grandes organisations à travers le déploiement de stratégies marketing et publicitaires
très sophistiquées » (1996, p. 10).
Enfin, Oumar Kane nous sort des débats France/Québec et, au-delà,
Europe/Amérique du Nord, en nous invitant à une lecture de travaux en
communication d’origine africaine. En fait, il commence son texte en envisageant
l’impossibilité de travailler à ce sujet à une échelle aussi vaste, et propose de se
concentrer sur l’Afrique de l’Ouest. En conséquence de ce choix, si une attention
particulière a été portée à certains travaux en langue française, il est également
question de recherches menées en anglais. À partir de son état des lieux, Kane
remarque qu’une orientation majeure des recherches africaines est la communication
en lien avec le développement tel que perçu par l’Occident, et que ce binôme
« communication et développement » renvoie encore à « un rôle d’ingénierie sociale
très important à l’échelle du continent africain ». Mais il note également le
développement d’une pensée critique développée par les philosophes africains de la
communication (Nyamnjoh, 2010), plus attentifs aux « réalités socioculturelles qui
sont au cœur des formes de communication et de production du symbolique en
Afrique ». Kane nous rappelle ici combien, derrière la notion maintes fois mise de
l’avant de l’universalité, c’est en fait celle de l’imposition des valeurs, des normes et des
façons de faire occidentales qui a été de mise au cours des siècles derniers. Pourrait-on
tout de même envisager de concilier universalité et diversité, ce à quoi Édouard
Glissant nous invite en formulant le mot « diversalité » (1997)? À la même époque,
Tremblay nous invitait à reconnaître l’existence dialectique des « vertus respectives de
l’universel ou du particulier » en s’interrogeant en ces termes : « L’émancipation que
devrait procurer tout développement culturel ne passe-t-elle pas par l’affirmation de
l’égalité fondamentale de tous, la reconnaissance des différences, individuelles comme
collectives, et la recherche des meilleures conditions permettant l’épanouissement de
tous et de chacun (des groupes comme des individus)? » (1996, p. 124).
Avant de vous laisser avec l’ensemble des textes, nous tenons à revenir quelques
instants sur une dimension qui les traverse tous, à savoir leur orientation critique.
Nous croyons ainsi rejoindre l’une des qualités importantes de la carrière de notre
collègue Gaëtan Tremblay. En effet, dans leurs articles, les différents auteurs
développent systématiquement une pensée critique. Effectivement, la critique est
toujours présente dans la dimension épistémologique de leurs propos. Il s’agit en fait
de prendre du recul et de porter un regard détaché sur un état des lieux, qu’il soit
question de la théorie des industries culturelles (George), des rapports entre industries
culturelles, industries créatives et Web (Bouquillion), du concept de filière dans le
domaine de la culture (Ménard), du concept d’espace public (Aubin), de la sociologie
des usages des TIC (Granjon) ou des études en communication sur le continent
africain (Kane). Nous sommes bien ici dans le registre de la « critique de la “science
normale”, celle qui refuse de s’interroger sur elle-même, sur sa propre histoire, qui
s’isole dans ses pratiques et ne remet jamais en cause ce qui la fait agir dans telle ou
telle direction » (Beaud, 1997, p. 24). Nous sommes en présence d’une critique
méticuleuse de la science—et, en même temps d’une critique du monde— « parce
qu’on ne peut vraiment entrer dans l’avenir qu’en faisant à chaque instant la critique
George Editorial 5