XÄ @[|ÉâtÜx XÄ @gt~ty| " Le dialogue culturel " Revue scientifique des études contemporaines en sciences humaines et sociales Revue périodique académique réglementée spécialisée Prend en charge des recherches scientifiques en sciences humaines et sociales. Edition Automne Et Hiver 2013 Publiée par le laboratoire de recherche scientifique : « Dialogue des civilisations, la diversité culturelle et la philosophie de la paix » Mostaganem, Algérie. 1 " Le dialogue culturel " Publié par le Laboratoire :Dialogue Des Civilisations, La Diversité Culturelle Et La Philosophie De La Paix à l'Université de Mostaganem, Algérie (DIACICULT) Edition Automne Et Hiver 2013 ISSN 2253‐0746 Edition AGP Adresse : Bière El Djire, Oran, Algérie Téléphone: 0770968335 E‐mail: [email protected] Droit d'auteur: Conformément à la réglementation en vigueur, tous droits de reproduction sont réservés. Toute reproduction des articles, même partielle, ou sur un support électronique quel qu’il soit est strictement interdite sauf autorisation écrite du directeur de la publication de la revue EL-HIWAR EL TAKHAFI. 2 Président d'honneur de la revue: Pr. Seddiki M’Hamed Mohamed Salah Eddine (Recteur de L’Université) Directeur de la Revue : Dr. Brahim Ahmed Secrétaire de la rédaction: Dr. Radjri Mostapha Comité de lecture scientifique Prof/ MOULFI Mohammed Prof / EL ZAOUI El Hocine Prof / ABD ELAOUI Mohammed Prof / MOHAMED MASSOUD Kirate Prof / DAHOM Abdelmajid Prof/ BOUSSAHA Omar Prof / MOKHTAR Lazaar Prof / HUSSEIN Al-ansari Prof / ABDERRAZAK Guessoum D / ABDL KARIM Ziani D / SAHBI Ben Nablia D / JANE Dahi D / MUSTAPHA Al-Kilani D / RACHID Al-Hadj Saleh D / LAYADI Nacer-Eddin D / ABDELJALIL El Azadi D / HAMADI Mohammed D / MARGOUMA Mansour D / BEN JEDDIA Mohammed D / MALFI Abdelkader Mansour (Université d'Oran, Algérie). (Université d'Oran, Algérie). (Université d'Oran, Algérie) . (Sharjah, Emirats Arabes Unis). (Université d'Alger). (Université d'Alger). (Université de Mostaganem, Algérie). (Université de La Haye). (l'université d'Alger). (Université de Tripoli/ Libye). (Université du Québec. Montréal, Canada). (Université de Copenhague). (Université de Sousse, Tunisie). (Université El-furat , Syrie). (Sharjah, Emirats Arabes Unis). (Université de Marrakech, Maroc). (Université de Mostaganem, Algérie). (Université de Mostaganem, Algérie). (Université de Mostaganem, Algérie). (Université de Mostaganem, Algérie) 3 Conditions de publication d’articles 1- L’article doit être rédigé dans l’un des trois langues : arabe, français, ou anglais. 2- -L’aspect procédural a également fait l’objet d'une attention particulière ; douze recommandations ont été retenues pour faciliter l’exploitation des articles : 2-1 – Article inédit avec précision du nom de l’auteur, sa qualité scientifique avec mention de son adresse dans les trois langues. 2-2 –Rédaction sur feuille distincte du nom du chercheur, son adresse, sa qualité scientifique avec résumé ne dépassant pas 150 mots. 2-3 –L’article doit être imprimé sur feuille 21/27 suivant caractère NEW ROMAN 12 Microsoft Word XP, et remis accompagné de CD. 2-4 –L’article ne doit pas dépasser 15 pages y compris schémas, tableaux, références. 2-5 – Références biographiques en fin d’article avec agencement alphabétique. 2-6 –Les abréviations doivent être explicitées. 2-7 – La présentation des graphes et schémas doit être claire et ne dépassant pas les limites de la feuille normalisée. 2-8 – La présentation éventuelle des photos doit être sur papier approprié et en format réduit. 2-9 – Tout article est soumis à l’évaluation avant la publication. 2-10 – Les articles remis ne sont publication. pas restitués à leurs auteurs même en cas de non 2-11 – Chaque auteur reçoit gratuitement une copie de la revue dans laquelle il a contribué par un article. 2-12 –L’envoi des articles se fait sur adresse e-mail en document attaché. 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Mostaganem 27 yahoo.fr Important: it is important to note that all the ideas expressed in this journal represent the authors’ points of view and noone else Important: All the ideas that figure in the journal reflect but the authors’ points of view ; the journal is just a mediator between the authors and the readers. 5 SOMMAIRE Titre d'intervention La page OUATMANI Settar : La personnalité de l'émir Abdelkader et son gouvernement 07 D’après le témoignage de Léon Roches SIRAT Fethi : Métamorphose de l’anthropologie :Enjeux et perspectives d’une discipline en quête de sa légitimité. 6 20 La personnalité de l'émir Abdelkader et son gouvernement D’après le témoignage de Léon Roches OUATMANI Settar 1 En 1884, Léon Roches, publia ses mémoires intitulés "Trente-deux ans à travers l'Islam". En dehors du récit qu'il donne sur toute sa riche et aventureuse carrière, celui qu'on appelait Sidi Omar consacra une partie de son ouvrage à son séjour auprès de l'émir Abdelkader comme conseiller entre 1837 et 1839. Au passage, il inséra des lettres qu'il adressait régulièrement à l'époque à un de ses amis, et qu'il a récupérées, selon ses dires, auprès de la famille de l'intéressé. Son œuvre a surpris le grand public et les spécialistes de l'histoire de l'émir Abdelkader par les révélations qu'elle apporte sur un personnage qui est déjà fort connu. I -Une vie aventureuse et mouvementée Né le 27 novembre 1809 à Grenoble (France), Léon Roches est doté d'une grande énergie et d'une haute intelligence. En dépit de ses études brillantes, il s'intéressa dès son jeune âge à l'aventure. A l'âge de 21 ans, il effectua une mission en Italie pour le bénéfice de quelques négociants, amis de son père. En 1832, il débarqua à Alger pour l'aider dans ses exploitations agricoles. Au cours de ses premières années du périple algérien, Léon Roches s'initia aux coutumes du pays conquis ; il apprit la langue arabe, s'habilla à l'allure algérienne et prit un nom local. Sa carrière connut aussi quelques succès : traducteur assermenté (à partir de mars 1835) et soldat volontaire dans le corps des spahis. 2 Cependant, homme d'aventure et de mouvement, Léon de Roches surprit tout son entourage en 1837, lorsqu'il prit la décision de rejoindre l'émir Abdelkader. Ce dernier venait alors de signer le traité de la Tafna avec les Français. Léon Roches expliqua alors les raisons qui se cachent derrière cette décision importante dans sa vie, dans une lettre à son ami d'enfance datée du 15 juillet 1837 : " Je crois moi-même qu’Abd el Kader pourra et voudra accomplir cette grande œuvre (transformer son peuple en nation polie et instruite). Frappé de la pensée qu’il ne réussira dans ces nobles desseins qu’autant qu’il aura auprès de lui un homme qui puisse l’initier à la connaissance de notre civilisation, qui lui en fasse comprendre la puissance et apprécier les bienfaits, qui soit enfin, entre lui et la France, un intermédiaire utile pour prévenir les malentendus et surtout le dispenser d’avoir recours à la diplomatie ignoble, avide et perfide des juifs de 1 2 Maître de conférences A à l'Université de Béjaia. NARCISSE Faucon, Le livre d'Or de l'Algérie, tome 1, Challamel et Cie éditeur, Paris, 1889, p 522. 7 l’Algérie, j’ai la pensée de devenir cet homme."1 Tout est dit, l'auteur de ce passage veut être une sorte d'éclaireur qui amènerait l'émir Abdelkader sur le chemin qu'il lui a choisi. Durant plus de deux ans, Léon Roches se présentait comme chrétien qui s'est converti à l'Islam et qui servait alors fidèlement son nouveau chef. En 1839, la guerre reprit entre le leader de la résistance algérienne et les Français. Léon Roches rejoignit les forces de son pays. Sa carrière administrative s'est relancée : interprète militaire de deuxième classe (1839), attaché à l'état-major général (1840), interprète militaire de première classe (1840). Quelques années après, le général Bugeaud lui confia une mission spéciale : il se rendrait à la Mecque, au moment du pèlerinage pour arracher une fetwa des grands savants de l'Islam incitant la population algérienne à accepter le fait accompli c'est-à-dire l'occupation française. Il réussit parfaitement sa mission. A son retour, son goût pour l'aventure l'amena à vouloir adhérer aux ordres religieux à Rome. L'intervention du roi Louis Philipe le contraint à réintégrer les rangs de l'armée française en Algérie. Désigné interprète en chef, il participa en 1845, à la campagne marocaine du général Bugeaud au cours de laquelle, après la bataille d'Isli, il participa à la délimitation des frontières algéro-marocaine. Léon Roches poursuivit depuis une carrière dans les représentations diplomatiques françaises à l'étranger : secrétaire de légation à Tanger (1846), consul à Trieste (1849), consul général à Tripoli (1852), consul général chargé d'affaires à Tunis (1855) et au Japon (1863), ministre plénipotentiaire (1868) et admis à la disponibilité de son grade en 1870. 2Il mourut en 1900. II - L'État de l'émir Abdelkader L'existence de l'État de l'émir Abdelkader, quelle qu’en soit sa forme, ne fait pas de doute même chez une partie des historiens étrangers qui ont travaillé sur ce sujet. Léon Roches, apporte sur ce point une large contribution dans le sens de l'émergence d'une nation sous l'égide du chef de la résistance algérienne à l'occupation française. Tour à tour, l'auteur de "trente-deux ans à travers l'Islam", évoque l'organisation de l'armée (régulière et irrégulière), l'industrie, le conseil consultatif et surtout le comportement de l'émir Abdelkader en homme d'État. Sur l'armée de l'émir Abdelkader, lors d'une expédition à l'Est, en 1838, Léon Roches avance le chiffre 3000 soldats, 400 cavaliers, 60 artilleurs et 1000 cavaliers du 1 ROCHES Léon, Trente-deux ans à travers l'Islam, nouvelle édition, Librairie académique Didier, Paris, p 32. 2 NARCISSE Faucon, op cit, p 524 à 528. 8 makhzen de l'ouest pour l'armée régulière et 10000 soldats irréguliers.1 On ne saurait que partager l'avis de l'auteur lorsqu'il parle du courage et de la discipline du soldat régulier. Des questions se posent par contre sur le passage suivant : "Mais j’ai pu m’en convaincre, et Abd el Kader l’a déploré souvent devant moi, peu d’Arabes sont disposés à mourir pour leur foi…Ils (les soldats irréguliers) sont capables d’un grand effort dans le premier moment de surexcitation religieuse, mais une résistance énergique les démoralise. Si l’on se retire devant eux, ils deviennent autant de lions affamés ; leur montre-t-on les dents, ils fuient comme des daims" .2 L'utilisation de certaines formules (lions affamés) ne fait que diminuer la valeur de cet écrit. Et puis, on pourra se demander comment l'émir Abdelkader a pu résister de longues années à la conquête française avec des soldats irréguliers si faibles. Toujours est-il, la présence même de cette armée régulière avec son régime militaire stricte que décrit l'auteur est un signe fort du degré d'organisation atteint par l'État de l'émir Abdelkader.3 L'industrie d'armement avait sa place dans le récit de Léon Roches. Celle-ci est concentrée dans les principales villes créées ou fortifiées par l'émir Abdelkader comme Taza (située à 65km au sud de Miliana), Boghar (située à 82km au sud de Médéa), Taqdamet (située 12 km au sud de Tiaret)…En effet, des ouvriers français étaient recrutés pour aider à l'installation des fonderies d'armes. Léon Roches était le principal superviseur et qui va accompagner ses travailleurs jusqu'à la fin de leur mission. Le résultat est, de l'avis de l'auteur, dérisoire : " Vers la fin du mois d’octobre, écrit-il, Abd el Kader vint à Tagdempt et me témoigna sa satisfaction au sujet de l’installation de sa fabrique d’armes dont je mis quelques produits sous ses yeux ; installation bien élémentaire, qui ne devait donner que d’insignifiants résultats, mais qui avait nécessité de ma part une grande somme d’énergie et d’activité."4 Cette situation est fortement liée à la conjoncture de l'époque. Les difficultés du terrain sont énormes avec la noncollaboration des caïds à ce projet. Et puis la période de paix entre les deux forces est 1 Les armes provenaient de la contrebande marocaine, de ses propres fonderies et des Français lorsque l'émir Abdelkader était en paix avec les Français. On note que contrairement aux autres résistants algériens du 19e siècle (à l'exception d'Ahmed Bey), l'émir Abdelkader utilisait l'armement lourd (l'artillerie). 2 Léon ROCHES, op cit, p 87. 3 Le grand souci de l'émir Abdelkader est de mettre en place une armée moderne. Léon Roches nous cite un exemple de cette organisation : l'émir a mis en place une décoration (richa) pour chaque soldat qui se distingue en combat. "La décoration de la Richa, poursuit-il, est une plaque d’argent sur laquelle sont gravées, trois, cinq ou sept plumes, suivant le grade. Cette plaque est retenue sur le turban ou autour de la corde de chameau par deux chaînettes d’argent, qui s’accrochent l’une à, l’autre". Voir Léon Roches, op cit, p 149. 4 Léon ROCHES, op cit, p 189. 9 courte ; il est quasiment impossible de mettre en place une industrie d'armement capable de faire ses preuves en temps de guerre. Pour les besoins de son État et de la résistance à l'occupation française, l'émir Abdelkader imposa la Zakat et l'achour (impôts coraniques) et instaura un impôt spécial de guerre en plus des amendes que payaient les tribus insoumises. Léon Roches évoque un impôt qu'il appelle al-dhiffa (l'hospitalité) où chaque tribu parcourue par les l'émir et ses troupes vint lui apporter toutes sortes d'aides (paille, orge…) Le tout se termine par des plats de couscous et de viandes que les membres de la tribu tâchent d'offrir à leur visiteur et ses partisans.1 Ce que faisaient les tribus à l'approche des troupes de l'émir Abdelkader ne pouvait être qu'une forme d'hospitalité, vieille de plusieurs siècles. Ce n'était donc pas un impôt. On imagine difficilement que les membres des tribus puissantes puissent laisser passer les forces de l'émir Abdelkader sans présenter le devoir d'hospitalité à un homme dont la célébrité a fait le tour du Maghreb. III - La Personnalité de l'émir Abdelkader Derrière cet État se dresse un homme religieux, politique et militaire. L'émir Abdelkader est un homme de foi et de science. Roches voit en lui "un des théologiens les plus érudits de l’époque". Une fois son devoir religieux accompli, il s'occupait des affaires de son État et de sa population. De temps à autre, l'émir écoutait lui-même les doléances de ses compatriotes et apportait systématiquement des réponses sur les questions soulevées."Quand il prie, écrit l'auteur, c’est un ascète. Quand il commande, c’est un souverain. Quand il parle guerre, ses traits s’illuminent; c’est un soldat. " En homme militaire, l'émir était le chef de son armée. Son courage et sa bravoure ont laissé une forte impression chez ses adversaires. A cela, certains auteurs joignirent les exploits de son cheval noir. Léon Roches rapporte ce fait survenu en 1836 dans lequel l'émir Abdelkader, poursuivi par le célèbre colonel Yusuf et des militaires français, "il eût été atteint si ce même cheval noir n’avait franchi un escarpement devant lequel s’arrêtèrent les chevaux des officiers qui le poursuivaient". Conscient de l'apport psychologique que pouvait apporter sa présence sur le terrain, il assista souvent aux combats. Pour une meilleure efficacité, il attaqua souvent avec des troupes légères loin de son camp principal qu'il plaçait en sécurité loin de lui. Il lui arriva de bivouaquer avec sa petite troupe une ou deux nuits avant de regagner son camp. 2 Grâce à son savoir-faire et son activité, il imposa le respect d'une grande partie de ses compatriotes. 1 2 Ibid, p 90. Léon ROCHES, op cit, p 88. 10 En homme politique, il réagit intelligemment. "Il se garde bien, écrit l'auteur, de communiquer aux Arabes la teneur entière du traité (la Tafna); il porte seulement à leur connaissance les articles favorables à l’exécution de ses desseins."1 Quoi de plus normal pour un souverain de communiquer à son peuple ce qu'il lui paraît nécessaire et qui est dans l'intérêt de l'État. Durant deux ans, l'émir Abdelkader sillonna une partie de l'Algérie, de l'Est à l'Ouest, pour asseoir son autorité. Il arriva même jusqu'aux portes du Sahara. Dans la vie de tous les jours, tout en gardant sa modestie, il s'afficha comme un véritable sultan. Lorsqu'il est en déplacement, le camp, où il résidait avec ses troupes, est organisé d'une manière efficace. Toute une cérémonie précédait par exemple, le départ des soldats. Voici comment Léon Roches décrit un de ses moments : "Le sultan seul décide du jour et de l’heure du départ ; aussitôt après la prière de l’aurore, le sultan fait appeler le khaznadar en second, et lui donne l’ordre de préparer la levée du camp. Ce dernier va prévenir l’agha de l’armée régulière qui fait battre la diane d’abord ; puis une nouvelle batterie annonce à tous le départ. Une heure s’est à peine écoulée que toutes les tentes sont pliées et chargées, ainsi que le matériel et les vivres; les compagnies sont formées sur l’emplacement qu’occupaient leurs tentes… Au moment où le cheval est lâché, il fait deux ou trois bonds en avant sur les jambes de derrière, et la nouba fait retentir dans le camp le chant bruyant du départ."2 La description de Léon Roches du portrait physique de l'émir Abdelkader est certainement la plus importante et la plus précise. Lui-même, il dit que c'est le résultat d'un séjour de deux ans au cours duquel il a côtoyé l'émir de plus près. Il dira à ce propos : " Sa main, maigre et petite, est remarquablement blanche, des veines bleues la sillonnent ses doigts longs et effilés sont terminés par des ongles roses parfaitement taillés ; son pied, sur lequel il appuie presque toujours une de ses mains, ne leur cède ni en blancheur ni en distinction. Sa taille n’excède pas cinq pieds et quelques lignes, mais son système musculaire indique une grande vigueur. Quelques tours d’une petite corde en poils de chameau fixent autour de sa tête un kaïk de laine fine et blanche ; une chemise en coton et par-dessus une chemise en laine, de même couleur, le kaïk, qui après avoir fait le tour de la tête enveloppe le corps, et un burnous blanc recouvert d’un burnous brun, voilà tout son costume. Il tient toujours un petit chapelet noir dans sa main." 3On sait que la condition physique d'une personne peut être d'un bon apport au 1 Ibid, p 75. Ibid, p 84 et 85. 3 Léon ROCHES, op cit, p 66. 2 11 moment de guerre et de paix. Autrefois, les gens étaient impressionnés par l'allure extérieure d'une personne avant ses caractères humains. D'après le récit de Léon Roches, l'émir Abdelkader a laissé une forte impression sur lui dès le premier regard. Quoi qu'il en soit, le portrait physique d'une personne ne peut subsister en l'absence d'une forte personnalité. En juillet 1860, le monde entier découvre l'humanisme de l'émir Abdelkader. Résident à Damas, cet homme intervint pour porter secours aux chrétiens menacés de mort par les Druzes. Durant des jours et aidé par des Algériens se trouvant en Syrie, il se déplaçait sur les quartiers chrétiens pour recueillir ses populations chez lui avant de les faire diriger, sous escorte, dans une citadelle située à l'extérieur de la Ville. En tout, 15000 chrétiens furent sauvés de la mort.1 Pour ceux qui connaissaient l'émir Abdelkader, son humanisme ne datait pas de 1860. Il fut ancré chez lui depuis son jeune âge. Léon Roches qui le suivit dans ses déplacements était témoin des faits qui dénotent l'attachement de l'émir Abdelkader à la vie humaine et au pardon. Voici un exemple concret auquel a assisté Léon Roches. Un vieillard est condamné à mort. La sentence devait être exécutée en présence du sultan. Au moment où le supplicié est ramené, un évènement a renversé la situation. " Le tour du vieillard à face vénérable et à la longue barbe blanche était venu. Il avait si froid, le pauvre vieux, qu’il ne pouvait faire un pas, on fut obligé de le soutenir; il n’allait pas tarder à être frappé, lorsqu’une troupe de petits enfants se précipita dans la tente; les uns se jetèrent entre le vieillard et les exécuteurs. Les autres vinrent se prosterner devant l’émir; une petite fille surtout, belle comme un ange, s’était emparée de ses mains qu’elle baisait et arrosait de ses larmes. « Au nom de ta mère, de la mémoire de ton père, au nom de tes enfants, au nom de Dieu, pardonne à mon père ! »2 A l'appel des enfants du vieillard, l'émir a ordonné son pardon. L'humanisme l'a emporté sur la justice. L'évènement qui va marquer à jamais Léon Roches et qui va impressionner le lecteur de "Trente-deux ans à travers l'Islam" est celui relatif à la séparation des deux hommes. Au début du mois de novembre 1839, à la veille de la reprise de la guerre entre le sultan et les Français, Léon Roches, doté d'un courage sans limites, affronta son chef par la vérité : il n'a jamais été musulman au fond de lui-même bien qu'il s'est comporté comme un musulman depuis deux ans. Après avoir entendu la confirmation 1 CHURCHILL Charles Henry, La vie d'Abdelkader, traduction de Michel Habart, 4e édition, ENAL, Alger, 1991, p 303 à 316. 2 Léon ROCHES, op cit, p 99.. 12 de ces paroles, l'émir Abdelkader a eu comme réponse : " « Va t’en, me dit-il, écrit l'auteur, d’une voix sourde. Je laisse à Dieu la punition de ton âme. Que ton corps disparaisse de ma présence. Va-t’en et garde-toi de répéter devant un musulman le blasphème que viennent d’entendre mes oreilles, car je ne serais plus maître de ta vie ; va-t’en ! » 1 Sur un geste du sultan, Léon Roches aurait payé de sa vie le mal qu'il venait de subir à son chef. Léon Roches n'a pas touché uniquement les sentiments personnels de son chef (les deux hommes sont devenus presque amis), il a joué aussi avec une religion, celle que suivait son chef avec beaucoup de rigueur. Pourtant, homme de cœur, l'émir a laissé partir son ancien conseiller rejoindre son pays. Rares sont les souverains qui se comporteraient de la sorte. Homme de cœur, l'émir Abdelkader dirigeait cependant son gouvernement avec beaucoup d'autorité. L'auteur mentionne des faits dans lesquels l'émir a exercé son pouvoir avec beaucoup de rigueur. Il cite l'exemple d'un caïd accusé d'être l'ami des Français qui est exécuté devant lui. Le fait auquel il s'arrête longuement fut celui relatif au siège de Ain Madhi. Centre de la confrérie Tidjani où résidait son chef Si Mohammed Tidjani, l'émir assiégea l'oasis de Ain Madhi durant 06 mois. Devant les difficultés du terrain, l'émir Abdelkader s'est toujours résigné à continuer son siège jusqu'à la capitulation de Ain Madhi. Connaissant ses compatriotes, il savait qu'une défaite soulèverait une bonne partie des tribus contre lui. Avant l'assaut final, un arrangement fut conclu entre le frère de l'émir Abdelkader en l'occurrence Sidi Mohammed Said et le chef de la Tidjania. Ce dernier aura 40 jours pour quitter le village avec ses partisans et leurs richesses et devait aussi payer une amende de guerre.2 Après le départ de Mohammed Tidjani, le village de Ain Madhi fut détruit et pillé par les soldats du sultan. Par ce comportement, ce dernier voulait donner un message aux villages encore insoumis pour rejoindre ses rangs. Les résultats n'avaient pas tardé à tomber : avant son retour, les tribus situées non loin de Ain Madhi se bousculèrent autour de lui, pour présenter leurs soumissions. Sur la bonté de l'émir Abdelkader, sa simplicité et sa modestie, le récit de Léon Roches est édifiant. Au cours d'une marche, l'émir rencontra des individus qui souffraient du froid. Il enleva son burnous pour le donner à l'un d'entre eux. Parmi ses compagnons, personne ne le suivit dans ce geste. Chef d'un État, il n'abusa pas de sa position. Sa fortune fut celle que posséda sa famille depuis longtemps. "La fortune 1 2 Léon ROCHES, op cit, p 192. Ibid, voir le chapitre intitulé siège d'Ain Madhi. 13 personnelle d’Abd el Kader, écrit l'auteur, se compose de l’espace de terre que peuvent labourer dans une saison deux paires de bœufs. Il a un troupeau de moutons dont la chair sert aux hôtes qui viennent demander l’hospitalité à sa tante et dont la laine suffi t pour tisser ses vêtements et ceux de sa famille, burnous, haïk... Il possède en outre quelques vaches qui lui fournissent le lait et le beurre nécessaires à ses hôtes et à sa consommation; quelques chèvres et quelques chameaux. Sa mère, qui vit avec lui, sa femme et les femmes de .ses serviteurs intimes qui composent sa maison particulière, tissent elles-mêmes ses vêtements. Il se nourrit donc, même quand il est en tournée ou en campagne, de ses produits personnels."1 Son attachement à sa famille était sans limites. Un jour, se trouvant à Takdemet où il était de retour d'une expédition lointaine à Ain Madhi, il apprit la maladie de sa mère Lalla Zohra qui se trouvait à Boukharchoufa, près de Miliana. Il prit son cheval pour la rejoindre à Miliana. A ses amis, il a dit : "Je ne force personne à me suivre". En quinze heures, l'émir et son entourage parcoururent 150 km. 2 Sur beaucoup de questions politiques, l'émir Abdelkader restait inflexible. C'est ainsi qu'il a refusé de céder à toutes les pressions le persuadant d'accepter la modification du traité de la Tafna. Il a également donné une fin de non-recevoir aux conseils de Léon Roches par rapport à l'attitude à suivre vis-à-vis de Benduran et Miloud Ben Arache. Néanmoins, en dehors de la politique et de la religion, Le sultan était d'une grande sensibilité. D'après l'auteur, il a même un penchant pour la plaisanterie et "sa gaieté est franche et communicative."3 Quoi qu'il en soit, l'émir Abdelkader était le contraire d'un despote. Il aimait réunir un petit conseil de guerre avec ses collaborateurs pour trancher sur les questions militaires et politiques qui se posaient de temps à autre. Il savait écouter les gens autour de lui. Presque tous les soirs, selon l'auteur, le sultan le questionnait sur divers sujets en rapport avec la France et ses potentialités. Lorsqu'il fallait reprendre la guerre, c'est la décision de tous ses khalifats qui était engagée. Devant Ain Madhi, c'est l'avis de son frère pour une solution à l'amiable qui a pris le dessus. Sa réussite, durant de longues années, avait un rapport avec "la gestion démocratique" de son gouvernement. 1 Léon ROCHES, op cit, p 112. Ibid, p 171. 3 Ibid, p 112. 2 14 IV - L'émir Abdelkader et le traité de la Tafna Le ralliement de Léon Roches à l'émir Abdelkader coïncida avec la signature du traité de la Tafna en mai 1837 entre l'émir Abdelkader et le général Bugeaud. Durant plus de deux ans, l'auteur écouta attentivement l'avis de l'émir sur les causes de la guerre avec les Français, sur la paix et sur d'autres questions politiques. De temps à autre, l'émir laissait libre choix à l'auteur pour donner son point de vue sur tel ou tel sujet. À propos des causes de la guerre contre les Français, l'émir Abdelkader afficha nettement le fond de sa pensée. Voici ce qu'il a dit à Léon Roches sur ce sujet : " nous avons été forcés de leur faire la guerre pour défendre notre sol, nos femmes, nos enfants, et plus que tout cela, notre religion, et cette guerre est une guerre sainte. Le sang musulman qui a coulé et qui coulera dans cette glorieuse lutte nous lavera de nos souillures, notre foi attiédie se réchauffera au feu des combats, et nos bras se fortifieront en frappant sur l’infidèle. Nous serons alors moins indignes des illustres devanciers qui ont conquis notre patrie et fait triompher la loi de Dieu de l’Orient à l’Occident." 1 Dans cette réponse, l'émir Abdelkader n'a pas tout dit. Il ne suffit pas de combattre les Français pour la guerre sainte, il fallait encore penser à ce peuple en le dirigeant dans un organisme qui ne pouvait être que l'État. Justement l'une des causes qui l'ont amené à signer une deuxième trêve avec les Français fut le besoin constant de mettre en place les institutions de son jeune État. Des discussions des deux hommes sur le traité de la Tafna, il se dégage une certitude qui consiste à considérer ce traité comme une trêve qui ne pouvait durer que l'espace de quelque temps. Léon Roches ne cache pas sa vérité à savoir qu'il a tout essayé pour dicter à l'émir une certaine conduite par rapport au comportement de l'émir vis-à-vis du traité de la Tafna. L'auteur a voulu en fait le manipuler et il a échoué dans ses desseins. Plus exactement son objectif est d'amener l'émir à ratifier l'additif proposé par le maréchal Valée en 1839 qui enlèverait à l'émir une partie de son territoire. Il le sollicita encore pour ne pas écouter les conseils de ses consuls à Alger (Ben Duran et Miloud Ben Arrache). Doté d'une grande personnalité, l'émir Abdelkader ne céda pas aux pressions de son conseiller. Dans ses réponses, il se tint à la parole donnée. Les Français devraient respecter les clauses du traité comme luimême les a respectés. Les démarches françaises auprès de lui ne changèrent pas sa position. D'ailleurs, les membres influents de son gouvernement étaient du même avis. 1 Léon ROCHES, op cit, p 71. 15 Convoqués à un conseil extraordinaire le 03 juillet 1839, ces derniers refusèrent toute rectification du traité de la Tafna et se dirent prêts à reprendre la lutte au cas où les Français violeraient ce pacte.1 Ce qui devait arriver arriva en octobre 1839, le maréchal Vallée, déçu par le refus de l'émir de ratifier l'additif qu'il lui a proposé, franchit les portes de fer, dans les Bibans : un territoire qui appartient à l'émir Abdelkader. Quelques jours après, ce dernier attaqua les positions des colons à la Mitidja. La troisième phase de la résistance de l'émir venait de commencer. Regard critique L'ouvrage de Léon Roches est important sur le plan historique. Les historiens du passé et du présent lui sont redevables du témoignage apporté sur l'attitude de l'émir dans la vie de tous les jours, sur les aspects de son gouvernement et les caractéristiques de sa personnalité. Plus précisément, qui pouvait décrire l'intérieur de sa tente et reconstituer ses dialogues avec ses amis si ce n'est un homme qui a vécu auprès de lui en tant que conseiller et observateur. L'idée de partir, un jour, laisser son chef est un élément qui l'a aidé certainement à rassembler une multitude de renseignements sur l'émir Abdelkader, des renseignements qu'ils pensaient livrer aux Français, une fois de retour chez lui. Cette masse d'informations est livrée aux lecteurs, quarante-cinq ans après les faits. C'est la raison pour laquelle, le récit de l'auteur est discutable sur certains points. L'auteur a écrit son texte avec beaucoup de passion. Ce qui frappe le lecteur de "Trente deux ans à travers l'Islam" c'est le type de relation qui lie Léon Roches à l'émir Abdelkader. " J’étais venu pour faire pénétrer dans l’esprit d’Abdelkader des idées civilisatrices et c’est lui qui voulait m’inspirer la foi musulmane"2. Pensa-t-il vraiment à l'époque qu'il pouvait facilement manipuler le chef de toute une nation ? En tout cas, il avoua à maintes reprises son échec dans sa tentative de changer l'attitude de l'émir Abdelkader vis-à-vis des Français.3 Le récit de Léon Roches est parfois subjectif. Pour le traité de la Tafna, il évoque "la générosité" des Français. Pourquoi donc les Français accepteraient-ils de proposer un traité à leur ennemi si ce n'est pour sortir d'une impasse dans laquelle ils se trouvaient. Les historiens sont unanimes sur ce point ; les Français à l'époque 1 Ibid, Voir le chapitre : préparatifs de guerre. Léon ROCHES, op cit, p 106. 3 L'émir Abdelkader a essayé de lui inculquer les principes de l'Islam. Cette tâche est confiée selon Léon Roches à Hadj Bouzian, un des connaisseurs préférés de l'émir. L'histoire dira que cette mission a échoué. 2 16 concentraient leur force pour mettre fin à la résistance d'Ahmed Bey à Constantine et il fallait donc cesser la guerre avec leur principal opposant. 1 Son jugement sur l'émir Abdelkader est contradictoire. Dans l'ensemble, il ne cache pas son admiration pour cet homme. "J’aimais ce héros de la nationalité arabe, écrit-il, j’étais prêt à lui donner des preuves d’un entier dévouement et pourtant je le trompais."2 Le paradoxe est là ! Il déclare estimer un personnage, mais il le trahit au même temps. Son séjour auprès de l'émir Abdelkader a coïncidé avec des évènements importants en rapport avec l'émir Abdelkader et dont on trouve peu ou aucune trace dans son récit. Nulle évocation de la division administrative de l'État, du commerce et de la culture. Les passages sur l'organisation de l'armée sont insuffisants de même pour l'élargissement du gouvernement de l'émir vers le centre et l'Est du pays. Lorsqu'il consacre quelques lignes sur le voyage de l'émir Abdelkader en Kabylie c'est pour dire ce qui suit : "Là je constatais que, si, comme marabout et guerrier saint, Abd el Kader avait lieu de s’applaudir de la réception qui lui avait été faite par les populations de ces contrées, il devait se convaincre que, comme sultan, il ne pouvait guère compter sur la soumission effective des Kabyles qui, passionnés pour leur indépendance, n’étaient nullement disposés à lui faire le sacrifice de leur liberté qu’ils défendaient bravement depuis tant de siècles contre tous les conquérants qui se sont succédé en Afrique."3 Contrairement à cette affirmation, la réaction de la Kabylie à la proposition de l'émir Abdelkader de rejoindre le camp de la résistance a pris deux facettes : d'après la version de Daumas,4 certaines tribus l'ont accueilli comme un passager célèbre du surcroit hadj et homme de religion et de sciences. Celles-ci observèrent donc le devoir d'hospitalité sans s'engager dans sa lutte. Il s'agit des tribus résidentes dans les lieux suivants que l'émir a parcourus durant l'été 1838: Tizi Ouzou, Dellys, Issers, Tizi N'Aith Aicha, Timzit, Tigounatine, Tamdirt des Flissas et Sidi Naamane. L'autre catégorie de tribus fut celle qui s'est résignée à le suivre. C'est l'exemple des Beni Jaâd et son chef Ahmed 1 BOUTALEB Abdelkader, L'émir Abdelkader et la formation de la nation algérienne, Editions Dahlab, Alger, 1990, p 85 et 86. 2 Léon ROCHES, op cit, p 109. 3 Ibid, p 185. 4 DAUMAS M ET FABAR M, La Grande Kabylie, études historiques, L.Hachette et Ci, Paris, 1847, voir le chapitre 5. 17 Taieb Ben Salem. De 1837 à 1847, ce dernier était le représentant de l'émir Abdelkader en Kabylie.1 Le récit de Léon Roches n'a pas convaincu Marcel Emerit, un des chercheurs qui ont beaucoup travaillé sur l'histoire de l'Algérie contemporaine. C'est pour lui, un récit romancé qui ne fournit presque rien à l'historien à part tout ce qui a un rapport avec la vie personnelle de l'émir. Marcel Emerit apporta des preuves sur des faits cités par Léon Roches, mais qui n'avaient pas eu lieu de cette façon. Ainsi par rapport aux négociations entre l'émir et le chef Tidjani sur le dénouement du siège de Ain Madhi, Marcel Emerit écrit que d'après le témoignage de Nicolas Blan, un déserteur qui a assisté au fameux siège, c'est "le khalifat moustapha ben thami et non Roches qui fut introduit dans la place pour négocier les conditions de la reddition. Roches, ajoute t-il, ne vint que le lendemain avec douze officiers pour ramener l'ambassadeur dans le camp de l'émir. Il est évident, conclut-il, que Roches a voulu amplifier son rôle et écrire sur ses missions auprès du chef religieux du désert un de ces récits mélodramatiques dont son livre est abondamment truffé."2 Le témoignage contribue à l'écriture de l'histoire. De ceux qui ont vécu auprès de l'émir Abdelkader, on distingue deux types de personnes : ceux qu'ils l'ont connu au moment de sa lutte contre les Français et ceux qu'ils l'ont côtoyé pendant la période qui a suivi sa reddition. Léon Roches appartient à la première catégorie et c'est là, une des raisons qui rend son récit plus important. Son texte est également riche en évènements militaires et politiques, en anecdotes et surtout par les commentaires qu'il donne sur tel ou tel fait. En dépit de la longue distance qui nous sépare de la publication de "Trentedeux ans à travers l'Islam", les historiens peuvent à tout moment relire cet ouvrage pour dénicher des renseignements susceptibles de connaître celui qui a laissé à jamais une grande impression chez Léon Roches en l'occurrence l'émir Abdelkader. 1 FEREDJ Mohammed Seghir, Histoire de Tizi Ouzou et sa région des origines à 1954, éditions Hammouda, Alger, 1999, p 68 à 71. 2 EMERIT M, "La légende de Léon Roches", Revue africaine, volume 91, Alger, 1847, p 81-105. 18 Bibliographie: 1 - DAUMAS M ET FABAR M, La Grande Kabylie, études historiques, L.Hachette et Ci, Paris, 1847, 489 p. 2 - BOUTALEB Abdelkader, L'émir Abdelkader et la formation de la nation algérienne, Editions Dahlab, Alger, 1990. 3 - CHURCHILL Charles Henry, La vie d'Abdelkader, traduction de Michel Habart, 4e édition, ENAL, Alger, 1991. 4 - EMERIT M, "La légende de Léon Roches", Revue africaine, volume 91, A, Jourdan, Alger, 1847, p 81-105. 5 - FEREDJ Mohammed Seghir, Histoire de Tizi Ouzou et sa région des origines à 1954, éditions Hammouda, Alger, 1999. 6 - NARCISSE Faucon, Le livre d'Or de l'Algérie, tome 1, Challamel et Cie éditeur, Paris, 1889. 7 - ROCHES Léon, Trente-deux ans à travers l'Islam, nouvelle édition, Librairie académique Didier, Paris. 19 Métamorphose de l’anthropologie :Enjeux et perspectives d’une discipline en quête de sa légitimité.(*) Sirat Fethi (**) «…..si je n’ai pas cessé de travailler à réconcilie l’ethnologie et la sociologie, c’était sans doute parce que je suis profondément convaincu que cette division, scientifiquement tout a fait funeste, doit être radicalement abolie…... Mais je ne puis néanmoins m’empêcher de souhaiter voir l’unité des sciences de l’Homme s’affirmer sous le drapeau d’une Anthropologie désignant à la fois, dans toutes les langues des mondes, ce que l’on entend aujourd’hui par ethnologie et par sociologie. » (1) Je commencerai par remercier et bien entendu, par rendre hommage, en mon nom personnel, et au nom de l’ensemble de mes collègues enseignent-chercheurs et doctorants Algériens qui ‘ont connus Pierre Bidart, à toutes celles et ceux qui ‘ont donné le meilleur d’eux même pour que nous soyons la aujourd’hui dans ce symposium. Cette contribution ne prétend pas faire un bilan exhaustif et général de l’Anthropologie sur l’échelle globale ou bien local; je souhaite simplement, mettre à plat quelques réflexions qui peuvent alimenter la construction d’un champ de savoir qui joindre l’utile l’agréable, dans l’ensemble de ses processus. L’Homme, en temps qu’être social en premier lieu, à fait l’objet de plusieurs approches, et parmi ces derniers bien évidement l’approche Anthropologique. Par voie de conséquence, des questions légitimes, mérite d’être posées : qu’est ce que c’est l’Anthropologie quel est sa * Ce texte est présenté à l’occasion, du colloque internationale qui c’est déroulé à Bucarest du 29-30 octobre 2011, sous le thème « les sciences sociales dans les pays en transition?»; en hommage à Pierre Bidart. ** Enseignent chercheur, département de sociologie, université de Mostaganem, Algérie. 1 Bourdieu (P). 2008: Esquisses algériennes. Paris, seuil. P 239. (L’objectivation participante) In: revue Acte de la recherche en sciences sociales. Pp 43-58, N° 150, décembre 2003 «participante objectivation» (discours prononcé le 06 décembre 2000 lors de la remise de la Huxley Mémorial Medal For 2000. au Royal Anthropological Institute de Londres.), Texte original en anglais in : The journal of the Royal Anthropological Institute (09-02 juin 2003, pp 281294). 20 relation avec les autres disciplines en sciences sociales et humaines (Sociologie, Ethnologie, Sciences politiques…etc.)? Quelle est sa place, dans un champ intellectuel et universitaire qui doute même sur les objectifs de leur existence ? La pensée Anthropologique est intimement lié au travail du terrain (The fieldwork), mais quelle(s) est le(s) terrain(s) idéal de cette discipline en voie de révolution ? En d’autre terme : est ce que c’est toujours l’exotisme aveugle et funeste qu’il soit en priorité (Affergan .F : 1997), ou bien de faire aller vers le plus proche, donc vers l’Anthropologues de chez soi (l’Endotisme) (En France voir notamment : Augé.M : 1992 et Althabe.G : 1998) ? Aujourd’hui notre monde relève de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la globalisation. Cette globalisation qui nos interpelle nous les Anthropologue, et plus que jamais, à repenser les échelles de production de l’humain et de son ordre social (Kilani. M : 2009), par voie de conséquence, à revoir les modalités et les paradigmes de production des savoirs sur ce (s) dernier (es) (Geertz.C : 1996)? Dans ce processus, le projet d’une nouvelle anthropologie est invité à vérifier ses schèmes et ses modèles d’analyses, et de faire dépasser certains concepts prédéfinies, tel que : clan, tribu, parenté etc.…? Bref, l’objectif de cette intervention est de faire une très modeste contribution, dans un mégaprojet de repenser l’Anthropologie. Notre grand souhait est de voir cette discipline réconcilié avec elle-même et avec l’ensemble de l’humanité et qui pense à une éthique possible dans ses démarches. Histoire de la pensée anthropologique (L’inconscient d’une discipline, c’est son Histoire.) Il serait vain de prétendre donner une définition succincte et claire de l’anthropologie. Une présentation de la discipline ne prend véritablement de sens qu’ à partir d’un examen de son contenu ou plus précisément de ses contenus expérimentaux et intellectuels. Pendent longtemps, l’anthropologie est considéré comme l’héritier légitime de l’ethnographie et l’ethnologie classique. Donc fait la science par excellence des sociétés dites : «archaïque», «sauvage» et «exotique» pour se transformer graduellement en sciences des sociétés «primitives». Récemment cette discipline a accolé aux sociétés quelles étudiait le caractère primitif, les qualificatifs des sociétés «froides», «sans histoire», «orale et sans écritures» et «acéphale et sans Etat» pour les distinguer souvent positivement des sociétés occidentales. Et elle a fini par utiliser le terme vague et plus générale celle de «sociétés traditionnelles», dans le but est à la fois pour garder certaine neutralité positive dans la 21 caractérisation de ses objets et un certain souci d’élargir son champ d’étude à d’autre types de sociétés historiques et modernes. En effet, la nature de l’objet d’étude nous interpelle à faire le point sur d’autre démarches intimement liée à l’anthropologie, en occurrence : sociologie, ethnologie et ethnographie. L’anthropologie peut être définie étymologiquement comme la science de l’Homme, le concept est latin (Anthropologia), mais d’origine grecque (Anthropologos) qui signifie science de l’Homme. L’émergence de cette spécialité à commencé a partir du 16 et 17 siècle, mais a partir de la fin du 18 siècle la discipline à pris d’autres dimensions dans sont parcoure. Il à eu tout d’abord la dimension naturelle (Diderot - L’encyclopédie : 1751) et l’allemand (Blumenbach - 1795), et qui ont insisté sur le caractère naturel avant tout de cette spécialité naissante. Cette approche à devenu, la plus dominante en France jusqu’au 20 siècle. Or, l’autre signification de l’Anthropologie (qui devenu synonyme de l’ethnologie) à pris sa nature de science des sociétés lointaines géographiquement, socialement et surtout culturellement avec le théologien suisse (A.C de Chavannes), qui à publié en 1788 son fameux ouvrage (Anthropologie ou sciences générale de l’Homme), et notamment avec le philosophe allemand (Kant .E) qu’il à publié dans la même année (1788) son dernier ouvrage (L’Anthropologie du point de vue pragmatique). En générale, l’utilisation de la notion d’Anthropologie est notamment dans les sociétés anglo-saxonnes (Grand Bretagne et Usa), pour la tradition Françaises c’est surtout la notion de l’ethnologie qu’elle était largement utilisée. Cependant, c’est grâce à Claude LéviStrauss et son séjour au Etats Unis dans les années 40 du siècle écoulé (1940-1948), qui à introduit le concept d’anthropologie au lieu d’ethnologie dans les champs disciplinaires et universitaires Française, et ca, ce manifeste intelligiblement dans le titre qu’il à choisi pour l’un de ses premiers ouvrages (Anthropologie structurale : 1958).5 Ethnographie et ethnologie : Les deux concepts (ethnologie : ethnos + logos & ethnographie : ethnos + graphie) ont fait leur première apparition dans la fin du 18 et le début du 19 siècle. Le concept d’ethnologie c’est toujours avec le suisse (A.C de Chavannes : 1788) qui à utilisé la premier fois la notion d’ethnologie, et qu’elle à définie comme la science qu’institutionnalise l’histoire des peuples. Concernent l’ethnographie c’est avec l’allemand (shwzer : 1772) et dans sont ouvrage (présentation d’une histoire universelle) qu’il introduit démarches utilisées dans les réflexions sur l’être humain et les sociétés. ; Mais la signification descriptive c’est avec (Balbi : 1824) dans son encyclopédie (Atlas ethnographique du globe). 22 En effet, dans l’état actuel de l’utilisation de ses concepts, c’est plutôt comme des démarches voire des méthodes au sein de la discipline anthropologique (voir notamment Lévi-Strauss-C : 1955). Mais à partir des premiers travaux de terrain fait par les ethnologues américains et britanniques (Boas. F – Malinowski .B – Frazer. J – Mead .M….etc.). L’ethnologie et l’ethnographie ont devenu le grand manifeste du travail du terrain (scientifique et empirique). Actuellement, l’ethnographie correspond à la première phase du travail de l’anthropologie de la collecte des documents, des données et de leur première description sous la forme d’enregistrement, de classement, de traduction, etc. Elle correspond à la recherche de terrain proprement dite. Pour ce qui concerne l’ethnologie est la phase ou l’on analyse, synthétise et interprète ce que l’on observe dans une culture donnée - travail qu’est déjà largement effectué sur le terrain – en rapport avec les connaissances dont on dispose sur les autres sociétés, et on rapport avec les généralisations théoriques que l’on a construites à partir de ces connaissances (Lévi-Strauss-C : 1958). Anthropologie et Sociologie : Les traditions en sciences sociales, ont imposée d’une façon purement arbitraire et abusive, une dichotomie funeste pour ces dernières, dans les conséquences ont été très graves sur les processus de légitimation de leur discoures voir sur leur existence. Dans cette tradition, les champs ou le périmètre d’étude de chaque spécialité à était balisé par des références évolutionnistes et ethnocentrique. Par voie de conséquences, les premiers sociologues européens ont construits toutes leurs démarches épistémologiques, dans cette discipline naissante et embryonnaire à travers la distinction sociétés modernes et industrielles et sociétés traditionnelles et exotiques. Par exemple avec le sociologue allemand Ferdinand Tönnies (1887), est née la fameuse distinction : Gemeinschaft/Gesellschaft (Communauté - société) Et affinée par E. Durkheim (1893) sous la forme : Solidarité mécanique – solidarité organique En effet, la sociologie c’est spécialisé dans les sociétés ou l’ordre sociétal est de caractère individualiste (L. Dumont: 1983), dans le type de solidarité est organique (E. Durkheim: 1893), et l’Anthropologie à fait pour objet l’étude des sociétés dite primitives, communautaire et Holiste (L. Dumont), ou la solidarité est de caractère mécanique. Cette dichotomie à eu un impact sur les démarches théoriques, méthodologiques et épistémologiques des deux disciplines ; initialement la sociologie - et d’une façon implicite 23 - à été conçue pour l’étude des sociétés occidentales industrielles (Endotisme), avec toutes ces conséquences sur l’ensemble des processus de production de ses savoirs. Pour l’ethnologie -Anthropologie c’est notamment (Exotisme), donc l’étude des sociétés éloignés géographiquement mais surtout culturellement ; ces études ont été effectué généralement par des occidentaux soit des guerriers conquérants (Cortés, Cabeza de Vaca …etc.) soit des 6 marchands (Tavernier, Long…etc.) soit des missionnaires (Las Casas, villotte…etc.) soit des militaires (Capitaine Cook, les deux généraux Lanterneaux et Hanotaux…),soit des administrateurs coloniaux (le cas des bureaux arabes pour la colonisation Française en Algérie). Dans ce cadre, et à la différence de la sociologie, l’anthropologie se caractérise principalement par la taille et les échelles de ses études et ses analyses, a savoir des unités de recherche restreintes et locales, qui se traduit par le caractère simple et personnel des relations sociales (par opposition à la société globale et généralisée) (Kilani .m : 2009). En générale la sociologie, reste l’étude des sociétés industrielles globale, même si elle travaille sur des petites unités (au Etats unis il a une grande influence de l’école de Chicago dans l’émergence de la micro sociologie) ; si la convergence entre la sociologie et l’anthropologie est heuristique et historique, il a d’autre dimension qui caractérise cette dichotomie, à savoir, le principe de la comparaison pour la sociologie et l’universalité pour l’anthropologie. Enfin, si le constat est alarmant, pour la divergence entre la sociologie et l’anthropologie, ses deux disciplines sont invitées plus que jamais à trouver un terrain d’entente afin de procéder à l’unification des deux disciplines sous le drapeau d’une seule spécialité synthétique pour les deux. Cette démarche ne peut être atteinte que par une concession mutuelle dans l’ensemble des processus de production de ses savoirs (terrain, épistémologie et méthode, objet de recherches, modèles d’analyse, relation chercheur opération de la recherche, observateur - observé…etc.). Les fondements du savoir anthropologique Pendant longtemps, l’anthropologie a été associée à l’étude des sociétés exotiques, ce qui ce fait que l’ensemble de ses démarches ont été construit avec et autours de ce principes ; comme en à développé là-dessus, sur l’histoire de l’émergence de cette discipline, c’est surtout quelle est une science occidental par excellence. Si l’ethnologie – anthropologie sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui, est née dans la deuxième moitié du XIX siècle, mais ses origines et sa filiation continuer jusqu'à l’antiquité grecque (donc européenne occidentale). L’identification de cette discipline, comme occidentale de 24 naissance et de vocation est primordiale pour comprendre le caractère césarienne de sa naissance et défiguré de sa évolution. Dans ce sens, l’histoire de l’anthropologie est entièrement guidée par la nature sociale et culturelle de son épanouissement, à savoir la nature (voir la personnalité) de l’homme occidental ; même si elle veut une science générale de l’humain. Cette discipline, jadis appelée ethnologie à fait ses premières étapes embryonnaires sur la base de la supériorité de l’Homme et la civilisation occidental, qui ce traduit notamment par la théorie évolutionniste (le volet historico-biologique avec Darwin et ethnologique par les pères fondateurs de l'ethnologie Morgan .L H & Taylor & Frazer. j & Boas. F). En effet, c’est ses fondements la qui ont dominé les différents étapes et mécanismes de production du savoir ethno-anthropologique (choix du terrain: exotisme et altérité, objets d’étude : toutes ce qui traditionnels, observation participante et observation directe, choix des problématiques…etc.). Donc, ses fondements qui ont été les socles culturels, économiques et politiques de l’anthropologie, et qu’en peut le résumer dans le concept de l’altérité ou l’expression de «l’extérieur-autre» selon le l’expression de l’anthropologue français spécialiste sur le monde créole des iles des Martinique (Francis Affergan) dans un excellent ouvrage qui traite de la question intitulé (Exotisme et altérité : 1987).(d’autres ouvrages notamment: La pluralité des mondes: vers une autre anthropologie…). Ensuite, c’est grâce aux études ethno-anthropologiques que les sociétés occidentales ont fait une autoanalyse et une auto critique (selon le terme du sociologue et anthropologue français Pierre Bourdieu : 2004) de leurs cultures, leurs idéologies, et de leurs modèles et paradigmes. Donc, par voie de conséquence l’émergence au sein du l’univers scientifique - académique et intellectuel occidental lui-même un doute sur le principe de l’européocentrisme et l’occident – centrisme, et qu’il n’est pas une seule rationalité, celle de la rationalité occidentale, mais il d’autres potentielles rationalité dans d’autres sociétés et d’autres cultures classé auparavant comme des types de sociétés et de cultures archaïques. En fait, ces mutations dans les principes fondateurs de la discipline, qui ont eu un impact direct sur les aspects épistémologiques, méthodologiques, théoriques de l’anthropologie. 25 Les lieux du savoir anthropologique : «La démarche anthropologique prend comme objet d’investigation des unités sociales de faible ampleurs à partir desquelles elle tente d’élaborer une analyse de porté plus générale, appréhendent d’un certains points de vue la totalité de la société ou des unités s’insèrent.»(1) Augé. M : Symbole, fonction, histoire (1979 : 197-198). En effet, c’est grâce à cette introduction critique de l’histoire de l’émergence de cette discipline, qu’on peut faire une analyse sincère de l’état des lieux de la spécialité. Si ce bilan historique nous à montré le caractère Exotique et Ethnocentrique de la discipline, il pourra nous expliquer aussi, la crise aigue qui secoue la légitimité même de cette dernière. Au début l’ethno-anthropologie à privilégié l’étude des sociétés dites sauvage et primitive, mais progressivement et après le début de disparition de ces sociétés (notamment comme un model socioculturel) (le contact avec les autres civilisations notamment l’occident Balandier –acculturation- Balandier. G: 1985), la discipline à trouvé elle dans un imbroglio celle du trouver des nouveaux objets et nouveaux terrains d’étude pour la discipline. Face a cette situation d’impasse, les uns ont fait le recours à quelques procédures de modifications dans l’ordre méthodologique, théorique et conceptuel de la spécialité (appelé tout court un processus de renouvellement de la pensée anthologique), dans le principe de l’altérité (Exotisme). Tandis que d’autres ont choisi le retour à leurs sociétés occidental d’origine (Endotisme) pour devenir nouveaux objets et nouveaux terrain et avec une nouvelle conception de l’anthropologie (Augé. M : 1979 & Althabe. G : 1992). Or, le savoir anthropologique est intimement lie au lieu de production de l’humain et son ordre social, culturel, économique et politique...etc. pour Pierre Bourdieu le monde social de l’humain à fait l’objet trois approches fondamentales dans le processus de son déchiffrement dans toute l’histoire de la pensée ethno-anthropologique (03): A- L’approche praxéologique. B- L’approche Objectiviste. C- L’approche phénoménologique : ethnosociologie & interactionnisme. Mais pour ce dernier (Bourdieu. P), il insiste reconnaitre implicitement que la seule approche pour déchiffré le monde social c’est bien l’approche phénoménologique (interactionnisme et interactionnisme symbolique en particulier). En effet, pour l’ethno-méthodologue américain (Harold Garfinkel: 1967) et l’un des piliers de cette approche, résume l’interactionnisme dans une phrase : 26 «L’ordre social est localement produit, naturellement organisé, interactionnellement réflexif… » Cette démarche, qui a mis l’accent sur l’importance du local est en fait au cœur de l’anthropologie Maghrébine, qui ce résume notamment dans le constat fait par le penseur, sociologue et anthropologue français (Jacques Berque : 1956) dans sa thèse de doctorat sur les structures sociales au Maroc qui ce résume dans la phrase suivante : «…Au Maghreb seul le local est vrai, mais seul le générale est juste … » Par voies de conséquence, ce discours est maintenant et plus que jamais sur au la relation centre du d’une local très et du grand global débat en anthropologie, notamment outre atlantique. « Voir notamment les travaux de l’éminent anthologues Américain Clifford Geertz. » - (Geertz. C : 1996). Bref, l’anthropologie de cette troisième (III) millénaire il faut qu’elle soit et plus que jamais engagé vers le fait social local dans sa dimension global (un processus de va et vient entre le particulier et le général), qui a pour objectif final de comprendre la mosaïque sociale et culturelle globale à travers les micros composante (locales). Méthodes, théories et pratique : quelques illustrations : «…Pour pratiquer la théorie il faut une théorie de la pratique.» Karl Marx. (1) in: Karl Marx: la thèse de Marx sur féorbah. Après cette introduction générale de l’anthropologie, il est impératif de savoir quelles sont les conditions épistémologiques, méthodologiques et théoriques de production et reproduction de savoir humain sur l’humain ? En effet, l’histoire de la pensée anthropologue est intimement liée aux études des unités sociales restreintes (le local), qui c’est traduit notamment par l’identité même de la discipline, comme une spécialité qui ce caractérise par le travail du terrain (the fieldwork). Il faut noter que, toute l’histoire de la discipline et des disciplines en sciences sociales en générale ce résume dans le principe du (mimétisme), c’est-a-dire sur la fondation des sciences sociales et l’anthropologie en particulier sur les même fondements des sciences dites exactes ou bien dures ; ces principes et ces fondements ce focalise particulièrement dans le principe de la causalité (les même causes produisent les même effets) et aussi sur le principe de l’observation et la généralisation des résultats sur l’ensemble de l’échantillon de recherche. Cette logique à été au cœur des premiers fondateurs de la sociologie et de l’anthropologie, qui étaient en premier lieu des spécialistes en sciences exactes, ce qui ce 27 manifeste d’une façon plus intelligible Dans premiers travaux en sciences sociales. En sociologie c’est avec (spencer, Durkheim. e, compte. A…etc.), en ethnologie-anthropologie avec (Malinowski. B, Durkheim. E & Mauss. M…etc.). En suite, cette logique ce traduise par le chosisme dans la sociologie durkheimienne notamment dans son travail les règles de la méthode sociologiques, qui considère les faits sociaux comme des choses, donc peut subir a l’expérimentation. Maintenant, et si le chosisme est mort, il reste beaucoup de question en attente a une réponse sur l’alternatif du chosisme, est ce que dans l’interactionnisme (les faits sociaux comme des accomplissements pratiques) ou bien dans d’autres logiques d’analyse !? En effet, l’histoire de l’épanouissement de la discipline d’ethnologie – anthropologie est intiment liée au mythe de notion l’observation-participante (Malinowski .B: 1985), donc des questions légitimes mérite d’être posée sur la nature de la technique voir de la démarche : - Qui ce que c’est cette l’observation participante ? - La nature de la relation observation-participante avec l’ethnologue-anthropologue ? - Le rôle de cette démarche dans la distinction des terrains ? Ce qui est à signaler, que cette méthode ou bien cette démarche est au cœur la pratique d’ethnologie-anthropologie exotique qui consiste dans le déplacement de l’ethnoanthropologue (souvent un Homme blanc et d’une culture occidentale) vers des sociétés éloignés géographiquement mais sur tout culturellement, et qui se traduise par la présence physique et de longue durée du chercheur sur son « terrain ».cette relation du chercheur avec les (recherchés) et avec l’objet d’étude dans climat générale guidé par le souci de voir tous et comprendre tous (ethnologue omniprésent). La règle de l’observationparticipante est de vivre au moins pendant quatre (04) ans (Mauss. M : 1948), bien que ce dernier il n’a jamais fait le terrain. Pour le socio-anthropologue Français (Jean Pierre Olivier de Sardane : 1995) rappelle que « cette expression à forte connotation anthropologique – aurait- été inventée en 1924 par le sociologue, Lindemann, lié à l’école de Chicago ». 03- De l’observation participante a l’objectivation participante : Parmi les démarches fondamentales de l’anthropologie est l’observation participante, qui ce traduit généralement par la présence physique, et pendant une langue durée sur le « terrain ». Cette relation particulière, avec l’objet d’étude signifie une observation en profondeur de la réalité concernée et une attention particulière a la qualité des rapports sociaux on groupe. Cependant, l’observation en anthropologie, désigne notamment le séjour dans une communauté, et d’être en contact direct avec ses membres afin d’établir une description satisfaisante. L’observation est considéré participante, par ce qu’elle sous-entend 28 la participation a la vie sociale, culturelle, rituelle telle qu’elle es, ce qui, par définition un second non-sens puisque l’observateur participant doit se faire accepter et établir des relations normales avec les autres « participants » qui n’ont aucune idée de ce qu’est, de ce que fait un ethno-anthropologue. Cette simple démarche confirme évidement l’artificialité de sa présence et de sa volonté de participer pour tout simplement observer, écouter et comprendre. En effet, l’observation participante désigne, la conduite d’un Ethno-anthropologue qui s’immerge dans un univers social étranger pour y observer une activité, un rituel une cérémonie, et, dans l’idéal tout en y participant. On insiste souvent sur la difficulté d’une telle posture qui suppose une sorte de dédoublement, difficile à tenir, de la conscience. Comment être à la fois sujet et objet, celui qui agit et celui qui en quelques sorte, se regard agir? Ce qui est sur, c’est qu’on a raison de mettre en doute la possibilité de participer vraiment a des pratiques étrangers, inscrite dans la tradition d’une autre société, et supposant a ce titre, un autre apprentissage, différent de celui dont l’observateur et ses dispositions sont le produit, donc une toute autre manière d’être et de vivre les expériences auxquelles il entend participer. Afin, de résoudre cet imbroglio Pierre Bourdieu (Bourdieu. P : 2001), propose une nouvelle politique et stratégie dans la démarche de l’observation, il s’agit de la notion de l’objectivation participante (Bourdieu. P : 2003).Donc, qui est ce que c’est l’objectivation participante pour Pierre Bourdieu : « Par objectivation participante, j’entends l’objectivation du sujet de l’objectivation, du sujet analysent, bref, du chercheur lui-même. Ce qui pourrait faire croire que je me réfère a cette pratique…: celle qui consiste a s’observer observant, a observer l’observateur dans sont travail d’observation ou de transcription de ses observations, dans et par un retour sur l’expérience du terrain, sur le rapport aux informateurs et last but not least sur le récit de toutes cela n’est jamais en définitive que discours, texte, ou pire prétexte a texte. ». (Bourdieu. P : 2008. pp 323-324). Bref, on n’a pas à choisir entre l’observation participante immersion nécessaire fictive dans un milieu étranger, et l’objectivisme du « «regard éloigné » d’un observateur qui reste aussi distant de lui-même que de son objet. L’objectivation participante se donne pour objet d’explorer non « l’expérience vécue » du sujets connaissent, mais conditions sociales de possibilité (donc les effets et les limites) de cette expérience et, plus précisément, de l’acte d’objectivation. Elle vise à une objectivation du rapport subjectif à l’objet qui, loin 29 d’aboutir a un subjectivisme relativiste et plus ou moins antiscientifique, est une des conditions de l’objectivité scientifique. (Bourdieu. P : 2001). Conclusion (Quelle Anthropologie pour quelle société.) Il convient de rappeler ici en fin de compte que le but de la connaissance anthropologique est avant tout l’élargissement de l’univers du discours sur l’humain. C’est par ce que l’horizon de sa démarche est constitué de la comparaison que chaque fragment ethnographique doit représenter une contribution pour penser les collectifs. Donc en un mot l’anthropologie de cette III millénaire ne peut être que comparative, c’est-a-dire une opération de va et vient entre le local et le global, du particulier et de l’universel; cette constat mettre la pratique anthropologique dans une situation de face a face avec sont univers social, culturel, politique, économique…etc. et dans un contexte mondial globalisé, et avec l’émergence d’une « culture globale » selon le terme utilisé par l’anthropologue indo-américain Arjun Appadurai (Appadurai. A : 2001), dont les caractéristiques principales sont l’hybridité et le métissage. E n effet, pour faire face a cet imbroglio, les disciplines des sciences sociales en générale et l’anthropologie en particulier sont invitées et plus que jamais à suivre une nouvelle politique de production de ses savoirs. Il est aujourd’hui convenu parmi les anthropologues que leur discipline ne peut être que réflexive. A ce moment-là, cette problématique vient sur des sphères outre-Atlantique essentiellement de l’Amérique du nord, du courent dit « postmoderne ». Cette nouvelle inspiration en anthropologie s’est traduit dans l’anthropologie nord-américaine par le courent « interprétatif » ou « textualiste » dont l’uns de ses leaders Clifford et Marcus (Clifford. J et Marcus. G.E: 1986). C’est dans ces considérations épistémologiques de la situation actuelle de la discipline abordées ci-dessus, qui doit affronter cette III millénaire avec touts ses problèmes et ses défis : surpopulation de la planète (défi majeur pour l’ensemble de la population actuel et avenir selon Claude Lévi-Strauss), l’instabilité politique (notamment dans la moitié sud de la planète, l’exemple des révoltes arabes et ses conséquences sur la stabilité sociétales dans toutes la région), crise financière, guerres civiles, réfugies, famine…etc. Historiquement, le projet ethno-anthropologique est né en coïncidence avec l’émergence d’une nette domination de la civilisation européenne et occidentale, et avec tout ce qu’il porte comme valeurs et idéaux (politique: démocratie et droit de l’Homme, le triomphe de l’Etat de droit; le triomphe du capitalisme et naissance des marchés, MC World, 30 impôt et monnaie…etc.). Bien que tout ce processus à coïncidé avec la naissance d’un nouveau ordre mondial caractérisé par l’expansion de l’ordre colonial direct. Actuellement on assiste à un âge caractérisé par « la fin de l’histoire » selon le terme de Francis Fukuyama (Fukuyama. F : 1989), autrement dit son achèvement par le triomphe définitif des valeurs occidentales, et de la démocratie Anglo-Saxonnes, le marché sous le commandement des Etats unis d’Amérique, une révolution numérique occidentale caractérisé par la notion du « village global », par la création des chaines satellitaires mondiales accessible à toute l’humanité, internet et réseaux sociaux (Facebook,Twitter ) …etc. Last but not least, une question légitime d’être posée : est-ce-que l’anthropologie de cette III millénaire est capable de relever ce défi ? Seul l’Histoire est en mesure de nous fournir des réponses ..! 31 Bibliographie (*) 1. Affergan. F (1997) : La pluralité des mondes, vers une autre anthropologie. Paris, Puf. 2. Affergan. 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Paris, Retz-CEOL. (1° édition 1887). 23. Clifford. J & Marcus. G.E -: (1986): Writing culture. The poetics and politics of ethnography.Berkeley, los angles, university of California press. Les mots clés : Les sciences sociales – la sociologie – anthropologie – ethnologie – épistémologie – méthodologie – histoire des sciences sociales – cultures – sociétés humaines changement social - globalisation. Un résumé : L’objectif de ce travail est de faire une esquisse sur l’état des lieux des sciences sociales en générale et la sociologie et l’anthropologie en particulier. Qui ce c’est la sociologie ? Qui ce c’est l’anthropologie ou l’ethnologie ? Quelles sont les démarches épistémologiques, méthodologiques et théoriques de chaque discipline de ces derniers ? Bref il s’agit d’une tentative académique et scientifique de dresser un tableau sur le passé, le présent et l’avenir du champs des sciences sociales. 33