3e TRIMESTRE 2007 > N°37 CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 1 Centre CEA de Saclay LE JOURNAL DOSSIER Magnétisme : une technologie clé pour la recherche ■ Collaborations France-Chine p.12 ■ Une fondation sur le Plateau de Saclay p.14 Fête de la Science les 13 et 14 octobre 2007 Portes ouvertes à NeuroSpin p.16 CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 2 Éditorial Éditeur Crédits photos CEA (Commissariat à l’énergie atomique) Centre de Saclay 91191 Gif-sur-Yvette Cedex CEA / A Gonin CEA / C Fuseau CEA / Ganil / JM Enguerrand IPGP / J Aubert CEA / B Levesy CERN CEA / JJ Bigot CEA / T Foulon CEA / F Benausse CEA / C Dupont CNRS photothèque /JM Garcia, L Belliard CNRS photothèque / Thales/ H Raguet CEA / Boulay CEA / Joly CEA / D Marchand CNRS photothèque / L Medard CNRS photothèque / I Delbende, M Rossi CNRS photothèque / A Duchon INRIA / C Lebedinsky Directeur Yves Caristan Directrice de la publication Danièle Imbault Rédacteur en chef Christophe Perrin Rédactrice en chef adjointe Sophie Astorg Iconographie Chantal Fuseau Conception graphique Mazarine 2, square Villaret de Joyeuse 75017 Paris Tél. : 01 58 05 49 25 Photos de couverture : Boussole chinoise du II e siècle av. J.-C. N° ISSN 1276-2776 Centre CEA de Saclay Droits de reproduction, texte et illustrations réservés pour tous pays Sommaire n° 37 Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.2 Dossier : Magnétisme . . . . . . . . . . . . . . . . p.3 Collaborations France-Chine . . . . . . . . . . p.12 Une fondation sur le Plateau de Saclay . . . p.14 Conférence Cyclope juniors . . . . . . . . . . p.16 Portes ouvertes à NeuroSpin . . . . . . . . . . p.16 L es échanges scien- à Saclay le Président de l’Académie des tifiques n’ont jamais sciences chinoise. C’est aussi dans cet connu de frontière. C’est esprit que des équipes du centre CEA de ce qui en a fait un moteur Saclay et leurs partenaires du Plateau se important de l’essor de sont associés au sein d’une fondation de nos sociétés. Ainsi en coopération scientifique dans les domaines pleine guerre froide, à la fin des années des systèmes d’informations et de la 60, des physiciens des particules de physique. Le même mouvement s’est Saclay concevaient une des plus grandes opéré autour des neurosciences (École des chambres à bulles jamais réalisées alors, neurosciences Paris Île-de-France). Alain « Mirabelle », et l’installaient à Serpukhov Bravo, directeur de Supélec et président de au cœur de l’Union soviétique, où ils la fondation « Digiteo - Triangle de la s’établissaient avec leur famille pour physique » nous fait part dans ce numéro plusieurs années. D’autres physiciens des orientations données à cette fondation. participaient au développement du CERN, Enfin vous trouverez un dossier scientifique symbole de coopération internationale sur le magnétisme, un phénomène voulu par les pays fondateurs européens, physique de première importance. Les dans un contexte géopolitique difficile. applications sont en plein développement Aujourd’hui, nous parlons de globalisation aussi bien dans le domaine de la vie et d’interdépendance pour une grande courante que dans celui des très grands partie des activités humaines et les instruments de la physique, aux frontières activités scientifiques n’échappent pas de la connaissance. à ce mouvement. C’est dans ce cadre Yves Caristan, que la Direction générale du CEA a reçu Directeur du centre CEA de Saclay LE CEA ET LE MAGNÉTISME 1 1 Mise en place de l’aimant d’un détecteur du Grand accélérateur national d’ions lourds. Cette installation CNRS-CEA à Caen est dédiée à la physique nucléaire (étude des noyaux atomiques). Depuis sa création, le CEA participe à la conception d’accélérateurs de particules pour élucider l’organisation de la matière à partir de ses composantes les plus élémentaires : c’est l’objectif poursuivi par la physique nucléaire et la physique des particules. En 1945, c’était une clé importante pour parvenir à domestiquer l’énergie nucléaire, c’est aujourd’hui encore un défi scientifique de premier plan. Ces accélérateurs se sont succédé, à des échelles et des énergies toujours croissantes, dans le cadre de collaborations élargies. Dans toutes ces installations, les champs magnétiques jouent un rôle majeur. Ils servent à confiner ou à courber les faisceaux de particules accélérées. Dans les détecteurs, ils entraînent, sur des trajectoires précieusement enregistrées, les particules inconnues, engendrées à la suite de collisions, et dévoilent de la sorte leurs énergies. La course aux hautes énergies a mécaniquement entraîné la course aux champs magnétiques intenses et a conduit à développer la technologie des aimants supraconducteurs et de la cryogénie nécessaire à leur fonctionnement. Ces avancées ont enrichi plus récemment d’autres disciplines, également présentes au CEA : la fusion nucléaire par confinement magnétique et l’imagerie médicale par résonance magnétique. Par ailleurs, des physiciens de l’état condensé s’attachent à comprendre le magnétisme à petite échelle, dans des couches minces ou même au niveau d’atomes individuels. Le « nanomagnétisme », ou « spintronique », apparaît aujourd’hui comme une voie prometteuse d’innovations en électronique. CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 3 Les technologies liées au magnétisme sont présentes dans de nombreuses installations de recherche : accélérateurs de particules, fusion nucléaire, imagerie par résonance magnétique, etc. Elles sont la clé de progrès décisifs. LE MAGNÉTISME AU QUOTIDIEN Un mystérieux médiateur : le champ magnétique Chacun croit savoir ce qu’est le magnétisme mais peine avec un aimant plus puissant. Le « pouvoir » de l’un se à le définir. Retour aux bases… trouve ainsi transmis à l’autre grâce à un invisible média- A quoi associez-vous le magnétisme ? A un « magnet » teur : le champ magnétique. Une expérience classique collé sur le réfrigérateur ? Cette image définit bien le utilisant un aimant et de minuscules grains de fer permet magnétisme : un aimant exerce des forces d’attraction sur de visualiser ce champ : le fer s’agglutine aux extrémités des objets en fer ou en acier. Mais qu’est-ce qu’un (ou pôles) de l’aimant et le long de lignes refermées sur aimant ? C’est à l’origine un objet dont la composition ces pôles. Ces « lignes de force » dessinent précisément inclut un métal comme le fer, le nickel, le cobalt ou le les contours du champ magnétique de l’aimant, indiquant chrome. Il existe à l’état naturel, comme la magnétite, un à la fois l’intensité et la direction de ce champ. Chaque oxyde de fer présent sur l’île grecque Magnésie qui a grain de fer est en réalité un « mini-aimant » dont le pôle donné son nom au magnétisme. Il est possible de renforcer nord est à la fois attiré par le pôle sud de son voisin et artificiellement un aimant naturel : prenez deux objets en repoussé par son pôle homologue. Ils ont donc tendance fer ou en acier et cognez-les l’un contre l’autre. Les chocs à s’aligner. Pour augmenter la force d’un aimant, on peut aussi le frotter Magnétisme : CLÉ POUR LA RECHERCHE une technologie clé pour la recherche MAGNÉTISME : UNE TECHNOLOGIE répétés exacerbent leur propriété ; de même, certains outils s'aimantent à l’usage. Permanent ou temporaire Même sans aimant, il est possible de produire un champ magnétique : une boucle de fil conducteur parcourue par un courant électrique fait l’affaire ! Il suffit alors de glisser l’aimant à l’intérieur d’une bobine conductrice pour démultiplier sa force. L’ensemble, appelé électroaimant, constitue un aimant à commande électrique. Suivant le matériau qui constitue l’aimant, les propriétés magnétiques acquises sous l’effet d’un champ excitateur persistent ou non quand ce champ disparaît. Ainsi, l’acier conserve une aimantation permanente, à la différence d’un alliage de fer qui la perd en grande partie. On parle de matériau magnétique dur (acier) ou doux (fer). Pour réaliser un électroaimant, il est préférable d’utiliser un composé en fer doux pour bénéficier d’une remise à zéro à l’extinction 1 du courant électrique. Dans la nature, certaines roches sédimentaires ou 1 La limaille de fer matérialise le champ magnétique de l’aimant. Chaque particule se comporte comme un minuscule aimant, qui s’oriente dans ce champ, le pôle nord de l’un attiré par le pôle sud de l’autre. magmatiques ont donné naissance à des aimants permanents : c’est le champ magnétique terrestre qui a organisé et façonné ces matériaux. 3 CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 4 Magnétisme La Terre est un aimant Notre planète elle-même se comporte comme un gigantesque aimant. Ses pôles sont proches des pôles géographiques1, sans être confondus avec eux, près de 1 300 km les en séparent actuellement. La rotation de la Terre 3 affecte les mouvements de convection2 qui agitent l’intérieur du noyau liquide, ce grand océan de fer en Détail intéressant : l’annulation du champ magnétique fusion situé entre la graine de fer solide de 1 200 km de terrestre en cas de renversement est très transitoire. C’est rayon et le bas du manteau de 3 500 km de aussi ce qui est observé dans l’expérience VKS… rayon. Or aucun aimant permanent ne peut subsister à la température régnant dans le 1 Pôles géographiques : ils sont définis par l’axe de rotation de la Terre noyau (plusieurs milliers de degrés). Ce sont sur elle-même. les seuls courants électriques à l’intérieur du noyau qui, par « effet dynamo », sont à 1 l’origine du champ magnétique terrestre. 2 Convection : transport de chaleur et de matière. 3 Von Karman Sodium : collaboration impliquant le CEA, le CNRS et les Écoles normales supérieures de Paris et de Lyon. 4 DRECAM : Département de recherche sur l’état condensé, les atomes et les molécules, du centre CEA de Saclay. Le champ magnétique terrestre en laboratoire Cela a été confirmé par les récents résultats obtenus par la collaboration VKS3, dans une expérience mise en œuvre notamment par une équipe du DRECAM4 au centre CEA de Cadarache. Pour la 1ère fois, un champ similaire au champ magnétique terrestre a été produit par effet dynamo spontané dans un fluide conducteur turbulent (de sodium) et pour la 1ère fois également, des renversements de ce champ, similaires à ceux bien connus des géophysiciens, ont été mis en évidence en laboratoire. Ces inversions de polarité se sont en effet répétées plus de cent fois au 1 La magnétite est un oxyde de fer naturel dont les propriétés magnétiques témoignent du champ magnétique terrestre existant au moment de la formation de la roche. 2 Entre le manteau et la graine solide située au centre de la Terre, un océan de fer liquide, agité de tourbillons, est à l’origine du champ magnétique terrestre. Les traits blancs matérialisent les lignes de force de ce champ. 3 L’expérience VKS a permis de modéliser le noyau de fer liquide de notre planète grâce à un métal liquide turbulent (sodium). Un champ magnétique semblable à celui de la Terre est apparu spontanément. Des renversements de ce champ, analogues à ceux du champ magnétique terrestre, ont également été observés. Ici, vue de la cuve vide, où est brassé le sodium liquide. Quelques tâches très magnétiques ■ S’orienter à la boussole Dès le II e siècle av. J.-C, les Chinois utilisent des aiguilles 2 (ou des cuillers) en magnétite pour s’orienter. La relation entre les aimants et le champ magnétique terrestre n’est 4 cours des 50 derniers millions d’années. L’événement le en revanche établie qu’en 1600 par un physicien anglais, plus récent date de 780 000 ans. William Gilbert. Sans champ magnétique terrestre, plus de boussole, ni de Le pôle nord de l’aiguille en acier de la boussole est attiré bouclier magnétique : les particules cosmiques, nocives par le pôle nord de la Terre. Cherchez l’erreur : le pôle pour les êtres vivants… et l’électronique, pénètreraient magnétique proche du pôle nord géographique est en dans notre atmosphère. La vie deviendrait plus difficile. réalité un pôle sud magnétique ! CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 5 métalliques Sous les plaques à induction, un champ magnétique variable induit des courants électriques (dits de Foucault) à l’intérieur du fond de la casserole. De même que le filament 1 d’une lampe s’échauffe en même temps qu’il éclaire, la casserole chauffe les aliments et… la plaque de cuisson. Sur le même principe, les courants de Foucault sont Attention, pour s’orienter précisément sans GPS, il faut exploités pour le contrôle non destructif de pièces indus- consulter sur une carte récente la déclinaison du lieu, trielles conductrices. Un champ magnétique variable c’est-à-dire l’écart angulaire entre la direction des pôles induit des courants au sein de la pièce à tester. La nord géographique et magnétique. présence d’un défaut perturbe la circulation de ces courants. L’interprétation fine des signaux exige une ■ Fermer la porte d’un placard ou soulever un train modélisation préalable des phénomènes en jeu. C’est Fermer la porte d’un placard, ouvrir un contact électrique l’une des spécialités d’une équipe du LIST1, à Saclay, qui à distance, soulever une carcasse de voiture à l’extrémité avec la plate-forme logicielle dédiée au contrôle non d’une grue : un aimant ou un électroaimant s’en charge… destructif CIVA, dispose d’un outil exceptionnel, utilisé par Mais attention, quand vous passez une IRM, il règne un des industriels de nombreux secteurs. Magnétisme : une technologie clé pour la recherche ■ Cuisiner… ou contrôler la fabrication de pièces champ magnétique intense dans le local d’examen. Tous les objets métalliques sont à bannir : ils se transforme- ■ Ecrire ou lire l’information raient en dangereux projectiles par effet « missile ». Comme autrefois sur la bande d’un magné- Suivant l’orientation de leurs pôles, des aimants s’attirent… tophone, les informations sont stockées sur ou se repoussent, comme dans les trains à lévitation le disque dur d’un ordinateur. Une tête magnétique. Au passage du train, le champ magnétique d’écriture composée d’un électroaimant produit par des électroaimants embarqués induit, dans aimante localement la couche magnétique des bobines solidaires du rail, un courant qui les active. La à la surface du disque et écrit des « 0 » ou force répulsive compense alors le poids du train. Celui-ci des « 1 ». En lecture, l’électroaimant est lévite au-dessus du rail sans frottement… aujourd’hui remplacé par une tête exploitant un effet de magnéto-électro- ■ Produire un courant électrique nique ou électronique de spin2. Magnétisme et électricité sont intriqués. Un courant parcourant une boucle circulaire produit un champ 1 LIST : Laboratoire d’intégration des magnétique. À l’inverse, un champ magnétique influence systèmes et technologies, de la Direction par « induction » un circuit électrique : il fait apparaître un courant électrique (induit) dans une bobine en rotation. de la recherche technologique du CEA. 2 Voir à ce sujet l’encadré p.10. 3 Fondés sur ce principe, les alternateurs des centrales convertissent l’énergie mécanique (mouvement) en électricité. 1 Boussole chinoise du IIe siècle av. J.-C. La cuiller sera remplacée plus tard par une aiguille. Les 24 graduations sont utilisées encore aujourd’hui sur les compas des navires de pêche chinois. La boussole a été introduite en Europe, via le monde arabe, vers le XII e siècle. 2 Les dessous d’une plaque de cuisson à induction. On distingue les bobines induisant les courants de Foucault à l’intérieur du fond des casseroles. 3 Deux aimants, dont les pôles homologues (nord-nord ou sud-sud) 2 se font face, se repoussent. Si on retourne l’un des aimants, l’aimant situé en haut tombe, attiré par l’autre. Le train à lévitation magnétique est une illustration de ces forces magnétiques répulsives, capables de compenser le poids du train. 5 CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 6 Magnétisme VISITONS LES GRANDS AIMANTS DE LA RECHERCHE ! Ils courbent la trajectoire de particules, confinent les réactifs de fusion nucléaire ou participent à l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Ces électroaimants résultent d’une technologie complexe, au carrefour de nombreux métiers, avec un dénominateur commun : les supraconducteurs. Les progrès des accélérateurs de particules, des démons- D’autres accélérateurs non cités ici, comme le Grand trateurs de fusion nucléaire ou des IRM exigent des accélérateur d’ions lourds (Caen), le synchrotron SOLEIL champs magnétiques toujours plus élevés, et donc des (St-Aubin) ou les cyclotrons associés à la tomographie par courants plus forts dans les électroaimants. Or plus émission de positons utilisent également des composants l’intensité du courant augmente, plus le conducteur magnétiques innovants. s’échauffe. Une solution consiste à utiliser un matériau supraconducteur. Le courant électrique peut alors circuler sans résistance ni dissipation d’énergie et, dans le cas 6 LES MILLE SEPT CENTS AIMANTS DU CERN d’un système fermé, sur de très longues durées. Cette Grâce à ses aimants supraconducteurs, le nouvel propriété remarquable ne se manifeste qu’à très basse accélérateur de particules du CERN1, le LHC2, permettra température. Si le supra se réchauffe au-delà d’un seuil d’accélérer des particules 70 fois plus énergétiques que critique (voisin de -270°C !), l’énergie colossale emmaga- son prédécesseur. sinée dans le conducteur est relâchée brutalement et doit Dans le cadre d’une coopération internationale à laquelle pouvoir être dissipée sans endommager l’aimant. Le participent le CEA3 et le CNRS pour la France, le CERN moindre défaut de fabrication peut conduire à franchir achève la construction du LHC dans le tunnel circulaire de ce seuil. D’où l’importance de tester les aimants dans 27 km de circonférence, creusé pour l’accélérateur précé- d’immenses cryostats. dent. Lancés à des vitesses proches de celle de la lumière, Nous allons rendre visite à trois installations remarquables des protons circuleront à double sens à l’intérieur de l’an- qui ont mobilisé de nombreuses équipes de Saclay. neau et se heurteront de plein fouet en quatre points. LHC / CMS LHC / ATLAS Aimant cylindrique principal du détecteur CMS du LHC. Huit aimants en forme de rectangle à coins arrondis constituent l’aimant dit « toroïdal tonneau » du détecteur ATLAS du LHC. Diamètre 6 m ; Longueur 13 m ; champ magnétique de 4 teslas Largeur 5 m ; Longueur 25 m ; 4 teslas Record mondial d’énergie stockée dans un aimant, suffisante pour fondre 18 tonnes d’or. Le plus grand aimant au monde. CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 7 L’utilisation d’aimants supraconducteurs, comme dans Tore Supra au centre CEA de Cadarache4, permet d’allonger la durée des réactions de fusion nucléaire, un passage obligé vers la production d’électricité par fusion. Et demain ITER5… Le confinement magnétique apparaît aujourd’hui comme la voie la plus avancée pour produire de l’électricité à partir de la fusion nucléaire. De quoi s’agit-il ? Pour fusionner des noyaux atomiques, il faut les porter à des températures extrêmes, des dizaines de millions de Magnétisme : 1 200 aimants cylindriques dipolaires courberont la trajectoire des particules du LHC. FUSION DE NOYAUX DANS DES AIMANTS une technologie clé pour la recherche LHC / Dipôles degrés, auxquelles aucun matériau ne résiste. Il faut donc isoler les noyaux (à l’état de plasma) des parois du réacteur, grâce par exemple à un champ magnétique. Un Diamètre de chaque aimant 50 cm ; Longueur 15 m ; 8,3 teslas Les aimants les plus complexes du LHC. assemblage astucieux d’aimants permet de piéger les réactifs au centre d’un tore. Pionnière dans l’utilisation de bobines supraconductrices, l’installation du CEA Tore Supra détient le record de la durée de vie du plasma de L’énergie record dégagée par ces collisions engendrera fusion : 6 minutes et 30 secondes. Le démonstrateur en des gerbes de particules éphémères, parmi lesquelles les construction, ITER, reprendra et approfondira cette physiciens espèrent identifier le « boson de Higgs » et option avec un matériau supraconducteur encore plus ainsi, confirmer la cohérence de leurs modèles théoriques. performant, un alliage niobium–étain, pour conjuguer puissance de fusion et durée de confinement du plasma. La plus grande usine cryogénique au monde À quelques dizaines de centimètres de distance seulement, Dans l’anneau, quelque 1 200 aimants (dipolaires) courberont d’une étoile et le froid du vide intersidéral… cohabiteront dans cet incroyable « chaudron » le brasier la trajectoire des protons. Alimenté par le courant de dix lignes à haute tension, chacun des monstres de 30 tonnes Tore Supra déploiera une force équivalente à deux fois le poids de la Aimant toroïdal participant au confinement du plasma de fusion nucléaire de Tore Supra. Tour Eiffel ! D’autres aimants (quadripolaires) concentreront le faisceau de protons, comme une lentille focalise la lumière. Dans des détecteurs aux allures de cathédrales, des aimants gigantesques entraîneront enfin les particules créées à la suite des collisions sur des trajectoires en spirales. La mesure des courbures de ces « rodéos » révèlera les charges électriques et les masses des particules inconnues. Représentant 54% du coût de l’accélérateur, les 1 700 aimants du LHC sont raccordés à une immense chaîne de très grand froid : -271°C ! Cette infrastructure où circule de l’hélium superfluide fait du LHC la plus grande usine cryogénique au monde. Si le LHC avait été construit avec des aimants non supraconducteurs, sa circonférence aurait Diamètre 2 m ; Longueur dépliée 10 m ; 4,5 teslas quintuplé et sa consommation électrique aurait décuplé ! Première utilisation à grande échelle de l’hélium superfluide pour refroidir le bobinage supraconducteur. 7 CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 8 Magnétisme NeuroSpin Aimant cylindrique principal du système d’IRM à champ intense de NeuroSpin. UN AIMANT PUISSANT POUR UNE IRM PLUS PRÉCISE Augmenter le champ magnétique des IRM grâce à la supraconductivité permet d’améliorer la résolution spatiale et temporelle du système d’imagerie. C’est le défi technologique relevé par NeuroSpin6. La résonance magnétique (nucléaire)7 est une technique d’analyse très sensible, qui met en jeu des noyaux atomiques plongés dans un champ magnétique. Elle renvoie au magnétisme des noyaux d’atomes (ici, d’hydrogène), sans que ces atomes ne soient eux-mêmes magnétiques au sens où l’est le fer. Plus le champ magnétique est élevé, meilleure peut être la résolution spatiale de l’imagerie. D’où le projet d’IRM sous champ intense de NeuroSpin : la valeur de 11,7 teslas retenue correspond à la limite 8 Diamètre 5 m ; Longueur 4 m ; 11,7 teslas Champ magnétique extrêmement homogène sur un grand diamètre (90 cm). accessible avec le matériau supraconducteur de référence (un alliage niobium-titane). Fruit d’une collaboration entre avancées dans les traitements des maladies neuro- le Dapnia et la Direction des sciences du vivant, cet dégénératives et psychiatriques. 9 aimant « high tech » bénéficiera de diverses innovations 2 LHC : Large Hadron Collider, grand collisionneur de hadrons (protons). tion exigera en particulier la production journalière de plus de cent litres d’hélium, qui sera assurée sans discontinuer 3 À Saclay, le Dapnia (Laboratoire de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers) et à Grenoble, le Département de recherche fondamentale sur la matière condensée. par des liquéfacteurs situés au sous-sol. L’IRM à 11,7 teslas 4 À Cadarache, au Département de recherches sur la fusion contrôlée (DRFC). permettra dès 2011 d’observer des volumes élémentaires 5 ITER : International Thermonuclear Experimental Reactor. contenant des milliers de neurones au lieu de millions, 6 NeuroSpin : centre d’imagerie du cerveau par IRM en champ magnétique intense, implanté à St-Aubin, sur le centre CEA de Saclay. comme c’est le cas aujourd’hui avec des aimants de trois 7 RMN : voir encadré p.10. teslas. Ce nouvel instrument conduira à une meilleure 8 Tesla : unité de champ magnétique. Le champ magnétique terrestre est de l’ordre de 0,05 millitesla. compréhension du fonctionnement cérébral et à des 9 Dapnia : Laboratoire de recherches sur les lois fondamentales de l’Univers. ITER Aimant toroïdal qui participera au confinement du plasma de fusion nucléaire d’ITER. Diamètre 10 m ; Longueur dépliée 25 m ; 5,3 teslas 8 1 CERN : organisation européenne pour la recherche nucléaire, près de Genève. héritées des aimants de fusion notamment. Son exploita- Nouveau matériau supraconducteur (niobium-étain), bobinage innovant, repris pour NeuroSpin. “ Interview François Kircher, adjoint au chef du Service des accélérateurs, de la cryogénie et du magnétisme, au Dapnia. Quels sont les métiers nécessaires à la genèse d’un aimant supraconducteur ? F.K. : Au départ, le physicien expert en magnétisme calcule la forme générale de l’aimant. Le spécialiste de la supraconductivité définit à son tour le conducteur, spécifique à chaque application : la taille des filaments, le nombre de brins dans le câble, etc. Renforcer mécaniquement le câble et le refroidir est ensuite le travail d’ingénieurs mécaniciens et cryogénistes. Ils participent à la conception de l’aimant, en minimisant par exemple les pertes thermiques. Des électroniciens apportent de leur côté l’instrumentation capable de détecter très tôt une transition du supraconducteur et le dispositif de protection de l’aimant. Enfin, un « ensemblier » assure le montage des différents éléments et intègre le tout dans son environnement. Au Dapnia, près de 90 personnes sont ainsi mobilisées, moitié ingénieurs et moitié techniciens. C’est une des plus grosses équipes au monde, après celle du CERN. CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 9 Le magnétisme a deux origines, naturelle ou électrique, et est nul. Seuls les atomes possédant des électrons « céli- deux histoires très dissemblables. D’un côté, la création bataires » sont susceptibles d’être magnétiques (fer, cobalt, d’un champ magnétique par un courant électrique a été nickel, etc.). Suivant leur configuration électronique, ces siècle et atomes réagissent de manières variées à un champ interprétée aussitôt dans le cadre de l’électromagnétisme. magnétique. Mais un atome non magnétique n’est pas De l’autre, les Grecs savent depuis plus de 2 000 ans que pour autant insensible à un champ magnétique : celui-ci deux morceaux de magnétite s’attirent mais l’explication induit au niveau de l’atome un courant qui tend à s’opposer physique du phénomène n’a pu être fournie qu’au 20 à lui… sans y parvenir. Ce comportement est appelé siècle, avec l’avènement de la mécanique quantique. diamagnétisme ! mise en évidence par des physiciens au 19 ème ème Magnétisme : LE MAGNÉTISME À PETITE ÉCHELLE une technologie clé pour la recherche COMPRENDRE Celle-ci a introduit une grandeur nouvelle, attachée aux constituants de l’atome1, dont le nom évoque un mouve- Dites plutôt ferromagnétisme ment de rotation : le spin. La physique atomique a montré Un atome individuel, porteur d’un magnétisme permanent, que le spin des électrons est à l’origine du magnétisme peut être influencé par celui de ses proches voisins. Les dans son acception la plus simple. Il existe également un configurations magnétiques des atomes ont alors magnétisme (nucléaire) lié au noyau atomique, près de tendance à s’homogénéiser, de sorte qu’un « ordre » mille fois moins intense. Celui-ci est bien trop ténu pour magnétique local peut émerger. On être observable, sauf dans le cadre d’un phénomène distingue des « domaines » magné- amplificateur très particulier, appelé résonance (Résonance tiques où les atomes ont leurs spins magnétique nucléaire, voir encadré p.10). électroniques parallèles. Cette organisation démultiplie la sensi- Les mille et une facettes du magnétisme électronique bilité magnétique du matériau. La plupart des éléments ne sont pas magnétiques. Les son nom à cette forme excep- électrons du noyau s’associent spontanément par paires tionnelle de magnétisme, obser- de spins opposés de sorte que le spin résultant de l’atome vable à l’échelle macroscopique : C’est le cas du fer qui a donné 2 le ferromagnétisme. Le magnétisme électronique ne se résume cependant pas au ferromagnétisme. Selon le type 1 d'ordre magnétique, on distingue différentes catégories (ferro, anti-ferro, ferri, etc.). Une équipe du DRECAM a construit un outil original pour la compréhension fondamentale de ces phénomènes : un microscope à force magnétique2, appliqué à l’imagerie par résonance magnétique. Il permet notamment d’analyser des nano-objets magnétiques, en distinguant des détails inférieurs à la taille d’une cellule (un dix millième de millimètre). 1 Le microscope à résonance magnétique permet d’analyser des nano-objets magnétiques. 2 Image par microscopie à force magnétique d’une surface contenant du fer. On distingue les « domaines » magnétiques, caractérisés par un état magnétique homogène. 9 CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 10 Magnétisme Le spin des neutrons au service du ferromagnétisme Une autre manière élégante d’étudier le ferromagnétisme consiste à exploiter le spin des neutrons qui interagit très localement avec les spins électroniques. A Saclay, les neutrons, produits dans le réacteur nucléaire Orphée et « préparés » au Laboratoire Léon Brillouin dans un seul état de spin, constituent une sonde locale unique. Elle permet d’analyser en profondeur les échantillons, de remonter précisément aux configurations électroniques des atomes et de comprendre leurs interactions. 1 1 L’atome est constitué d’un noyau central, lui-même composé de neutrons et de protons, et d’électrons mobiles autour du noyau. 2 Une pointe magnétique portée par un levier interagit localement avec la surface à analyser. L’enregistrement de la déviation du levier en 1 Les neutrons permettent de mesurer l’aimantation de multicouches magnétiques, semblables à celles présentes dans les têtes de lecture des disques durs de nos ordinateurs. chaque point fournit une carte de ses domaines magnétiques. Résonance magnétisme nucléaire (RMN) : une sonde ultra-sensible La RMN est la mesure de magnétisme la plus sensible. Elle sonde certains noyaux atomiques comme celui de l’hydrogène. Grâce à elle, les biologistes élucident la structure spatiale des protéines et les médecins enregistrent des IRM. Héritière d’une longue tradition en matière de RMN, une équipe du DRECAM explore des voies alternatives à celle des champs magnétiques intenses, choisie pour NeuroSpin. Il existe en effet une limite physique à l’intensité du champ, estimée à 30 teslas. Par une méthode optique utilisant des lasers, ces chercheurs préparent des noyaux de xénon « hyper magnétiques », dont la « visibilité » en RMN est accrue d’un facteur… 45 000 ! Ces noyaux peuvent servir de traceurs pour l’IRM, en association avec une molécule capable de se lier sélectivement aux sites biologiques à étudier. Ils peuvent également par simple contact transmettre leur propriété à d’autres noyaux. Par ailleurs, des aimants permanents, inhomogènes mais moins coûteux, pourraient remplacer à terme les électroaimants des IRM. Demain, les IRM pourraient devenir portatives… La résonance magnétique nucléaire (RMN) est une technique puissante d’analyse chimique, qui permet notamment de déterminer l’organisation spatiale de molécules biologiques. Elle fait l’objet de recherches au centre CEA de Saclay. L’électronique de spin, nouvel Eldorado 10 L'électronique de spin ou spintronique exploite, en plus de la charge électrique des électrons, leur spin. Cette discipline a connu un essor rapide, après la découverte en 1988 de la magnétorésistance géante (GMR), puis en 1995 de la magnétorésistance Tunnel (TMR), encore plus sensible. Ces effets se manifestent dans des dispositifs composés de deux couches minces magnétiques, séparées par une couche non magnétique, conductrice (GMR) ou isolante (TMR). Aujourd’hui, la GMR s’est imposée dans les têtes de lecture des disques durs des ordinateurs et la TMR fait son apparition comme medium de stockage des disques durs. Des équipes du DRECAM cherchent à comprendre et exploiter les aspects fondamentaux de la spintronique pour réaliser des capteurs magnétiques ultrasensibles aux applications variées : magnéto-encéphalographie, commandes électriques, contrôle non destructif, montres-boussoles, etc. CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 11 Cet appareillage permet de déposer, l’une après l’autre, des couches ultraminces, magnétiques ou non. Ces empilements sont étudiés notamment pour y observer des effets de magnétorésistance géante (GMR) ou magnétorésistance Tunnel (TMR). Magnétisme : remplacer le champ magnétique pour le contrôle de l’aimantation. Enfin une voie plus exploratoire consiste à connecter des électrodes magnétiques par un « fil » de section nanométrique (contacts atomiques, nanotubes, etc.). Un grand nombre de ces travaux est mené en collaboration avec l’unité mixte de physique CNRS/Thales, où travaille Albert Fert, découvreur de la GMR. une technologie clé pour la recherche Elles cherchent également à élaborer des matériaux ou des dispositifs exaltant les effets de magnétorésistance. Une voie consiste à explorer les « demi-métaux », aux spins électroniques tous semblables. Une autre voie, le filtrage de spin, permettrait de sélectionner, grâce à une barrière isolante magnétique, les électrons dans un seul état de spin. Le courant ainsi « polarisé » pourrait Pour en savoir plus sur le dossier : ■ http://www-drecam.cea.fr ■ http://www-civa.cea.fr ■ http://www-dapnia.cea.fr ■ http://public.web.cern.ch ■ http://www.neurospin.org DISPARITION Merci Pierre-Gilles De Gennes… Prix Nobel de physique, Pierre-Gilles De Gennes nous a quittés le 18 mai dernier. Il a débuté sa carrière en 1955 comme ingénieur au CEA à Saclay et a soutenu en 1957 sa thèse sur la diffusion magnétique des neutrons. En 1959, il rejoint la Faculté d'Orsay mais reste en contact très étroit avec les physiciens de Saclay. Sa trajectoire scientifique a croisé celles des chercheurs aujourd’hui au DRECAM1, à travers des travaux sur le magnétisme, la supraconductivité, la matière molle, les polymères ou la matière granulaire. Ces recherches illustrent peut-être le mieux l'héritage de la « méthode De Gennes » : faire le lien entre la plus petite échelle d'un système et la perception que nous en avons à notre échelle. Physique des systèmes complexes et de l'émergence, liens avec le vivant, les portes ouvertes laissent entrevoir un vaste monde à explorer. Merci Pierre-Gilles De Gennes... 1 DRECAM : Département de recherche sur l’état condensé, les atomes et les molécules. RECHERCHE MÉDICALE Première simulation d’une image TEP « corps entier » Un examen de tomographie par émission de positons (TEP) consiste à administrer à un patient, par voie intraveineuse, une molécule marquée avec un traceur radioactif, afin d’observer le fonctionnement d’un organe. La simulation numérique peut servir à corriger des perturbations causées, lors de l’examen, par les mouvements du patient, notamment sa respiration. Pour la première fois, des chercheurs du SHFJ1 ont modélisé l’organisme d’un patient particulier. Ils ont simulé, par calcul, la distribution d’un traceur fictif dans tout son corps et l’ont comparée à l’examen réel. Avec succès ! Cette simulation a été réalisée en moins de trois heures grâce aux 7 000 processeurs du supercalculateur Tera 10, au centre CEA de Bruyères-le-Châtel. Ce résultat est un premier pas vers la correction des données réelles de TEP et vers l’individualisation des protocoles d’examen. 1 Le SHFJ est l’une des 4 plates-formes de recherche de l’Institut d’imagerie biomédicale du CEA. Les autres sont NeuroSpin (Saclay), MIRCen (Fontenay-aux-Roses) et C-INAPS (Caen). Examen à gauche, simulation à droite. 11 CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 12 Actualités COLLABORATIONS FRANCE-CHINE CRÉATION D’UN LABORATOIRE EN PHYSIQUE DES PARTICULES Lu Yongxiang, Président de l’Académie des sciences de Chine1 et vice-Président de l’Assemblée nationale populaire, s’est rendu en France en avril dernier. Il a visité le centre CEA de Saclay. Sa venue a permis de signer plusieurs accords de coopération. Le premier accord, daté du 10 avril, permet la création d’un laboratoire international associé (LIA) CEA-CNRSAcadémie des sciences de Chine sur le thème de la physique des hautes énergies. Il a été signé au CNRS par Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, Arnold Migus, directeur général du CNRS, Alain Bugat, administrateur général du CEA et Lu Yongxiang, en présence de Zhao Jinjun, Ambassadeur de Chine en France. Naissance d’une communauté scientifique Alors que de nombreux chercheurs chinois ont déjà été accueillis dans des laboratoires français, la création du 2 laboratoire international favorisera la venue de chercheurs français en Chine. Les thèmes abordés vont de la physique En conclusion de sa visite au centre CEA de Saclay, des particules (ou astroparticules ) aux technologies mises Lu Yongxiang, qui y était déjà venu en 1995, s’est dit en œuvre dans les accélérateurs. La convention prévoit impressionné par les évolutions de la recherche sur le une direction mixte, un comité de pilotage conjoint et centre et par les réalisations récentes du CEA, en particulier l'organisation de colloques réguliers. Une véritable NeuroSpin. communauté scientifique franco-chinoise devrait voir le jour. Il a par ailleurs souligné l’importance pour l’Académie des 2 sciences de Chine de la collaboration avec le CEA, qualifiée Collaboration « stratégique » de stratégique, et proposé la mise en place d’un forum Le 11 avril, un avenant à l’accord CEA – Académie des annuel destiné à favoriser les échanges de chercheurs sciences de Chine relatif à la réalisation de thèses en cotu- entre les deux institutions. telle a été signé à Saclay par Alain Bugat et Lu Yongxiang, 1 L’Académie des sciences de Chine est la plus importante organisation également en présence de Zhao Jinjun. nationale de recherche en Chine, elle emploie 58 000 personnes. 2 Astroparticules : particules en provenance du cosmos. 1 Une délégation chinoise conduite par Lu Yongxiang, Président de l’Académie des sciences de Chine et vice-Président de l’Assemblée nationale populaire, a été reçue à Saclay en avril 2007. 2 Lu Yongxiang a visité le centre de 12 1 neuro-imagerie en champ intense NeuroSpin. CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 13 Actualités UN EXPERT CHINOIS ACCUEILLI DANS UN LABO DE SACLAY REGARDS CROISÉS Une équipe de la Direction de l’énergie nucléaire de Saclay a frappé à la porte d’un laboratoire d’excellence chinois dans le but d’échanger des savoirs. Cette initiative, issue au départ d’un laboratoire, s’est inscrite naturellement dans le cadre de l’accord entre le CEA et l’Académie des sciences chinoise. La collaboration s’est notamment traduite par la venue d’un chercheur chinois à Saclay. Vous vous êtes rendu dans l’institut de votre hôte : vos impressions ? J-L.B. : La recherche chinoise dans cet institut bénéficie d’un flux d’étudiants important et très bien formés, notamment dans le domaine expérimental. Des examens « sur manip » contribuent en effet à leur sélection. Par ailleurs, l’Institut d’origine de Xingmin Liu dispose de nombreux équipements de pointe, pour certains quasiment uniques au monde. Interview de Xingmin Liu, post-doctorant chinois. Qu’attendez-vous de votre expérience française ? X.L. : L’ « Institute of Metal Research » auquel appartient mon laboratoire ne possède pas de moyens d’irradiation comparables au Grand accélérateur national d’ions lourds (installation CEA/CNRS implantée à Caen) ou au réacteur expérimental Osiris (CEA Saclay). Etudier ici le comportement sous irradiation d’échantillons élaborés en Chine représente une ouverture intéressante. Interview de Jean-Luc Béchade, chef de laboratoire au Département des matériaux nucléaires de Saclay, qui accueille pour une année un expert chinois. Qu’est-ce que la présence d’un chercheur chinois apporte à votre équipe ? J-L.B. : Xingmin Liu nous apporte son expertise sur des matériaux nouveaux : des céramiques « nanofeuilletées »1 (dites phases MAX) qui apparaissent prometteuses en termes de résistance aux dommages d’irradiation à haute température. Leur structure lamellaire à l’échelle atomique leur confère des propriétés combinant l’aptitude à la déformation des métaux (ductilité) et la résistance à haute température des céramiques. Le laboratoire de Xingmin2 est reconnu comme l’un des meilleurs au monde dans ce domaine. Sa présence à nos côtés va permettre d’accélérer formidablement l’exploration de ces matériaux pour les besoins très particuliers des réacteurs nucléaires de future génération. D’autres chercheurs chinois succéderont à Xingmin au cours des trois prochaines années. Quel regard portez-vous sur la recherche au CEA et dans votre institut ? X.L. : Je trouve que le travail est bien planifié ici au CEA. Par ailleurs, la variété des disciplines présentes sur le même site est un grand atout. En Chine, cette pluridisciplinarité existe au niveau de l’Académie des sciences mais pas à l’échelle d’un institut, ce qui ne favorise pas les passerelles entre spécialités. L’organisation de la recherche est un peu différente en Chine. Le gouvernement distingue des laboratoires d’excellence au sein des instituts en leur accordant le label de « laboratoires nationaux ». Ceux-ci reçoivent davantage de subventions et attirent les meilleurs. Dans ces laboratoires, les chercheurs sont passionnés et travaillent souvent le soir et le week-end. 1 Ces céramiques composées de carbures ternaires, dites phases MAX, sont plus résistantes à haute température que les aciers. Leur tenue sous irradiation doit être évaluée. 2 Ce laboratoire, appelé « High Performance Ceramic Division » est dirigé par le professeur Yanchun Zhou. Il appartient au « Shenyang National Laboratory for Material Science ». 13 CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 14 Actualités UNE FONDATION SUR LE PLATEAU DE SACLAY CRÉER UNE ZONE D’EXCELLENCE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE Une fondation de coopération scientifique vient de voir le jour sur le Plateau de Saclay. Son but est de renforcer le rayonnement et l’attractivité des deux réseaux thématiques qui la constituent. JdS : Comment les fondations de coopération Interview d’Alain Bravo, scientifique s’inscrivent-elles dans ce paysage ? directeur général de Supélec un RTRA ou à un PRES, sous une forme très souple pour et président de la fondation un ensemble d’établissements aux statuts très différents. de coopération scientifique C’est un apport important, qui permet notamment de « Digiteo - Triangle de la combiner financements publics et privés par un méca- Physique ». nisme efficace, dans de brefs délais. A.B. : Ces fondations donnent une enveloppe juridique à Journal de Saclay : Le « nouveau paysage de la recherche » est sous les feux de l’actualité : on parle de pôles de compétitivité, de RTRA1, de cluster, etc. Quelle est votre vision à court et moyen terme de la recherche ? A.B. : Le monde de la recherche et de l’innovation n’avait pas connu de grandes réformes structurelles depuis longtemps. Il était temps de lui insuffler une dynamique de transferts technologiques et de créations d’entreprises. La loi d’orientation promulguée en avril 2006 répond à ce besoin en proposant plusieurs formules : les pôles de 1 compétitivité, les RTRA1, les PRES2, etc. Pourquoi autant de structures ? Les acteurs impliqués dans ce processus sont nombreux (industriels, PME, établissements d’enseignement supérieur et de recherche, laboratoires, etc.) et on ne peut pas préjuger de ce qui va marcher. Chacune de ces structures rassemble des acteurs de chaque catégorie, le leadership étant assuré par l’une d’entre elles : un industriel pour un pôle de compétitivité, un laboratoire de recherche pour un RTRA, un établissement d’enseignement supérieur pour un PRES. Toutes aspirent à se hisser au niveau d’un « cluster ». Ce terme renvoie au modèle de la « Silicon Valley », où voisinent de manière fructueuse laboratoires et PME. Tous les ingrédients y sont réunis pour que le « biotope » génère connaissances et activités économiques. La loi de 2006 est en un sens une loi biologique ! La loi a ouvert le jeu. Ici, ce sera un RTRA qui dynamisera le territoire, là un PRES, ailleurs ce sera un pôle de compétitivité… 14 // Le « rapport Lagayette » En avril 2007, Philippe Lagayette, président de l'Institut des hautes études scientifiques, a remis à Gilles de Robien, alors ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, son rapport sur le devenir du territoire de Saclay - Orsay. Il propose des pistes pour faciliter et accélérer l’évolution du territoire du Plateau de Saclay vers une « zone d’excellence scientifique et technologique » de type « cluster ». Il écrit notamment : « la création d’une fondation scientifique unique sur le territoire est un pas important pour représenter l’ensemble de la communauté scientifique, assurer la coordination en son sein et provoquer des décisions rapides. » CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 15 Actualités JdS : Comment la fondation « Digiteo-Triangle de la Physique » se situe-t-elle ? A.B. : Cette fondation est une novation totale dans le sens où elle est dédiée à deux RTRA et non pas à un seul. Ce particularisme s’explique d’abord par le grand nombre de fondateurs communs aux deux réseaux : le CEA, le CNRS, l’Université Paris-Sud 11, l’École polytechnique et Supélec. La densité des équipes de recherche présentes 3 sur le Plateau a également pesé sur ce choix. Il est intéressant de noter qu’elle est créée au moment où pôle mondial de compétitivité SYSTEM@TIC PARIS-RÉGION. une OIN est lancée sur le Plateau de Saclay. Pilotée par Leurs travaux vont permettre de simplifier les débats, l’État, l’OIN répond à un besoin d’aménagement du autour d’une vision partagée de l’aménagement du territoire, territoire, en concertation avec les acteurs déjà cités. On de collaborations scientifiques et d’une dynamique observe ainsi localement trois grands « collèges », en économique. On voit apparaître des lieux où pourront se mouvement à différents niveaux : l’OIN, la fondation et le former des discours cohérents. 3 Cette démarche évoque celle de la construction européenne dans le sens où il faut s’interroger sans cesse sur la valeur ajoutée d’une démarche fédérée et traiter les problèmes au bon niveau. 1 RTRA : Réseau thématique de recherche avancée. 2 PRES : Pôle de recherche et d’enseignement supérieur. 3 OIN : Opération d’intérêt national. 1 Simulateur pédagogique d’opération de la cataracte avec bras à retour d’effort, étudié par l’Institut de recherche en informatique et en automatique (INRIA), à Orsay, membre du RTRA Digiteo. 2 Préparation d’une expérience de caractérisation de nanotubes de carbone, au Laboratoire de physique des solides, à Orsay, membre du RTRA « Triangle de la physique ». 3 Simulation numérique de tourbillons créés par le passage d’un avion, 2 effectuée au Laboratoire d'informatique pour la mécanique et les sciences de l'ingénieur (CNRS), à Orsay, membre du RTRA Digiteo. // La fondation « Digiteo – Triangle de la physique » Créée en avril 2007, elle constitue la structure juridique de deux RTRA : « Digiteo » en sciences et technologies de l’information et de la communication et « Triangle de la Physique » en sciences physiques. Les fondateurs sont le CEA, le CNRS, l’INRIA1, l’Université Paris-Sud 11, l’École polytechnique, Supélec, l’ENSTA2, l’Institut d’Optique-Graduate School, l’ONERA3 et l’État. Chacun de ces RTRA regroupe des unités de recherche relevant, soit des fondateurs, soit de partenaires associés, autour d’une politique de recherche commune, facilitée par leur proximité géographique. La fondation a pour but d’apporter aux unités de chacun des réseaux des moyens complémentaires pour renforcer leur interactivité scientifique et leur rayonnement international. Elisabeth Bouchaud, physicienne du centre CEA de Saclay et directrice adjointe du RTRA « Triangle de la physique », se réjouit de la création de « chaires juniors » : « nous avons enfin la possibilité d’attirer les jeunes chercheurs les plus brillants pour des périodes de trois ans, en leur donnant les moyens de conduire leur projet scientifique ». Sur la dotation initiale voisine de 52M€, l’État apporte 37M€, le reste étant apporté par les autres membres fondateurs. 1 INRIA : Institut national de recherche en informatique et en automatique. 2 ENSTA : École nationale supérieure de techniques avancées. 3 ONERA : Office national d’études et de recherches aérospatiales. 15 CEA saclay 37-07 10/07/07 17:46 Page 16 CONFÉRENCE CYCLOPE JUNIORS MARDI 25 SEPTEMBRE 2007 La génétique : entre craintes et espoirs Par Pierre Thuriaux, biologiste au centre CEA de Saclay. L es mots ADN, génome, code génétique, clonage… font désormais partie du langage commun. Que signifient-ils au juste ? Quels sont les « métiers » de la génétique ? Comment y accéder ? Comment la génétique affecte-t-elle notre vie quotidienne, de la médecine (médicaments obtenus par génie génétique, dépistage et traitement des cancers, arrivée prochaine des thérapies cellulaires et génétiques) aux nouvelles techniques policières (tests d’ADN) en passant par les plantes transgéniques ? Que faut-il attendre, espérer ou craindre des recherches en cours sur le génome humain ? Pourraient-elles conduire à un redoutable eugénisme ? La réponse à ces questions appartient à chacun, mais il importe d’en peser clairement les termes. La génétique moderne est née de deux notions fondamentales : la nature chimique des gènes (sous forme d’ADN) et l’existence d’un code génétique partagé par tous les êtres vivants. Ces découvertes ont d’abord été une révolution scientifique, donnant un contenu moléculaire précis aux intuitions de Darwin et Mendel. Elles débouchent aujourd’hui sur une révolution technique dont on commence seulement à entrevoir la portée. Renseignements pratiques : Accès : ouvert à tous, entrée gratuite Lieu : Institut national des sciences et techniques nucléaires, Saclay (voir plan) Horaire : 20 heures Organisation/renseignements : Centre CEA de Saclay, Unité communication et affaires publiques Tél : 01 69 08 52 10 Adresse postale : 91191 Gif-sur-Yvette Cedex FÊTE DE LA PORTES SCIENCE LES 13 ET 14 OUVERTES À Comme chaque année, le centre CEA de Saclay présente, à la ferme du Moulon, quelques-uns de ses grands domaines de recherche : énergies, climatologie, technologies pour la santé, etc. Tout à fait exceptionnellement, le centre CEA ouvre les portes de NeuroSpin, nouvelle infrastructure de neuroimagerie en champ intense dédiée à la recherche sur le cerveau. Des ateliers pédagogiques, des expositions et des conférences permettront, en outre, de se familiariser avec le magnétisme et de découvrir que les technologies développées dans ce domaine sont la clé de progrès décisifs. OCTOBRE 2007 NEUROSPIN Dates et horaires pour les deux lieux : Samedi 13 octobre 2007 : 13h/18h Dimanche 14 octobre 2007 : 11h/18h NeuroSpin (Centre CEA Saclay, accès par l’entrée Est du CEA, RD 306) Ferme du Moulon (Plateau de Saclay) Pour entrer à NeuroSpin, les visiteurs voudront bien se munir de papiers d’identité. Site Internet : http://www-centre-saclay.cea.fr/