théologiques, les orientations qui engendrent les différences. On peut aussi se focaliser sur des
différences particulières, sur des doctrines précises.
Commençons par le premier. Le rôle médiateur de l'Eglise est peut-être le point le plus
caractéristique dans l'Eglise catholique. L'Eglise mère des fidèles joue le rôle de relais entre le
Christ et le croyant individuel. La grâce découle du Christ par le moyen de l'institution
ecclésiale. Cette médiation n'est pas censée s'ajouter à celle du Christ, mais d'être le
prolongement de la médiation du Christ lui-même.
Pour les évangéliques, cette conception n'est pas acceptable. Chez les Eglises dites de «
professants », de ligne baptiste en particulier, l'Eglise est d'abord conçue comme le fruit de
l'oeuvre de Jésus-Christ et de sa médiation. Cette médiation peut se prolonger, mais par le
moyen de la Parole et de l'Esprit. L'Eglise, rassemblement des croyants, est le fruit de l'oeuvre
de la Parole du Christ.
Pourquoi cette différence ?
Il y a deux motifs très profonds, connexes, qui peuvent nous expliquer cette différence quant à
la médiation de l'Eglise. D'abord le rôle de l'incarnation. Dans une perspective catholique,
l'incarnation est le moyen du salut. La médiation s'opère principalement par le fait que le
Verbe divin est devenu chair. Dieu est entré dans la chair humaine. En un sens, la croix de
Jésus-Christ est considérée comme l'expression de cette entrée de Dieu en solidarité humaine
venant jusqu'au plus profond de notre misère. C'est donc l'événement de l'incarnation qui est
l'élément central.
Dans la perspective évangélique, l'incarnation est affirmée et indispensable. Mais elle est la
condition de l'oeuvre rédemptrice proprement dite, qui est l'expiation, une fois pour toutes,
des péchés sur la croix. Ce n'est pas le fait que Dieu vient dans la chair qui nous sauve, mais
le Dieu venu en chair portant nos péchés et les expiant une fois pour toutes.
Ces deux schémas diffèrent profondément. Dans la mesure où c'est l'incarnation qui nous
sauve, cette venue de Dieu en chair se prolonge tout naturellement dans une institution divino-
humaine, qui prolonge la médiation du Christ. Dans une perspective où tout a été accomplie
une fois pour toutes, il ne s'agit pas d'un prolongement mais d'une réception du fruit de
réconciliation de cette oeuvre unique. On comprend donc le pourquoi de cette différence sur
la médiation de l'Eglise quand on voit cette différence sur l'événement sauveur lui-même :
incarnation et rédemption de la croix.
Il me semble que cette différence se rattache à l'analyse du problème humain. Pour la
théologie catholique, si je simplifie, le problème est la distance entre le ciel et la terre, Dieu et
la chair humaine. C'est un problème métaphysique. Je pense que les influences platoniciennes
ont joué un grand rôle dans la confection de ce diagnostic.
Dans la perspective évangélique le problème n'est pas celui de la corporalité de l'homme, mais
de la faute de l'usage de la liberté dans l'histoire qui entraîne culpabilité devant Dieu. Cette
faute est réparée par un acte d'expiation défini.
Cette différence sur le diagnostic du problème s'accompagne aussi de la différence qu'on a
souvent observée quant au jugement porté sur le monde et ses affaires. Dans la mesure où il
s'agit d'une bassesse créaturelle mais qui est vivifiée et élevée par l'introduction du divin dans