Chapitre III : Les gaz, Partie A page 1/15 LES GAZ, PARTIE A : Vers la notion de gaz parfait Nous allons décrire le comportement des gaz grâce { leurs variables d’état ainsi que d’un point de vue microscopique en recherchant les liens entre ces deux descriptions. Les expériences montrent que les gaz se comportent tous de la même façon lorsque leur pression est faible (jusqu’{ quelques atmosphères- quelques centaines de kilopascals- pour une précision de quelques pourcents). Cette constatation a conduit au modèle du gaz parfait. Nous commençons par définir quelques notions propres à la Thermodynamique dont la nécessité et l’utilité seront particulièrement mises en évidence au cours de ce chapitre. A. Vocabulaire thermodynamique 1. Transformation thermodynamique Définition : Une transformation thermodynamique conduit un système d’un premier état (E) d’équilibre, appelé conventionnellement état initial, { un deuxième état (E’) d’équilibre, appelé conventionnellement état final. Les états initial et final d’équilibre sont décrits par les valeurs des variables d’état caractérisant le système. Voici un exemple de transformation thermodynamique : On se propose de comprimer du gaz. On enferme une quantité de gaz donnée dans un corps de pompe à vélo. La jupe du piston est plaquée contre la paroi, la valve de la chambre à air est fermée. (Voir chapitre I, complément 1.) On s’assure qu’il n’y a pas de fuite (pas de gaz sortant du corps de pompe), ni d’entrée d’air en provenance de l’atmosphère. L’état (E) initial d’équilibre du gaz est décrit par les valeurs n, p, V, t de ses quantité de matière, pression, volume et température. On pousse sur le piston ce qui provoque une compression du gaz. L’état (E’) final d’équilibre est décrit par les valeurs n, p’, V’, t’. Ce n’est qu’un exemple, on peut aussi considérer des transformations thermodynamiques dans lesquelles la quantité de matière varie. Ce type de transformation se rencontre couramment en Thermodynamique et est représentée par le schéma simplifié suivant : état (E) n, p, V, t transformation T état (E') n, p', V', t' Figure 1 : schéma simplifié d’un corps de pompe avec son piston, cas d’une compression Chapitre III : Les gaz, Partie A page 2/15 2. Source thermique Définition : Une source thermique est un système thermodynamique dont la température est constante et qui peut échanger de l’énergie sous forme de chaleur mais pas sous forme de travail avec le système étudié. Voici des exemples de sources thermiques : - Un four, une étuve, un bain liquide dont la température est pilotée par un système électrique. Le thermostat maintient la température constante malgré l’échange d’énergie sous forme de chaleur. - L’atmosphère dont la température est imposée par la météo, constante pendant la durée habituelle d’une expérience. La température de l’atmosphère reste constante { cause de sa taille par rapport à celle du système étudié. - Un mélange eau-glace de température 0°C ou de l’eau bouillante de température 100°C sous la pression atmosphérique normale. Malgré l’échange d’énergie sous forme de chaleur, la température de la source thermique ne varie pas : Dans le premier cas de l’eau gèle ou de la glace fond, dans le deuxième de l’eau se vaporise ou de la vapeur se liquéfie. Mais la température se maintient. Voici un exemple de transformation faisant intervenir une source thermique : Dans l’exemple de transformation du paragraphe précédent, on désire de plus maintenir la température du gaz constante pendant la compression. Si elle est rapide elle s’accompagne en général d’un échauffement. L’expérimentateur agit donc lentement et utilise un corps de pompe aux parois diathermanes pour laisser le temps et la possibilité { l’atmosphère de maintenir la température constante. 3. Transformations isotherme, isobare, isochore1 Définitions : Au cours d’une transformation isotherme la température du système est constante. Au cours d’une transformation isobare la pression du système est constante. Au cours d’une transformation isochore le volume du système est constant. La compression lente du gaz, à température constante, effectuée dans le paragraphe 2, est un exemple de transformation isotherme. 4. Transformation monotherme Définition : Au cours d’une transformation monotherme le système échange de l’énergie sous forme de chaleur avec une seule source thermique. Voici un exemple de transformation monotherme : On sort un glaçon du congélateur. Le glaçon va échanger de l’énergie sous forme de chaleur avec l’atmosphère dont la température va demeurer constante tandis que le glaçon va se réchauffer et fondre doucement. La température du glaçon n’est pas constante, la transformation n’est pas isotherme mais elle est monotherme. 1 Ces adjectifs sont construits à partir de mots grecs : « isos » signifie égal, « thermos » chaud, « baros » lourd, « khôra » espace. Chapitre III : Les gaz, Partie A page 3/15 5. Transformation monobare Définition : Une transformation monobare s’effectue { pression extérieure effective constante. L’adjectif « effective » signifie que la pression extérieure est éventuellement due à deux causes : pression extérieure proprement dite et action d’autres forces extérieures. Par exemple, le piston d’une pompe { vélo est soumis { la pression atmosphérique et { l’action du cycliste. Dans le paragraphe suivant nous allons commencer par une description microscopique des gaz pour finir par une description macroscopique. B. Description des gaz Au niveau microscopique les gaz se définissent par le mouvement et le nombre de leurs molécules. La loi d’Avogadro-Ampère fait passer du niveau microscopique au niveau macroscopique en reliant le nombre de molécules au volume du gaz. L’étude macroscopique montre l’existence d’une équation d’état reliant quantité de matière, pression, volume et température. 1. Description au niveau microscopique a) Mouvements moléculaires, interactions Un gaz est constitué de molécules animées de mouvements incessants dont les trajectoires sont des lignes brisées. C’est l’agitation moléculaire, cause du mouvement brownien décrit par Robert Brown en 1827 (des grains de pollen en suspension dans de l’eau ont un mouvement erratique dû à cette agitation). Chaque cassure de trajectoire correspond à un choc entre deux molécules ou entre une molécule et la paroi du récipient. Figure 2 : trajectoires de molécules (très grossies) Au moment des chocs chaque molécule interagit avec une autre molécule ou la paroi. Elle interagit aussi avec les autres molécules par action à distance de nature électrostatique. Lorsque la distance entre molécules est supérieure à quelques dizaines de nanomètres ces forces sont négligeables car les molécules sont neutres. Lorsque cette distance diminue, la structure des molécules formées de noyaux et de nuages électroniques intervient ; il en résulte des forces dites de Van der Waals qui sont attractives. Lorsque la distance diminue encore, l’interaction entre les nuages électroniques devient prépondérante et les molécules se repoussent fortement. Chapitre III : Les gaz, Partie A page 4/15 b) Nombre de molécules Le nombre de molécules dans un volume usuel de gaz est extrêmement grand. La mole, unité de quantité de matière, permet d’utiliser des nombres plus adaptés à notre échelle. La mole est la quantité de matière d'un système contenant autant d'entités élémentaires qu'il y a d'atomes dans 0,012 kg de carbone 12. (Un atome de carbone 12 est formé de 12 nucléons dont 6 protons ; le noyau comporte donc 12-6 = 6 neutrons ; et le nuage électronique comporte 6 électrons.) Le nombre d’entités identiques (atomes, molécules, ions, …) par mole est égal au nombre d’Avogadro NA ≈ 6,02. 1023 mol-1. (Mesure actuelle la plus précise : 6,02214179. 1023 mol-1.) La quantité n de gaz est égale au quotient du nombre de molécules N par le nombre d’Avogadro : n (en mol) N (nombre sans dimension) N A (en mol 1 ) Après cette courte description au niveau microscopique, passons { la loi d’Avogadro-Ampère. 2. La loi d’Avogadro-Ampère a) Enoncé Des volumes égaux de gaz différents pris dans les mêmes conditions de température et de pression renferment le même nombre de molécules. He H2 O2 CO2 Figure 3 : même volume, même température, même pression donc même nombre de molécules b) Conséquence : Le volume molaire Le volume molaire Vm est égal au quotient du volume par la quantité de matière : Vm V n Chaque mole de gaz contient le même nombre de molécules donc occupe d’après la loi d’Avogadro-Ampère le même volume dans les mêmes conditions de température et de pression. En d’autres termes tous les gaz ont le même volume molaire Vm. Il est égal à environ 22,4 L.mol-1 dans les conditions normales de température et de pression (en abrégé CNTP), 0 °C et 1,01325. 105 Pa. (Mesure actuelle la plus précise : 22,413996 L.mol-1.) Chapitre III : Les gaz, Partie A page 5/15 c) Interprétation microscopique Dans une mole de gaz, il y a environ 6,02. 1023 molécules. Dans les CNTP le volume moyen disponible par molécule est donc 22,4. 10-3 / 6,02. 1023 m3 ≈ 4. 10-26 m3. La distance moyenne entre molécules est donc de l’ordre de (4. 10-26)1/3 ≈ 3.10-9 m, soit une dizaine de fois la taille des molécules qui est de l’ordre du dixième de nanomètre. (Par comparaison, la taille d’un être humain est de l’ordre du mètre, la distance entre êtres humains dans un gaz serait en moyenne d’une dizaine de mètres.) Il y a donc beaucoup de vide entre les molécules. Ce qui explique que le volume occupé ne dépend pas de la nature des molécules. Nous abordons maintenant la description au niveau macroscopique. 3. Description au niveau macroscopique a) Existence d’une équation d’état Pour décrire une masse de gaz, il faut donner sa quantité de matière n, son volume V, sa pression p et sa température t. (En précisant en plus sa formule chimique, nous pouvons en déduire d’autres grandeurs comme la masse, la masse volumique, la densité. Voir chapitre IV.) Mais dans les mêmes conditions de température et de pression, une quantité de matière double occupe un volume double (deux moles d’hélium ont un volume deux fois plus grand qu’une mole d’hélium). Donc nous pouvons fixer la quantité de matière n et nous intéresser uniquement aux autres variables d’état p, V, t. Et nous pouvons aller plus loin. Car si nous choisissons une quantité de matière n donnée et un volume V, nous pouvons encore choisir une température t mais pas la pression p qui nous est alors imposée par le gaz, par les résultats expérimentaux. C'est-à-dire que la pression p est une fonction du volume V et de la température t. Il existe une équation d’état c'est-à-dire une relation qui lie les variables d’état : p f (V , t ) b) Variables d’état indépendantes, fonction d’état Lorsque l’équation d’état est ainsi exprimée, elle utilise le volume et la température en tant que variables d’état indépendantes et fait apparaître la pression comme une fonction d’état, c’est-àdire comme une fonction de variables d’état indépendantes. Nous aurions pu fixer la pression et la température et alors le volume aurait été imposé par le gaz et serait apparu comme une fonction d’état des deux variables indépendantes pression et température. L’expérimentateur choisit ses variables d’état indépendantes, mais c’est la nature du système qui impose leur nombre. (Le couple p, V est aussi un choix possible de variables d’état indépendantes.) Ici, une quantité donnée de gaz est décrite par deux variables indépendantes, les autres sont des fonctions d’état. Nous allons étudier la fonction p = f(V, t). c) Etude d’une fonction de deux variables Etablir l’expression de cette fonction ne peut se faire d’emblée en faisant varier à la fois le volume et la température. On procède par étapes : on maintient la température constante et on Chapitre III : Les gaz, Partie A page 6/15 observe comment la pression dépend du volume ; puis on maintient le volume constant et on observe comment la pression dépend de la température. On peut aussi maintenir la pression constante et observer comment le volume dépend de la température. Mais les deux observations précédentes suffisent. Cette démarche met en évidence plusieurs types de transformations thermodynamiques : isotherme, isochore ou isobare. (Voir paragraphe A.3.) Observer ces différentes transformations sera l’occasion de rencontrer quelques expériences simples de Thermodynamique, d’illustrer le rôle d’une source thermique et de décrire ces transformations { l’aide des variables d’état. C. Variations du volume avec la pression et la température 1. Variation du volume avec la pression à température constante a) Expérience : matériel et mode opératoire On enferme une quantité de gaz donnée dans un corps de pompe fermé par un piston que l’on peut visser ou dévisser pour faire varier le volume et par conséquent la pression. On s’assure que l’ensemble est étanche, pas de fuite ni d’entrée d’air. Le volume est lu sur une règle graduée, la pression s’affiche sur un manomètre digital et la température est lue sur un thermomètre. Voir figure 4. 0 20 40 60 cm 3 n, p, V, t hPa Figure 4 : le dispositif expérimental Lorsque l’expérimentateur visse ou dévisse, il provoque une compression ou une détente du gaz. Si elles sont rapides elles s’accompagnent en général d’un échauffement ou d’un refroidissement. Toutes les parois sont diathermanes. L’expérimentateur agit donc lentement pour laisser le temps { l’atmosphère de maintenir la température constante. L’expérience décrite ci-dessus met en jeu une succession de transformations que nous allons maintenant décrire { l’aide des variables d’état. b) Description quantitative de ces transformations thermodynamiques Ces transformations thermodynamiques T sont toutes du même type ; ce sont des transformations isothermes d’un système fermé : n, p, V , t T1 n, p ', V ', t T2 n, p '', V '', t T3 Chapitre III : Les gaz, Partie A page 7/15 Le système est une quantité n de gaz constante : c’est un système fermé. L’état initial est décrit par les valeurs p, V, t de sa pression, de son volume et de sa température. L’état final est décrit par des valeurs p’, V’, t. La température du gaz reste constante pendant toute la transformation, qui est donc isotherme. Remarque : On pourrait aussi agir brusquement puis attendre que l’équilibre thermique se réalise. Si on procédait ainsi, la transformation serait monotherme. De plus, dans cette expérience, on veut que dans les deux états considérés (E) et (E’) le gaz soit en équilibre thermique avec le milieu extérieur pour que les températures du premier et du second état soient les mêmes. Ce n’est pas toujours le cas dans une transformation monotherme. La température initiale du système peut être différente de celle de la source thermique. Dans tous les cas pendant une transformation monotherme, la température du système peut varier en son sein et au cours du temps. (Voir paragraphe A.4.) c) Résultats expérimentaux On réalise l’expérience avec un volume initial de 20 cm3 sous la pression de 1000 hPa à la température de 20°C. Le tableau donne la série de mesures et calcule le produit pV car un examen rapide des résultats montre que ce produit est sans doute constant : V 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 cm3 p 1998 1339 1000 800 666 574 501 445 401 363 333 hPa pV 19980 20085 20000 20000 19980 20090 20040 20025 20050 19965 19980 hPa.cm3 60 70 On trace la représentation graphique du produit pV en fonction du volume V : pV = fonction(V) pression x volume en hPa.cm3 25000 20000 15000 10000 5000 0 0 10 20 30 40 50 volume en cm3 Les volumes sont connus à 1 ou 2 cm3 près, les pressions à 1 ou 2 hPa près. Donc la précision des mesures de volume est de quelques pourcents, celle des mesures de pression de quelques dixièmes de pourcents et donc celle du produit pV de quelques pourcents. Les mesures montrent donc qu’{ la température t : Chapitre III : Les gaz, Partie A pV page 8/15 p 'V ' p ''V '' constante Lorsqu’on recommence l’expérience { une autre température le produit pV est encore constant, mais la valeur de la constante est modifiée : elle dépend de la température. d) Loi de Boyle-Mariotte Enoncé : A température constante le produit pV reste constant. pV k (t ) p k (t ) V ou La notation k(t) traduit la dépendance de la constante avec la température t. Et bien sûr elle dépend aussi de la quantité de gaz étudiée. e) Interprétation microscopique Qu’est-ce qui change lorsqu’{ température constante le volume est divisé par exemple par deux ? La densité moléculaire- c’est-à-dire le nombre de molécules par unité de volume N/V- est multipliée par deux : V V 2 alors N V 2 N V et p 2p La loi de Boyle-Mariotte indique que la pression varie comme la densité moléculaire. Nous venons d’étudier les variations du volume avec la pression { température constante. Pour achever l’étude de la fonction p = f(V, t) il faut nous intéresser aux variations de la pression avec la température à volume constant. 2. Variation de la pression avec la température à volume constant a) Expérience : matériel et mode opératoire hPa °C eau chaude n, p, V, t Figure 5 : le dispositif expérimental On enferme dans un flacon rigide une quantité donnée de gaz. Son volume V est donc constant. (En fait le flacon se dilate sous l’effet de l’augmentation de température ; on peut négliger cette dilatation par rapport à celle du gaz ou effectuer un calcul correctif pour obtenir des résultats Chapitre III : Les gaz, Partie A page 9/15 plus précis.) Le flacon est placé dans un bain rempli d’eau chaude. Lorsque la température diminue, la pression aussi. La température t est mesurée grâce à un capteur de température relié à un affichage en degrés Celsius et la pression p grâce à un manomètre digital. b) Description de ces transformations thermodynamiques Cette expérience met en jeu une succession de transformations thermodynamiques toutes du même type ; ce sont des transformations isochores d’un système fermé : T1 n, p, V , t n, p ', V , t ' T2 T3 n, p '', V , t '' Le système est une quantité n de gaz constante : c’est un système fermé. Un état initial est décrit par les valeurs p, V, t de sa pression, de son volume et de sa température. Un état final par des valeurs p’, V, t’. c) Résultats expérimentaux On réalise l’expérience avec un volume de 250 cm3, la température variant entre 20 à 60 °C environ. Le tableau donne la série de mesures. t 20,7 25,2 30,4 34,8 40,5 45,1 50,3 54,9 59,7 °C p 1016 1031 1049 1065 1083 1102 1117 1133 1149 hPa p = fonction(t) 1400 p = 3,4244 t + 945,19 p = 3,4244 ( t + 945,19/3,4244) p = 3,42 ( t + 276) 1200 pression en hPa 1000 800 600 400 200 0 -300 -250 -200 -150 -100 -50 0 50 100 température en degrés Celsius Pour exploiter les résultats, on trace la représentation graphique de la pression p en fonction de la température Celsius t. C’est une droite ne passant pas par l’origine. Donc la pression est une fonction affine de la température c’est-à-dire de la forme p = a t + b. Nous utiliserons cette expression sous la forme p = a (t + c) ou encore p/(t + c)= a. Chapitre III : Les gaz, Partie A page 10/15 L’équation de la droite est fournie par le logiciel Excel®. La mise en facteur du coefficient a fait apparaître la quantité t+276. Des mesures plus précises donnent t+273,15. La température est connue à 1 ou 2 dixièmes de degré Celsius près donc avec une précision de l’ordre du pourcent. La précision sur la pression est de l’ordre du dixième de pourcent. Donc la valeur trouvée, 276, est acceptable. d) Loi de Charles Enoncé : A volume constant le quotient de la pression p par (t+273,15) est constant : p t 273,15 k '(V ) La constante dépend du volume et bien sûr de la quantité de gaz étudiée. e) Interprétation à l’échelle microscopique A quoi la pression du gaz est-elle due ? Aux chocs des molécules sur les parois. Plus les chocs sont nombreux et violents et plus la pression augmente. Ils sont d’autant plus nombreux que la densité moléculaire et la vitesse s’accroissent et d’autant plus violents que la vitesse des molécules augmente. Le volume est constant donc la densité moléculaire aussi. Donc l’élévation de température se traduit par une augmentation de la vitesse des molécules, c’est pourquoi on désigne le mouvement des molécules sous le nom d’agitation thermique. Nous pourrions nous contenter de ces deux lois mais nous allons compléter ce paragraphe par une étude rapide des variations du volume avec la température à pression constante. 3. Variation du volume avec la température à pression constante a) Expérience : description Il s’agit de la description simplifiée de l’expérience historique de Gay-Lussac. Voir complément 1. positions de l'index de mercure à glace fondante puis eau bouillante t = 0°C t' = 100°C n, p, V, t dispositif de chauffage Figure 6 : le dispositif expérimental On plonge dans de la glace fondante un ballon contenant une quantité donnée de gaz sous la pression atmosphérique. Le ballon se poursuit par un tube fin contenant un index de mercure Chapitre III : Les gaz, Partie A page 11/15 qui emprisonne le gaz. On note la première position de l’index, puis on chauffe l’eau jusqu’{ ébullition. Le gaz se dilate et l’index se déplace jusqu’{ sa deuxième position. La pression extérieure est celle de l’atmosphère qui presse l’index de mercure. Elle est constante durant l’expérience. b) Description de la transformation thermodynamique Le système est une quantité n de gaz constante, c’est un système fermé. Cette expérience met en jeu une transformation thermodynamique T monobare (voir définition plus haut, paragraphe A.5.). Pour réaliser une transformation isobare, il faudrait chauffer très lentement et uniformément. Dans les deux états d’équilibre, initial et final, la pression du gaz est égale { la pression extérieure car l’index est immobile. La transformation est décrite par le diagramme suivant : T n, p, V0 , t0 n, p, V100 , t100 c) Résultats expérimentaux Les résultats expérimentaux montrent que : V100 100 273,15 V0 0 273,15 En généralisant (très rapidement) à toute température : V t 273,15 constante Lorsqu’on recommence l’expérience { une autre pression le quotient V/(t+273,15) est encore constant, mais la valeur de la constante est modifiée : elle dépend de la pression. d) Loi de Gay-Lussac Enoncé : A pression constante le quotient du volume V par (t+273,15) est constant : V t 273,15 k ''( p) La constante dépend de la pression et bien sûr de la quantité de gaz étudiée. La valeur 273,15 est la même que dans la loi de Charles. e) Interprétation microscopique Lorsque la température augmente, le volume augmente et donc la densité moléculaire diminue. Ce qui devrait faire diminuer la pression (paragraphe C.1.e.) ; or la pression est constante donc l’élévation de température compense la diminution de densité moléculaire en augmentant la vitesse des molécules. Ceci rend les chocs des molécules sur la paroi plus nombreux et plus violents. Nous allons conclure ce paragraphe par un peu d’histoire puis par la notion de gaz parfait. Chapitre III : Les gaz, Partie A page 12/15 4. Conclusion a) Un peu d’histoire La loi de Boyle est la plus ancienne des lois que nous venons de voir, elle date de 1662. Mariotte a repris cette étude indépendamment en 1676. Ensuite vient la loi de Charles en 1798. Puis la loi de Gay-Lussac, en 1802, qui reprend une étude non publiée de Charles datant de 1787. Celle d’Avogadro est publiée en 1811 et n’est pas bien accueillie mais Ampère la soutient en 1814. En résumé, à part la loi de Boyle-Mariotte toutes ces lois datent grosso modo du début du 19e siècle, c’est-à-dire d’environ deux siècles. Même si on peut faire remonter l’origine de la Thermodynamique { la domestication du feu par l’Homme, son essor s’est produit durant tout le 19e siècle. Pour consulter les portraits des scientifiques qui ont donné leurs noms à ces lois, leurs biographies sommaires et leurs expériences historiques, voir le complément 1. b) Validité des lois étudiées Toutes ces lois sont valables tant que la pression reste faible c’est-à-dire n’excède pas quelques atmosphères- quelques centaines de kilopascals- pour une précision de quelques pourcents. Le comportement des gaz s’en écarte lorsque la pression augmente et les écarts dépendent de la pression, de la température et de la nature du gaz. Par exemple, l’hélium, le dihydrogène, le dioxygène et le dioxyde de carbone ne se comportent pas de la même façon les uns par rapport aux autres et à différentes pressions ou températures. Ces écarts sont dus aux forces attractives de Van der Waals et aux forces répulsives entre nuages électroniques. Aux faibles pressions, la distance moyenne entre molécules est au moins de quelques nanomètres. A cette distance les forces de Van der Waals sont négligeables donc les gaz suivent les lois étudiées. Mais les forces de Van der Waals augmentent lorsque la distance entres molécules diminue. C’est-à-dire lorsque la densité moléculaire et donc la pression sont suffisamment fortes. Alors le comportement des gaz s’écarte des lois étudiées. De plus, lorsque la distance entre molécules est de l’ordre du dixième de nanomètre, les nuages électroniques des molécules se repoussent fortement. Lorsque la pression augmente indéfiniment, il est impossible de réduire indéfiniment le volume du gaz comme le prévoit la loi de Boyle-Mariotte. Donc la taille des molécules est aussi { l’origine des écarts entre les lois énoncées et le comportement des gaz. c) Notion de gaz parfait Pour qu’un gaz suive quelque soit la pression les lois que nous venons d’étudier, il faudrait que les forces de Van der Waals soient toujours nulles et que les molécules soient ponctuelles. Les physiciens ont créé dans ce but le modèle théorique du gaz parfait. Définition : Un gaz parfait est formé de molécules ponctuelles et qui n’interagissent pas. Un gaz parfait suit toujours les lois que nous venons d’étudier. Lorsque la pression tend vers zéro, le comportement des gaz réels tend vers celui des gaz parfaits. Chapitre III : Les gaz, Partie A page 13/15 Nous allons voir que les lois d’Avogadro-Ampère, Boyle-Mariotte et Charles peuvent se résumer par une seule relation qui lie les variables d’état n, p, V et t, appelée équation d’état des gaz parfaits. Et que la loi de Gay-Lussac en découle ainsi qu’une nouvelle échelle thermométrique. D. Le modèle du gaz parfait, la température absolue 1. Rassemblement des lois a) Loi de Charles et de Boyle-Mariotte D’après la loi de Charles : p t 273,15 (1) k '(V ) p k '(V ) t 273,15 D’après la loi de Boyle-Mariotte : (2) pV k (t ) En remplaçant la pression par l’expression (1) : (3) pV V k '(V ) t 273,15 k (t ) On constate que V.k’(V) ne peut pas dépendre du volume : pV C t 273,15 b) Loi d’Avogadro-Ampère La constante C ne dépend ni de la pression, ni de la température, ni du volume. Elle pourrait dépendre de la nature du gaz mais d’après la loi d’Avogadro-Ampère, elle n’en dépend pas. Elle ne dépend donc que du nombre de molécules. Dans les mêmes conditions de température et de pression, un volume double, triple … contient deux, trois … fois plus de molécules donc : C N kB La constante de Boltzmann kB est une constante universelle (elle ne dépend ni d’une variable d’état ni de la nature du gaz). En utilisant la quantité de matière plutôt que le nombre de molécules, on peut aussi écrire : C N kB n N AkB nR La constante du gaz parfait R = NAkB est elle aussi universelle. c) Equation d’état des gaz parfaits L’équation d’état des gaz parfaits s’écrit donc sous l’une ou l’autre forme : pV N k B t 273,15 pV n R t 273,15 Chapitre III : Les gaz, Partie A page 14/15 Nous connaissons maintenant entièrement la fonction p = f(V, t). De ce fait nous pouvons envisager des transformations quelconques c’est-à-dire faire varier volume et température simultanément, ne pas nous restreindre à des transformations isochores ou isothermes. d) Loi de Gay-Lussac La loi de Gay-Lussac, que nous n’avons pas utilisée, se déduit de l’équation d’état des gaz parfaits : V t 273,15 nR p k ''( p) 2. La température absolue, le zéro absolu Le facteur (t+273,15) qui apparait dans l’équation d’état des gaz parfaits conduit à définir une nouvelle échelle thermométrique, la température absolue : T = t + 273,15 L’unité de température absolue est le kelvin, abrégé K. Une variation de un kelvin est égale à une variation de un degré Celsius. Cette définition fait apparaître la température absolue comme une grandeur jamais négative. Car la pression et le volume d’un gaz sont toujours positifs. D’où la notion de zéro absolu. Toutefois cette interprétation du zéro absolu est liée au gaz parfait qui est un modèle, une notion limite. Nous verrons dans un chapitre ultérieur la notion de température thermodynamique et l’interprétation physique du zéro absolu. Finalement l’équation d’état des gaz parfaits s’écrit : pV N k BT pV n RT Nous venons de définir la température absolue à partir de la température Celsius. Pour améliorer la précision, la définition actuelle fait l’inverse (voir complément 2.) et concerne la température thermodynamique que nous verrons dans un chapitre ultérieur et nous montrerons alors que les températures, absolue et thermodynamique, sont identiques. 3. Valeur des deux constantes universelles R et kB a) La constante des gaz parfaits Dans les conditions normales de température et de pression, le volume molaire des gaz parfaits vaut 22,414 L.mol-1 : sous T0 273,15 K et P0 101325 Pa, Vm0 D’après l’équation d’état des gaz parfaits : R pV nT pV T n p Vm T constante P0 Vm 0 T0 22, 414.10 3 m3 Chapitre III : Les gaz, Partie A R page 15/15 101325 22, 414.10 3 J. K 1. mol 273,15 1 d'où R 8,314 J. K 1. mol 1 L’unité SI de la constante R est en effet le J.K-1.mol-1 : u( R) Pa.m3 mol.K N.m-2 .m3 mol.K N.m mol.K J.K -1.mol-1 Remarquons que le produit pV se mesure en joules, comme un travail ou une énergie. b) La constante de Boltzmann La constante de Boltzmann en découle : J.K 1.mol mol 1 kB R NA kB 8,314 J.K 6, 02.1023 en 1 1 J.K d'où k B 1 1,38.10 23 J.K 1 Dans ce chapitre, nous avons vu que les gaz sous faible pression suivent tous les mêmes lois : Avogadro-Ampère, Boyle-Mariotte, Charles et Gay-Lussac. Ce fait conduit à définir le modèle du gaz parfait qui suit ces lois quelque soit la pression car il est constitué de molécules ponctuelles n’interagissant pas entre elles. Et toutes ces lois sont rassemblées dans l’équation d’état des gaz parfaits : pV=nRT. Pour étudier ces lois, nous avons rencontré plusieurs types de transformations thermodynamiques, évolutions d’un système d’un état d’équilibre vers un autre état d’équilibre par des chemins variés : isotherme, monotherme, isobare, monobare et isochore. Dans le chapitre suivant, l’équation d’état des gaz parfaits nous permettra de calculer leur masse volumique et leur densité. Nous étudierons ensuite diverses situations expérimentales.