Nous qu’incombe leur décompte”. Ces versets précisent que si certains ne veulent pas adhérer à ce principe,
c’est à Dieu seul que revient le droit de les juger et de les punir. D’autres versets qui s’inscrivent dans cette
idée pourraient encore être cités, comme par exemple le verset 99 de la sourate Jonas ou encore le verset 29
de la sourate La Caverne.
Cependant, pour la majorité des religieux, cette tolérance de la religion musulmane ne concerne pas les
musulmans, mais seulement les non-musulmans. Autrement dit, un non-musulman est libre de ne pas adhérer à
la religion musulmane. En revanche, un musulman n’est libre ni de renier sa religion ni de la quitter pour une
autre religion. Pour ces savants, un tel acte, inadmissible du point de vue de la religion, mérite la mort.
Effectivement, l’apostasie est évoquée dans plusieurs versets : le verset 217 de la sourate La Vache, le
verset 54 de la sourate La Table, le verset 25 de la sourate Mohammed, le verset 96 de la sourate Josef, le
verset 137 de la sourate Les Femmes, le verset 74 de la sourate Le Repentir. Tous condamnent l’apostasie,
mais aucun d’entre eux ne nous laisse entendre qu’il faudrait tuer l’apostat. Prenons l’exemple du verset 217 de
la sourate La Vache : “L’apostat qui meurt dans son incroyance et qui trépasse tout en étant impie celui-là verra
ses bonnes actions devenir inutiles sur terre comme dans l’au-delà. Il fait partie de ceux qui fourniront l’aliment
du feu où ils demeureront éternellement”. L’idée d’un châtiment est donc présente, qui consiste à ne pas
récompenser le mécréant de ses bonnes actions et à lui attribuer l’enfer comme dernière demeure.
Nous remarquerons que rien ne dit que l’apostat doit être tué. Le verset parle certainement de la mort de
l’apostat, mais rien n’est précisé ni sur le moment ni sur la manière dont il doit mourir. Il peut donc mourir de
mort naturelle, et tant que ce n’est pas autrement précisé c’est celle-là que nous privilégierons. Ce qui renforce
cette façon de comprendre est que le verset ne dit pas “l’apostat qu’il meure” ou “l’apostat mourra” mais tout
simplement “l’apostat qui meurt”. Ainsi, si certains versets évoquent le châtiment de l’apostat, tous ne parlent
que d’un châtiment dans l’au-delà. Dieu se réserve donc le droit de juger de la foi de Ses créatures et de les
punir.
D’autres versets viennent appuyer cette position comme les versets 137 et 138 de la sourate Les Femmes
: “Ceux qui croient puis dénient, puis croient, puis dénient, enfin s’enfoncent dans la dénégation ; ceux-là Dieu
Se refusera à leur pardonner, à les guider sur aucun chemin. Fais annonce aux hypocrites qu’ils courent à un
châtiment de douleur…” Ainsi, si l’apostasie est une transgression dont le Coran avertit les musulmans de ne
pas la commettre, rien ne dit qu’il faut tuer l’apostat. Cependant, les anciens juristes ont une autre position ; ils
considèrent que l’apostat doit être condamné à mort et exécuté. Cette condamnation est pour eux d’une telle
évidence que leur attention a été attirée par d’autres questions qui les ont largement occupés : fallait-il poser
un ultimatum à l’apostat, lui enjoignant de renoncer et de revenir à l’islam ou pas ?
De quel délai pouvait-on convenir ? Certains proposaient une heure, d’autres un jour, d’autres trois jours ou
encore un mois. La question des biens de l’apostat et de leur transmission faisait aussi partie de leurs
préoccupations ainsi que celle des critères permettant de prouver qu’une personne est apostat ou pas.
Pourtant, les commentateurs des textes coraniques ne vont pas dans cette direction. Aucune référence à la
condamnation à mort de l’apostat n’est évoquée, ni dans le commentaire de Tabari, ni dans celui d’Ibn Kathir, ni
dans celui des Djalalaïne. Il faut cependant réserver une place à part à Qortoubi, qui ne donne pas son avis
personnel, mais se contente de relater la position des différents juristes, alors que la logique veut que pour
déduire une règle juridique d’un verset, il faille d’abord l’interpréter. C’est donc le juriste qui doit s’appuyer
dans son travail sur le commentateur et non le contraire.
Pour justifier la condamnation à mort de l’apostat, les juristes se fondent sur deux éléments : un hadith rapporté
par Ibn Abbas et dans lequel il affirme avoir entendu le Prophète (QSSL) dire “celui qui change de religion, tuez-
le”, et la guerre, dite guerre contre l’apostasie, menée par Abou Bakr. Sur ce second point, il s’agissait en fait
de guerres menées contre certaines tribus qui s’étaient rebellées, juste après la mort du Prophète (QSSL), au
prétexte qu’elles ne devaient obéissance qu’au Prophète (QSSL) et que sa disparition les relevait de leur
serment et de leurs obligations.
Pour certains penseurs, comme Mohamed Abed El-Djabiri et Ferhat Othman, ce fait historique n’a rien à voir
avec la question de l’apostasie. Selon eux, il est nécessaire de replacer ces guerres, menées par Abou Bakr,
dans leur époque : la préservation de l’Etat et sa stabilité, dans le contexte politique d’un Etat musulman
fraîchement construit. Quant au hadith rapporté par Ibn Abbas, rappelons tout d’abord les critères que les