Inhabituel, mais présentant des atouts : le PIB dans l`optique des

L’ÉTUDE
48 La Vie économique 11
/ 2015
Schweizerische Gesellschaft für Volkswirtschaft und Statisti
k
Société suisse d’économie et de statistique
Società svizzera di economia e di statistica
Swiss Society of Economics and Statistics
L’ÉTUDE
Inhabituel, mais présentant des atouts : le PIB
dans loptique des secteurs de production
Lenvironnement conjoncturel et les mesures prises en matière de politique économique
influencent les secteurs productifs inégalement. Une analyse différenciée portant sur l’approche
de la production permet une meilleure compréhension des interactions et donc de mieux pré-
voir l’évolution du PIB. Gregor Bäurle, Elizabeth Steiner
O n peut examiner la composition du
produit intérieur brut (PIB) réel sous
trois aspects différents. Lapproche basée
sur la demande ou l’affectation divise le PIB
selon les dépenses effectuées. L’approche
par les revenus se focalise sur le paiement
des facteurs de production, à savoir les sa-
laires et les gains. Enfin, l’approche axée sur
la production ou la formation calcule les va-
leurs ajoutées dans les différents secteurs
productifs, dont la somme correspond éga-
lement au PIB. Les secteurs productifs sont
par exemple l’industrie manufacturière, le
secteur bancaire ou celui de la santé. Pour
analyser l’évolution économique, la plupart
des modèles empiriques se concentrent sur
l’affectation, autrement dit sur l’interac-
tion entre les composantes principales de
la demande, comme la consommation, les
investissements, les exportations et les
importations.
La présente étude adopte une autre ap-
proche. Dans le cadre d’un modèle factoriel
dynamique, nous analysons le PIB suisse
secteur par secteur et livrons ainsi une
perspective sous l’angle de la production.
Lévolution conjoncturelle n’a pas un im-
AbréPour analyser l’évolution économique, la plupart des modèles empiriques se focalisent
sur l’approche dite de l’affectation. La présente étude en adopte une autre. Elle se place dans
l’optique des secteurs de production. Cee approche permet de visualiser l’impact des chan-
gements conjoncturels et des mesures prises en matière de politique économique sur les diffé-
rents secteurs. Elle présente, en outre, des atouts lorsqu’il s’agit de prévoir l’évolution du PIB.
On s’aperçoit ainsi que le cycle conjoncturel en Suisse est fortement alimenté par la demande
étrangère. Le taux de change et la politique monétaire ont également des effets tangibles.
Létude montre, toutefois, que les secteurs de production réagissent très différemment aux
modifications du contexte conjoncturel. Tandis qu’une variation du taux de change peut avoir
un impact considérable dans le secteur financier, la valeur ajoutée dans l’industrie manufactu-
rière est surtout déterminée par la demande en provenance de l’étranger.
pact identique sur toutes les branches et
les mesures prises en matière de politique
économique ne les influencent pas non
plus de la même manière. C’est pourquoi
le but de cee étude est de mere en évi-
dence l’effet de telles variations sur les dif-
férents secteurs et de fournir ainsi une base
aux décisions politiques.
De meilleures prévisions du PIB
Lapproche choisie présente en outre plu-
sieurs avantages en ce qui concerne les
prévisions du PIB. Le premier est que l’on
peut augurer de son évolution sans qu’il
soit nécessaire de spéculer sur les varia-
tions de stocks. Cee composante de la
demande inclut des écarts statistiques très
volatils, qui sont difficiles à interpréter et à
prévoir (voir illustration 1). Ces écarts pro-
viennent du mode de calcul du PIB. Géné-
ralement – et c’est aussi le cas en Suisse –,
les variations trimestrielles de stocks ne
sont pas mesurées directement, mais cor-
respondent à la différence entre le PIB et
la somme de la consommation, des in-
vestissements et des exportations nees.
Conformément au Système européen des
comptes (SEC), le PIB lui-même est défini
comme la somme des valeurs ajoutées dans
les différents secteurs. Lapproche axée sur
la production permet ainsi une prévision
plus directe du PIB.
Lapproche axée sur la production pré-
sente un deuxième avantage pour la pré-
vision du PIB : la plupart des indicateurs
avancés, déterminants pour le cours actuel
de l’économie se réfèrent aux évolutions
sectorielles. Par exemple, les informations
tirées des sondages effectués par la Socié-
té suisse des entrepreneurs ou par Swiss-
mem, ou celles contenues dans la statis-
tique des chiffres d’affaires du commerce
de détail, peuvent être comparées direc-
tement avec l’évolution prévue du secteur
correspondant.
Une approche des prévisions qui ne se
base pas sur les données relatives à la de-
mande offre encore un troisième avantage,
à savoir que l’on peut utiliser des effets de
diversification dans le cadre d’une analyse
complète impliquant différents modèles.
La liérature scientifique montre que la
combinaison dapproches diversifiées
donne fréquemment de meilleures pré-
visions que si l’on s’appuie seulement sur
quelques modèles similaires. C’est la rai-
son pour laquelle l’association de modèles
De la recherche à la politique
La Vie économique et la Société suisse d’éco-
nomie et de statistique facilitent le transfert
de savoir entre la recherche et la politique. Les
études qui ont un rapport étroit avec la poli-
tique économique de notre pays sont publiées
sous une forme ramase dans la revue.
L’ÉTUDE
La Vie économique 11
/ 2015 49
axés sur la demande et sur la production
peut s’avérer avantageuse pour la qualité
des prévisions.
Dans ce contexte, il est étonnant que
si peu de travaux empiriques tentent dex-
ploiter de tels avantages. Certes, quelques
études ont été consacrées aux différents
segments de la production industrielle.
Cependant, rares sont les travaux qui ana-
lysent et modélisent l’interaction entre les
facteurs macroéconomiques et tous les
secteurs productifs dune économie. La
présente étude comble cee lacune pour
la Suisse. Le modèle qu’elle propose peut
toutefois s’appliquer facilement à d’autres
pays.
Les secteurs évoluent
différemment
Le Secrétariat d’État à léconomie (Seco)
– en tenant compte des informations pu-
bliées chaque année par l’Office fédéral
de la statistique (OFS) – calcule des don-
nées trimestrielles sur la valeur ajoutée
en Suisse. Celles-ci se répartissent en
seize secteurs de production, auxquels
s’ajoutent les impôts et les subventions sur
les produits (voir illustration 2). Le modèle
que nous proposons permet de détermi-
ner comment ces secteurs réagissent aux
mouvements qui affectent les principales
variables économiques, comme la de-
mande étrangère, le taux de change ou les
taux d’intérêt1. En agrégeant les résultats
sectoriels, on peut calculer l’influence sur
le PIB.
La principale difficulté de la modéli-
sation tient au fait que les secteurs, rela-
tivement nombreux, réagissent plus ou
moins vigoureusement et parfois avec re-
tard aux variations de l’environnement
économique. D’une part, le modèle doit
être en mesure de prendre en compte
toutes sortes de réactions dans les diffé-
rents secteurs. Dautre part, il ne doit pas
être trop complexe, afin qu’une définition
empirique solide de ses paramètres reste
possible. Létude montre que la structure
d’un modèle factoriel dynamique et son
estimation au moyen de méthodes bayé-
siennes offrent un bon compromis entre
flexibilité et robustesse. On part de l’hy-
pothèse que l’évolution dans les différents
secteurs est alimentée par une poignée de
facteurs communs et par des composantes
spécifiques à chacun d’eux. La dynamique
des facteurs communs reflète lévolution
macroéconomique en Suisse, tandis que
les composantes spécifiques mesurent les
facteurs qui ne touchent que certains sec-
teurs. Les facteurs communs peuvent aus-
si bien refléter les variables observées – par
exemple les taux d’intérêt ou de change –
que les autres. Les variables non observées
1 Dans cee analyse, nous nous limitons aux secteurs
dont la part au PIB est d’au moins 1 % Cela signifie que
treize secteurs sont modélisés.
Ill. 1. Le produit intérieur brut réel
2005
4 En %
3
2
1
0
–1
–2
–3
–4
–5
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Variations des stocks et écarts statistiques PIB Somme des composantes de la demande
SECO / LA VIE ÉCONOMIQUE
Taux de variation par rapport au trimestre précédent : données corrigées en fonction des variations saison-
nières et du nombre de jours ouvrables, et non annualies.
Lindustrie manufacturière est moins affece par
les variations du taux de change que par la demande
étrangère. Production de bouteilles dans l’entre-
prise Sigg, à Frauenfeld.
KEYSTONE
L’ÉTUDE
50 La Vie économique 11
/ 2015
(ou du moins difficiles à mesurer) sont, par
exemple, le progrès technologique, qui in-
fluence tous les secteurs, ou la perception
du risque par les acteurs économiques.
La distinction entre facteurs sectoriels
et communs permet de limiter le nombre
des paramètres à évaluer sans devoir for-
muler des hypotses trop restrictives au
sujet de l’interaction entre les facteurs
macroéconomiques et les évolutions sec-
torielles. En outre, la méthode bayésienne
permet non seulement d’établir une esti-
mation ponctuelle de tous les éléments
intéressants – soit tous les paramètres ou
Gregor Bäurle
Chef économiste,
Conjoncture Suisse,
Banque nationale
suisse
Elizabeth Steiner
Cheffe économiste,
Conjoncture Suisse,
Banque nationale
suisse
Agriculture (0,7 %)
Industries extractives (0,1 %)
Industrie manufacturière (18,4 %)
Production et distribution d’énergie et d’eau (1,8 %)
Construction(5,2%)
Commerce (14 %)
Transports et communication (7,9 %)
Hébergement et restauration(1,7 %)
Services financiers (5,4 %)
Prestations d’assurance (4,1 %)
Services aux entreprises (10,6 %)
Administration publique (10,5 %)
Éducation et enseignement (0,5 %)
Santé humaine et activités sociales (7,4 %)
Prestations privées (2 %)
Production des ménages (6,7 %)
Impôts et subventions sur les produits (3,2 %)
Ill. 2. Contribution des secteurs
de production au PIB suisse
Parts nominales, 2014
SECO / LA VIE ÉCONOMIQUE
0,1 %
prévisions –, mais également de définir leur
répartition complète et donc de représen-
ter l’insécurité qu’ils recèlent.
Au moyen du modèle estimé, nous pou-
vons déterminer quelle part de fluctuations
est influencée par des facteurs spécifiques
dans chaque secteur et, par conséquent,
dans le PIB. Il s’avère que les facteurs
macroéconomiques jouent un rôle secon-
daire à court terme. Ainsi, ceux spécifiques
à un secteur expliquent jusqu’à 80 % des
fluctuations du PIB durant le premier tri-
mestre faisant l’objet d’une prévision2. C’est
seulement à moyen terme, après un an en-
viron, que les facteurs macroéconomiques
prennent le dessus et expliquent plus de la
moitié des fluctuations du PIB.
La demande étrangère
est déterminante
Dans notre modèle, nous identifions trois
facteurs d’influence : la demande étran-
gère, le taux de change et le taux d’intérêt.
Il apparaît que le premier détermine large-
ment le cycle conjoncturel en Suisse. Si la
croissance augmente de 1 % à l’étranger,
elle progresse denviron 0,4 % dans notre
pays. Lévolution du taux de change et la
politique monétaire ont également des ré-
percussions tangibles. Une appréciation de
1 % du franc se traduit par une perte den-
viron 0,15 % au niveau du PIB. Si les taux
d’intérêt augmentent d’un point de pour-
centage, le PIB accuse une baisse denviron
0,5 % un an après. Compte tenu des varia-
tions propres aux trois facteurs d’influence,
ces sensibilités impliquent toutefois que la
demande étrangère explique la majeure
partie des modifications du PIB.
Lévaluation macroéconomique cache
le fait que les secteurs réagissent très dif-
2 Il s’agit ici de la part à la variance de l’erreur de prévision.
féremment au contexte conjoncturel. Pre-
nons les incidences estimées du taux de
change sur le PIB : elles sont certes rela-
tivement modérées, mais toute modifi-
cation du taux peut avoir un effet consi-
dérable dans certains secteurs, alors
qu’il n’influencera guère la valeur ajoutée
dans d’autres. Les domaines les plus sen-
sibles sont notamment ceux de la finance
– banques et assurances – et de l’éner-
gie. Le faible impact du taux de change
sur la valeur ajoutée produite par l’indus-
trie manufacturière est quelque peu éton-
nant. Nos résultats montrent en revanche
que ce secteur est fortement marqué par
la demande étrangère. Sans surprise, on
constate que certaines branches font
preuve d’une réelle fermeté par rapport
aux fluctuations des facteurs d’influence
étudiés. En font partie les prestations des
ménages privés, le domaine de la santé,
mais aussi l’administration publique.
Les résultats de notre étude montrent
donc que l’optique de la production four-
nit des informations détailes sur les dif-
férentes branches. Il est important de
mieux comprendre l’interaction entre les
facteurs macroéconomiques et les évo-
lutions sectorielles afin de compléter les
analyses basées sur la demande.
dievowi.ch/?p=40736
18,4 %
14 %
10,6 %
10,5 %
1 / 3 100%

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