3eTRIMESTRE 2007 > N°37
DOSSIER
Magnétisme :
une technologie clé
pour la recherche
Collaborations France-Chine p.12
Une fondation sur le Plateau
de Saclay p.14
LE JOURNAL
Centre CEA de Saclay
Fête de la Science les 13 et 14 octobre 2007
Portes ouvertes à NeuroSpin p.16
CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 1
Éditeur
CEA (Commissariat
à l’énergie atomique)
Centre de Saclay
91191 Gif-sur-Yvette Cedex
Directeur
Yves Caristan
Directrice de la publication
Danièle Imbault
Rédacteur en chef
Christophe Perrin
Rédactrice en chef adjointe
Sophie Astorg
Iconographie
Chantal Fuseau
Conception graphique
Mazarine
2, square Villaret de Joyeuse
75017 Paris
Tél. : 01 58 05 49 25
Photos de couverture :
Boussole chinoise du IIesiècle av. J.-C.
Éditorial
Les échanges scien-
tifiques n’ont jamais
connu de frontière. C’est
ce qui en a fait un moteur
important de l’essor de
nos sociétés. Ainsi en
pleine guerre froide, à la fin des années
60, des physiciens des particules de
Saclay concevaient une des plus grandes
chambres à bulles jamais réalisées alors,
« Mirabelle », et l’installaient à Serpukhov
au cœur de l’Union soviétique, où ils
s’établissaient avec leur famille pour
plusieurs années. D’autres physiciens
participaient au développement du CERN,
symbole de coopération internationale
voulu par les pays fondateurs européens,
dans un contexte géopolitique difficile.
Aujourd’hui, nous parlons de globalisation
et d’interdépendance pour une grande
partie des activités humaines et les
activités scientifiques n’échappent pas
à ce mouvement. C’est dans ce cadre
que la Direction générale du CEA a reçu
N° ISSN 1276-2776
Centre CEA de Saclay
Droits de reproduction,
texte et illustrations
réservés pour tous pays
Crédits photos
CEA / A Gonin
CEA / C Fuseau
CEA / Ganil / JM Enguerrand
IPGP / J Aubert
CEA / B Levesy
CERN
CEA / JJ Bigot
CEA / T Foulon
CEA / F Benausse
CEA / C Dupont
CNRS photothèque /JM Garcia,
L Belliard
CNRS photothèque / Thales/
H Raguet
CEA / Boulay
CEA / Joly
CEA / D Marchand
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CNRS photothèque / I Delbende,
M Rossi
CNRS photothèque / A Duchon
INRIA / C Lebedinsky
Sommaire n° 37
Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.2
Dossier : Magnétisme . . . . . . . . . . . . . . . . p.3
Collaborations France-Chine. . . . . . . . . . p.12
Une fondation sur le Plateau de Saclay . . . p.14
Conférence Cyclope juniors . . . . . . . . . . p.16
Portes ouvertes à NeuroSpin . . . . . . . . . . p.16
LECEA ET LE MAGNÉTISME
1
Depuis sa création, le CEA participe à la
conception d’accélérateurs de particules
pour élucider l’organisation de la matière
à partir de ses composantes les plus
élémentaires : c’est l’objectif poursuivi par
la physique nucléaire et la physique des
particules. En 1945, c’était une clé importante
pour parvenir à domestiquer l’énergie
nucléaire, c’est aujourd’hui encore
un défi scientifique de premier plan.
Ces accélérateurs se sont succédé, à des
échelles et des énergies toujours croissantes,
dans le cadre de collaborations élargies. Dans
toutes ces installations, les champs
magnétiques jouent un rôle majeur. Ils
servent à confiner ou à courber les faisceaux
de particules accélérées. Dans les détecteurs,
ils entraînent, sur des trajectoires précieusement
enregistrées, les particules inconnues,
engendrées à la suite de collisions,
et dévoilent de la sorte leurs énergies.
La course aux hautes énergies a mécani-
quement entraîné la course aux champs
magnétiques intenses et a conduit à
développer la technologie des aimants
supraconducteurs et de la cryogénie
nécessaire à leur fonctionnement.
Ces avancées ont enrichi plus récemment
d’autres disciplines, également présentes
au CEA : la fusion nucléaire par confinement
magnétique et l’imagerie médicale par
résonance magnétique.
Par ailleurs, des physiciens de l’état
condensé s’attachent à comprendre
le magnétisme à petite échelle, dans
des couches minces ou même au niveau
d’atomes individuels. Le « nanomagnétisme »,
ou « spintronique », apparaît aujourd’hui
comme une voie prometteuse d’innovations
en électronique.
Mise en place de l’aimant d’un détecteur
du Grand accélérateur national d’ions lourds.
Cette installation CNRS-CEA à Caen est dédiée
à la physique nucléaire (étude des noyaux
atomiques).
1
à Saclay le Président de l’Académie des
sciences chinoise. C’est aussi dans cet
esprit que des équipes du centre CEA de
Saclay et leurs partenaires du Plateau se
sont associés au sein d’une fondation de
coopération scientifique dans les domaines
des systèmes d’informations et de la
physique. Le même mouvement s’est
opéré autour des neurosciences (École des
neurosciences Paris Île-de-France). Alain
Bravo, directeur de Supélec et président de
la fondation « Digiteo - Triangle de la
physique » nous fait part dans ce numéro
des orientations données à cette fondation.
Enfin vous trouverez un dossier scientifique
sur le magnétisme, un phénomène
physique de première importance. Les
applications sont en plein développement
aussi bien dans le domaine de la vie
courante que dans celui des très grands
instruments de la physique, aux frontières
de la connaissance.
Yves Caristan,
Directeur du centre CEA de Saclay
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Magnétisme :
une technologie clé pour la recherche
MAGNÉTISME : UNE TECHNOLOGIE
CLÉ POUR LA RECHERCHE
Les technologies liées au magnétisme sont présentes dans de nombreuses installations de recherche :
accélérateurs de particules, fusion nucléaire, imagerie par résonance magnétique, etc. Elles sont la
clé de progrès décisifs.
3
La limaille de fer matérialise le champ magnétique de l’aimant.
Chaque particule se comporte comme un minuscule aimant,
qui s’oriente dans ce champ, le pôle nord de l’un attiré par le
pôle sud de l’autre.
1
LE MAGNÉTISME
AU QUOTIDIEN
Chacun croit savoir ce qu’est le magnétisme mais peine
à le définir. Retour aux bases…
A quoi associez-vous le magnétisme ? A un « magnet »
collé sur le réfrigérateur ? Cette image définit bien le
magnétisme : un aimant exerce des forces d’attraction sur
des objets en fer ou en acier. Mais qu’est-ce qu’un
aimant ? C’est à l’origine un objet dont la composition
inclut un métal comme le fer, le nickel, le cobalt ou le
chrome. Il existe à l’état naturel, comme la magnétite, un
oxyde de fer présent sur l’île grecque Magnésie qui a
donné son nom au magnétisme. Il est possible de renforcer
artificiellement un aimant naturel : prenez deux objets en
fer ou en acier et cognez-les l’un contre l’autre. Les chocs
répétés exacerbent leur propriété ; de même, certains
outils s'aimantent à l’usage.
1
Un mystérieux médiateur : le champ
magnétique
Pour augmenter la force d’un aimant, on peut aussi le frotter
avec un aimant plus puissant. Le « pouvoir » de l’un se
trouve ainsi transmis à l’autre grâce à un invisible média-
teur : le champ magnétique. Une expérience classique
utilisant un aimant et de minuscules grains de fer permet
de visualiser ce champ : le fer s’agglutine aux extrémités
(ou pôles) de l’aimant et le long de lignes refermées sur
ces pôles. Ces « lignes de force » dessinent précisément
les contours du champ magnétique de l’aimant, indiquant
à la fois l’intensité et la direction de ce champ. Chaque
grain de fer est en réalité un « mini-aimant » dont le pôle
nord est à la fois attiré par le pôle sud de son voisin et
repoussé par son pôle homologue. Ils ont donc tendance
à s’aligner.
Permanent ou temporaire
Même sans aimant, il est possible de produire un champ
magnétique : une boucle de fil conducteur parcourue par
un courant électrique fait l’affaire ! Il suffit alors de glisser
l’aimant à l’intérieur d’une bobine conductrice pour
démultiplier sa force. L’ensemble, appelé électroaimant,
constitue un aimant à commande électrique.
Suivant le matériau qui constitue l’aimant, les propriétés
magnétiques acquises sous l’effet d’un champ excitateur
persistent ou non quand ce champ disparaît. Ainsi, l’acier
conserve une aimantation permanente, à la différence
d’un alliage de fer qui la perd en grande partie. On parle de
matériau magnétique dur (acier) ou doux (fer). Pour réaliser
un électroaimant, il est préférable d’utiliser un composé en
fer doux pour bénéficier d’une remise à zéro à l’extinction
du courant électrique.
Dans la nature, certaines roches sédimentaires ou
magmatiques ont donné naissance à des aimants perma-
nents : c’est le champ magnétique terrestre qui a organisé
et façonné ces matériaux.
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4
Magnétisme
La Terre est un aimant
Notre planète elle-même se comporte comme un gigan-
tesque aimant. Ses pôles sont proches des pôles géogra-
phiques1, sans être confondus avec eux, près de 1 300 km
les en séparent actuellement. La rotation de la Terre
affecte les mouvements de convection2qui agitent
l’intérieur du noyau liquide, ce grand océan de fer en
fusion situé entre la graine de fer solide de 1 200 km de
rayon et le bas du manteau de 3 500 km de
rayon. Or aucun aimant permanent ne peut
subsister à la température régnant dans le
noyau (plusieurs milliers de degrés). Ce sont
les seuls courants électriques à l’intérieur
du noyau qui, par « effet dynamo », sont à
l’origine du champ magnétique terrestre.
Le champ magnétique terrestre
en laboratoire
Cela a été confirmé par les récents résultats obtenus par
la collaboration VKS3, dans une expérience mise en œuvre
notamment par une équipe du DRECAM4au centre CEA
de Cadarache. Pour la 1ère fois, un champ similaire au
champ magnétique terrestre a été produit par effet
dynamo spontané dans un fluide conducteur turbulent (de
sodium) et pour la 1ère fois également, des renversements
de ce champ, similaires à ceux bien connus des géophy-
siciens, ont été mis en évidence en laboratoire. Ces inversions
de polarité se sont en effet répétées plus de cent fois au
cours des 50 derniers millions d’années. L’événement le
plus récent date de 780 000 ans.
Sans champ magnétique terrestre, plus de boussole, ni de
bouclier magnétique : les particules cosmiques, nocives
pour les êtres vivants… et l’électronique, pénètreraient
dans notre atmosphère. La vie deviendrait plus difficile.
La magnétite est un oxyde de fer naturel dont les propriétés
magnétiques témoignent du champ magnétique terrestre
existant au moment de la formation de la roche.
Entre le manteau et la graine solide située au centre de la Terre,
un océan de fer liquide, agité de tourbillons, est à l’origine du
champ magnétique terrestre. Les traits blancs matérialisent les
lignes de force de ce champ.
L’expérience VKS a permis de modéliser le noyau de fer liquide
de notre planète grâce à un métal liquide turbulent (sodium).
Un champ magnétique semblable à celui de la Terre est apparu
spontanément. Des renversements de ce champ, analogues à
ceux du champ magnétique terrestre, ont également été observés.
Ici, vue de la cuve vide, où est brassé le sodium liquide.
3
2
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Quelques tâches très magnétiques
S’orienter à la boussole
Dès le IIesiècle av. J.-C, les Chinois utilisent des aiguilles
(ou des cuillers) en magnétite pour s’orienter. La relation
entre les aimants et le champ magnétique terrestre n’est
en revanche établie qu’en 1600 par un physicien anglais,
William Gilbert.
Le pôle nord de l’aiguille en acier de la boussole est attiré
par le pôle nord de la Terre. Cherchez l’erreur : le pôle
magnétique proche du pôle nord géographique est en
réalité un pôle sud magnétique !
Détail intéressant : l’annulation du champ magnétique
terrestre en cas de renversement est très transitoire. C’est
aussi ce qui est observé dans l’expérience VKS…
1 Pôles géographiques : ils sont définis par l’axe de rotation de la Terre
sur elle-même.
2 Convection : transport de chaleur et de matière.
3 Von Karman Sodium : collaboration impliquant le CEA, le CNRS et les
Écoles normales supérieures de Paris et de Lyon.
4 DRECAM : Département de recherche sur l’état condensé, les atomes
et les molécules, du centre CEA de Saclay.
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5
Cuisiner… ou contrôler la fabrication de pièces
métalliques
Sous les plaques à induction, un champ magnétique variable
induit des courants électriques (dits de Foucault) à l’inté-
rieur du fond de la casserole. De même que le filament
d’une lampe s’échauffe en même temps qu’il éclaire, la
casserole chauffe les aliments et… la plaque de cuisson.
Sur le même principe, les courants de Foucault sont
exploités pour le contrôle non destructif de pièces indus-
trielles conductrices. Un champ magnétique variable
induit des courants au sein de la pièce à tester. La
présence d’un défaut perturbe la circulation de ces
courants. L’interprétation fine des signaux exige une
modélisation préalable des phénomènes en jeu. C’est
l’une des spécialités d’une équipe du LIST1, à Saclay, qui
avec la plate-forme logicielle dédiée au contrôle non
destructif CIVA, dispose d’un outil exceptionnel, utilisé par
des industriels de nombreux secteurs.
Ecrire ou lire l’information
Comme autrefois sur la bande d’un magné-
tophone, les informations sont stockées sur
le disque dur d’un ordinateur. Une tête
d’écriture composée d’un électroaimant
aimante localement la couche magnétique
à la surface du disque et écrit des « 0 » ou
des « 1 ». En lecture, l’électroaimant est
aujourd’hui remplacé par une tête exploi-
tant un effet de magnéto-électro-
nique ou électronique de spin2.
1 LIST : Laboratoire d’intégration des
systèmes et technologies, de la Direction
de la recherche technologique du CEA.
2 Voir à ce sujet l’encadré p.10.
5
Boussole chinoise du IIesiècle av. J.-C. La cuiller sera remplacée plus
tard par une aiguille. Les 24 graduations sont utilisées encore aujourd’hui
sur les compas des navires de pêche chinois. La boussole a été introduite
en Europe, via le monde arabe, vers le XIIesiècle.
Les dessous d’une plaque de cuisson à induction. On distingue les bobines
induisant les courants de Foucault à l’intérieur du fond des casseroles.
Deux aimants, dont les pôles homologues (nord-nord ou sud-sud)
se font face, se repoussent. Si on retourne l’un des aimants, l’aimant
situé en haut tombe, attiré par l’autre. Le train à lévitation magnétique
est une illustration de ces forces magnétiques répulsives, capables
de compenser le poids du train.
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2
1
Attention, pour s’orienter précisément sans GPS, il faut
consulter sur une carte récente la déclinaison du lieu,
c’est-à-dire l’écart angulaire entre la direction des pôles
nord géographique et magnétique.
Fermer la porte d’un placard ou soulever un train
Fermer la porte d’un placard, ouvrir un contact électrique
à distance, soulever une carcasse de voiture à l’extrémité
d’une grue : un aimant ou un électroaimant s’en charge…
Mais attention, quand vous passez une IRM, il règne un
champ magnétique intense dans le local d’examen. Tous
les objets métalliques sont à bannir : ils se transforme-
raient en dangereux projectiles par effet « missile ».
Suivant l’orientation de leurs pôles, des aimants s’attirent…
ou se repoussent, comme dans les trains à lévitation
magnétique. Au passage du train, le champ magnétique
produit par des électroaimants embarqués induit, dans
des bobines solidaires du rail, un courant qui les active. La
force répulsive compense alors le poids du train. Celui-ci
lévite au-dessus du rail sans frottement…
Produire un courant électrique
Magnétisme et électricité sont intriqués. Un courant
parcourant une boucle circulaire produit un champ
magnétique. À l’inverse, un champ magnétique influence
par « induction » un circuit électrique : il fait apparaître un
courant électrique (induit) dans une bobine en rotation.
Fondés sur ce principe, les alternateurs des centrales
convertissent l’énergie mécanique (mouvement) en électricité.
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une technologie clé pour la recherche
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