L’ETAT-NATION
I 1946-1958 : LA REFONDATION DE L’ETAT REPUBLICAIN
Comment la IV° République, malgré l’instabilité politique, a-t-elle renforcé l’autorité de l’Etat ?
A Derrière l’instabilité des gouvernements…
Un régime parlementaire
Au lendemain de la Libération, une Assemblée constituante élabore les institutions de la IV° République.
Malgré l’opposition du général de Gaulle, qui lui reproche d’accorder trop de pouvoir au Parlement, cette
Constitution est approuvée par référendum en octobre 1946.
Une opposition puissante
Avec 28 % des voix et 182 députés, le PCF est en 1946 le premier parti de France. Aligné sur Moscou, il
entre dans une opposition systématique aux gouvernements à partir de 1947 et jusqu’en 1981. La même
année, de Gaulle qui s’est reti du gouvernement en janvier 1946, crée le RPF (Rassemblement du
Peuple français)
Une majorité introuvable
L’opposition systématique des communistes et des gaullistes rend difficile l’existence d’une majorité. Le
scrutin proportionnel aboutit à la représentation au Parlement d’une multitude de partis. Ceux-ci doivent
donc former des coalitions, par nature instables, pour gouverner. En 12 ans d’existence, la IV° République
voit ainsi 25 gouvernements.
B …la permanence d’un Etat…
Une administration efficace
Mais, malgré les incessants changements de gouvernement, le personnel politique est en fait demeuré
assez stable. Sur les 227 ministres de la IV° République, 66 ont appartenu à plus de 3 gouvernements.
Surtout la présence dans les ministères d’experts et de hauts fonctionnaires, souvent issus de la nouvelle
ENA, a contribué à garantir la continuité de l’action publique en dépit des changements de majorité
parlementaire.
Un consensus en faveur de l’Etat
Les querelles partisanes n’empêchent pas la grande majorité des députés de partager certains principes
issus de la Résistance. Ils considèrent ainsi l’Etat comme un agent essentiel de la modernisation de la
France et de la démocratisation de la société.
C … qui étend son champ d’action
L’Etat planificateur
De Gaulle crée en janvier 1946 un commissariat général au Plan destiné à orienter le développement de
l’économie française. L’Etat est renforcé dans son rôle sur les nationalisations décidées à la Libération. En
effet, il contrôle une large part des secteurs bancaire et minier, et emploie près de 10 % des actifs. Ces
réformes n’engagent pas pour autant la France sur la voie du socialisme, car la planification demeure
indicative et de larges pans de l’économie restent aux mains des entreprises privées.
L’Etat social
Conformément au programme élaboré par le CNR durant la guerre, une Sécurité sociale est créée en
1945. Financée et gérée par les employeurs et les salariés, elle couvre les principaux risques auxquels sont
confrontés les Français (maladie, vieillesse). C’est la naissance de l’Etat-providence qui, par la
redistribution des revenus, augmente le niveau de vie, soutient la consommation et donc la croissance
économique.
Un bilan positif
Reprenant le discours gaulliste, on a souvent réduit la IV° République à la « valse des ministères » et aux
rivalités stériles entre les partis. Pourtant, elle a permis à l’Etat d’accomplir une œuvre considérable. La
France, largement ruinée en 1945, est rapidement reconstruite, modernisée et engagée dans la
construction européenne. La décolonisation est enclenchée, tandis que certains territoires sont intégrés à
la République avec le statut de départements ou territoires d’outre-mer.
II 1958-1974 : L’ETAT GAULLIEN
A Le renforcement du pouvoir présidentiel
Un président puissant
A son retour au pouvoir en 1958, le général de Gaulle veut rompre avec la IV° République. C’est pourquoi
il instaure le scrutin majoritaire uninominal qui permet de dégager une majorité stable soutenant le
gouvernement. Le Président de la République est doté de larges pouvoirs et d’une légitimité renforcée en
1962hau par son élection au suffrage universel direct. Ce système suscite des critiques mais il n’est pas
remis en cause par le successeur du général, Georges Pompidou.
Un président arbitre
Durant sa présidence, de Gaulle délègue au Premier ministre le soin de gérer ce qu’il appelle l’intendance,
c’est-à-dire les affaires intérieures du pays. Lui veut apparaître comme un arbitre au dessus des partis. Il
fixe les grandes orientations politiques et économiques, et dirige la politique étrangère qu’il considère
comme son « domaine réservé ».
Un président charismatique
Chef des armées, incarnation de la nation et dépositaire de l’autorité publique, le président a pour de
Gaulle une dimension quasi sacrée. Par des visites régulières en province, jalonnées de « bains de foule »,
il entretien sa légitimipopulaire. Ses nombreux voyages à l’étranger lui permettent de représenter une
France dont il entend « restaurer la grandeur ».
B Les serviteurs de l’Etat
Les hauts fonctionnaires en politique
Les hauts fonctionnaires sont au cœur du pouvoir gaullien. Souvent issus de l’IEP, de l’ENA, ils sont incités
à se présenter aux législatives afin d’être légitimés par le suffrage universel, puis nommés à des postes
gouvernementaux. Valéry Giscard d’Estaing ou Jacques Chirac incarnent cette nouvelle génération
d’hommes politiques issus de la haute administration.
Les experts dans l’ombre
Plus rarement promus à des postes ministériels, les experts peuplent en nombre les ministères et
conseillent dans l’ombre les décideurs politiques. Ce sont pour la plupart des ingénieurs issus des écoles
Polytechnique, Centrale ou des Mines. On les trouve également à la tête des entreprises publiques ils
relaient l’action de l’Etat. Leurs compétences sont mises au service des ambitions modernisatrices du
pouvoir.
C Une forte intervention de l’Etat
L’Etat entrepreneur
De Gaulle puis Pompidou reprennent à leur compte le rôle central accordé à l’Etat dans la direction
économique du pays par la IV° République. Celui-ci soutient de grands projets dans de nombreux
domaines comme le nucléaire, l’informatique ou les transports (avion supersonique Concorde, TGV).
L’Etat aménageur
Avec la création de la DATAR en 1963, l’Etat prend également en main l’aménagement du territoire. Il
s’agit de corriger les inégalités régionales et d’encadrer le développement des agglomérations. Des villes
nouvelles (Cergy-Pontoise, Sénart, Evry) ou des ZIP (Dunkerque, Fos-sur-Mer) sortent de terre en
quelques années. Un boulevard périphérique et un RER sont construits en région parisienne.
L’Etat, acteur culturel
L’Etat se mêle également de culture avec la création en 1959 d’un ministère des Affaires culturelles. Celui-
ci est confié à l’écrivain André Malraux qui crée en 1961 des maisons de la culture destinées à faciliter
l’accès à la culture de l’ensemble des Français. L’Etat encourage la création artistique, notamment sous la
présidence de Georges Pompidou.
III 1974-2012 : L’EROSION DU POUVOIR DE L’ETAT
A Une V° République qui s’installe dans la durée
La continuité institutionnelle
En 1974, le centriste Valéry Giscard d’Estaing devient le premier président non gaulliste de la
République. Il veut moderniser le « style » de gouvernement et ouvrir le pouvoir aux femmes mais sans
changer ses institutions. En 1981, le socialiste François Mitterrand est élu : c’est l’alternance. Pourtant, il
s’accommode très bien des institutions qu’il avait dénoncées auparavant.
L’exécutif divisé
La victoire de la droite aux législatives de 1986 place François Mitterrand dans l’obligation de nommer le
gaulliste Jacques Chirac Premier ministre. Cette situation inédite de cohabitation montre que la dualité de
l’exécutif peut poser problème. Mitterrand tente de s’opposer à certaines mesures du gouvernement et
de conserver le monopole de la politique étrangère.
B La montée en puissance des régions
La décentralisation
Mais le grand changement intervient dans les rapports entre l’Etat central et « la province ». Ministre de
l’Intérieur et de la Décentralisation de 1981 à 1984, le socialiste Gaston Defferre fait des régions des
collectivités territoriales à part entière. Le pouvoir exécutif des préfets, fonctionnaires nommés par le
pouvoir, est transféré aux conseils généraux (départements) et régionaux, élus au suffrage universel
direct. En 2003, la décentralisation devient un principe constitutionnel. L’Etat délègue une part croissante
de ses compétences (gestion des lycées, des routes, des trains régionaux) aux régions
Une situation inédite
A partir de 2004, les élections régionales, cantonales et municipales sont remportées par la gauche. Une
nouvelle forme de cohabitation se met en place entre l’Etat central, dirigé par la droite, et les collectivités
territoriales, gérées par la gauche. Grâce au contrôle des exécutifs locaux, la gauche conquiert en 2011 la
majorité au Sénat, que la droite détenait depuis 1958.
C L’Etat contes
La libéralisation de l’économie
Avec la fin des « Trente Glorieuses », l’intervention de l’Etat dans le domaine économique et social est
remise en cause par les partisans du libéralisme économique. C’est ainsi que la droite vote en 1986 de
nombreuses privatisations. Le rôle de l’Etat est par ailleurs remis en question par la mondialisation et
l’essor des firmes transnationales, sur lesquelles il n’a guère de prise. En 1999, le Premier Ministre
socialiste Lionel Jospin avoue son impuissance à des ouvriers licenciés par Michelin en affirmant que
« l’Etat ne peut pas tout ».
La construction européenne
Avec le traité de Maastricht (1992), la CEE devient l’Union européenne. La coopération entre pays
européens dépasse désormais le seul domaine économique et prend une dimension politique. En
conséquence, certaines compétences de l’Etat français se trouvent déléguées à l’UE. Plus de 25 % des lois
françaises se contentent de retranscrire des décisions prises à l’échelon européen. On ne peut plus
gouverner la France sans prendre en compte ses engagements européens.
La « résistance » de l’Etat
Le recul de l’Etat ne doit pas cependant être exagéré. S’il délègue certaines de ses missions
traditionnelles. Il s’en approprie de nouvelles comme les questions environnementales. Surtout, face aux
excès de l’économie de marché, de nombreux hommes politiques, à droite comme à gauche, affirment la
nécessité d’un Etat régulateur et protecteur.
UNE EUROPE POLITIQUE
I 1945-1950 : L’APRES-GUERRE, LA NAISSANCE D’UNE EUROPE POLITIQUE
A 1945-1947 Les origines de l’Europe politique
Le traumatisme de la guerre est un des points de départ de la volonté de construire l’Europe. Si l’idée
européenne est ancienne, elle connaît un renouveau pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment
chez les résistants. En rapprochant les peuples, la construction européenne semble être le meilleur
moyen de garantir une paix durable et de permettre la réconciliation franco-allemande. Elle est aussi un
facteur de reconstruction et de prospérité dans une Europe profondément meurtrie par la guerre.
L’Europe est conçue comme un mouvement d’avenir. C’est pourquoi les associations européistes se
multiplient après 1945. Ainsi, l’Union européenne des fédéralistes, qui regroupe une cinquantaine
d’associations, est créée en 1946. L’idée européenne est principalement portée par deux familles
politiques : la démocratie chrétienne et la social-démocratie.
La bipolarisation du monde accentue la construction d’une Europe à l’Ouest. L’Europe est, dès 1947,
confrontée à la guerre froide entre les Etats-Unis et l’URSS. Sous la pression américaine, les pays de
l’Europe de l’Ouest se rapprochent pour éviter l’expansion du communisme. La construction européenne
est aussi un moyen pour les pays européens affaiblis de conserver un certain poids politique face aux
deux Grands (Etats-Unis et URSS)
B Plusieurs projets pour l’Europe
L’objectif commun est la construction d’une Europe démocratique et libérale. Marqués par les
totalitarismes, les européistes voient dans la construction européenne un moyen de promouvoir la
démocratie libérale et les droits de l’homme. Ouverte à tous les pays européens, l’aventure européenne
se limite en réalité, dans un premier temps, aux pays d’Europe de l’Ouest. L’URSS empêche en effet les
pays d’Europe de l’Ouest d’y participer.
Deux courants européistes s’opposent : fédéralistes et unionistes. Les unionistes sont partisans d’un
sumple coopération entre les gouvernements, respectant la souveraineté des Etats. Les fédéralistes
désirent une Europe supranationale dans laquelle les Etats renonceraient à une large part de leur
souveraineté. Cette différence persiste jusqu’à nos jours.
C 1948 Le congrès de La Haye et ses conséquences
Le congrès de La Haye en 1948 est le lieu de réunion de tous les européistes. En mai 1948, sous la
présidence de W. Churchill, ancien Premier ministre britannique, 800 délégués de 18 pays se réunissent à
La Haye. Les débats sont organisés autour de trois commissions (économique et sociale, politique,
culturelle). Elles réfléchissent chacune dans leur domaine aux moyens d’unifier l’Europe. Malgré les
divergences entre fédéralistes et unionistes, ce congrès marque le renouveau de l’idée européenne. Un
« message aux Européens » est alors rédigé qui définit l’esprit de la construction européenne ultérieure.
De ce congrès naît en mai 1949, le Conseil de l’Europe, première réalisation à l’importance cependant
limitée. Le Conseil de l’Europe est la première institution européenne intergouvernementale. Son but est
de favoriser la coopération politique, économique et culturelle entre les pays européens et de défendre la
civilisation européenne, notamment les droits de l’homme.
Les adversaires de la construction européennes sont nombreux. Il existe un fort sentiment anti-européen.
Les partis communistes, sous la pression de l’URSS, sont très hostiles à la construction européenne qu’ils
jugent trop influencée par les Etats-Unis. En France, les gaullistes s’opposent à toute construction
fédérale qui nuirait à la souveraineté nationale. Enfin, si Winston Churchill se prononce pour les Etats-
Unis d’Europe, il ne souhiate pas que le Royaume-Uni y participe, pour ne pas nuire aux liens avec le
Commonwealth.
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