La musique, pourquoi elle rythme nos vies ?
perception auditive est améliorée. « Ils ne font plus d’erreur sur ces grandes variations d’un demi-ton,
seulement 3 % d’entre eux se trompent encore. Cette sensibilité sonore augmente leurs capacités de
lecture. Pourquoi ? Peut-être parce que s’ils ne reconnaissent pas les différences entre certains sons de
leur langue, ils ne les repèrent pas à l’écrit », propose la chercheuse. D’autres résultats montrent
également de fortes relations entre la sensibilité des dyslexiques à la prosodie, c’est-à-dire à la musique
du langage (intonation des voix, etc.), et le développement des capacités de lecture. La musique pourrait
alors pallier certains troubles de la dyslexie en favorisant la sensibilité auditive. Et ce, sans confronter
l’enfant à son déficit, à la différence des entraînements actuels basés sur des exercices de langage.
À l’université de Caen, Hervé Platel, professeur de neuropsychologie, étudie des patients déments
Alzheimer en clinique. « Malgré les troubles avérés du langage et des concepts sémantiques, certaines
capacités musicales sont conservées », explique Hervé Platel. Pour savoir si un apprentissage musical est
encore possible chez ces patients, le chercheur leur a organisé six séances d’une heure et demie
d’enseignement de chansons nouvelles. « Ils sont effectivement capables de restituer une mélodie
lorsqu’on les aide à retrouver les paroles de la chanson. Maintenant, il faut déterminer quels substrats
cérébraux sont alors activés, car l’apprentissage ne s’effectue pas pour des textes présentés sans mélodie.
» À suivre donc... Décidément, la musique n’a pas fini de jouer avec notre corps et notre esprit !
1.5. Du disque dur au disque d’or
Il y a cinquante ans, dans l’enceinte des célèbres laboratoires Bell Telephone dans le New Jersey, Max
Mathews réalisait le premier enregistrement numérique et aussi la première pièce musicale synthétisée
par un ordinateur, une composition de 17 secondes. Mathews, ingénieur et musicien américain, avait
compris avant tout le monde que ces énormes calculateurs ouvraient un champ d’exploration musicale
illimité. Très vite, s’est formé autour de lui un groupe de pionniers de l’informatique musicale. Au
carrefour de la programmation, de l’acoustique, de la psychologie de la perception auditive et de la
musique contemporaine, ce groupe hétéroclite a découvert la synthèse sonore, c’est-à-dire les procédés
pour créer des sons à partir de programmes informatiques. Jean-Claude Risset, Médaille d’or du CNRS
en 1999, qui avait rejoint les laboratoires Bell en 1964, figure parmi ces pionniers. Ce chercheur et
compositeur participera plus tard à la création de l’Ircam (Institut de recherche et coordination
acoustique/musique) avec Pierre Boulez, avant de rejoindre le Laboratoire de mécanique et d’acoustique
(LMA) du CNRS à Marseille, où il travaille actuellement. « Ce n’étaient pas tellement les applications
commerciales de ces travaux qui nous motivaient à cette époque. Nous cherchions surtout à créer une
nouvelle musique avec de nouvelles sonorités. Étant donné que tous les sons peuvent être décrits par des
nombres, l’ordinateur permet non seulement de composer avec des sons, mais aussi de composer les sons
eux-mêmes. » Jean-Claude Risset crée alors quelques-unes des premières œuvres musicales importantes,
comme la suite Little Boy, qui ne comprend que des sons synthétiques n’existant pas dans le monde réel.
Dans le même temps, il poursuit son travail de synthèse sonore et élabore un important catalogue de sons
synthétiques. Au fil des ans, les progrès de l’informatique musicale suivent de près l’accroissement de la
puissance des ordinateurs. En 1967, John Chowning met au point la synthèse musicale par modulation de
fréquence, un procédé simple pour créer et contrôler le timbre des sons. Cette invention, dont le brevet
est l’un des plus lucratifs de l’université Stanford, permet l’apparition des premiers synthétiseurs
Yamaha, qui ne sont autre chose que des ordinateurs dédiés exclusivement à la musique. C’est ainsi que
l’informatique musicale, qui était jusque-là un domaine réservé à la musique d’avant-garde, prend
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