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La nature inégalitaire de léconomie coloniale se retrouvait dans lorganisation
spatiale des villes. Par exemple, à Kinshasa (alors Léopoldville), la population européenne
résidait dans le quartier de la Gombe et dans les parties situées à louest de la ville, autour
du centre industriel le long du euve Congo – dans les quartiers de Limete et Kingabwa.
La population vivait alors dans les quartiers périphériques, dont certains étaient des
villages précoloniaux agglomérés à la ville en pleine croissance.
La période de post indépendance nest pas parvenue à transformer en profondeur
cette structure inégale et discriminatrice, avec un impact profond sur léconomie des
villes et léconomie rurale. Le mouvement de modernisation de la n des années 1960 et
1970 a bénécié aux principales villes du pays, avec dimportants investissements dans
les infrastructures, mais a également contribué à renforcer les inégalités préexistantes.
A partir du milieu des années 1970, les politiques de « Zaïrianisation »1, puis
de « radicalisation » et de « rétrocession » eurent des conséquences désastreuses,
participant à laggravation de deux formes dinégalités : (i) dabord au sein des
métropoles où la crise économique conduisit à une désindustrialisation accélérée et/
ou à la destruction des entreprises agricoles, faisant disparaître lemploi formel tout en
renforçant une consommation des élites permise par un monopole de la rente minière;
(ii) également, entre léconomie urbaine et léconomie rurale, par le déclin dramatique
de lactivité agricole, celle-ci nayant pas reçu les investissements nécessaires au soutien
de la production.
Ainsi, la relation fonctionnelle entre les villes et le monde rural se sont trouvées
aaiblies, puis ont disparu presque entièrement. Cette relation sétait développée sur un
modèle dexploitation, mais avait eut également un rôle structurant: le développement
dune lagriculture commerciale à fort rendement résultait dans la création de valeur
ajoutée rurale, créait des infrastructures sociales et économiques de base, et injectait dans
une économie largement fondée sur la subsistance, des salaires et un début de capacité
dépargne.
Avec leondrement du système, ces territoires sont devenus de plus en plus isolés –
notamment du fait de labandon du réseau de transport sur lequel reposait léconomie.
A titre dillustration, en 1995 le transport de marchandises (cargo) représentait
seulement 10% de son niveau de 19882. Les investissements vers les zones rurales
stoppèrent totalement, aectant lensemble dun système économique devenu vital pour
les populations locales. Les villes devinrent graduellement isolées du reste du pays et
des unes des autres, devenant des enclaves connectées uniquement à létranger et à leur
hinterland le plus proche. Les événements de la n des années 1980 et du début des
années 1990 eurent des conséquences dramatiques, accélérant ce phénomène.
Tout dabord, leondrement du secteur minier entraîna un assèchement des réserves
de devises étrangères, avec des conséquences catastrophiques sur les nances publiques et
sur lensemble de léconomie urbaine, le Gouvernement se trouvant rapidement à court