la maladie était avancée, au moins les cellules NK fonctionnaient et au moins leur capacité à recruter l'anticorps et à fonctionner était faible. Cela veut dire que ces anticorps, dans leur fonctionnement, ont vraisemblablement une action directe mais aussi une action par procuration en recrutant des cellules de l'immunité innée. Les anticorps sont utilisés d'une autre façon : c'est l'exemple des anticorps anti-CTLA-4/ anti-PD-1 chez les patients atteints de mélanome. L'anti-CTLA-4 depuis le début des années 2000 et l'anti-PD-1depuis 2010. L'anti-CTLA-4, depuis 2010, est un médicament reconnu pour des patients atteints de mélanomes métastatiques. Il s'agit donc d'un traitement qui vise à augmenter la réponse en agissant sur les molécules de cosignalisation pour inhiber les inhibiteurs. 13/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire II. Production des anticorps monoclonaux Comment sont créés les anticorps utilisés dans les 2 indications décrites au dessus? La plupart des anticorps sont réalisés par immunisation de souris avec des molécules humaines. Cesar Milstein a eu le prix Nobel pour avoir réussi à créer un hybridome en 1975. A l'époque, on savait immuniser des souris contre des molécules humaines mais une fois l'immunisation réalisée, on pouvait récupérer les lymphocytes B mais on ne savait pas les garder en culture de façon prolongée pour permettre de produire des anticorps (on ne sait toujours pas le faire aujourd'hui). Milstein a eu l'idée de créer un hybride somatique, hybride voulant dire qu'il a pris un lymphocyte B issu de la souris immunisée et qu'il a créé une fusion chimique entre le lymphocyte et une cellule de myélome (cellule tumorale dérivée du plasmocyte) grâce à un agent chimique. Il a créé la cellule hybride qui s'est retrouvée avoir les deux potentialités : un petit nombre de cellules ont émergé de la fusion et ont gardé à la fois les capacités de prolifération du myélome, le programme de transcription des protéines de la cellule tumorale et le programme de production des anticorps du lymphocyte B du lapin immunisé. A la fin, on obtient une cellule qui prolifère de façon éternelle et qui est capable de produire des anticorps que le lymphocyte B de la souris avait produit. Ça a été une révolution, c'est un outil majeur utilisé dans tous les laboratoires du monde à l'heure actuelle pour créer ce type de médicament. Les différents types d'anticorps utilisés 14/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire Le domaine de l'anticorps qui reconnaît l'épitope est le fragment Fab. La zone précise de reconnaissance de l'antigène est restreinte aux CDRs. Les premiers anticorps monoclonaux qui ont été utilisés sont des anticorps de souris. Le problème, c'est que lorsqu'on utilise chez l'homme une molécule d'une autre espèce, le système immunitaire crée une réponse contre ce qu'on lui injecte. Ces premiers médicaments à base d'anticorps de souris marchaient mais très peu de temps puisque dès que l'on réinjectait les anticorps, une réponse immune du patient contre les protéines murines se créait progressivement. Au bout d'un moment, l'effet s'éteignait. Basé là-dessus, du génie génétique a été réalisé. On a créé des anticorps dits chimériques. L'anti-CD20 est la première chimère utilisée chez l'homme. Cela correspond à un anticorps hybride. Sur la diapo, les parties claires sur l'anticorps qui est en bas à gauche viennent de l'homme, les parties foncées viennent de la souris. On a donc greffé les parties foncées appartenant à la souris sur la partie humaine. Depuis, on a varié dans les techniques et beaucoup d'anticorps actuels sont des anticorps dits humanisés. A partir des analyses au niveau génétique, une fois qu'on a séquencé les CDRs, on peut modifier le gène humain pour créer ces CDRs dans un gène humain d'immunoglobuline. On peut fabriquer différents types de fragments de taille diverse que l'on peut utiliser dans différentes fonctions. C'est un outil technologique fortement développé aujourd'hui dans différents contextes. On peut aussi utiliser des souris dans lesquelles on a rajouté le patrimoine génétique humain. On a alors des anticorps complètement humains. 15/16 Immunopathologie et immunointervention – Biothérapie cellulaire III. Récapitulatif des différents modes d'action des anticorps thérapeutiques Sur cette diapo, on voit : En a) les différentes manières pour un anticorps de tuer directement une cellule tumorale. On voit que l'on peut utiliser l'anticorps comme un véhicule pour localiser ce qu'on veut amener : la chimiothérapie, les radiations ionisantes, une toxine vers la tumeur. L'anticorps reconnaît la tumeur et de par sa spécificité, il va permettre de concentrer l'agent toxique au niveau de la tumeur. En c), on voit la fonction de l'anticorps en tant qu'antagoniste. Le meilleur exemple, c'est la lutte pour empêcher l'oxygénation de la tumeur et pour inhiber la prolifération des vaisseaux. Il y a des traitements actuels qui ont pour d'agir sur les vaisseaux, on peut agir par exemple sur le VEGF qui est un des mieux connus comme agent permettant le développement des vaisseaux. En b), on a la régulation des effecteurs immuns à travers les anticorps. Dans la partie du haut, on voit une utilisation par les anticorps des effecteurs immuns cellulaires dans le but de tuer ou d'opsoniser la cellule tumorale. Dans la partie du bas, l'anticorps permet de restaurer une réponse immune qui est déficiente grâce à l'inhibition des inhibiteurs. On a donc la thérapie à base d'anticorps et la thérapie cellulaire qui se recoupent ici. 16/16