L’anguille, un poisson à éviter 10/2011 Manger du poisson, c’est sain et c’est bon. Mais d’un autre coté, la surconsommation et la surpêche vident les océans et on craint une pénurie globale de poissons à un horizon assez proche. C’est en tout cas ce qui arrive à l’anguille, un poisson très menacé. Après la raie, le cabillaud, le carrelet et bien d’autres, continuons notre état des lieux sur les poissons à éviter avec l’anguille. L’anguille, très reconnaissable par son corps serpentiforme ne possède pas d’écailles. L’expression filer ou glisser comme une anguille vient du fait que sa peau couverte de mucus rend le poisson particulièrement difficile à attraper car très glissant. L’anguille, un poisson menacé Comme c’est le cas pour beaucoup d’autres poissons, le terme usuel « anguille » est un nom vernaculaire désignant donc plusieurs espèces : anguille abyssale, anguille d’Amérique, d’Australie, anguille des sources, anguille-spaghetti etc. L’espèce la plus courante est l’anguille d’Europe encore appelée anguille commune (du nom latin : Anguilla Anguilla). L’anguille mesure de 40 à 150 cm. Les femelles pèsent parfois jusqu’à 4 kg. Ce poisson peut vivre au-delà de 25 ans. Alerte rouge sur les stocks d’anguille européenne L’anguille fait partie de ces nombreux poissons menacés d’extinction. Son stock figure sur la liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). La surpêche et un cycle de vie complexe font de l’anguille un poisson vulnérable qu’il faut épargner et protéger. Ainsi, dans certains estuaires, le taux de capture des jeunes peut atteindre les 95%. Le WWF met en avant également un taux de prises accidentelles de jeunes anguilles très élevé. Mais l’état critique des stocks n’est pas seulement dû à une pêche intensive. En effet, des scientifiques estiment que le stock de géniteurs en mer des Sargasses(1) est trop faible. La quantité de géniteurs vivants dans les bassins versants a diminué de 75%. La migration des anguilles est elle aussi soumise à dure épreuve : à l’aller, les larves sont menacées par une modification des courants marins. Au retour, un parasite, Anguillicola crassus, menace la fertilité et la survie de l’espèce. D’autres phénomènes responsables de l’état des stocks ont été relevés comme les barrages coupables d’aspirer les anguilles dans les turbines et la réduction des zones humides. Enfin, ces mêmes scientifiques ont remarqué que les anguilles étaient affaiblies par la présence de pesticides, diminuant leur potentiel reproducteur. Les stocks ont déjà atteint un point bas historique en 1984, date à laquelle la France avait déjà tiré la sonnette d’alarme ; depuis, les stocks continuent à s’amenuiser. La population d’anguilles aurait ainsi été divisée par 10 en 20 ans. Le niveau actuel des stocks menace réellement la survie de l’espèce et fait craindre le pire pour les années à venir. En résumé, l’anguille est un poisson menacé pour trois raisons principales : la surpêche, agravée par son braconnage à l’état juvénile (« civelles ») les parasites (anguillicola) et la construction de barrages qui perturbent ses migrations. la pollution* des estuaires, cours d’eaux et fleuves ( par les pesticides notamment), qui influe sur sa fécondité et fragilise ses défenses immunitaires. * voir la partie Anguille, santé et pollution Des mesures à adopter d’urgence Dès 1998 le CIEM (Comité International pour l’Exploration de la Mer) et la FAO considèrent que le stock d’anguilles est en dehors de ses limites biologiques et que les pêcheries ne sont plus durables. En 2007, la Communauté Européenne a mis en place un plan de reconstitution du stock d’anguilles, visant surtout à rétablir le stock de poissons géniteurs. Il a été demandé à chaque Etat membre d’élaborer un plan de gestion national. En France, les mesures adoptées pour reconstituer les stocks portent sur le repeuplement des bassins et la limitation des pêches. (1) Le saviez-vous ? L’anguille est un poisson étonnant. Toutes les anguilles naissent au même endroit : la mer des Sargasses, au sud de la Floride. Les larves parcourent ainsi 6.000 km, aidées par les courants, pour atteindre les côtes européennes. Pendant leur parcours, les larves se transforment et arrivent dans la zone européenne à leur stade de civelle, c’est-à-dire des anguilles transparentes de quelques centimètres seulement. A ce niveau, elles sont déjà menacées puisque les civelles sont à la base de plats traditionnels des pays d’Europe du Sud, faisant d’elles un met de choix et particulièrement apprécié. Les survivants devenant alors anguilles jaunes se sédentarisent et remontent les cours d’eau. Au bout d’une dizaine d’années, elles changent à nouveau d’apparence et deviennent argentées. L’anguille jaune et l’anguille argentée correspondent au même poisson, mais à des stades différents du cycle de vie.