Un exemple de Midrash fr Gn 1-2a - Brève contribution à la catéchèse

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UNE ILLUSTRATION DE L'«EXÉGÈSE JUIVE»:
Exemple de MIDRACH en Gn 1-2,4a
BRÈVE CONTRIBUTION À LA CATÉCHÈSE (004)
EXTRAIT DU COURS SILOÉ LAUSANNE 2009 2012
(4.2) : SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 2009
J.M. Brandt, Dr en théologie
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SILOÉ LAUSANNE 2009 2012
(4.0) : SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 2009
(4.2) BREVE ILLUSTRATION DE L'«EXÉGÈSE JUIVE» :
Exemple de MIDRACH en Gn 1-2,4a
4.2.1 INTRODUCTION, BUT ET ENJEU
- INTRODUCTION
Les exposés précédents1 nous ont rendus sensibles au fait que la Révélation engage notre
responsabilité individuelle, fait appel à tout notre cœur et tout notre esprit (au sens de la raison)2,
s'accomplit dans le respect de notre personne, de notre identité, et sollicite notre responsabilité dans
l'espace de notre libre arbitre. La Révélation est un don de Dieu infini, gratuit, inconditionnel. Pour
pouvoir s'accomplir en ce qui nous concerne ici et maintenant, il nous interpelle dans notre identité
de créature l'image de Dieu"3. Si Dieu vient à l'homme par la Grâce, l'homme va à Dieu par sa
volonté.
L'exposé 1.3, présente la clé du référencement et des annotations bibliques. Il ouvre sur le double
aspect de la pluralité et de la complémentarité des Textes et de la Tradition, qui forment un tout.
L'exposé 2.3, propose la clé des sciences, en particulier de l'archéologie. Il ouvre sur le défi que
représentent la culture et son évolution pour l'Histoire sainte. L'exposé 3.0, proposait la clé de
l'exégèse, prise en tant que point d'orgue d'une approche pluridisciplinaire des Textes et de la
Tradition.
Notre conclusion, à ce stade, est que le message biblique est un message de Foi. Celle-ci se nourrit
doublement de la Grâce divine et de l'effort constant de questionnement que l'évolution du monde,
de la culture, de la vie quotidienne, nous imposent à nous, en tant qu'individus et en tant que
membres d'une Communauté de référence. L'Ancien Testament initie ce message, notamment dans
la résilience du peuple et de la nation juive qui, dans les conflagrations assyrienne et babylonienne,
parvient à trouver son identité dans une Alliance avec un Seigneur radicalement nouveau : un Dieu
unique, universel et transcendant.4
N.B. : nous ne reproduirons pas, à ce stade, de texte midrashique à proprement parler, mais nous
contenterons des commentaires qu'il inspire. Un exemple de texte est reproduit plus loin.5
1 Cf Siloé Lausanne2009-2012, contributions 1.3, 2.3, 3.0
2 Cf. le Shema Israël, Dt 6,4
3 Cf. Gn 1,26
4 Cf.3.3.6. En guise de conclusion : la Distinction mosaïque
5 Cf. para. 4.2.5
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- BUT ET ENJEU
Le but du présent exposé est d'ouvrir à la culture du midrash (exégèse juive) 6 dans l'interprétation
des Textes et de la Tradition, afin de nous aider à trouver le sens de la Révélation qu'ils contiennent.
L'enjeu est de montrer que, pour la culture juive, soit pour les milieux producteurs de l'Ancien et du
Nouveau (à l'époque) Testaments, l'idée fondamentale, à propos des événements relatés, n'est pas la
recherche des causes (notamment historiques), mais celle de leur signification, comme le souligne
l'un des maîtres rabbins contemporains bien connu : "En fait la Torah demande à être, non pas
expliquée, mais interprétée."7 Le midrash, dans un esprit d'ouverture et dans le respect d'une
irréductible altérité, aide le Chrétien à s'ouvrir à la Révélation, dont le Peuple juif a été et est
toujours l'un des dépositaires. L'enjeu est l'herméneutique de la Révélation.8
4.2.2. UN ZEST DE THÉOLOGIE
Selon une présentation de la Commission biblique pontificale9, les Saintes Ecritures du Peuple juif
sont une partie fondamentale de la Bible chrétienne, le Nouveau Testament s'affirme conforme aux
Ecritures du Peuple juif, et les méthodes juives et rabbiniques d'exégèse se retrouvent appliquées de
façon implicite, et aussi explicite, dans la confection du Nouveau Testament. Le cardinal Joseph
Ratzinger, futur Benoît XVI, souligne dans la préface de cette présentation, que : "Les chrétiens
peuvent apprendre beaucoup de l'exégèse juive pratiquée depuis plus de 2000 ans […]."10 Ainsi
l'ouverture de la vanne du midrash (qui n'est qu'un des aspects de l'exégèse juive), permet non
seulement la consolidation d'un nécessaire dialogue entre les tenants du "tronc" (les Juifs) et ceux de
la "branche d'olivier"11 (les Chrétiens), mais aussi une réponse plus éclairée à l'appel de la Révélation
qui nous est fait en tant que personne, ici et maintenant.
4.2.3 ESQUISSE D'UNE APPROCHE MIDRASHIQUE DE GENÈSE 1-2,4a
- DÉFINITION DU MIDRASH
Nous avions donné des définitions pragmatiques du midrash et du Talmud12, en lien avec celle de
l'exégèse chrétienne : exégèse signifie "sortir de", notamment de la littéralité ; Midrash signifie
"fouiller", notamment trouver le sens caché. Voici une définition plus académique: "Midrash
(«Recherche/étude», en hébreux) : méthode homilétique d'interprétation biblique qui permet de
donner à un texte un sens différent de son sens littéral. Le mot Midrash désigne aussi différents
recueils de commentaires bibliques de ce type compilés à partir de la Torah orale."13
6 Cf. 3.3.3, 3ème par.
7 EISENBERG Josy et ABÉCASSIS Armand, A Bible ouverte, La Genèse ou le livre de l'homme, Paris, Editions Albin
Michel, 2004 (1978, 1979, 1980)
8 Cf. 1.3, 4ème par.
9 Cf. COMMISSSION BIBLIQUE PONTIFICALE, Le Peuple juif et ses saintes Ecritures dans la Bible chrétienne,
préface par le cardinal Joseph Ratzinger, Paris, Les Editions du Cerf, 2001.
10 COMMISSSION BIBLIQUE PONTIFICALE, opus cité. p. 12
11 Rm 11, 16-24
12 Cf. 3.3.3, 3ème par.
13 UNTERMAN Alain, Dictionnaire du judaïsme. Histoire, mythes, traditions. Paris, Editions Thames & Hudson
SARL, 1997 (Londres, Thames & Hudson Ltd, 1991), entrée Midrach.
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- L'ENJEU MIDRASHIQUE
Face à la pléthore de l'enseignement oral des synagogues dispersées, avec le temps, le besoin se fit
sentir de rassembler et de mettre à disposition du public juif l'ensemble de ces matériaux. C'est ainsi
que naquit un genre littéraire nouveau, le midrash : "C'est pour répondre à ce besoin que s'est créée
la branche de la littérature rabbinique qu'on nomme midrachim."14
Il existe plusieurs formes de midrash15, dont la plus importante est le midrash rabba, ou grand
midrash, qui est un commentaire de référence compilé entre le Vème et le XIIème siècle Apr. J.-C. sur
le Pentateuque et les cinq Rouleaux inscrits dans le Canon juif (Cantique des Cantiques, Ruth,
Lamentations, Ecclésiaste, Esther).
Le midrash est le fruit d'un très long processus de gestion de la tradition orale, lequel n'est pas ici
notre propos. Nous soulignons seulement que, dans la vision juive, la Torah écrite (le Pentateuque)
et la Torah orale (la tradition exégétique de la Torah), se situent sur un plan d'égalité et que toutes
les deux remontent à Moïse dans leur révélation, et aussi précédent la Création dans leur concept.
L'enjeu est capital : c'est de permettre à tout Juif de s'approprier personnellement la Révélation (la
faire sienne), tout en vivant en société (y compris en diaspora), en étant en phase avec l'évolution
des cultures, dans le respect des 613 mitsvot de la Torah écrite dont pas un yod (le i, la plus petite
lettre de l'alphabet hébreu) ne doit être modifié. En d'autres termes, l'enjeu, pour le Juif, consiste à
rendre actuelle, vivante, adaptable, appropriable, le canon de la Loi mosaïque. Pour le Chrétien,
comme développé plus haut, l'enjeu est de placer les Ecritures et la Tradition chrétiennes dans la
culture d'où elles sont issues afin de mieux se les approprier.
- UN PREMIER EXEMPLE MIDRASHIQUE AUTOUR DE GN 1-2,4a : "Au commencement"
"Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre."16
En bonne exégèse chrétienne, on notera que le récit commence par "Au commencement", dont on
compare la nature "cosmogonique", rapportant les origines du Ciel et de la Terre et de l'ordre du
monde17, avec la nature "anthropologique" du second verset, essentiellement consacré à la création
de l'homme et de la femme18. On notera de même que le verset 1 est un «titre» auquel répond la
«conclusion» du début de verset suivant19.
En approche midrashique, on pourra noter ce qui suit.20 "Commencement", en hébreu, se dit
"berechit", soit un mot qui commence par la deuxième lettre de l'alphabet hébreu : "b". Cela signifie
qu'avant le commencement était Dieu, que Dieu était seul avec son nom. La Bible se situe par
rapport à un point "a" ("aleph" en hébreu), qui est le commencement absolu, avant quoi il n'y a rien,
14 COHEN, A., Le Talmud, Paris, Payot, 1970 (Trad.)
15 Nous reprenons l'orthographe plus usuelle.
16 Gn 1,1
17 Gn 1,1-31
18 Gn 2, 4b-25
19 Gn 2,4a
20 Nous nous référons essentiellement à : EISENBERG Josy et ABÉCASSIS Armand, op. cit. Paris, 2004 et à
COHEN, A., op. cit. Paris, 1970.
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rien étant le néant absolu. Rien, d'où nous sommes tirés, selon le midrash, se situe comme un dia,
entre Dieu et la Création, ou encore un symbole qui nous permet de comprendre d'où vient la
Création (ex nihilo, et non pas d'un monde informe préexistant). "Aleph" est équivalent au chiffre
"1", et il désigne l'Unité ou le Tout, le monde de Dieu, avant le monde créé. Le monde créé, le nôtre,
répond au chiffre "2" (soit l'équivalent hébreu du "b", la lettre beth), et il est en effet le monde de la
dualité (qui est à la fois celui de la contradiction permanente et de la complémentarité, l'un n'allant
pas sans l'autre), où tout fonctionne par couples. Entre aleph et beth, le midrash observe des mondes
intermédiaires qui ont été créés, mais dont Dieu n'était pas satisfait et qu'il détruisait au fur et à
mesure, au contraire du nôtre, dont il dit être satisfait, au moins dans l'instant et au lieu (si l'on peut
dire!) de la Création, signifiant, entre autres, que :
Dieu a un plan, dont il poursuit la mise en œuvre,
la Création est duelle, car elle se sépare de Dieu, la créature et Dieu étant "autres" et en
quelque sorte complémentaires, de même que toute la Création : le ciel et la terre,
l'ombre et la lumière, l'homme et la femme, etc.,
le "principe" de la Création (ou de son plan, ce que nous appelons "le Grand dessein de
Dieu") est entièrement inscrit dans son commencement puisque "berechit" contient
"rechit", qui signifie "principe",
commencement et plan signifient "évolution", soit que la Création évolue et que la
Révélation se dévoile progressivement, l'un et l'autre processus étant concomitants.
commencement est présen comme contenant un projet, une promesse, comme si le
principe de la rédemption n'était pas à une "chute", ou un "péché", mais au fait de
l'altérité, condition fondamentale de la Création entre un Dieu d'un autre ordre
(transcendant) et une création immanente,
l'altérité nécessite un mode de gestion réciproque : Dieu planifie, dessine, et l'homme
réalise. L'homme est créateur à l'image de Dieu, mais il y une limite qu'il ne pourra pas
dépasser, par exemple se prendre pour le Créateur, et cette limite sera celle de l'Arbre
de la connaissance.21
- UN DEUXIÉME EXEMPLE DE MIDRASH AUTOUR DE GN 1-2,4a : "Telle fut l'histoire"
"Telle fut l'histoire du ciel et de la terre, quand ils furent créés."22
En exégèse chrétienne, on note que "histoire" (en hébreu "toledot") signifie "descendance", et que,
"par l'emploi de ce mot ici, la création est démythisée, elle est le commencement de l'histoire, elle
n'est plus, comme en Sumer et en Egypte, une suite d'engendrements divins"23. Nous sommes bien
mis face à face avec un Créateur, Dieu unique, universel, éternel, transcendant, dans une relation
21 Cf. EISENBERG Josy et ABÉCASSIS Armand, op. cit. Paris, 2004, page 28
22 Gn 2,4a
23 Note c, ad Gn 2,4a
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