Philosoph’île 1999-2000
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nature et Philosophie de l’esprit), sont le lieu de l’authentification de ces déterminations,
c’est-à-dire la vérification de ce qu’elles constituent bien la structure conceptuelle de l’être
tant naturel que spirituel.
Mais justement, en tant que sujet de tout ce qui est, l’Idée logique absolue doit se faire
être. C’est là ce qu’expliquent les derniers paragraphes de la Science de la logique. En tant en
effet qu’elle s’est montrée comme liberté créatrice, l’Idée absolue “ se résout librement à
laisser aller hors d’elle-même le moment de sa particularité ou de la première détermination
ou altérité, l’Idée immédiate, comme son reflet, elle-même comme nature ” 1. La liberté
absolue de l’Idée consiste ainsi, comme le dit Hegel, à “ se déprendre d’elle-même
librement ” 2, à se décider librement à l’être. C’est donc bien de par ce qui la constitue comme
Idée, c’est-à-dire de par son activité interne d’auto-différenciation que l’Idée en vient à se
poser comme nature, comme “ l’Idée en tant qu’être ” 3.
Par là, puisque c’est l’Idée qui se fait nature, la nature est bien Idée et c’est pourquoi
la nature peut et doit être conçue rationnellement, spéculativement. Mais en tant qu’elle est
l’Idée s’extériorisant, la nature est l’Idée sous la détermination de l’extériorité. Dans la
nature, l’Idée est donc soi comme extérieure à soi. C’est pourquoi dit Hegel, “ telle qu’elle
est, son être ne correspond pas à son concept ; elle est bien plutôt la contradiction non
résolue ” 4. Le mouvement général de cette contradiction, c’est-à-dire au fond celui de l’Idée
dans la nature, de l’Idée redéployant dans l’extériorité tout le procès dont elle est le produit et
la cristallisation, sera alors celui d’une progressive intériorisation de cette extériorité. Au
terme de ce périple, “ l’extériorisation séparant d’avec soi est supprimée ” 5, et l’Idée parvient
à son être pour soi. L’Idée ainsi présente, “ le concept qui a pour présence la réalité qui lui
correspond, le concept ” 6, c’est là l’esprit. L’esprit est donc l’Idée qui a supprimé l’extériorité
naturelle et qui a par là pour détermination l’idéalité, “ la suppression de l’être-autre de
l’Idée ” 7. Ainsi l’esprit est-il l’Idée vraie en ce qu’il est l’Idée qui se pose elle-même par la
négation de son être-autre, par la négation de sa négation naturelle. Mais l’esprit n’est pas
seulement le résultat d’une telle négation, le résultat de l’Idée naturelle se niant, il est aussi le
mouvement même par lequel il se fait lui-même un tel résultat, c’est-à-dire justement le
mouvement de nier son être-autre pour se poser lui-même. C’est pourquoi, comme l’explique
Hegel dans le paragraphe 386 8, l’esprit n’est pas immédiatement l’esprit absolu, rapport
négatif infini à soi-même, mais d’abord esprit fini. L’esprit surgit de l’être autre de l’Idée, de
la nature et par là fait face ou semble faire face à la nature : la nature d’où provient l’esprit
reste pour lui un autre. Dans les deux premiers moments de son développement, l’esprit va
donc reprendre en lui-même l’opposition de la nature et de l’Idée. Ainsi d’abord pour l’esprit
subjectif, qui n’est encore que le concept de l’Idée en et pour soi. Certes, il est le concept
spirituel (donc réel et non logique de l’Idée), et, de plus, en tant que concept, il est bien
identique à son objet. Mais il n’est cette identité qu’en soi et c’est pourquoi l’objectivité lui
est d’abord extérieure. Ainsi contemple t-il ou connaît-il la nature comme quelque chose
d’extérieur. Certes encore, en connaissant la nature, il l’idéalise, c’est-à-dire supprime son
être subsistant. Mais la nature reste indifférente à cette idéalisation. L’esprit subjectif semble
1 Encyclopédie..., 1827-1830, § 244, traduction citée, p. 463
2 Science de la Logique, III, p. 393
3 Encyclopédie..., 1827.1830, Science de la Logique, addendum au § 244, traduction citée, p. 624
4 Encyclopédie..., Philosophie de la Nature, 1830, § 248, Remarque, p. 239 de la traduction de Gandillac,
Gallimard
5 Philosophie de l’Esprit, 1827, § 381, op. cit., p. 178
6 Philosophie de la Nature, 1827, § 376, op. cit., p. 346
7 Philosophie de l’Esprit, 1827, addendum au § 381, op. cit., p. 385
8 Op. cit., p. 180