Caractérisation électrique d`un matériau semiconducteur, effet Hall

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L3 Physique et applications
Physique des composants
Caractérisation électrique d’un matériau
semiconducteur, effet Hall
L’effet Hall a été découvert en 1879. Lors de l’application, sur un matériau conducteur parcouru
par un courant, d’un champ magnétique perpendiculaire à ce courant, il apparaît un champ
électrique perpendiculaire à la direction du transport et au champ magnétique. La mesure de la
différence de potentiel (tension de Hall) correspondant à ce champ électrique permet de remonter à
la concentration en porteurs de charge ainsi qu’à leur nature (électrons ou trous). En combinant
cette mesure à celle de la résistivité, on peut aussi déterminer leur mobilité. L’effet Hall est ainsi
fréquemment utilisé dans l’industrie comme dans la recherche pour caractériser un matériau semiconducteur. Il sert aussi de principe à un certain nombre de capteurs de champ magnétique ou de
courant.
1. Effet Hall dans un barreau rectangulaire
Dans tout ce qui suit, on considère qu’il n’y a qu’un seul type de porteurs (c’est-à-dire, dans un
semiconducteur, que les porteurs minoritaires sont négligés). Décrivons l’effet Hall pour une
géométrie simple, schématisée en figure 1 : un courant I parcourt suivant l’axe x un barreau

rectangulaire de section w×h. Un champ magnétique B constant est appliqué perpendiculairement
à la direction du transport (suivant l’axe z). Les porteurs de charges subissent donc une force de
Lorentz Fmag  qv  B , où q = 1,6×10-19 C et v est la vitesse d’un porteur de charge. Ainsi, si les

sens de B et de I sont en pratique ceux indiqués sur la figure 1, cette force a tendance à amener les
porteurs sur la face avant du barreau rectangulaire et ce quel que soit leur signe. Le signe de la
tension de Hall va donc dépendre de celui de la charge des porteurs.
Calculons cette tension. Les lignes de courant sont les mêmes avant et après l’application du
champ magnétique (c’est-à-dire parallèles à l’axe x). C’est donc qu’il existe un champ
électrostatique (champ de Hall EH ) dont l’effet sur la trajectoire des porteurs compense exactement
la force de Lorentz. EH est créé par les charges qui se sont accumulées sur les côtés du barreau
pendant l’application du champ magnétique. Fmag étant parallèle à y, EH est lui-même orienté
suivant cette direction. Il est tel que qEH  qv  B  0 .
Ainsi on a EH = vxBz (en notant Vk la coordonnée du vecteur v sur l’axe k). Si on suppose une
densité de courant Jx constante sur tout le barreau, alors on a Jx = ±qNdopvx, où Ndop est la densité
volumique de porteurs, ou encore I = ±qwhNdopvx.

(symbolisés par des points) ont
B , les porteurs de charge

tendance à s’accumuler d’un côté du barreau (sur la face avant, si les sens de B et le signe de I sont en pratique
Fig. 1 : Effet Hall dans un barreau. Sous l’effet du champ
conformes avec les conventions de la figure).
Ainsi :
1
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J x Bz
IBz

qN dop
qN dop wh
Avec un voltmètre dont la borne positive est placée sur la face avant du schéma de la figure 1
(côté y < 0), on peut alors mesurer, entre les deux côtés du barreau, la tension de Hall :
IBz
IB
VH  
 RH z
qN dop h
h
où RH = ±1/(q Ndop) est appelé coefficient de Hall.
EHy  
2. Mesure quatre pointes de la résistivité
Pour un échantillon avec une géométrie barreau à section rectangulaire comme schématisé
précédemment, il est facile à partir de la mesure de sa résistance d’en déduire la résistivité e du
matériau considéré. Cependant la fabrication d’un tel barreau est moins évidente. Nous allons voir
qu’il est possible de mesurer la résistivité en utilisant une géométrie moins compliquée à réaliser.
En utilisant quatre pointes au lieu de seulement deux, on élimine les erreurs dues à la résistance des
fils et à la résistance de contact pointe-semiconducteur.
Fig. 2 : Mesure quatre pointes de la résistivité. Seule la surface de l’échantillon d’épaisseur h analysé est
représentée. Cette surface est considérée comme infinie (soit a, b, c << l).
La figure 2 schématise le dispositif utilisé. Quatre pointes (A, B, C, D) sont appliquées sur la
surface du matériau à caractériser, d’épaisseur h. Elles sont alignées et séparées par les distances a,
b et c indiquées sur la figure. Le courant est injecté via A, extrait via B et la tension est mesurée
entre B et C. On considère que la surface du matériau est infinie, c’est-à-dire que a, b et c sont très
faibles devant sa dimension l. On a :
B
B
C
C
VCB  VC  VB   E .dr   e J (r ).dr
 
où J ( r ) est la densité de courant
Le passage de la première intégrale ci-dessus à la suivante est simplement l’application de la loi
d’Ohm sous forme locale. Si on considère une surface infinie, le courant I injecté en A se répartit
radialement, c’est-à-dire qu’à une distance r du point A, la densité de courant dans le matériau dû au
I r
courant I injecté en A vaut : J (r ) 
. L’expression pour la densité de courant due au courant
2 hr r
I extrait en D est similaire. De plus, il n’y a pas de courant injecté en B et C. Ainsi on a :
a
bc
I
 ( I )
VCB   e dr   e
dr
2

hr
2

hr
a b
c
Le premier terme contribution correspond à la contribution du courant I injecté en A, le
deuxième à celui extrait de D. On en déduit :
2
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VCB 
e I
ac
ln
2 h (a  b)(b  c)
On en tire, si toutes les distances entre pointes sont égales (a = b = c) :
V h
(1)
e  BC
I ln 2
En plus de l’épaisseur h, cette expression (1) dépend de la géométrie via le facteur ln2  4,5.
Dans le cas où on ne peut plus considérer la surface comme infinie, ce facteur doit être corrigé,
principalement en fonction du rapport l/a.
3. Méthode de Van der Pauw
Nous allons montrer que, pour une configuration légèrement différente de celle que nous venons
d’utiliser, on peut calculer la résistivité à partir d’une formule similaire à l’équation (1). En fait,
nous allons montrer d’une manière plus générale que pour une géométrie telle que celle schématisée
sur la gauche de la figure 3, on a la relation dite de Van der Pauw :
 h

 h

exp  
RAB ,CD   exp  
RBC , DA   1
(2)
 e

 e

où par définition RAB,CD est la résistance obtenue quand on mesure une tension entre C et D quand
un courant circule de A à B, soit RAB,CD = VDC/IAB. De même, RBC,DA = VAD/IBC.
La relation (2) se démontre d’abord pour un demi-plan infini avec les points de contact sur son
bord comme schématisé sur la droite de la figure 3. Puis elle se généralise à une surface de
n’importe quelle forme convexe, à condition de placer les points de contacts en périphérie.
Démontrons (2) dans le cas du demi-plan. Quand un courant I circule de A et B et qu’on mesure
la tension VDC, démontrer que l’on a :
 I (a  b)(b  c)
VDC  e ln
h
b( a  b  c )
Fig. 3 : Méthode de van der Pauw pour la mesure de la résistivité. A gauche, une surface d’épaisseur h, de forme
convexe quelconque. Les quatre contacts électriques A à D sont sur le bord de l’échantillon. On montre que cette
surface est équivalente au demi-plan infini situé à droite.
On a donc RAB ,CD 
VD  VC e (a  b)(b  c)

ln
d’où :
I
 h b( a  b  c )
h
 b( a  b  c )
exp 
RAB ,CD  
 e
 (a  b)(b  c)
De la même manière on peut montrer que :
h

ca
exp 
RBC , DA  
 e
 (a  b)(b  c)
En additionnant ces deux dernières relations on obtient la relation 2 pour un demi-plan infini.
Il est possible de relier analytiquement par une bijection ce demi-plan infini à n’importe quelle
forme de surface convexe (sans « trou ») et avec des contacts ponctuels. L’intégrale permettant de
calculer une différence de potentiel sur un chemin suivant le bord du demi-plan est équivalente à la
même intégrale sur un chemin suivant le bord de la surface.
3
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Si la relation (2) définit la résistivité e de manière univoque, il n’est toutefois pas possible de
l’inverser facilement, de manière à obtenir e en fonction des mesures de RAB,CD et RBC,DA. En
revanche, si (AC) est un axe de symétrie de la surface et que B et D sont images l’un de l’autre par
symétrie par rapport à cet axe, alors (2) se simplifie car RAB,CD = RDA,BC. Or, comme pour n’importe
quel élément à quatre pôles passif, RDA,BC = RBC,DA d’où RAB,CD = RBC,DA et ainsi (2) s’écrit :
 h

2 exp  
RAB ,CD   1
 e

d’où
h
e 
RAB ,CD
ln 2
Cette nouvelle relation est a fortiori valable si l’échantillon est carré et que les contacts sont pris
sur les coins comme schématisé sur la figure 4 ci-dessous.
Fig. 4 : Motif en trèfle de Hall.
4. Effet Hall et méthode de Van der Pauw
Intéressons-nous maintenant à une mesure « croisée », par exemple celle de RAC,BD, comme
indiqué sur la gauche de la figure 5. Nous allons montrer que le coefficient de Hall RH est fonction
de la différence RAC,BD entre la valeur de RAC,BD mesurée avant l’application du champ
magnétique et celle mesurée après. La partie droite de la figure 5 montre le système, vu de dessus.
Un courant I est injecté en A et extrait en C. Les lignes de courant sont représentées. Certaines
d’entre elles se confondent avec les bords de la surface.
Fig. 5 : Méthode de van der Pauw pour la mesure du coefficient de Hall. A gauche, le schéma de la mesure. À droite, la
surface vue de dessus. Les lignes de courant sont représentées. L’intégration du champ de Hall sur le chemin DB’B
permet de calculer le coefficient de Hall en fonction de la variation de R AC,BD.
De la même manière que dans la section 1, ces lignes de courant ne sont pas différentes avant et
après l’application du champ magnétique. Ainsi, il existe en tout point de la surface un champ
électrostatique EH qui compense l’effet du champ magnétique, c’est-à-dire que EH est
perpendiculaire aux lignes de courant et que son module vaut JB/(qNdop) où J est le module de la
densité de courant.
Ainsi, la différence VDB entre les tensions VDB mesurées avant et après l’application du champ
magnétique est uniquement due au champ transverse EH créé par l’application du champ
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magnétique. Pour calculer cette différence, il suffit donc d’intégrer ce champ transverse et pas le
champ total. On utilise pour cette intégration un chemin en deux parties : une partie perpendiculaire
à toutes les lignes de courant et l’autre le long de la ligne de courant qui suit le bord de
l’échantillon. Cette dernière est nulle puisqu’on intègre un champ transverse aux lignes de courant
B'
B
B'
B'

B
d’où VDB   EH .dr   EH .dr   EH .dr . Donc, on a VDB  
J.d r soit :

qn D
D
B'
D
1 BI
BI
VDB  
 RH
qN dop h
h
Au final on a :
B
RAC , BD  RH
h
5. Mobilité et concentration de porteur
La mobilité µ est le paramètre reliant les modules du champ électrostatique (en l’absence de
champ magnétique) et de la vitesse des porteurs : v  µ E . Si on considère que les seules forces en
jeu sont la force électrostatique et une force de frottement fluide représentant les interactions des
porteurs avec le réseau cristallin, les impuretés, ou les autres éléments de leur environnement, alors
on a en régime permanent dans un milieu homogène :
m*
0   qE 
v

où  est le temps caractéristique des collisions entre les porteurs et leur environnement et m* leur
masse effective de conduction. On en tire :
q
µ *
m
Puisque la densité de courant s’écrit J  qN dop v et que la loi d’Ohm sous forme locale s’écrit
E  e J , alors on a pour la résistivité e :
1
qN dop µ
Et si on fait une mesure du coefficient de Hall RH, on peut en déduire, connaissant la résistivité,
la valeur de la concentration de porteurs n et de la mobilité µ. Tout cela sous réserve qu’il n’y ait
qu’un seul type de porteurs de charge, ce qu’on peut considérer comme valable pour un
semiconducteur dopé. Mais pour un semiconducteur intrinsèque, les électrons et les trous sont en
concentrations égales et ont des mobilités différentes. Il n’est donc pas possible de tirer quoi que ce
soit de la mesure de l’effet Hall.
e 
6. Travail de préparation (travail à rendre au début de la séance)
6.1. Effet Hall
1. Expliquer ce qu’est la tension de Hall et pourquoi elle change de signe en fonction du
type de dopage.
2. En considérant des valeurs typiques telles que I = 1 mA et Bz = 1 T pour un barreau de
métal (avec n = 1029 m-3) d’épaisseur h = 1 mm, la tension de Hall est-elle mesurable?
Qu’en est-il pour un barreau semiconducteur (avec par exemple n = 1024 m-3) ? Et pour
une épaisseur h = 1 µm ?
3. Pourquoi utiliser une technique à quatre pointes (plutôt que seulement deux) pour
effectuer une mesure de résistivité ? Expliquer.
5
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4. On effectue une mesure de résistivité à quatre pointes en utilisant la géométrie de la
figure 4 et on obtient VCD=1 V et I=1 mA. Calculer la résistivité pour un échantillon
d’épaisseur 100 µm.
6.2. Semiconducteur intrinsèque : estimation du gap
Dans le cas d’un semiconducteur intrinsèque, la dépendance en température de la résistivité
1
e 
(et donc de la résistance) est principalement pilotée par la dépendance en température
qN dop µ
de la concentration de porteurs. Le remplissage de la bande de conduction suit une statistique de
Boltzmann :
  Eg 
n  exp 

 2 k BT 
où kB = 1,38×10-23 J.K-1 est la constante de Boltzmann et g la largeur de la bande interdite.
Vous mesurez la résistance d’un échantillon de semiconducteur intrinsèque en fonction de la
température. Comment représenter ces mesures pour en extraire facilement la largeur de la bande
interdite ?
7. Manipulation
7.1 Effet Hall
7.1.1. Echantillon dopé N
– On effectue une première caractérisation à température ambiante. Le système réalise une
moyenne sur plusieurs mesures de tension pour calculer les différents paramètres (coefficient de
Hall RH, mobilité µ, concentration de porteurs n, résistivité e). Retrouver e et RH. En déduire n et
µ.
– Idem à 77 K. Comment évoluent la résistivité, la concentration de porteurs, la mobilité avec la
température ?
– A basse température, on a approximativement :
 E  ED 
n  exp   C

 2k BT 
Avec une approche analogue de celle développée pour la détermination de g, comment estimer la
position dans la bande interdite du niveau D de l’impureté donneuse par rapport au basC de la
bande de conduction ?
7.1.2. Echantillon dopé P
– Même mesures que pour N (coefficient de Hall RH, mobilité µ, concentration de porteurs n,
résistivité e à température ambiante et 77 K)
– Quel est le signe de la charge des porteurs ?
– Comparaison entre les cas N et P : quelle est la différence entre la mobilité des trous et la
mobilité des électrons ? Pourquoi ?
6
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