2 3
otre mission
et notre époque
Chers spectatrices et spectateurs,
À la Comédie, on aime susciter des moments chaleureux. Je me suis
glissée avec bonheur dans cette culture de l’accueil du public et
des artistes. Dans les yeux des spectateurs, je lis un intense désir de
théâtre et de jeu collectif. Rencontrer l’autre, celui qu’on ne connaît
pas et qui fait peur, c’est ouvrir son esprit. Les relations humaines sont
décidément une des clés de notre savoir-faire et de l’art du théâtre.
Comme tous les Centres dramatiques, la Comédie de Béthune est
une maison de création. Grâce aux travaux de rénovation, cette idée
s’incarne aujourd’hui pleinement. En mars 2016, nous présenterons
un parcours au Palace : je recréerai
La Maison
et
King Kong Théorie
qui seront présentés au foyer et dans la salle de répétition, avant de
prolonger la soirée avec
Let’s Dance
sur le plateau de la grande salle.
Notre mission est de rassembler le public autour des créations
et des spectacles, et la conquête de nouveaux publics fait partie
de cette mission. Oui, l’idée forte du théâtre public est de s’adresser
à tous. Depuis Vilar, fondateur du théâtre public, cette idée s’est
ancrée dans un désir fraternel de rassemblement.
J’entends parfois prononcer le mot d
“élitisme” à propos du théâtre
public. Je ne le comprends pas. Élitisme par rapport à quoi? Élitisme
voudrait dire “qui ne s’adresse qu’à certains”? Les analyses du public
de la Comédie disent l’inverse. Si j’ai souhaité devenir directrice
de la Comédie, c’est précisément parce qu’il y a ici un projet rare :
les représentations dans les communes du territoire y alternent avec
les spectacles au Palace et au Studio, pour multiplier les instants de
plaisir et de découverte partagés.
Voilà en quelques mots où réside mon engagement artistique. De fait,
c’est un engagement social et politique.
Dans l’époque de crise économique profonde que nous vivons,
nous sommes nombreux à nous sentir perplexes. Qui croire? À quoi
croire? Où faut-il regarder pour se forger de nouvelles certitudes?
Que signifient maintenant des mots comme “républicain”, “égalité
des chances”, “fraternité”? Que faire de notre héritage politique?
Cette deuxième saison s’est construite à partir de ces questions,
toujours dans le désir de partage. Les artistes de la saison sont
nombreux à créer au prisme des sujets de notre époque : l’avenir
des jeunes, l’héritage que nous leur laissons, l’évolution des relations
entre hommes et femmes… S’il y a un état d’esprit commun à
Que faire? le retour]
,
MICRO CR€DIT,
La Maison, King Kong Théorie,
Aux suivants, Revolt. She said. Revolt again.
ou
Western Society,
c’est
celui d’oser aborder avec humour et lucidité les enjeux sociétaux
d’aujourd’hui.
La culture, comme le théâtre que je fais, comme celui que je dirige
aujourd’hui, n’est pas un jouet. Elle fait parfois l’objet d’une petite
phrase assassine lancée par un responsable politique à l’affût
d’une caméra. Mais le théâtre n’est pas un vieux truc dont on se
débarrasse juste parce que ça coûte moins cher. Ce qu’il propose
et ce qu’il déploie ne se mesure pas seulement à l’aune d’une logique
comptable. Ne vendons pas l’éclat dans les yeux des spectateurs
à si bas prix! La joie partageuse du théâtre en dépend, ainsi que
sa capacité d’invention. Si j’aime à me souvenir de Vilar, c’est dans
cet esprit rassembleur et créatif, avec l’assurance que “le théâtre est
dû au public”, disait-il. Aujourd’hui, le théâtre se fait de plus en plus
avec le public
. Pour nous, artistes et spectateurs menacés par temps
de crise, cette idée venue de notre héritage théâtral évolue et trouve
un sens nouveau.
Avec d’autres directrices et directeurs de Centres dramatiques
nationaux et régionaux, engagés comme moi dans une aventure
théâtrale
exigeante et populaire
, je dis que le théâtre reste une idée
neuve en France. Et je vous invite à lire, quelques pages plus loin,
le texte que nous avons cosigné.
cécile backès