C’est ce contexte reconnu économiquement peu efficace, en raison de la récurrence
de ses crises, socialement peu équitable, eu égard à l’importance numérique des
populations vivant avec des revenus indécents et touchées par les maladies et la faim
et écologiquement malsain (niveau insoutenable d’émissions de gaz à effet de serre,
sécheresse, pénurie d’eau, insécurité alimentaire, inondations, disparition des écosystèmes
vitaux, etc.) qu’il s’agira de transformer, de manière à la fois urgente et authentique , en
vue d’éviter tout simplement l’arrêt du développement humain. Il convient, en fait, de
répondre aux besoins des générations présentes (alimentation, eau potable, emploi,
éducation, santé, etc.) et, en leur sein, des plus démunis sans compromettre la capacité
des générations futures de prendre en charge les leurs.
Comment ? Sans doute en mettant en œuvre des stratégies de croissance.
Mais de quelle croissance s’agit-il, dans ce cas ? On peut être tenté de la rendre
scientifiquement lisible, en y accolant l’épithète « durable », comme pour signifier la
nécessaire création des fondements économiques et extra-économiques d’une
métamorphose sociétale mondiale pérenne. Mais le concept de croissance durable ne va
sans poser de sérieux problèmes d’ordres scientifique et méthodologique.
- D’abord, parce qu’il n’est pas explicitement adopté, sous ce visage singulier, par
l’économie traditionnelle de la croissance qui se déroule, elle, à l’intérieur des bornes
étroites de l’Economique.
- Ensuite, parce qu’il pèche par « réductionnisme ». Pour l’essentiel, il désigne,
depuis la révolution industrielle et de manière plus nette, durant les trente glorieuses,
l’augmentation continue de la quantité de biens et services produite dans un espace
économique donné et mesurée par le Produit intérieur brut (PIB) ou, plus
pertinemment, par le Produit intérieur brut par habitant (PIB/hab). Ce sens restrictif
de la croissance, mais ô combien opportun, en son temps, est décrié aujourd’hui. Il lui
est reproché, en substance, ses effets sociaux et écologiques insupportables. Vit-on
alors se former des inquiétudes et se formuler des appels académiques et politiques,
comme signaux d’alerte des dangers de la «religion du PIB ». Il fut préconisé aux acteurs
de la croissance d’enlever leurs « œillères économiques » et de regarder les autres
sphères de la vie sociétale pour lesquelles l’accroissement de la richesse produite est, à
plus d’un titre, préjudiciable. Naquirent alors des tentatives d’extension, voire de
réforme du sens de la croissance, en tant qu’ensemble de processus cumulatifs
d’interactions visant, sous de conditions sociales et écologiques tolérables,
l’accroissement continu du PIB/ hab. Ne pouvant appréhender cette nouvelle
problématique de la croissance à l’aide des concepts à la fois nouveaux et transversaux,
la science économique ou, de manière plus ciblée, son chapitre l’économie de la
croissance actionne et souvent sans intelligibilité, des épithètes qu’il accole à ses vieux
concepts formant ainsi, sous la pression des faits, ceux de croissance verte, de
croissance équitable, de croissance viable, d’investissement socialement responsable