CHAPITRE 3. COMMENT VOLE UN DRONE? 65
Examinons plus attentivement la figure3-5. À 15° d’incidence (schéma du haut), la portance
est à son maximum mais les filets d’air ne collent plus à la moitié arrière de l’extrados et
une zone de turbulence (nuage bleu) se crée au bord de fuite. Si l’incidence est augmentée
à 18° (schéma du bas), l’aile décroche, les filets d’air ne collent plus sur presque la totalité de
l’intrados. Dès lors, la portance chute et l’avion pique du nez et descend rapidement.
Ce phénomène a deux conséquences.
1. Pour décoller, un drone à voilure fixe doit rouler sur une piste, être lancé à la main ou être
catapulté. Les décollages et atterrissages sont presque horizontaux et doivent se faire face
au vent, car c’est la vitesse par rapport à l’air qui génère de la portance, non celle avec le
sol. Il faut donc disposer d’un terrain assez grand, sans obstacle et bien orienté.
Il ne vole plus en deçà d’une certaine vitesse appelée «vitesse de décrochage» où il
se met à piquer, ce qui implique d’accélérer jusqu’à ce que la vitesse revienne dans le
domaine du vol. Cette vitesse doit être maintenue jusqu’à l’atterrissage. En touchant le
sol, l’avion passe d’une vitesse
v
(supérieure à celle de décrochage) à une vitesse 0. Cela
peut être violent, surtout en mode automatique où l’arrondi, qui est un geste qui nécessite
une anticipation de l’approche du sol et devrait donc être réalisé typiquement en mode
manuel, n’est pas assuré.
2. Les voilures fixes sont sensibles aux turbulences, souvent présentes près du sol.
L’atterrissage est le moment où le drone à voilure fixe y est le plus exposé, car la faible
vitesse rend les commandes peu ecaces pour les contrer. Le drone doit respecter un
angle de montée maximal au-delà duquel la vitesse (et la portance) chute, ainsi qu’un
angle de descente maximal, au-delà duquel la vitesse augmente trop.
CAS DES VOILURES TOURNANTES
Au même titre qu’un avion génère sa portance par la translation d’une voilure, la voilure tour-
nante la génère par la rotation de la voilure. Les pales d’un rotor se comportent comme une
petite aile, avec une incidence et un profil. Elles ont un domaine de vol plus étendu que les
voilures fixes car elles peuvent voler à vitesse zéro, en stationnaire, sur les côtés ou à reculons,
tant que le rotor fournit la portance nécessaire. On l’a vu, une augmentation de cette portance
peut être générée simplement par une vitesse de rotation ou un pas plus grand.
C’est là qu’intervient une diérence fondamentale entre les drones multirotors et les hélicop-
tères traditionnels. Les premiers font varier la portance uniquement en modulant la vitesse
de rotation des rotors (ceci est rendu possible grâce à la petite taille des hélices, donc à
leur faible inertie, et à la motorisation électrique qui peut être contrôlée très finement); les
seconds maintiennent quant à eux une vitesse de rotation constante du rotor principal, mais
modulent la portance uniquement en faisant varier le pas (ceci est rendu possible au prix
d’une mécanique beaucoup plus complexe). Cette variation de pas modifie l’incidence des
« petites ailes » du rotor sur la portance locale.
La vitesse d’une voilure tournante ne peut dépasser la vitesse d’extrémité des rotors, sinon la
portance diminue. Il s’agit d’un mur que l’hélicoptère ou le multirotor ne peut dépasser. Mais
il y a de la marge, car à l’extrémité du rotor, la vitesse peut atteindre 400km/h.