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février 2012 PAUL SABATIER
Nanotechnologies
Un nanocomposite explosif
Une équipe toulousaine vient de créer un nanocomposite assemblé
grâce à de l’ADN et qui présente une des meilleures densités
énergétiques connues. Il pourrait servir de source d’énergie dans un
grand nombre d’applications. Entretien avec Fabrice Séverac du LAAS.
Contacts
u
Pour en savoir
High Energy Al/CuO nanocomposites
obtained by DNA-directed assembly.
F. Séverac, P. Alphonse, A. Estève,
A. Bancaud, and C. Rossi, Adv. Funct.
Mater., DOI: 10.1002/adfm.201100763.
a
Dans quel contexte
s’inscrivent vos travaux ?
Parmi les matériaux énergétiques, les nanother-
mites suscitent un grand intérêt dans la commu-
nauté des nano matériaux énergétiques et des
microsources d’énergie car ils sont caractérisés
par une densité énergétique très élevée, proche
des explosifs, sont peu coûteux, non polluants
et « sûrs ». Ainsi, ces matériaux font l’objet d’in-
tenses recherches pour des applications civiles,
spatiales et bien sûr militaires.
De quoi sont composés
ces matériaux et comment
fonctionnent-ils ?
Les nanothermites sont constituées par des
poudres ultrafi nes d’aluminium et d’oxyde mé-
tallique (typiquement CuO, Fe2O3, WO3) mélan-
gés mécaniquement. En chauffant, le métal et
l’oxyde diffusent l’un dans l’autre ; l’aluminium
s’oxyde pour former de l’alumine (Al2O3) et
l’oxyde se réduit. Cette réaction s’accompagne
d’un fort dégagement de chaleur. La réduction
de la taille des particules d’aluminium et d’oxyde
permet, en rapprochant les constituants, de
gagner plus d’un facteur 100 sur les vitesses de
réaction. De plus, en diminuant la taille des par-
ticules, on augmente leur surface de contact, fa-
vorisant ainsi la réactivité. Enfi n, la température
d’initiation de la réaction est réduite lorsque les
particules d’aluminium ont un diamètre inférieur
à 100nm.
Quelle a été votre démarche pour
améliorer ces matériaux ?
Afi n d’optimiser les propriétés de réaction, il
est idéal de pouvoir disposer les nanoparticules
d’oxyde autour des nanoparticules d’aluminium.
Pour cela, nous nous sommes inspirés d’une
technologie née aux USA et qui consiste à diriger
l’assemblage de nanoparticules par des monobrins
d’ADN complémentaires. L’idée était donc d’adap-
ter cette technologie à nos matériaux pour mettre
en intimité ces deux types de nanoparticules.
Comment avez-vous procédé ?
Nous avons d’abord effectué un travail de mo-
délisation pour défi nir la chimie de greffage des
brins d’ADN sur l’aluminium et sur l’oxyde de
cuivre. Puis nous avons développé un procédé
permettant de disperser les nanopoudres en so-
lution, avant de coiffer les nanoparticules d’alu-
minium et d’oxyde de cuivre avec des monobrins
d’ADN distincts pour chacun des matériaux
mais complémentaires entre eux. Les nanopar-
ticules sont ensuite mélangées. Les brins d’ADN
Alain Estève, chargé de recherche CNRS,
Carole Rossi, directeur de recherche CNRS,
Aurélien Bancaud, chargé de recherche
CNRS, chercheurs au Laboratoire d’Analyse
et d’Architecture des Systèmes (LAAS, unité
propre CNRS, associée à l’UPS) et Fabrice
Severac, actuellement ingénieur de
recherche chez Nanomade-Concept.
s’hybrident pour former la fameuse double hélice
d’ADN engendrant un assemblage des nano-
particules sous forme d’agrégat de taille micro-
métrique homogène en composition chimique.
La densité d’énergie de ce matériau est surpre-
nante : elle est environ 8 fois supérieure à celle du
même composé préparé classiquement.
Quels pourraient être
les débouchés pour ce matériau ?
Intégrées par exemple dans des micro initiateurs
ou micro détonateurs, les nanothermites pour-
raient remplacer certains matériaux énergétiques
dangereux. Ils sont également envisagés dans
des micropiles thermiques, des assemblages pour
effectuer de la soudure in-situ et aussi, comme
agents de neutralisation de produits chimiques
dans des systèmes miniaturisés. De plus, l’utilisa-
tion de l’ADN devrait permettre de « multi-fonc-
tionnaliser » ce type de matériaux. Par exemple,
en y attachant des colorants photo-absorbants,
il serait possible sous l’action de la lumière de
déclencher la libération d’énergie. ■
Propos recueillis par Frédéric Mompiou
Schéma représentant
les différentes étapes
de fabrication des
nanocomposites Al/CuO
par assemblage ADN. Les
nanopoudres d’aluminium
et d’oxyde de cuivre sont
d’abord mises en suspension et
stabilisées en solution aqueuse,
ensuite fonctionnalisées avec
des monobrins d’ADN et
finalement assemblées grâce
à l’hybridation des brins d’ADN
complémentaires.