La radioprotection et les activités nucléaires à Lille 1

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LNA#63 / vie de l'université : rubrique dirigée par Jean-Philippe Cassar
La radioprotection et les activités nucléaires à Lille 1
La Cellule radioprotection a été créée en 2009 pour
assurer le suivi administratif des activités nucléaires
de l’Université. Sylvie Deloof et Pascale Brivoal, qui la
font vivre, ont répondu à nos questions.
Qu’est-ce que la radioprotection ?
La radioprotection, définie comme « la protection contre les
rayonnements ionisants », vise à empêcher ou à réduire les
effets nocifs des rayonnements produits sur les personnes par
des règles, des procédures et des moyens de prévention et de
surveillance. Elle prend en compte les effets directs ou indirects,
y compris par les atteintes portées à l’environnement.
Quel est votre rôle ?
Nous devons gérer les déchets radioactifs produits et apporter
une aide à la constitution des dossiers d’autorisation. Nous
avons une mission de conseil et nous assurons le lien entre
les autorités (Ministères, Autorité de Sûreté Nucléaire) et la
direction de l’Université. En 2009, pour mettre l’Université en
conformité avec la réglementation, un dossier de demande
d’autorisation auprès de l’ASN a dû être constitué pour de
nombreuses activités nucléaires. Pour chaque installation, il
a souvent fallu une mise en conformité, puis nommer une
personne compétente en radioprotection (PCR) formée par
un organisme agréé et mettre en place un contrôle annuel
par un organisme agréé.
Comment votre action est-elle perçue ?
Au départ, les actions à mettre en œuvre sont vécues comme
des contraintes administratives qui vont à l’encontre des
activités de recherche ou d’enseignement : acquisition de
matériel conforme, suivi médical des personnels, des utilisateurs, rédaction de rapports internes, de consignes de
sécurité, mesures mensuelles des rayonnements ambiants,
traçabilité des contrôles et des déchets, déclaration annuelle
auprès de l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté
Nucléaire)…
Comment ce regard a-t-il évolué ?
En clarifiant des démarches quotidiennes ou exceptionnelles
(incident/accident) et en organisant la radioprotection, notre
action a mis en avant la responsabilité des décideurs et
l’importance de l’intérêt commun. Par exemple, à la cessation d’une activité nucléaire, il faut convaincre de gérer le
dossier de demande d’abrogation de l’activité nucléaire et
d’éliminer la radioactivité selon les règles de la radioprotection alors qu’il est plus facile de ne rien faire. De même, la
responsabilité vis-à-vis d’un stagiaire ou d’un étudiant exer20
çant une activité nucléaire et des risques qu’il peut encourir
si l’installation est non conforme doit être opposée à une
réticence face à une demande d’autorisation.
Au bout de trois ans, quel est votre bilan ?
Nous pouvons nous appuyer sur un réseau de PCR motivés.
Grâce à lui, les activités nucléaires à l’Université Lille 1 sont
aujourd’hui très bien encadrées et suivies. Si la sensibilisation sur le terrain reste un impératif constant, nous constatons avec satisfaction que cette gestion du risque, rigoureuse
et conforme à la réglementation, a permis de changer le regard d’un certain nombre d’utilisateurs sur leurs pratiques.
La recherche et la formation dans le domaine
nucléaire à Lille 1
Les recherches menées au sein de quatre unités mixtes de
recherche (UMR) de l’Université Lille 1 sont au cœur des
enjeux posés par le maintien, voire le développement de
la production énergétique d’origine nucléaire. La présentation de ces travaux, en lien avec le cycle « À propos du
nucléaire », permet de pointer les domaines variés dans
lesquels la sécurité nucléaire est concernée et de présenter rapidement en quoi ils constituent des sujets de
recherche fondamentale ou appliquée pour ces équipes
de recherche.
L’accident de Fukushima et l’éventualité qu’un tel accident
survienne de nouveau dans une installation nucléaire
rendent essentiel d’en limiter les conséquences en terme de
contamination des populations et du territoire. Le laboratoire
PC2A (UMR 8522 CNRS/Lille 1) collabore depuis 2006
avec l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire
(IRSN) et développe des programmes de recherche visant,
dans le cadre d’un accident nucléaire majeur, d’une part, à
réduire les possibles émissions d’espèces chimiques radioactives
dans l’atmosphère, telles que l’iode, le bore, le césium et le
ruthénium et, d’autre part, à mettre en œuvre des procédures d’urgence permettant d’informer et de protéger les
populations. Pour cela, la réactivité des espèces chimiques
doit être prédite au sein du réacteur nucléaire lors de l’accident, mais également dans l’atmosphère à la suite de leur
éventuelle émission. Dans cette deuxième situation, l’étude
de l’impact potentiel d’un incendie amène à étudier la
cinétique de formation des particules de suies qui jouent
un rôle prépondérant dans la dissémination des espèces
chimiques. Cette collaboration s’est concrétisée, en septembre
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2009, par la création d’un Laboratoire de Recherche
Commun (LRC) IRSN/CNRS/Lille1, le laboratoire « Cinétique Chimique, Combustion, Réactivité (C3R) ».
Les matériaux métalliques de structure (aciers, alliages
de zirconium essentiellement) utilisés dans les centrales
actuelles et futures qui se trouvent au voisinage du cœur du
réacteur sont soumis à l’irradiation à des degrés variables, à
des températures importantes et à la corrosion induite par
le liquide du circuit primaire (eau sous pression à 350°C
dans les réacteurs actuellement en service, métal liquide et
en particulier sodium ou plomb bismuth liquides dans
certains prototypes de surgénérateurs). L’équipe « Métallurgie
Physique et Génie des Matériaux » de UMET (UMR 8207
CNRS/Lille 1/ENSCL) développe des programmes de
recherches fondamentales et technologiques dans le
domaine de la fiabilité pour prendre en compte ces conditions
de service afin de garantir la tenue des propriétés mécaniques des alliages et leur vieillissement. La collaboration
avec EDF (département MMT, centre de recherche des
Renardières), depuis bientôt une vingtaine d’années dans
ce domaine, a conduit à la création d’un Laboratoire de
Recherche Commun, intitulé EM2VM : « étude et modélisation des microstructures pour le vieillissement des matériaux ». L’équipe contribue à des projets de recherche
européens développés dans le cadre de EURATOM.
L’Unité de Catalyse et Chimie du Solide (UCCS UMR
8181 CNRS/Lille 1/ENSCL) apporte son expertise en
chimie du solide, à l’étude de la chimie du combustible
nucléaire à différentes étapes de son cycle de vie. Pour
diminuer les effluents et le nombre d’étapes, de nouveaux
modes de conversion des concentrés uranifères en fluorure
d’uranium sont étudiés en collaboration avec la société
Comurhex. Les recherches sur le recyclage des combustibles
usés, menées en collaboration avec AR EVA et le CEA,
concourent à une diminution à la fois de la consommation
de la matière première naturelle (uranium), des risques de
prolifération et de la radioactivité des déchets ultimes. Dans
le cadre de la décontamination, des études sont entreprises,
en partenariat avec l’IRSN, sur le piégeage et la rétention
de radionucléides susceptibles d’être libérés en cas d’accident
grave. Enfin, pour la vitrification de déchets radioactifs spéciaux (sulfates, iode) qui ne peuvent pas être confinés dans
les matrices classiques de verres, des compositions verrières
alternatives sont formulées, et leur durabilité chimique
est étudiée au moyen d’outils spectroscopiques comme la
RMN 1 des solides.
Dans l’équipe « Sûreté et Tolérance » du LAGIS (UMR
8146 CNRS/École Centrale Lille/Lille 1), deux études ont
été menées pour le CEA. Elles s’inscrivent dans les phases
préliminaires d’étude des futures générations de réacteurs
nucléaires dont le cœur du réacteur serait refroidi par du
sodium liquide. La filière à refroidissement au sodium a
été abandonnée en 1998 avec l’arrêt de la centrale Superphénix suite à de nombreux incidents d’exploitation. Le
retour à cette solution technologique impose d’en améliorer
la fiabilité. Les études menées visaient l’évaluation de la
capacité des méthodes de traitement de signal, appliquées
à des enregistrements acoustiques ou vibratoires, à détecter
les situations de dysfonctionnement potentiellement dangereux : fuite d’eau dans le sodium liquide, ébullition
du sodium au sein du réacteur suite à la constitution d’un
point chaud. Malgré des résultats positifs des méthodes
développées sur les données disponibles, leur intégration
dans les systèmes de sécurité des futures centrales demanderait une évolution des règles de sécurité telles qu'elles sont
actuellement définies par l’Autorité de Sûreté Nucléaire.
À côté de ces actions de recherche, un « parcours nucléaire »
porté par le PC2A, l’UMET et l’UCCS a été mis en place
au sein des Masters 2 « Chimie Énergie Environnement »
et « Physique Matériaux », au cours du dernier contrat
quadriennal. Ce parcours a été labellisé à l’échelle nationale
par le CFEN, Conseil de Formations en Énergie Nucléaire.
L'université Lille 1 et l'ENSCL sont partenaires de l'I2EN 2.
1
Résonance Magnétique Nucléaire.
2
Institut International de l'Énergie Nucléaire.
21
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