Localisation d’Anderson d’atomes ultrafroids
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mesurablespardes techniquesoriginalesetcomplémen-
tairesdesoutils traditionnelsde laphysique de lamatière
condensée,parexemple parlamesure directe desfonc-
tionsd’onde. Danscecontexte,laphysique desatomes
ultrafroidsadéjàobtenuplusieurs succès spectaculaires,
avec, parexemple,l’observation d’isolants de Mott (équi-
pesde T.Hänsch, J.Bloch etT.Esslinger) etde lasuper-
fluidité fermionique (équipe de W.Ketterle). D’autres
travaux se focalisent sur lesgazen basse dimension etont
permisl’observation de gazde bosons1D(dits de Tonks-
Girardeau) qui ontlapropriétéremarquable d’être
d’autantplus fortementcorrélésqu’ils sontplus dilués
(équipe de D.Weiss),etde latransition de Berezinskii-
Kosterlitz-Thouless correspondantàune forme de super-
fluiditébosonique liée non pasàla condensation de Bose-
Einstein maisàlaprolifération de paires vortex-antivortex
dansdesgazde bosons 2D(équipe CNRS de J.Dalibard).
Une nouvelle étape aété franchie en 2008aveclapre-
mière observation directe de lalocalisation d’Anderson
d’une onde de matièreàl’aide d’atomes ultrafroidsà
l’Institut d’Optique de Palaiseauainsi qu’auLENS de
Florence. Danscetarticle,nous décrivonsl’expérience de
l’Institut d’Optique. Nous verronsnotammentque lesato-
mes ultrafroids,loin de secantonneràlaseule réalisation
de systèmesmodèles,offrentde nouvellesapproches
maisaussi desperspectives tout àfaitoriginales.
Une onde de matière
dans un désordre optique
Al’Institut d’Optique,nous nous sommesattaquésà
lalocalisation d’Anderson àune dimension, c’est-à-dire
danslasituation oùelle est laplus forte etlamieux
comprise (voirencadré1 ). Pour ce faire,il nous afallu
relever uncertain nombre de défis:i) réaliser un guide
atomiqueunidimensionnel,ii) créer une onde de matière
etinduireuntransport avecune énergie contrôlable,
iii) annulerlesinteractions,etiv)créer un désordre
contrôlé. Danscesconditions,nous avonspunon seule-
mentobserverlalocalisation d’une manière directe,mais
aussi démontrer unaccord quantitatif aveclesprédictions
théoriques.
Dansl’expérience,nous utilisons un faisceaulaser
horizontalsuffisammentdésaccordé sur le rouge de la
transition atomique. La force dipolaire induite parl’inte-
raction dulaseraveclesatomescontraintcesderniers à
resterconfinésau voisinage dumaximum d’intensité,
c’est àdireaucentre dufaisceaulaser.Onréaliseainsiun
guide atomiqueunidimensionnel :lesatomes sontconfi-
nés transversalement,mais sontlibresde se déplacerle
long de l’axe dufaisceau(voirfigure1 ).
L’onde de matière est créée àpartird’uncondensatde
Bose-Einstein d’atomesde rubidiumtrèsdilués.Le
condensatest réalisé directementdansle guide optique en
ajoutant un piégeage magnétique dansladirection longitu-
dinale (voirfigure 1a ). En éteignantle champ magnétique,
on déclenche alors l’expansion ducondensatdansle
guide (voirfigure 1b ). L’énergie de l’onde de matièreainsi
créée est un paramètrecrucial pour lalocalisation
d’Anderson (voirl’ encadré1 ). Elle est en faitdéterminée
parlesinteractions répulsivesinitialementprésentesdans
le gazpiégé car,lors despremiers instants de l’expansion,
l’énergie d’interaction est rapidementconvertie en éner-
gie cinétique d’expansion. On montreainsi que l’onde de
matière en expansion est formée d’un grand nombre de
composantesde nombre d’onde k ,dontladistribution
est une parabole inversée de nombre d’onde maxi-
mumk max .Il est pratique de quantifierk maxparle poten-
tiel chimiqueµducondensatqui peut êtreajusté en
contrôlantladensité initiale oulaforce desinteractions.
Dansl’expérience,oùmest lamasse
atomique, correspond àune vitesse maximale de quel-
quesmm/s.
L’expansion dansle guide est alors observée en ima-
geantdirectement– parfluorescencesur une caméra
CCD ultra-sensible – ladensité de lafonction d’onde ato-
miqueàdifférents tempsde propagation. Comme le
montre l’insert de lafigure2a ,en l’absence de désordre,
l’expansion est balistique, c’est-à-dire que lataille du
nuage atomiqueaugmente linéairementavecle temps.
Resteàintroduire le désordre. Pour agir sur lapropa-
gation de l’onde de matière,il suffitd’utiliserànouveaula
force dipolaire qui permetde réaliser une grande variété
de situations.Parexemple,en utilisant un nouveaufais-
ceaulaserdésaccordé cette fois sur le bleude latransition
atomique,on crée une force quirepousse lesatomesdes
zonesde lumière. En focalisant une simple nappe de
lumière perpendiculairementauguide,on crée ainsiune
lame semi- ou totalement réfléchissantesuivantl’inten-
sité lumineuseappliquée. Une succession régulière
(périodique) de lameslumineusespeut aussi être obtenue
en faisantinterférerdeux faisceaux faisant unangle
Figure 1 – Principe de l’expérience. a)Uncondensatde Bose-Einstein (en
vert-orange) est initialement réalisé dansle guide optique (en rouge) auquel
on ajouteunchamp magnétique (en gris). b)Encoupantle champ magné-
tique,on crée une onde de matièrese propageantle long duguide en pré-
sence de désordre (en bleu). La densitéatomique est directementimagée
parfluorescenceaprès untempsd’expansion donné.