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LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA
SCIENCES DE LA MER
Les auteurs sont à l’emploi de l’Institut Maurice-Lamontagne.
François-J. Saucier est chercheur, modélisation physique ; Michel
Starr est chercheur, production primaire ; Michel Harvey est
chercheur, zooplancton et Jean-Claude Therriault est directeur,
Direction des sciences océaniques.
Le programme MERICA
Le nouveau programme d’observation MERICA (programme
d’étude des mers intérieures du Canada) a été lancé en 2003,
grâce à une collaboration entre les scientifiques de Pêches et
Océans Canada et ceux des universités et de la Garde côtière
canadienne. Il nous aidera à mieux comprendre, détecter et pré-
voir les changements climatiques à venir dans ces régions.
La composante baie d’Hudson du programme MERICA a été
développée sous les auspices du Centre national d’excellence
pour la recherche aquatique dans l’Arctique (N-CAARE en
anglais). Un élément clé du programme est l’intégration des
besoins des scientifiques avec l’expertise et l’appui logistique de
la Garde côtière canadienne (ses brise-glaces), afin d’assurer le
succès des programmes de recherche nordiques.
Pourquoi le grand système de mers semi-fermées
que représentent la baie d’Hudson, le détroit d’Hudson et le
bassin de Foxe est-il si important pour le Canada ?
La baie d’Hudson est l’un des plus grands estuaires
de la planète et représente l’une des deux plus grandes mers
intérieures de l’Amérique, l’autre étant le golfe du Saint-
Laurent. Ces deux grands estuaires ont une influence très
marquée sur notre climat et, par le fait même, sur l’avenir
des Canadiens.
La baie d’Hudson est caractérisée par une couverture
de glace de mer qui est présente de huit à neuf mois par
année ainsi que par la circulation, vers la mer du Labrador,
de quelques 800 km3 d’eau douce qui proviennent chaque
année des grandes rivières du Québec, de l’Ontario et du
Manitoba.
Or, la mer du Labrador joue un rôle moteur dans la
circulation de l’océan mondial. Au cours de l’hiver, les eaux
froides près de la surface deviennent plus denses que les eaux
plus chaudes qui se trouvent à des profondeurs de plusieurs
kilomètres, et elles plongent alors en profondeur pour se
mélanger aux eaux plus chaudes. Ces grands déplacements
verticaux actionnent la circulation de l’océan mondial,
entraînant les eaux chaudes des tropiques (exemple : le Gulf
Stream) vers les hautes latitudes, ce qui contribue à maintenir
un climat tempéré aux latitudes moyennes de la planète.
Cette grande « pompe » de chaleur est cependant inti-
mement liée à la circulation de l’eau douce en provenance de
l’Arctique et du détroit d’Hudson, laquelle peut contribuer
à augmenter significativement la stabilité des couches supé-
rieures de l’océan, empêchant ainsi la pompe à chaleur de
fonctionner. En se dispersant dans l’environnement marin,
l’eau douce influence les courants ainsi que bon nombre de
paramètres qui caractérisent l’ensemble du climat marin,
non seulement à l’échelle de la baie d’Hudson mais aussi à
celle de toute la planète.
Des changements de circulation
qui comptent
Les eaux douces provenant des rivières et de la fonte
des glaces de mer se dispersent dans la baie d’Hudson au-
dessus des eaux salées dont l’origine reste encore à déter-
miner. Des données récentes suggèrent que des eaux en
provenance de l’océan Pacifique, avec des caractéristiques
physiques, chimiques et biologiques différentes des eaux
de l’Atlantique, sont entrées en plus grande quantité que
normalement au cours des dernières années par le détroit
de Fury et Hecla, au nord du bassin de Foxe, ou encore par
l’archipel arctique canadien, la baie de Baffin et le détroit
d’Hudson.
Ces changements de circulation pourraient entraîner
des bouleversements encore difficiles à prévoir dans l’écosys-
tème de la baie d’Hudson, aussi bien sur le plan de sa produc-
tivité que sur celui de sa biodiversité. Ainsi, des observations
récentes ont fait état d’une nouvelle espèce de phytoplancton
provenant de l’océan Pacifique, dans le courant du Labrador
et dans les eaux adjacentes comme celles du golfe du Saint-
Laurent. Toutefois, aucune mesure directe n’est encore dis-
ponible pour déterminer l’ampleur de ce phénomène et ses
impacts actuels et futurs.
Une région très affectée par
le réchauffement climatique
D’ici quelques décennies seulement, le réchauffe-
ment de l’air et de l’eau causé par l’augmentation de la con-
centration des gaz à effet de serre pourrait atteindre plusieurs
degrés Celsius dans cette région du nord-est de l’Amérique.
Expédition MERICA 2003
Suivi et étude du climat et de la productivité
de la baie d’Hudson
François-J. Saucier, Michel Starr, Michel Harvey et Jean-Claude Therriault