TECHNIQUE INSTRUMENTALE Frédéric CHARTIER1, ■, et Michel TABARANT1,❏ La spectrométrie de masse à décharge luminescente : intérêt et applications RÉSUMÉ La spectrométrie de masse à décharge luminescente est une technique largement utilisée pour l’analyse directe d’échantillons solides. Nous présenterons dans cet article les principes de base de la décharge luminescente, les différentes configurations des sources utilisées, leur mode de fonctionnement et le couplage avec les spectromètres de masse les plus courants. Les principaux avantages analytiques de la GDMS comme les excellentes reproductibilité, justesse et limites de détection obtenues seront décrits. Enfin, des applications récentes portant sur la caractérisation des solides isolants, l’analyse en profondeur, l’analyse isotopique ou la spéciation à partir d’échantillons liquides seront abordées. MOTS-CLÉS Décharge luminescente, spectrométrie de masse, isolant, analyse en profondeur, isotopie, spéciation Glow Discharge Mass Spectrometry : interest and applications SUMMARY Glow Discharge Mass Spectrometry (GDMS) is a technique employed in the direct trace element analysis of solid samples. We describe in this article the basic principles of glow discharge followed by an overview of the different glow discharge source configurations, their electrical operation modes and the coupling with various kind of mass spectrometers. The main analytical advantages of GDMS including its excellent precision, trueness and low detection limits are pointed out. Finally, some recent applications in various analytical domains including the ability of GDMS to offer non conducting materials analysis, depth resolved data, isotopic information or speciation data from liquid samples are presented. KEYWORDS Glow discharge, mass spectrometry, nonconducting material, depth profile, isotopy, speciation I - Introduction Revue La spectrométrie de masse à décharge luminescente (GDMS pour Glow Discharge Mass Spectrometry) constitue une des techniques de référence pour l’analyse des éléments à l’état de traces et d’ultra traces dans les solides (métaux, alliages, semi-conducteurs etc...). Les performances de la GDMS sont liées à celles de sa source d’atomisation, excitation et ionisation : la décharge luminescente. Cette dernière peut également se trouver associée à la spectrométrie optique, on parle dans ce cas de Spectrométrie de Décharge Luminescente (SDL). Les processus physiques inhérents à la décharge luminescente, la pulvérisation cathodique et le transfert d’énergie par collisions, sont à l’origine de l’atomisation de l’échantillon et de l’excitation et l’ionisation des atomes. Les décharges luminescentes peuvent avoir 1 différents modes de fonctionnement, ce qui élargit les applications analytiques de la GDMS. Quel que soit le mode de fonctionnement, l’extraction des ions de la décharge luminescente et leur identification par spectrométrie de masse permet ensuite l’analyse qualitative et quantitative des éléments d’un échantillon solide. Différents types de spectromètres de masse ont été associés avec une source à décharge luminescente. Si le quadripôle et le secteur magnétique sont les plus couramment utilisés pour l’analyse élémentaire en volume, le spectromètre de masse à temps de vol permet à la décharge luminescente d’accéder à de nouvelles applications analytiques. Les performances analytiques de la GDMS ont permis à cette technique de succéder à la spectrométrie de masse à étincelles. Ces performances sont liées au fait que la source à décharge luminescente, outre sa simplicité et sa stabilité, dissocie dans le temps et Commissariat à l’Energie Atomique Saclay – Direction de l’Energie Nucléaire – Département de Physico-Chimie – 91191 Gif-sur-Yvette cedex Tél. : 01 69 08 77 36 – Fax : 01 69 08 54 11 – E-Mail : [email protected] ❏ Tél. : 01 69 08 77 45 – Fax : 01 69 08 54 11 – E-Mail : [email protected] ■ 34 SPECTRA ANALYSE n° 261 • Avril - Mai 2008 Technique instrumentale La spectrométrie de masse à décharge luminescente : intérêt et applications l’espace, les processus d’atomisation et d’ionisation ce qui engendre des sensibilités proches pour tous les éléments (les limites de détections sont inférieures au ng/g) et des effets de matrice réduits. La quantification est ainsi possible sans l’absolue nécessité de disposer d’étalons de matrice identique à celle des échantillons. Si elles ont été conçues au départ pour l’analyse en volume de métaux et d’alliages sous forme solide, les sources à décharge luminescente ont élargi rapidement leur domaine d’utilisation en permettant l’analyse isotopique mais également l’analyse en profondeur des éléments à des fins de caractérisation des revêtements galvanisés et couches métalliques diverses. Le développement des décharges radio-fréquence (RF) a également permis l’application de la GDMS à l’ensemble des échantillons solides isolants et semiconducteurs. Depuis quelques années, les applications se sont encore diversifiées grâce aux couplages avec des techniques séparatives comme la chromatographie permettant l’analyse d’échantillons en phase liquide et gazeuse. La nature même de la décharge luminescente, source d’ionisation douce, permet alors l’obtention simultanée d’informations élémentaires et moléculaires ouvrant ainsi la voie aux études de spéciation. Figure 1 Représentation schématique d’un spectromètre de masse à source à décharge luminescente (GDMS). II - Principe de la spectrométrie de masse à décharge luminescente Un spectromètre de masse à décharge luminescente se compose d’une source à décharge luminescente destinée à former des ions à partir de l’échantillon, d’un spectromètre de masse constitué d’un séparateur de masse et d’un détecteur et enfin d’un système d’acquisition et de traitement des données (figure 1). 1. Principe de la décharge luminescente Schématiquement, une source à décharge luminescente est constituée d’une cathode (l’échantillon à analyser), d’une anode et d’un bloc isolant séparant les deux électrodes. Cette source est mise sous pression réduite d’argon (0,1 à 10 mbar soit 10 à 1 000 Pa) avant l’application d’une différence de potentiel de l’ordre de 1 kV entre les deux électrodes. L’application de ce champ électrique provoque l’excitation puis l’ionisation des atomes d’argon, le terme « luminescente » provenant de l’émission de radiations lors de la désexcitation de ces atomes. Accélérés par le champ électrique vers la cathode, ces ions argon positifs vont provoquer la pulvérisation de l’échantillon qui se traduit par l’éjection d’atomes constitutifs du matériau et donc l’érosion progressive de l’échantillon ainsi que des électrons secondaires qui, en participant aux collisions d’ionisation, permettent d’entretenir la décharge (figure 2). Une décharge luminescente est donc un plasma, gaz partiellement ionisé, constitué de charges positives (ions) et de charges négatives (électrons) ainsi que d’atomes neutres. Figure 2 Représentation des processus de pulvérisation et d’ionisation dans la décharge luminescente. C’est dans ce plasma qu’une partie des atomes éjectés de la cathode par pulvérisation est excitée et ionisée par différents processus de transfert d’énergie par collision. Une conséquence importante au niveau analytique est que les deux phénomènes de pulvérisation et d’ionisation étant indépendants dans le temps et dans l’espace, la GDMS sera peu affectée par les effets de matrice. Cet aspect est très important pour la justesse de l’analyse en phase solide pour laquelle on ne dispose que rarement d’étalons strictement représentatifs de l’échantillon. 1.1 - Modes de fonctionnement de la décharge luminescente Une décharge luminescente peut fonctionner en mode continu (dc), RF ou en mode impulsionnel à partir d’une décharge continue ou RF. La décharge luminescente continue est principalement utilisée pour l’analyse directe de solides conducteurs (métaux, alliages…) et semi-conducteurs avec, typiquement, une tension de 1 kV et un courant de 10 mA pour une pression d’argon de l’ordre du mbar. SPECTRA ANALYSE n° 261 • Avril - Mai 2008 35 TECHNIQUE INSTRUMENTALE Par contre, si l’échantillon, c’est-à-dire la cathode, est isolant, il va se charger en raison du bombardement continu par les ions Ar+ et la décharge luminescente s’éteindra, les ions positifs ne pouvant plus atteindre la cathode. Ce problème peut être contourné en appliquant une tension alternative, la fréquence la plus utilisée étant de 13,56 MHz, entre les deux électrodes de façon à ce que chaque électrode joue alternativement le rôle de cathode et d’anode. De façon simplifiée, on peut considérer que les charges accumulées durant un demi cycle seront neutralisées par les charges de signe opposé accumulées pendant le demi cycle suivant. La décharge luminescente RF peut ainsi être utilisée pour l’analyse directe de solides isolants mais aussi de solides conducteurs. Enfin, le mode de fonctionnement peut être pulsé et consiste à appliquer une tension, à partir d’une décharge continue ou RF, sous forme d’impulsions discrètes dont les durées sont comprises entre la ms et la μs (1, 2). Ce mode de fonctionnement offre la possibilité de travailler en résolution temporelle, le plasma obtenu est transitoire et ses caractéristiques sont fonction du temps. Les courtes durées d’impulsions de ce type de décharge seront donc parfaitement adaptées à l’analyse de surface et à l’étude de la composition élémentaire des « couches minces » et des matériaux « fragiles ». 1.2 – Lampes à décharge luminescente Figure 3 Schémas de différentes géométries de lampes à décharge luminescente. 36 Parmi les différentes géométries de lampes à décharge luminescente développées pour la GDMS, trois sont particulièrement utilisées (figure 3). La lampe à cathode creuse, similaire à celles employées en absorption atomique, permet une pulvérisation et une ionisation plus élevées en raison de sa configuration. Son inconvénient majeur est l’éventuelle incompatibilité des échantillons avec cette géométrie. La lampe à échantillon bâtonnet utilise des échantillons préalablement mis sous forme d’électrodes de 10 à 20 mm de longueur et de 1 à 3 mm de diamètre, l’électrode étant placée au centre de l’anode. Ce type de source est destiné à l’analyse de traces en volume dans les solides. Enfin, la dernière lampe permet l’analyse d’échantillons plans. Outre l’analyse en volume d’échantillons homogènes, cette lampe permet l’analyse résolue en profondeur. Le contrôle de la puissance permet de maîtriser la vitesse d’érosion par les ions Ar+ ainsi que la forme du cratère. En créant SPECTRA ANALYSE n° 261 • Avril - Mai 2008 un cratère de la dimension de l’anode, 4 mm par exemple, à une vitesse de l’ordre de quelques μm/min on peut ainsi suivre l’évolution de la concentration d’un élément en fonction de la profondeur analysée. Pour une géométrie donnée, trois paramètres contrôlent le fonctionnement de la décharge : le courant (1 à 10 mA), la tension (0,5 à 2 kV) et la pression (0,1 à 10 mbar), deux d’entre eux étant imposés. Le taux de pulvérisation obtenu dans les conditions classiques d’utilisation de ces lampes est de l’ordre de 0,1 à 1 μg/s selon les matériaux. Dans tous les cas de figure, les ions, représentatifs de l’échantillon, sont ensuite extraits vers le spectromètre de masse par l’intermédiaire d’une interface munie d’un pompage différentiel. Une tension est également appliquée pour apporter l’énergie nécessaire à l’extraction des ions. Les ions extraits sont ensuite focalisés sur la fente d’entrée du spectromètre de masse qui va séparer ces ions en fonction de leur rapport masse sur charge (m/z). On obtient ainsi un spectre de masse représentant le nombre d’ions relatif de différents rapports m/z, caractéristiques des isotopes des éléments présents dans l’échantillon. 2 - Séparateurs de masse La source à décharge luminescente a été associée avec les principaux types de séparateurs de masse : quadripôle, secteur magnétique et temps de vol. Les quadripôles ont été couplés à la source à décharge luminescente dès la fin des années 1970 (3, 4) comme alternative à la spectrométrie de masse à étincelles pour l’analyse élémentaire des échantillons conducteurs. Une des principales limitations de la GDMS quadripolaire est sa résolution en masse, de l’ordre d’une unité de masse atomique, qui ne permet pas de résoudre les interférences isobariques dues aux ions polyatomiques. La décharge luminescente a également été couplée avec l’analyseur à secteur magnétique. Outre les appareils développés dans des laboratoires de recherche, un GDMS, le VG 9000, a été commercialisé au milieu des années 1980 par la société britannique VG Elemental (acquise par le groupe Thermo en 1996). Il s’agit d’un spectromètre de masse à double focalisation (secteur électromagnétique + secteur électrostatique) qui présente une résolution de l’ordre de 4 000 en routine permettant de résoudre la plupart des interférences avec les ions polyatomiques. Le spectromètre à temps de vol est particulièrement bien adapté au couplage avec une source pulsée où l’échantillonnage par « paquets » d’ions est adapté au fonctionnement du spectromètre de masse. La résolution en masse est de l’ordre de 2 000 à 3 000 et permet de discriminer de nombreux ions interférants des ions d’intérêt. En raison des possibilités d’acquisition de spectres extrêmement rapides (typiquement 20 kHz), ce couplage présente des perspectives intéressantes pour l’analyse résolue en profondeur dans les solides et l’analyse de surface (5) ainsi que pour la mesure de rapports isotopiques. Technique instrumentale La spectrométrie de masse à décharge luminescente : intérêt et applications III - Performances analytiques Les caractéristiques analytiques obtenues en GDMS dépendent fortement de la nature de l’échantillon, de sa préparation, sa matrice ainsi que de la géométrie de la source, du spectromètre de masse utilisé, des conditions opératoires… 1. Stabilité de mesure Classiquement, la répétabilité et la reproductibilité sont exprimées par l’écart-type relatif (RSD) en pourcent sur les mesures d’intensité. Elles dépendent de l’homogénéité de l’échantillon, du niveau de concentration des éléments mesurés et du séparateur de masse utilisé. Typiquement, la répétabilité est inférieure à 3 % pour les éléments majeurs et mineurs et de 5 à 10 % pour les éléments présents à l’état de traces et d’ultra-traces dans un matériau homogène. Le Tableau I illustre les répétabilités obtenues (RSD %), sur dix mesures consécutives, pour des éléments dont la concentration varie entre 0,15 et 410 μg/g dans un standard de fer électrolytique (NIST SRM 1265). On constate que les répétabilités sont comprises entre 2 et 5 %, à l’exception de celle obtenue sur le plomb (11 %), élément présent en très faible concentration dans le standard. varier d’un élément à l’autre d’un facteur allant jusqu’à 10, essentiellement en raison des différences de probabilité d’ionisation entre les éléments. De ce fait, le concept de Facteur de Sensibilité Relative FSR (RSF en anglais) a été défini et se trouve utilisé pour la quantification en GDMS. Le RSF d’un élément E correspond au rapport de sa sensibilité sur la sensibilité d’un élément de référence R soit RSFE/R = (IE/CE) / (IR/CR). Le RSF prend ainsi en compte les écarts de sensibilité entre les éléments dus aux processus de la décharge (différences d’efficacité d’atomisation et d’ionisation essentiellement) ainsi que ceux provenant de l’instrumentation (différences dans la transmission des ions et dans l’efficacité de détection). Le Tableau I présente les RSF obtenus pour une douzaine d’éléments dans le standard de fer NIST 1265. Ces RSF sont compris entre 0,5 et 2,5 le fer étant pris comme référence. On atteint ainsi classiquement avec un GDMS à secteur magnétique des limites de détection, dans les solides massifs, inférieures à 1 ng/g, avec des temps d’intégration de l’ordre de quelques dizaines de secondes par isotope, pour la plupart des éléments. D’une façon générale, les limites de détections obtenues avec les sources continue et radio-fréquence seront similaires alors que celles obtenues avec un fonctionnement pulsé seront meilleures en raison du taux de pulvérisation plus élevé obtenu. 3. Quantification, justesse 2. Sensibilité, limites de détection En GDMS, la sensibilité de mesure dépend de l’échantillon, de l’instrumentation et des conditions opératoires. A titre d’exemple, sur un appareil de type VG 9000, avec une résolution de l’ordre de 4 000, des sensibilités de plusieurs milliers de coups par seconde et par μg/g sont obtenues en routine sur des matrices conductrices. La sensibilité SE d’un élément E est définie comme l’intensité IE du signal de cet élément par unité de concentration CE ; SE = IE / CE. Cette sensibilité peut Les analyses quantitatives des échantillons conducteurs par GDMS nécessitent peu, ou pas, de préparation. L’acquisition des signaux est souvent réalisée après une pré-pulvérisation de la surface de l’échantillon permettant la stabilisation de la décharge et l’éventuelle dépollution de l’échantillon. Par contre, avant d’effectuer une analyse quantitative, il est intéressant d’effectuer un spectre de masse général de l’échantillon afin de connaître de façon qualitative sa composition et d’étudier tous les risques d’interféren- Eléments Valeurs certifiées (μg/g) GDMS (μg/g), n = 10 Répétabilité (RSD %) Justesse (%) RSF (RSF (Fe) =1) Al 7 6,7 3,7 4,3 0,73 B 1,3 1,24 2,4 4,6 0,75 Cr 72 74 2,8 2,8 1,21 Cu 58 60 1,8 3,5 2,10 Mn 57 58 1,8 1,8 1,02 Mo 50 50 3,8 - 0,96 Ni 410 422 3,4 2,9 1,38 Pb 0,15 0,18 11 20 2,55 Ti 6 6,2 3,5 3,3 0,51 Si 80 75 5,5 6,2 0,90 V 6 5,9 2,2 1,7 0,59 W 10 10,6 4,9 6,0 1,34 Tableau I Répétabilité (RSD %), justesse et facteurs de sensibilité relative (RSF) obtenus dans un standard de fer électrolytique NIST 1265 (GDMS VG 9000). SPECTRA ANALYSE n° 261 • Avril - Mai 2008 37 TECHNIQUE INSTRUMENTALE ces potentielles. En effet, si la GDMS fournit un spectre essentiellement composé d’ions Ar+ et M+, une faible proportion d’ions polychargés M2+, d’hydrures MH+ et d’ions polyatomiques MAr+, M2+, MM’+ et Ar2+ est néanmoins présente et susceptible d’engendrer des interférences isobariques. C’est ce que montre le spectre de masse de la Figure 4 du standard de fer NIST 1265 réalisé avec un GDMS à secteur magnétique et une source à décharge RF, un instrument développé au CEA à partir d’un spectromètre de masse à étincelles (6). On peut ainsi prévoir les interférences susceptibles d’être formées dans la source à décharge et adapter, dans le cas d’un spectromètre à secteur magnétique par exemple, la résolution nécessaire pour quantifier les isotopes d’intérêt. Dans cet exemple, l’analyse quantitative sera réalisée en utilisant une résolution en masse de 3 000 à 4 000 de façon à séparer l’isotope 54Fe+ de l’espèce moléculaire 40Ar14N+ ou l’ion multichargés 56Fe2+ de 12C16O+, 14N2+ et 28Si+, afin de mesurer ce dernier. Les analyses quantitatives peuvent ensuite être effectuées de différentes façons. La première méthode consiste à faire le rapport de l’intensité du courant d’ions d’un élément sur l’intensité totale du courant correspondant à l’ensemble des éléments issus de l’échantillon et ionisés. Cette méthode permet d’effectuer une analyse semi-quantitative, les éléments ayant des sensibilités différentes. Pour une analyse quantitative plus précise, l’utilisation de standards certifiés en concentration est nécessaire. La première possibilité, classique, est d’établir un étalonnage externe à l’aide de ces standards. La deuxième possibilité est basée sur l’analyse d’un matériau de référence certifié en concentration et similaire en composition à l’échantillon inconnu de façon à calculer les RSF qui seront appliqués aux éléments de l’échantillon inconnu. Pour cet échantillon inconnu on aura alors CE = 1/RSF * (IE*CR/IR). Pour le matériau de référence, les concentrations des éléments et de l’élément de référence sont connues alors que pour l’échantillon inconnu, seule la concentration de l’élément de référence doit être connue. La concentration de cet élément de référence peut être estimée en prenant en compte la proportion du courant d’ions de cet élément de référence par rapport au courant d’ions total. C’est la raison pour laquelle l’élément de référence est le plus souvent un élément de la matrice. Le Tableau I montre les résultats de la quantification des éléments présents à l’état de traces dans le standard de fer NIST 1265 en utilisant cette méthode des RSF. On peut noter la bonne concordance entre les valeurs certifiées et les résultats obtenus en GDMS. Les justesses sont globalement inférieures à 6 % à l’exception du plomb, présent en très faible quantité. Ces valeurs illustrent les performances obtenues en routine par cette technique pour des échantillons homogènes. IV - Quelques applications La GDMS est utilisée depuis de nombreuses années en analyse de routine pour la détermination qualitative et quantitative des éléments mineurs mais surtout des traces et ultra-traces dans les solides et en particulier les matériaux ultra-purs, métaux, aciers, alliages et semi-conducteurs. L’utilisation de source à décharge RF a étendu le domaine d’application de la GDMS aux Figure 4 Spectre de masse d’un étalon de fer électrolytique SRM NIST 1265 montrant les interférences isobariques les plus fréquentes (GDMS CEA). I = 3 mA, V = 1,5 kV, pression Ar : 1 mbar. La séparation de 56Fe2+, 28Si+, 12C16O+ et 14N2+ avec une résolution de 2800 (VG 9000) est illustrée en incrustation. 38 SPECTRA ANALYSE n° 261 • Avril - Mai 2008 Technique instrumentale La spectrométrie de masse à décharge luminescente : intérêt et applications Figure 5 108 10 Log Intensité (Cnts/S) échantillons non conducteurs (verres, céramiques, sols…) toujours pour l’analyse en volume mais également pour l’analyse résolue en profondeur (couches minces) ainsi que pour l’analyse isotopique. Depuis quelques années la GDMS est également utilisée pour la caractérisation d’échantillons liquides et gazeux ainsi que pour l’analyse d’échantillons organiques. 63 7 Cu + + F3 106 105 10 1. Analyse d’échantillons solides isolants 69 4 103 Dans le cas de l’analyse d’échantillons isolants, deux approches différentes sont utilisables. La première consiste, après broyage de l’échantillon, à le mélanger avec un liant conducteur de haute pureté tel que l’argent, l’or ou le graphite et à compacter le mélange à l’aide d’une presse de façon à obtenir une électrode ou une pastille selon la géométrie de la source utilisée. Cette méthode présente l’avantage de pouvoir s’affranchir du manque de matériaux de référence solides certifiés. Il est en effet possible de fabriquer des étalons synthétiques en imprégnant par des solutions étalons certifiées les mélanges entre l’échantillon isolant en poudre et le liant conducteur et d’effectuer ainsi des étalonnages externes. Cette méthode offre également la possibilité d’analyser des échantillons liquides difficilement analysables par d’autres techniques comme les colorants ou les acides purs, en imprégnant une poudre conductrice avec la solution à analyser. Une alternative à cette technique de compactage est l’utilisation d’une décharge RF qui permet l’analyse directe des matériaux isolants et conducteurs avec des performances similaires à celles obtenues avec un générateur continu pour les échantillons conducteurs. Des limites de détection de l’ordre du ng/g ont par exemple été obtenues dans un échantillon de zircone (7). La GDMS RF offre de plus des potentialités intéressantes en ce sens qu’elle permet non seulement l’analyse des éléments présents à faible concentration mais également l’analyse de fragments moléculaires pouvant, par exemple, permettre simultanément l’identification d’un polymère. De plus la GDMS peut être utilisée pour acquérir des informations spatiales comme le montre la Figure 5 (4) qui illustre l’analyse en profondeur d’un échantillon de PTFE de 1,5 mm d’épaisseur recouvert d’une couche de 1 μm de cuivre. 0 2 4 6 8 10 Temps (min) Le cuivre est analysé par son isotope 63, et l’interface avec le polymère est atteinte après 5 minutes de pulvérisation. Le polymère est analysé par l’intermédiaire de son ion fragment CF3+ à la masse 69. 2. Analyse isotopique Dans de nombreux domaines (nucléaire, géosciences, environnement…), la détermination, directement sur solides, de la composition isotopique des éléments avec une très bonne justesse est d’un grand intérêt. La GDMS est une technique bien adaptée à la détermination de rapports isotopiques (8) en particulier en raison de la très grande stabilité de la source d’ionisation. On peut ainsi obtenir en routine une reproductibilité de quelques pour mille pour des éléments présents en concentration importante et dont les rapports isotopiques sont compris entre 0,1 et 10, la reproductibilité est de l’ordre du pourcent si la concentration est de quelques dizaines de μg/g. La GDMS a, par exemple, été utilisée pour déterminer la composition isotopique d’éléments d’intérêt nucléaire comme B, Zr, Er, U, …(6, 8, 9). Le Tableau II montre les résultats obtenus sur la détermination de la composition isotopique de l’erbium dans un échantillon d’oxyde d’erbium mélangé avec du carbone et pastillé. Les valeurs sont corrigées de la contribution, de l’ordre de 0,2 %, due aux d’hydrures 166ErH+ et 167ErH+ sur les masses 167Er+ et 168Er+. La répétabilité des mesures (RSD %) ainsi que la justesse sont inférieures à 1 %. On peut noter également le potentiel de la décharge luminescente pulsée associée à un spectromètre de IUPAC (10) Valeurs déterminées par GDMS RSD (%) Justesse (%) 162 0,139 0,140 0,7 - 0,7 164 1,601 1,603 0,7 - 0,1 166 33,50 33,55 0,2 -0,2 167 22,87 22,90 0,4 -0,1 168 26,98 26,95 0,1 0,1 170 14,91 14,86 0,4 0,3 Isotope Er Er Er Er Er Er Analyse en profondeur par GDMS RF d’une couche de cuivre (1 μm) sur un polymère (PTFE) de 1,5 mm d’épaisseur. Puissance RF : 20 W, pression d’argon : 0,075 mbar. Reproduit avec la permission de (4), © 1996 American Chemical Society. Tableau II Composition isotopique de l’erbium ( % atomique) dans un échantillon d’oxyde d’erbium (GDMS CEA). Pression dans la source : 0,95 mbar, puissance RF : 20 W (9). SPECTRA ANALYSE n° 261 • Avril - Mai 2008 39 TECHNIQUE INSTRUMENTALE Figure 6 La décharge luminescente pulsée associée à un spectromètre de masse à temps de vol offre des possibilités intéressantes pour l’analyse de surface et l’analyse en profondeur. Des films minces et des revêtements plus épais, conducteurs ou isolants, peuvent ainsi être caractérisés rapidement jusqu’à des épaisseurs de quelques dizaines de μm. Spectre de masse d’une couche de 250 nm d’Ag sur un disque de Cu. Durée d’impulsion : 10 μs, 1,5 kV, 250 Hz, pression dans la source : 1 mbar. D’après (2), reproduit avec la permission de la Société Royale de Chimie (RSC). 4. Analyse d’échantillons liquides et gazeux, spéciation Si la plupart des applications de la spectrométrie de masse à décharge luminescente concerne la caractérisation d’échantillons solides, ses propriétés la rendent potentiellement très intéressante pour l’analyse directe d’échantillons liquides ou gazeux. De plus, la décharge luminescente, source d’ionisation de faible puissance et à pression réduite, offre des possibilités intéressantes pour l’analyse non seulement des éléments mais également des molécules, à partir d’échantillons liquides ou gazeux, ce qui la rend parfaitement adaptée aux études de spéciation. Différents types d’interfaces ont été développés pour permettre l’introduction d’échantillons sous forme liquide ou gazeuse dans la décharge luminescente à des fins de caractérisation élémentaire et moléculaire. En particulier les interfaces de type « Particle Beam » ont été développées récemment (14). Le principe consiste à nébuliser l’échantillon liquide pour former un aérosol, les gouttelettes sont ensuite vaporisées dans une chambre chauffée. Les molécules de solvants et les particules désolvatées des analytes sont ensuite éliminées à l’aide d’un pompage différentiel dans une double chambre sous pression réduite avant l’introduction dans la source à décharge luminescente. Grâce à ce type d’interface la GDMS s’impose comme un excellent détecteur de chromatographie liquide et il devient possible de caractériser des complexes métalliques (15), des molécules organiques et biologiques (16) dans des échantillons liquides et fournir des spectres de masse à la fois inorganique avec les ions métalliques et organique avec les ions issus de fragmentations moléculaires (14). La Figure 7 illustre cette capacité avec le spectre de masse de l’acide diméthylarsinique ((CH3)2AsOOH) obtenu avec un GDMS quadripolaire à source continue (15). masse de type temps de vol pour la mesure de rapports isotopiques. Des reproductibilités de l’ordre de 0,1 % ont ainsi été obtenues sur les rapports 118Sn/116Sn et 120Sn/116Sn de l’étain présent à une concentration de 1 000 ppm dans un standard de laiton (11). 3. Analyse de surface et analyse en profondeur Même si la GDMS est principalement utilisée pour l’analyse élémentaire en volume, elle peut être appliquée à l’analyse de surface, comme son homologue optique, la spectrométrie à décharge luminescente, à condition de disposer de spectromètres de masse à acquisition rapide comme les quadripôles et les temps de vol (12). En particulier, le couplage de la décharge luminescente avec les spectromètres de masse à temps de vol, qui autorisent des mesures élémentaires quasisimultanées, a permis l’application de cette technique à l’étude de la répartition des éléments en profondeur dans des échantillons solides plans, même si l’on peut considérer que le potentiel de la technique n’a pas encore été totalement exploré (2, 13). A titre d’illustration, la Figure 6 montre le spectre de masse obtenu avec une décharge pulsée couplée à un spectromètre de masse à temps de vol, sur un échantillon de cuivre recouvert de 250 nm d’argent. Pour donner une idée de la résolution on peut noter qu’il faut, dans les conditions indiquées, environ 7 minutes pour enlever les 250 nm d’Ag ce qui correspond à une résolution de l’ordre de 20 nm. La vitesse de pulvérisation peut être contrôlée en jouant sur la durée de l’impulsion, la fréquence de répétition, le courant et la tension. 1600 Ar+ 40 1400 Intensité (AU) Spectre de masse de l’acide diméthylarsinique. Pression Ar : 1 mbar, courant 1,5 mA. Injection : 50 μL . D’après (14), reproduit avec la permission de la Société Royale de Chimie (RSC). As+ HAs+-OH O O 1200 1000 200 As+ -As+-OH 75 200 80 Ar2+ O 200 - Figure 7 -As+-OH O 200 20 40 SPECTRA ANALYSE n° 261 • Avril - Mai 2008 40 60 80 100 120 140 160 Technique instrumentale La spectrométrie de masse à décharge luminescente : intérêt et applications On peut ainsi observer l’ion moléculaire à 138 uma, les pics correspondant à la perte des groupements méthyles et hydroxyle ainsi que le pic correspondant à As+ à la masse 75. La décharge luminescente a également été utilisée pour l’analyse d’échantillons gazeux que ce soit par introduction directe de composés organiques volatiles ou comme détecteur après séparation des composés par chromatographie en phase gazeuse (17, 18). Des informations qualitatives, quantitatives et structurelles peuvent ainsi être obtenues à partir d’échantillons gazeux. A noter également les possibilités particulièrement intéressantes apportées par la décharge luminescente pulsée dans le cadre de ces applications. Les phénomènes physiques étant différents à un instant donné pour ce type de décharge, on peut obtenir des informations élémentaires ou moléculaires en fonction du temps. V - Conclusions, perspectives La GDMS est actuellement l’une des techniques parmi les plus sensibles et les plus reproductibles pour l’analyse directe de traces et ultra-traces dans les échantillons solides, qu’ils soient conducteurs ou isolants. Dans ce dernier cas la GDMS RF offre des potentialités d’autant plus intéressantes que ce sont ces échantillons qui sont les plus délicats à mettre en solution. En tant que technique de spectrométrie de masse, la GDMS est appliquée à la détermination des abondances isotopiques des éléments dans de nombreuses matrices solides avec de très bonnes reproductibilités et justesses. Pour l’analyse en surface, la GDMS possède l’avantage d’être utilisable en routine pour des applications en milieu industriel. Si la résolution en profondeur n’est certes pas à la hauteur des performances des techniques d’analyse de surface pures, la caractérisation qualitative et quantitative de l’épaisseur et de la composition des couches minces est néanmoins effective. Les travaux récents montrent également le potentiel important de la GDMS en tant que détecteur de chromatographie en phase liquide et gazeuse. L’analyse des éléments et des espèces auxquels ils sont liés devient ainsi possible dans des échantillons liquides ou gazeux. Grâce aux multiples possibilités qu’offre la GDMS pour l’analyse de tout type d’échantillons le nombre d’utilisateurs de cette technique est en constante augmentation et différents constructeurs développent et commercialisent de nouveaux spectromètres de masse à décharge luminescente. BIBLIOGRAPHIE (1) FLIEGEL D., FUHRER K, GONIN M., GUNTHER D., Evaluation of a pulsed glow discharge time-of-flight mass spectrometer as a detector for gas chromatography and the influence of the glow discharge source parameters on the information volume in chemical speciation analysis, Anal. Bioanal. Chem., 2006, 386, 169-179. (2) HARRISON WW, HANG W., YAN X., et al., Temporal considerations with a microsecond pulsed glow discharge, J. Anal. Atom. Spectrom., 1997, 12, 891-896. 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