et il ne nous vient pas à l’esprit de la saisir. Soit dit en
passant, cette discrétion du savoir philosophique a permis
d’instaurer le règne du secret en philosophie. Les philo-
sophes ont pu cacher la source qui les inspirait parce que
l’idée ne venait à personne qu’il y eût une source, qu’il eût
cette source en tout cas. Ils allaient donc s’y abreuver en
catimini. Ils buvaient en vrais alcooliques, c’est-à-dire en
cachette. Titubants, évreux, ils revenaient pour noircir
des pages. Ils tentaient de cacher leur ivresse, de donner le
change, de donner l’illusion d’une haute et sérieuse activité
intellectuelle. Mais leur ivresse même les trahissait. Ils ne
pouvaient éviter de parler à mots couverts, et à mots décou-
verts parfois, de leur équipée d’ivrognes au pays de la
philosophie.
Nous avons un autre élément : nous savons que le savoir
philosophique brille. Cette brillance explique le désir qu’est
la philosophie. Nous éprouvons le désir d’en savoir un peu
plus sur un savoir susceptible de briller au cœur de toute
nuit. Nous savons aussi que la philosophie est une destina-
tion, au bout de laquelle surgit un pays à visiter. Nous avons
compris, enn, l’importance fondamentale de la perplexité.
Le savoir philosophique gît au cœur de la perplexité.
Il ne s’agit pas d’être perpétuellement perplexe, ou de
l’être de manière atone ou paralysante. Il s’agit de trou-
ver la porte de sortie. Sortir de la perplexité avec juste une
idée solide, juste un grain de savoir assuré. Pas de bous-
sole qui nous donnerait une orientation, plutôt un point qui
nous servira d’axe. Pas de nouveaux territoires, plutôt un
lieu familier, ancien, un lieu que l’on découvre soudain