LUDWIG VAN BEETHOVEN – UN COMPOSITEUR « LIBRE » AU

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LUDWIG VAN BEETHOVEN – UN COMPOSITEUR « LIBRE » AU
SOMMET DE SON ART
III – Vers l'affirmation de l'indépendance
Après la Symphonie héroïque
Après la composition de la Symphonie n° III « Héroïque » qui rompt les amarres avec
le classicisme et oriente la musique vers des voies nouvelles s'ouvre une période fort
contrastée où alternent déconvenues et exaltation liée au pouvoir de créer, période dominée
en cette année 1806 particulièrement féconde par le Concerto n° 4 pour piano, les trois grands
quatuors de l'opus 59 dits Razoumovsky, la Symphonie n°4 et le Concerto pour violon.
Au nombre des déconvenues, on peut retenir cette surdité qui ne cesse de croître, même
si BEETHOVEN mis au point un nouveau mode de vie permettant une reprise presque
ordinaire des relations sociales. Une autre source de déconvenue est la fin de l'idylle qui avait
rapproché le professeur de piano, de son élève Thérèse von Brunswick. Le troisième motif de
contrariété, ce sont les échecs successifs sous des versions pourtant différentes de son opéra
Léonore (qui, dans sa version définitive prendra le nom de Fidelio).
Beethoven
Thérèse von Brunswick
Beethoven a-t-il pris conscience qu'il n'avait pas encore abordé l'opéra, un genre
musical où Luigi CHERUBINI rencontré l'année précédente avait déjà 31 œuvres à son actif,
et que MOZART avait porté à son plus haut niveau ? A-t-il plutôt voulu sauver un sujet d'une
réelle hauteur de vue mais dont la réalisation laissée aux soins de Jean-Nicolas BOUILLY, dit
« le poète lacrymal » n'était certainement pas à la hauteur des intentions, d'autant que
l'adjonction de « couplets » de diversion par un baryton aligneur de notes à ses heures
n'ajoutait pas grand-chose à la pièce. Elle s'intitulait Léonore ou l'Amour conjugal.
L’œuvre de BEETHOVEN est retirée de l'affiche après trois représentations. Les
circonstances, il est vrai, ne sont guère favorables. Les Français occupent Vienne, bon nombre
d'habitants ont fui et les officiers qui ont eu à livrer bataille n'imaginent généralement pas le
repos du soldat sous forme d'un spectacle d'opéra d'un auteur complètement inconnu en
France. De plus, les critiques alors formulées n'étaient pas toutes injustifiées : mauvais
découpage en trois actes, œuvre trop longue et redondante faute d'une action suffisamment
étoffée, ouverture préparant mal l'entrée dans la tragédie.
Stefan von BREUNING aide BEETHOVEN à constituer la version 1806 – réduction à
2 actes, scènes coupées, nouvelle ouverture dite Ouverture Léonore n° 2 – Après quelques
essais de salon chez le prince LICHNOVSKY, l'opéra corrigé est présenté en salle. Mais les
représentations sont encore une fois interrompues en raison en raison d'une querelle de l'auteur
avec le directeur du théâtre.
C'est cette version qui est présentée la même année à Prague, sans plus de succès.
Insatisfait de son ouverture, BEETHOVEN y a substitué l'Ouverture Léonore n° III, un
indéniable chef-d’œuvre mais beaucoup trop long pour un avant-lever de rideau.
L'opéra Léonore sommeillera jusqu'en 1814, date à laquelle, remanié, il deviendra
Fidélio Nous en reparlerons.
Que reste-t-il de la version viennoise 1806 ? La partition complète, bien sûr, qui a même
fait l'objet d'un enregistrement et l'Ouverture de Léonore n° III, très souvent exécutée en
concert et souvent enregistrée avec l'Ouverture n° II et l'Ouverture n° I
Morceau choisi
OUVERTURE DE LEONORE n° III
La présente ouverture ne revêt pas comme chez WEBER l'aspect d'un résumé de l'action
qui va suivre ; elle n'offre pourtant pas moins un choix des principaux thèmes qui seront
repris et développés dans l'opéra. Un passage d'une réelle originalité : l'appel de
trompette en coulisse évoquant l'arrivée du gouverneur grâce à qui va s'amorcer le
dénouement. L'exubérance de la coda imprime à l’œuvre un côté héroïque à la hauteur
du sujet traité.
Du nouveau dans le domaine du quatuor
Andreï Razoumovsky
N'eût-il écrit que les 6 Quatuors de l'op.18, que l'on admirerait déjà chez BEETHOVEN
une parfaite maîtrise de l'écriture, un goût très sûr. Serait versée à son actif la façon dont été
intégrés les procédés d'écriture, l'esprit même du quatuor, plus particulièrement de HAYDN.
Mais à partir du 7e Quatuor s'ajoutera cette étincelle qui manquait encore et qui va désormais
faire de son auteur le maître du genre.
Issu d'une grande famille ukrainienne proche du pouvoir, fils d'un maréchal, Andreï
Kirillovitch RAZOUMOVSKY a été nommé ambassadeur du tsar auprès de la cour des
Habsbourg d'Autriche. C'est un mélomane éclairé. Il a constitué autour du violoniste Ignaz
SCHUPPANZIG un quatuor privé de grande qualité dans lequel il tient parfois la partie de 2e
violon. A sa demande BEETHOVEN écrit à l'intention de cet ensemble à cordes trois quatuors
importants qu'il dédie à l'ambassadeur. Des thèmes russes sont cités dans les deux premiers.
Le Quatuor n° 7 comporte une énigme. BEETHOVEN a inscrit sur une page d'une
l'esquisse du mouvement lent : « Un saule pleureur ou un acacia sur la tombe de mon frère ».
Aucun décès n'étant intervenu dans la famille à ce moment-là, il ne saurait s'agir d'un frère
biologique. Y aurait-il in lien avec une association ésotérique secrète ? Rien d'autre pourtant
ne confirme cette hypothèse.
Le Quatuor n° 7 comporte une énigme. BEETHOVEN a inscrit sur une page d'une des
esquisses (avant d'adopter la forme définitive d'un passage, BEETHOVEN réalisait plusieurs
essais, notés sur des feuillets dont certains ont été regroupés dans des « cahier d'esquisses »)
du 2e mouvement molto adagio : « Un saule pleureur ou un acacia sur la tombe de mon frère
». Aucun décès n'étant intervenu dans la famille à ce moment-là, il ne saurait s'agir d'un frère
biologique. Y aurait-il un lien avec une association ésotérique secrète ? Rien d'autre pourtant
ne confirme cette hypothèse.
Ignaz Schuppanzigh
Le quatuor Schuppanzigh
Morceaux choisis
QUATUORS « Razoumovsky » op.59
Que faut-il le plus admirer ? L'éclatement des conventions qui ont libéré l'expression
du carcan du classicisme ? Le génie partout souverain ? La générosité des thèmes
débordants de passion ? L'habileté des enchaînements ?
A un violoniste ombrageux qui lui déclarait que ce n'était pas de la musique
BEETHOVEN répondra : « Ce n'est pas pour vous ! C'est pour les temps à venir ».
Quatuor n°8 en mi mineur, op.59 n°2
Fragment présenté
2 mouvement : Molto adagio
Trois éléments dominent : 1. Une sorte d'hymne en valeurs longues agrémenté d'un
accompagnement en arabesques – 2. Une figure rythmique immuable (noire pointée
+ croche) – 3. Gammes de l'aigu du violon au grave du violoncelle.
Nous avons là un exemple caractéristique de la beauté des adagios beethovéniens
contemplatifs et porteurs d'une intériorité faite de paix.
e
Quatuor n°9 en ut majeur, op.59 n°3
Fragment entendu
4e mouvement : Allegro molto
Bien qu'il y ait deux thèmes, c'est le premier, présenté comme une fugue, qui par
son caractère haletant et son rythme immuable, retient surtout l'attention. La
construction donnant lieu à des échanges permanents entre les quatre instruments est
remarquable.
Trois grandes œuvres symphoniques
Concerto n°4 pour piano
Des cinq concertos pour le piano de BEETHOVEN, les trois derniers, œuvres de la
maturité, se détachent nettement. La rupture avec le classicisme est consommée et le 4 e, qui
date de la si fertile année 1806 dépasse en audace le 3e Concerto qui cherchait déjà à
s'affranchir du genre.
Morceau choisi
CONCERTO POUR PIANO n° 4 en sol majeur op.58
L’œuvre est dédiée à l'archiduc d'Autriche alors âgé de 19 ans
Fragment présenté
e
2 mouvement ; Andante con moto
C'est certainement le mouvement le plus original. Il n'y a plus ici un affrontement
entre les deux entités que sont le soliste et l'orchestre, mais une lutte inégale entre
deux personnages au caractère différent. L'orchestre fait entendre un thème austère,
impérieux, presque brutal auquel répond le piano d'un air tendre et même plaintif. Le
thème qu'il développe, exposé par bribes semble se poursuivre au-delà des
interruptions par l’orchestre. On notera l'importance des silences dont le rôle expressif
est évident.
Avant d'en terminer, l'orchestre s'apaise, le piano s'exalte puis après une belle
cadence s'achève en un processus de dissolution.
Symphonie n° 4 en si bémol majeur op.60
C'est, avec la 8e, la mal-aimée des symphonies. Elle a été commandée au compositeur
par le comte silésien Karl d'Oppersdorf, son dédicataire (peut-être commanditaire de la 5e),
qui entretenait un orchestre privé.
Elle présente le défaut de se placer entre une IIIe Symphonie si nouvelle dans sa facture
et unanimement reconnue de nos jours, et la célébrissime et mythique V e. Pourtant elle a
passagèrement connu un certain succès du vivant de l'auteur, un succès non pas immédiat
mais indéniable.
Composée pendant l'idylle avec Thérèse de Bruswick, elle exprime pourtant davantage
le bonheur calme que la passion.
Morceaux choisis
SYMPHONIE n° 4 en si bémol majeur op. 58 op.60
Fragment présenté
er
1 mouvement : Adagio – Allegro vivace
Comme dans nombre d’œuvres de BEETHOVEN, l'allegro initial est précédé d'un
mouvement lent. L'adagio liminaire, longuement développé, prend ici un air un peu
mystérieux. Le premier thème correspond ensuite à une explosion de gaieté. Il
alimentera, avec le 2e thème exposé ensuite le dialogue qui s'établira entre les
instruments.
Bien qu'elle ne présente rien de révolutionnaire, cette symphonie mériterait mieux
que ce mépris dans lequel on paraît la tenir
Concerto pour violon
Il a été écrit lui aussi en 1806 à l'intention d'un virtuose de l'époque, mais il est dédié à
son ami Stefan von Breuning pour la femme de qui il écrira une transcription pour piano
Si les critiques soulignent un fois de plus « son manque de cohérence, un amoncellement
touffu et décousu d'idées, un vacarme continuel entretenu par quelques instruments », le
public accueille l’œuvre plutôt favorablement.
Le Concerto pour violon réputé injouable aura pourtant du mal à s'imposer, et même
vers 1950 encore, une encyclopédie de bonne tenue se contentera de lui consacrer deux lignes,
comme s'il s'agissait d'une œuvre mineure
Morceaux chois
CONCERTO POUR VIOLON en ré majeur op.61
Fragment entendu
er
1 mouvement : Allegro non troppo – (Exposition)
Un long épisode symphonique introductif présente les deux thèmes magnifiques
auxquels le soliste ne répondra pas réellement, mais qu'il reprendra en les
ornementant.
Les grands violonistes se montrant capables de nos jours de surmonter les
nombreuses difficultés techniques dont est truffée la partition, ce concerto est devenu
l'un des chevaux de bataille des plus grands : BRAHMS, TCHAÏKOVSKI,
MENDELSSOHN etc.
La rupture
En automne 1806, les prince Carl Lichnovsli emmène BEETHOVEN dans sa propriété
de Silésie, une région occupée par les armées françaises depuis leur victoire d'Austerlitz. Le
prince qui semble pactiser avec l'ennemi exige que son protégé joue devant des officiers
français. BEETHOVEN s'y refuse et quitte précipitamment la place. Une lettre comminatoire
où sont mis en parallèle les nobles qui ne se sont donné que le mal de naître et les artistes
souvent besogneux mais qui se sont construits eux-mêmes a pour effet de précipiter la rupture.
Privé de ses subventions, BEETHOVEN se met en difficulté, mais il s'est affranchi du
mécénat aristocratique.
Références :
- clichés Wikipedia
- documentation : sites sur le Web et sources diverses personnelles sur le compositeur
- Quauors n° 8 et 9 par le Quatuor Végh (1er enregistrement de 1952 en mono). Réédité par la
HAYDN SOCIETY, BOSTON
- A l'exception des quatuors, toutes les œuvres enregistrées proviennent des deux coffrets « La
Dicothèque idéale de Diapason » volumes 3 et 5
- Ouverture de Léonore n° III par Wiener Philharmoniker dir Wilhelm Furtwängler
- Concerto pour piano n° 4 par Wilhelm Backhaus & Wiener Philharmoniker dir Clemens Krauss
- Symphonie n° 4 par Josef Krips & Concertgebouw d'Amsterdam
- Concerto pour violon par Zino Francescatti & New-Yoyk Philharmonic dir Dimitri Mitropoulos
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