découverte la grotte de Teshik Tash [Zautolosh] dans la chaîne de Gissar [Baisun Tau] à 1500 m
d’altitude) et les hautes vallées « vallées ‘‘proluvio-alluviales’’ entre les montagnes du Pamir et
les syrtes du Tien-Chan. Avec le Thibet, c’est la zone d’occupation humaine la plus élevée ».
On doit également à Gupta (1979) l’ouvrage qui fut longtemps la référence sur l’étude des
relations entre l’Asie centrale et l’Inde du Nord-Ouest, Archaeology of Soviet Central Asia and
the Indian Bordelands. L’auteur développe en détail les différentes traditions culturelles.
Particulièrement exhaustif et sans équivalent depuis 30 ans, nous complèterons cette synthèse des
principales découvertes acquises depuis, afin de mieux situer les résultats des campagnes de
prospections poursuivies dans le Chitral entre 1996 et 1997, puis dans le Punjab entre 2003 et
2007. L’intérêt de ces recherches demeure le même, quel que soit le regard porté sur la
problématique sous-continentale, qu’il s’agisse de considérer la Haute Asie comme une région
géographique particulièrement étendue, traversée des voies de pénétration depuis la grande
plaine indo-gangétique, ou bien, comme une immense biozone malgré tout habitable, et
reconnaissable à la durée des implantations traditionnelles depuis le début du Pléistocène
inférieur, fluctuant entre ses piémonts et ses hauts plateaux, au gré de l’extension des glaciers
dont l’influence est capitale.
De récentes recherches consacrées aux glaciers de Nanga Parbat, situés au nord-est du
Pakistan, ont permis d’identifier les périodes de leur extension maximale et d’observer des
asynchronismes avec les phases glaciaires arctiques (William et al., 2000 ; Kuhle, 2001, 2005). Si
l’Asie centrale montagneuse fait figure d’un troisième pôle glaciaire, elle ne s’en situe pas moins
à une latitude équivalente au nord du Maroc, ce qui en fait une région de l’Eurasie tout à fait
singulière en période interglaciaire. Le Nanga Parbat est l’un des huit plus hauts sommets de la
chaîne himalayenne, il n’existe pas de dénivellation aussi importante ailleurs dans le monde ;
entre les fonds de vallée et les cimes, la paroi sud s’élève sur 4500 m. Situé à une limite
thermique, le massif montagneux enregistre donc les variations climatiques du sud soumis aux
moussons subtropicales et celle du nord soumis au climat continental. Les périodes d’intense
accumulation de glace correspondent aux phases interglaciaires, car l’Asie du Sud-Ouest est
alors dominée par un climat chaud et humide qui se traduit par des fortes moussons se déversant
sur les reliefs ; la chute des températures englace ainsi les hautes vallées. En période de moindre
pluviosité, l’air étant trop sec, le volume d’eau glacée ne peut être maintenu, de sorte que le front
des langues glacières recule.
Une phase d’extension s’est produite au Pléistocène supérieur entre 60 000 et 30 000 ans, puis
au stade isotopique 2, entre 24 000 et 11 000 ans. On peut donc supposer qu’entre 30 et 24 ka, la
faune était davantage représentative d’un environnement clément et qu’il n’était pas difficile pour
les tribus de chasseurs-cueilleurs vivant sur les piémonts de communiquer par les cols des hautes
vallées et de se déplacer entre les réseaux hydrographiques des bassins supérieurs de l’Indus et de
l’Amu Daria. Il se produisit une dernière extension des glaciers dès le début de l’Holocène, vers
9000 ans BP, achevée vers 5500 ans BP. Les études ont montré qu’une baisse brutale de
température survenue vers 8400 à 8000 ans BP en serait la cause, suivie d’une augmentation des
précipitations hivernales entre 7000 à 5500 ans BP.
Un asynchronisme s’observe donc entre les périodes interglaciaires continentales et
l’englacement des hautes vallées. Ces asynchronismes constituent des conditions d’isolement
rapide et durable pour les populations humaines comme pour les espèces animales et végétales,
qui contribuent à la compréhension de leur évolution biologique et comportementale. Or dès le
Mésolithique, un petit nombre d’entre elles occupaient déjà les hautes vallées ainsi que les hauts
plateaux du Pamir, laissant des sols d’occupation caractéristiques d’une tradition de chasseurs-
cueilleurs se rapportant au Mode 1 qui se suit jusqu’à l’arrivée de pasteurs-nomades de l’âge du
A. Dambricourt Malassé / L’anthropologie xxx (2008) xxx–xxx 5
+ Models
ANTHRO-2295; No of Pages 34
Pour citer cet article : Dambricourt Malassé, A., Le peuplement humain en Eurasie : l’Asie centrale
montagneuse et les piémonts sous-himalayens du Plio-Pléistocène à l’Holocène, origines, évolution
humaine et migrations, L’Anthropologie (2008), doi:10.1016/j.anthro.2008.04.008