De l`histoire de la philosophie à la philosophie de l`avenir L

UNIVERSITÉ DE PARIS OUEST NANTERRE LA DÉFENSE
École doctorale 139 : Connaissance, langage, modélisation
THÈSE DE PHILOSOPHIE
en vue du
DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE PARIS OUEST NANTERRE
LAURENT MULLER
De l’histoire de la philosophie à la philosophie de l’avenir
L’évolution de la morale d’après Jean-Marie GUYAU
préparée sous la direction de
Monsieur le professeur Jean-François BALAUDÉ
Soutenue le 2013
Jury :
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L’idée
Vers d’un philosophe.
« Ne fuis pas, idée immortelle ! …
Heureux qui peut te retenir
Et, se suspendant à ton aile,
Se laisser emporter par elle
Au plus profond de l’avenir ! »
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À mon épouse, Amandine, si présente et aimante ;
À tous ceux qui m’ont soutenu dans mes choix
Ainsi que dans mon travail :
Du fond du cœur, merci.
4
Introduction
!
1 Présupposés de cette étude.
Aussi loin qu’on souhaite remonter, il faut bien arrêter la régression à l’infini dans
l’ordre de la démonstration ; et si l’on suppose, c’est qu’il faut toujours auparavant
présupposer. Construire requiert de s’appuyer sur quelque principe ou fondement préalable,
sur lequel le lecteur s’accorde, et grâce auquel peut s’engager la possibilité d’une
communication.
Avoir une conscience aiguë de ces présupposés, et les énoncer aussi clairement que
possible comme ce qu’ils sont, de simples hypothèses de travail qui orientent la réflexion, cela
engage la sincérité et le sérieux d’une étude.
Les présupposés de ce travail sont de deux ordres. Le premier se rapporte à la valeur
que nous accordons a priori au philosophe dont nous allons explorer la pensée ; le second
concerne la méthode par laquelle il convient, selon nous, d’étudier une doctrine philosophique.
1.1 Présupposé sur l’auteur.
Nous posons à titre de prémisse que la philosophie de Jean-Marie Guyau est une
pensée qui vaut d’être étudiée pour elle-même, tant pour la qualité de la position des
problèmes proposée que pour la pertinence des réponses avancées. Nous pensons en effet que
l’œuvre philosophique de Guyau mérite, en ce début de XXIème siècle, d’être à nouveau
ouverte, entendue et méditée ; et si le discours de ce philosophe a incontestablement vieilli par
certains aspects (mais quelle philosophie peut prétendre ne pas subir les outrages du temps ?),
nous pensons qu’il peut donner encore à penser.
Nous refusons ainsi de considérer que l’oubli dans lequel a sombré l’œuvre du
Lavallois au XXème siècle soit révélateur et symptomatique d’une inconsistance doctrinale ; en
d’autres termes, nous ne croyons pas que les raisons pour lesquelles Guyau est méconnu
aujourd’hui sont de bonnes raisons. L’histoire de la philosophie peut souffrir de contingences,
lesquelles peuvent conduire à des injustices.
Nous refusons aussi de considérer que la philosophie de Guyau pourrait aisément être
réduite à un courant de pensée, ou à un avatar philosophique d’un auteur mieux connu. En
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l’occurrence, on a souvent rapproché Guyau et Nietzsche1 ; mais sans avoir précisément
marqué ce qui rapprochait ces deux auteurs, ni ce qui les séparait. Or, Guyau possède une
philosophie originale et irréductible à tout étiquetage en « isme ».
Certes, il est toujours possible de ranger telle ou telle doctrine dans des catégories
générales. Ainsi, la philosophie de Guyau peut bien être caractérisée comme un
évolutionnisme, puisque notre auteur se réclame de la théorie de l’évolution ; mais se
contenter de cette généralité reviendrait à négliger la place particulière que notre auteur se
donne au sein de ce courant de pensée, et donc à la redéfinition profonde qu’il propose de la
théorie de l’évolution. En d’autres termes, on peut bien classer et ranger les doctrines, mais on
se condamne alors à rater ce qui fait leur singularité.
En somme, nous demandons simplement ici à notre lecteur de bien vouloir accorder a
priori l’originalité de la philosophie de Guyau charge à nous d’en démontrer l’unicité et
l’intérêt.
1.2 Présupposé méthodologique : une lecture aussi immanente que possible.
Notre second présupposé revient à affirmer que, pour comprendre une pensée, le
meilleur parti consiste à la prendre au sérieux. Qu’est-ce à dire ?
Qu’il faut éviter, dans la mesure du possible, de prêter à l’auteur étudié des thèses ou
des pensées que n’attesteraient pas clairement ses écrits. Aussi recourrons-nous, dans ce
travail, régulièrement et presque systématiquement au procédé de la citation, de manière
suffisamment contextualisée quand c’est possible, afin d’éviter toute ambiguïté.
Qu’il faut éviter de s’en tenir à la lettre de la doctrine pour essayer d’en retrouver
l’esprit qui l’a inspirée. Ainsi faut-il faire preuve d’empathie : afin non seulement de décrire
une pensée, mais encore de la comprendre. Or, pour la comprendre, il faut tenter de la vivre.
Prendre au sérieux un auteur ne consiste donc pas à rester à l’extérieur de sa doctrine car un
travail purement descriptif aurait alors moins de valeur que l’original : il convient au contraire
d’éprouver son système, voire de le critiquer quand il nous paraît contestable.
1 Par exemple Bergson, Revue de Paris, 15 mai 1915 « Moins célèbre que Nietzsche, Guyau avait soutenu avant le
philosophe allemand, en termes plus mesurés et sous une forme plus acceptable, que l’idéal moral doit être recherché dans la
plus haute expansion possible de la vie » ; ou encore Cappelleti, cité par Jordi Riba, La morale anomique de Jean-Marie
Guyau, page 363 : « il n’en est pas moins certain qu’après sa mort, Guyau a été désigné par des auteurs de provenances
diverses, comme le Nietzsche français » ; ou même V. Jankélévitch, « Cette belle et noble doctrine peut d’ailleurs être le
point de départ d’un assez grand nombre de rapprochements et de parallèles. Nietzsche, cela va de soi, est l’un des premiers
auxquels elle fasse penser, et c’est surtout la parenté de ces deux esprits qui semble, entre tant d’autres, avoir frappé Alfred
Fouillée », Deux philosophies de la vie, Bergson, Guyau, 1924, page 402.
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