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D’après l’Agence Internationale de l’Energie
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, les émissions de gaz à effet de serre (GES) des Etats-
Unis, à en croire les déclarations politiques, retrouveront en 2025 leurs niveaux de 2005. Cette
prévision est différente de celle faite, par la même agence, il y a six ans. Comment expliquer cette
trajectoire baissière des émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis ? Le premier facteur est la
révision à la baisse de 25 % du taux de croissance économique du P.I.B (1,6 % en 2012 contre 2,5 %
en 2006), induite par la crise économique et financière de 2007-2008 mais également par le
vieillissement de la population active américaine. Le deuxième facteur est la réduction de 11 % de
l’intensité CO
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du PIB consécutive à la forte croissance de la production du gaz de schiste et de son
utilisation dans le mix-électrique en substitution au charbon. Malgré la baisse des émissions de GES
des Etats-Unis, les émissions de GES par habitant demeurent deux fois supérieures à celles observées
en Europe, et toujours supérieures de 10 % par rapport à leurs niveaux de 1990, tandis que les
émissions de GES européennes ont été réduites de 10 % dans le même temps.
Réduire les émissions de CO
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à long terme nécessite la mise en place d’une politique climatique
La grande différence entre les deux continents tient à l’existence d’une politique climatique en Europe et
à son absence aux Etats-Unis. Si les émissions de gaz à effet de serre américaines baissent
actuellement, ce sera une conséquence de la substitution du gaz au charbon, et non le résultat d’une
volonté politique. Or, sans politique climatique, personne ne peut savoir quelles seront les différentes
évolutions possibles dans les six prochaines années. Une politique climatique est plus qu’une simple
aspiration : elle exige l’utilisation d’instruments économiques et la définition d’un cadre légal et ne peut
être assimilée à une politique énergétique. L’Union européenne avec la mise en œuvre de l’EU ETS a
défini une politique climatique jusqu’en 2020 qui contraint à une réduction des émissions de CO
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des
secteurs concernés d’1,74 % par an.
Depuis l’échec en 2009 du projet de loi sur le changement climatique (Libermann bill) après son rejet
par le Sénat, les Etats-Unis ont une approche régionale ou sectorielle des politiques climatiques. En
mentionnant lors du discours sur l’Etat de l’Union la lutte contre le changement climatique et sa volonté
d’agir quelque soit la décision du Congrès, Barack Obama semble affirmer les prémices d’une
potentielle politique climatique. Cependant, il faut relativiser son effet. Il ne s’agit que d’une promesse
d’une action exécutive. Un décret peut mettre du temps à entrer en vigueur. C’est un long processus
tant administratif que légal qui peut dépasser la durée du mandat du président Obama et se retrouver
remis en cause par son successeur.
Le besoin d’un accord climatique international pour les entreprises multinationales.
L’Union européenne a une politique unifiée par le paquet Climat-Energie qui a pour but la réalisation de
l’objectif « 3 X 20 % » en 2020 (augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique
à 20 %, réduire les émissions de G.E.S de 20 % et accroître l’efficacité énergétique de 20 %). A cette
politique climatique commune aux 27 Etats membres, s’ajoute une position forte dans les négociations
climatiques internationales. A l’inverse, les Etats-Unis ont une approche régionale ou sectorielle des
politiques climatiques telles que le développement de systèmes d’échanges de quotas d’émissions en
Californie ou dans le nord est des Etats-Unis avec le Regional Greenhouse Gas Initiative (R.G.G.I) et
témoignent d’un manque d’engagement dans les négociations internationales. Afin d’offrir un prix
énergétique « acceptable » qui intègre l’ambition de lutter contre le changement climatique, il est
nécessaire d’aboutir à un accord international de lutte contre le changement climatique qui impliquerait
les pays les plus émetteurs de GES comme la Chine et les Etats-Unis. L’action de l’Union européenne
en matière de climat restera en revanche inutile s’il n’y a pas d’action équivalente dans le reste du
monde, du simple fait que l’émission de toute tonne de CO
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accroît le niveau de concentration de GES
3 IEA, World Energy Outlook 2012, How will global energy markets evolve to 2035?