Stage « Nouvelle œuvre de théâtre au programme de terminale » / académie de Caen
Première journée, le 14 novembre 2011 à la Comédie de Caen, CDN de Normandie.
1
L’énigme du spectre
Par Ivan Perrot (CPGE Malherbe)
I. Le spectre et la représentation
Le spectre est une figure limite du théâtre, et pourtant certaines dramaturgies, d’Eschyle à
Maeterlinck en passant par Shakespeare ou le , n’ont cessé de l’explorer. Il remet en cause une
convention évidente, que l’on impose un peu à tort au théâtre : on voit ce qui est visible et on entend ce
qui est audible. Convention problématique dans Hamlet, une pièce le regard oscille entre vérité et
illusion (théâtre dans le théâtre), l’oreille sert rarement à entendre entre des personnages qui sont
incapables de se comprendre, mais plus souvent à empoisonner, métaphoriquement ou concrètement.
L’énigme du spectre présente deux faces : l’énigme moderne qui en demandant « que montrer ? »
appelle à poser la question « est-ce que cela existe ? » commence à travailler Hamlet à une époque de
scepticisme et d’essor de la raison critique ; et l’autre énigme, fondatrice, originelle, interroge davantage
la signification du spectre. Or dans les deux cas trancher n’est pas nécessaire avec les Elisabéthains, Peter
Brook le note :
« La distinction que vous proposez, abstrait/concret, porte la marque de la langue et de la civilisation
françaises dans lesquelles nous nous trouvons, tous les deux, maintenant. Mais revenons un instant à
l’Angleterre et à la pensée élisabéthaine, au théâtre élisabéthain, dont le principe consistait à tourner le
dos à toute idée de style, à toute idée de séparation ou de genre. On ne disait jamais… si ce n’est pas ceci,
c’est cela. Alors le théâtre n’était pas ceci ou cela. Il pouvait être ceci et cela »
1
.
C’est d’une part la possibili de l’apparition, mais aussi sa valeur, sa nature, son effet qui sont
problématiques et qui tourmentent Hamlet. La pièce est à mi-chemin entre le théâtre tragique dont la
scène est adossée au mondes dieux et des
morts, et du théâtre moderne où le doute est
générali et prévalent les énigmes de
l’esprit. Le spectre d’Hamlet nous confronte
donc à l’interrogation sur la croyance, sur
l’entendement et sur la perception. Or ceci
s’inscrit dans une analogie avec le théâtre
concret même lieux, dramaturgies et
pratiques. Le « nowhere place » élisabéthain,
ce lieu de nulle part qui représente
potentiellement tous les autres, est un appel
à la croyance, au doute et au mélange des
sentiments entre raison et imagination. Si le
théâtre est un monde, selon la vieille devise
shakespearienne, alors le monde est un
théâtre et il n’est pas anodin que la
révélation des spectres soit pour les
personnages shakespeariens l’intuition
douloureuse de la facticide leur monde, de
sa théâtrali : le spectre partage la même
substance que le théâtre shakespearien : le
doute, le dépassement du réel auquel il invite
est aussi le fonctionnement du théâtre, tel
que le prologue d’Henry V le rappelle :
1
Peter Brook, Avec Shakespeare, p. 54.
Stage « Nouvelle œuvre de théâtre au programme de terminale » / académie de Caen
Première journée, le 14 novembre 2011 à la Comédie de Caen, CDN de Normandie.
2
Une première ligne lézarde entre deux attitudes de mise en scène : (1) d’une part, ceux pour qui
le spectre est une mise en doute de ce que l’on tient pour réel, visible ; c’est le credo développé par
Edward Gordon Craig au début du 20ème siècle, lui qui dans un même mouvement de réforme de la
scénographie et du jeu de l’acteur et de relecture de Shakespeare déclarait : « ces esprits donnent à la
pièce la tonalité dans laquelle, ainsi qu’en musique les notes, toutes les parties devront s’harmoniser. Ils
sont partie intégrante du drame et non circonstance extérieure »
2
. (2) De l’autre ceux qui, sans renoncer
totalement à l’ambiguïté du spectre, l’inscrivent dans une économie générale de la pièce dévolue à une
lecture, qu’’elle soit politique ou psychologique : on se souvient de l’analyse politique que Brecht ou Kott
font de la pièce, entre autres. Le spectre y devient le symbole d’un fonctionnement politique archaïque
reflétant soit la légitimité, soit l’exercice barbare de la force.
Peut-être faut-il d’abord tenter de cerner l’usage des spectres chez Shakespeare pour mieux cerner
celui d’Hamlet. Historiquement, spectres fantômes et esprits sont des sujets débattus à l’époque de la
pièce, et ce au plus haut niveau de la société, Jacques 1er, qui a succédé à la reine Elisabeth peu après
l’écriture d’Hamlet est l’auteur d’un traité de démonologie apprenant entre autres à reconnaître les
spectres et à les distinguer des démons ! Comme dans le premier acte d’Hamlet, la société élisabéthaine
professe sur le spectre des opinions contrastées : la tradition catholique habite encore le folklore
médiéval qui a nourri le théâtre élisabéthain et elle s’accommode des revenants puisqu’elle a forgé le
dogme du purgatoire les âmes en peine attendent le salut, ce que le spectre du roi reconnaît
explicitement : « jusqu’à ce que les noires fautes commises de mon vivant soient brûlées et purgées ».
Mais la terre anglicane est aussi marquée par le protestantisme : Hamlet et Horatio ont étudié à
Wittenberg, foyer du luthéranisme, et ils en ont gardé la trace, suspectant le démon de se tenir derrière
tout surnaturel, et refusant de croire que le spectre soit autre chose qu’une illusion immatérielle (ce que
Horatio criera de façon paradoxale : « Halte, illusion ! »). Point n’est besoin de se forger pour autant un
dogme spectral dans Hamlet : le personnage central lui-même incite au dépassement des opinions : « il y a
plus de choses sur la terre et au ciel, Horatio, que n’en peut rêver votre philosophie ».
En matière théâtrale, le spectre est une figure typique et très récurrente pour les Elisabéthains et
plus généralement pour la Renaissance. (1) L’influence de Sénèque, entre autres, a conduit au procédé
des « ombres protatiques », ces fantômes jouant un rôle de prologue (en France, l’Hippolyte de Garnier
commence ainsi, tout comme les Sorcières inaugurent Macbeth). (2) De plus, il faut rappeler qu’Hamlet est
une pièce inscrite dans une vague de productions théâtrales aussi large que cohérente, celle des « revenge
tragedies » (un personnage endeuillé découvre que la victime a en fait été assassinée et le fantôme
l’enjoint de la venger et initie donc l’action dramatique) (3) A ces deux influences s’ajoute le traitement
particulier des spectres shakespeariens. Ceux-ci sont monnaie courante : esprits, apparitions, fantômes
hantent Hamlet mais aussi Macbeth (12 apparitions !), le Songe d’une nuit d’été, Jules César, Richard III
Leur particularité est leur lien quasi exclusif avec une conscience en plein doute ou désarroi, leur facul
de projeter le destin sous la forme du tourment intérieur, de la représentation mentale.
Cette éventualité du spectre, objectiver l’émanation d‘une subjectivité sur le plateau, pose
particulièrement problème dans une pièce la structure des monologues récurrents d’Hamlet
(structure dont seul Macbeth s’approche) aboutit à décaler la représentation et à mélanger les plans.
Que voit-on ? Ce qui se passe, ce qui passe ? Oui, mais pour qui ?
A l’inverse des pièces précédentes où le destin est en marche et laisse échapper des signes
fantomatiques, l’action d’Hamlet marque le pas, et le spectre n’y est pas étranger. Le revenant est ce
dont on ne revient pas, ou pas indemne, ce qui, sous couvert d’annoncer et de lancer l’action dramatique,
rend problématique autant (1) la fable (comment est mort le père ? qui est coupable, responsable ?...), (2)
2
Craig, De lArt du théâtre. Le court essai « Des spectres dans les tragédies de Shakespeare » est un incontournable.
Stage « Nouvelle œuvre de théâtre au programme de terminale » / académie de Caen
Première journée, le 14 novembre 2011 à la Comédie de Caen, CDN de Normandie.
3
l’action (les choses ont-elles réellement lieu ou s’agit-il de perceptions subjectives ?), et donc (3) le théâtre
même (que voit-on exactement ? l’illusion est-elle un code accepté ou un leurre ?). Ce que le spectre rend
ici instable, insuffisant, c’est notre héritage aristotélicien que méconnaissaient les Elisabéthains. Cette
accointance du trouble théâtral et du trouble spectral était déjà fortement inscrite dans leur théâtre : le
spectre est « l’homme dans les dessous », et les termes qui le désignent outre « ghost » sont des
synonymes de rôles ou acteurs : « shadow », « figure », « shape ». Même le théâtre français s’en souvient,
il suffit de penser à l’Illusion comique et ses « ombres ». Et lorsqu’Hamlet demande le spectre est
apparu, Horatio évoque la « platform », à la fois terme militaire l’esplanade ») et terme scénique la
scène, le plateau »).
II. Dramaturgie : le spectre comme principe structurel
Mais entrons dans la dramaturgie du spectre qu’Hamlet nous propose et osons quelques évidences,
qui en matière de spectre, sont appelées à ne pas le rester : il y a minimalement trois apparitions à
représenter dans Hamlet : I,1 sur les remparts devant Horatio et les gardes, I,4 et I,5 dans les mêmes
circonstances mais en présence d’Hamlet qui assiste à l’apparition et dialogue isolément avec elle ; enfin,
une apparition dans les appartements de la reine (III,4).
Premier point donc : le spectre n’est-il que il se manifeste ? En effet, le spectre s’invite-t-il
dans les dialogues et les
pensées des autres scènes :
après le premier monologue
d’Hamlet (I,2) « o too solid
flesh », Horatio venu
informer Hamlet débat avec
lui de l’apparition, de ses
caractéristiques. Plus tard la
Souricière se construira en
écho aux révélations du
spectre (« je ferai jouer par
ces comédiens devant mon
oncle quelque chose qui
ressemble au meurtre de
mon père »), donnant crédit
et solidi à la révélation
spectrale. Plus globalement,
ce sont des pans entiers de la
pièce qui dépendent des
apparitions du spectre : la
mélancolie, folie ou
extravagance d’Hamlet y
trouve potentiellement des
explications : Stanislavski le
note dans Ma Vie dans l’Art :
Si le spectre devait avoir moins de consistance, l’attitude d’Hamlet ne serait pas la même ou
n’aurait pas les mêmes motifs. Autre figure dépendante du spectre, son frère Claudius : si le spectre est
véridique dans ses paroles, et s’il est fidèle dans son apparence aux propos d’Hamlet qui le différencie
radicalement du nouveau roi, alors la cause est entendue… mais c’est une hypothèse née des apparitions
du spectre et de ce qu’Hamlet en dit on le sait beaucoup de distribution modernes infirment
relativement cette hypothèse. Quelle partie de la pièce peut être susceptible de ne garder aucune
Stage « Nouvelle œuvre de théâtre au programme de terminale » / académie de Caen
Première journée, le 14 novembre 2011 à la Comédie de Caen, CDN de Normandie.
4
empreinte de la présence du spectre ? Les sons qui ponctuent dans la mise en scène de Chéreau les
apparitions s’étendent à d’autres scènes. Et que deviennent les monologues d’Hamlet où celui-ci se
reproche son inaction, s’accuse de lanterner, si on les place sous les auspices de ce regard fantomatique ?
Deuxième point, le spectre est liminaire, il est une figure du seuil, mais ambiguë ; certes, il
marque déjà la frontière entre les vivants et les morts, bien sûr, mais du point de vue dramaturgique il
constitue surtout l’entrée dans la pièce, tant au niveau de la structure (la première scène) que de la fable
(le meurtre premier). Il s’est déjà manifesté deux fois auparavant et occupe très largement l’acte I, entre
ses apparitions et les discussions qu’il entraîne, et le deuil évoqué dans la scène de conseil royal. On
retrouve ici sa nature prologale ; il ouvre l’intrigue par ses révélations en même temps qu’un nouvel
horizon, celui de l’absolu, de l’éternité. L’arrivée du spectre, dans le même temps qu’elle révèle une vérité
et infirme le mensonge de la cour de Claudius, reste aussi profondément sujette à caution : si les
apparences mentent, ce que proclament l’apparition du spectre comme ses dires, alors quelles apparences
sont crédibles ? Et qu’en est-il de sa propre présence, de ses propos ? En tant que figure introductive, le
spectre lance la vengeance dans le même temps qu’il la retarde en attente de confirmation : Hamlet avoue
lui-même à la fin de l’acte II : « il me faut un sol plus ferme ». Le spectre est donc, dans une dramaturgie
qui ne se construit pas de façon linéaire mais poétique, par contrastes, métaphore, déplacement, un
centre, mais c’est un centre absent, ce qui ouvre un vertige.
Autre point : son indétermination : le spectre est décrit comme une forme, une image sans qu’on
puisse le réduire à un sens. Dans l’univers du Danemark le sens fait l’objet d’une surveillance, d’un
contrôle, d’un discours, il est un signe qui échappe. Le spectre manifeste son hétérogénéité et son
ambivalence : des personnages comme Hamlet ou Horatio peuvent mettre en doute les autres, les
discours, les actes, mais le spectre n’intéresse pas par ce qu’il pense, mais par sa seule existence qui
menace la norme admise de renversement. Avant son arrivée, Hamlet peine à faire son deuil, est critique,
mais sa rébellion reste intérieure, monologale. Et le roi et la reine peuvent donner les signes extérieurs de
l’attention, de l’humanité, de l’affection. En revanche, l’apparition du spectre suffit pour renverser les
opinions établies : « tout n’est pas bien », « quelque chose est pourri », « le temps est hors de ses gonds »,
le spectre est le signe qui permet aux sentiments et aux intuitions de s’étendre à la perception du réel, de
le mettre en forme. Mais comme signe sans détermination, il est labile, commutable : ainsi son caractère
fantomatique est un signe qui appelle à la fois au scepticisme à son égard (Horatio pense que les gardes
évoquent une illusion, la mère refuse de voir le fantôme), à la mise en doute du mensonge de Claudius,
mais ensuite potentiellement au refus de croire en chaque personnage (Gertrude, Ophélie, Rosencrantz,
Guildenstern…), voire en chaque discours… A l’inverse, le spectre devient alors une réponse au scepticisme
d’Hamlet : fini le doute et le rejet du monde stérile et de ses usages défraîchis, l’au-delà incarné par le
spectre fournit une nouvelle transcendance, une nouvelle somme de repères pour penser et agir : il serait
le seul réel ! Troisième point, donc : le spectre est un personnage mais aussi une forme, un signe, comme
tout personnage élisabéthain ; problème ce signe s’offre au sens dans le même temps qu’il lui échappe,
et il menace par sa variabilité, les systèmes de pensée, de discours construits. Il est mystérieux, douteux,
mais à l’image des personnages dont il révèle l’ambiguïté.
Revenant, il se signale par sa récurrence : retour obsédant du revenant, du destin, du refoulé ?
Toutes ses apparitions sont-elles à mettre sur un même plan ? Retour mais pas répétition, la redondance
du spectre marque en effet des modulations, des inflexions curieuses. Il apparaît d’abord aux gardes
avant le début de la pièce, puis à eux et à Horatio, auquel s’ajoute Hamlet la fois suivante. Puis il s’efface
progressivement, apparaissant dans la chambre de la reine au seul Hamlet ; la course du spectre se
termine d’ailleurs par l’épisode du cimetière où les morts sont des objets bien concrets, des crânes
muets, et irrémédiablement perdus, loin de l’espoir de devenir des revenants. Quatrième point : si les
apparitions du spectre sont libres, contrairement à celles d’un personnage par des nécessités ou
limité par des contraintes, leur courbe et leurs fluctuations infléchissent-elles la fable, ou sont-elles des
Stage « Nouvelle œuvre de théâtre au programme de terminale » / académie de Caen
Première journée, le 14 novembre 2011 à la Comédie de Caen, CDN de Normandie.
5
réponses à celle-ci ? Et on note les curieuses coïncidences : « ça » arrête de revenir quand un vrai cadavre,
le premier, est abattu par Hamlet Polonius figuration grotesque du roi et du père et lorsque la reine
se rapproche effectivement de son fils, semblant mettre fin à l’adultère ou en tout cas se le reprocher. La
variation de ces apparitions est d’autant plus intéressante qu’elle s’accompagne d’une « privatisation » du
spectre, de la restriction de ses apparitions ou de sa parole au seul Hamlet. Plus le spectre lui est propre,
plus il est actif : il se met à parler puis à faire obstruction à la colère du prince contre la reine. Et c’est
quand Hamlet renonce à régir la conduite de sa mère renonce à l’Œdipe diront les psychanalystes
que le père est définitivement mort, dans le même temps que la Souricière a produit une preuve de la
culpabilité de Claudius et a exposé Hamlet à sa vindicte, sinon à sa mort programmée. Une fois Hamlet
engagé dans la mort, comme mort à lui-même ainsi qu’en témoigne son fatalisme avant le duel final par
exemple, quel besoin de maintenir l’image du père défunt, le fils a bien remplacé le père, offert sa vie en
sacrifice au père assassiné, trompé, délaissé, en devenant à son tour trompé, délaissé et assassiné. Un
point d’ailleurs est saisissant : la source danoise (Saxo Grammaticus, Geste des Danois) et la source
française (François de Belleforest, Histoire d’Amleth) nommaient le fils Hamlet et le père Hordenwille,
c’est manifestement Shakespeare qui choisit d’employer pour les deux, le père et le fils, le mort et le
vivant, le même nom, entraînant cette parole vertigineuse d’Hamlet appelant le spectre : « je te nomme
Hamlet ».
III. Dramaturgie : le flou du spectre, le grain du texte et le dessin de la représentation.
Première apparition : que voit-on ? que peut-on voir ? qu’est-ce que voir ?
La première scène d’Hamlet est déjà celle du spectre,
mais on constate que plusieurs mises en scène l’amputent (par
exemple Brook) ou la réadaptent (David Bobée la condense en
une entrée en matière très brève, l’essentiel des répliques
di sparaît au profit du rythme). Elle est a priori à charge pour
l’énigme : le spectre apparaît sans qu’Hamlet soit présent,
c’est sa troisième apparition en comptant les deux précédents
évoqués par les gardes et nous avons la caution d’Horatio,
garantie savante et sceptique le jeu initial de l’interprète
chez Chéreau, le seul à s’asseoir et à plaisanter (voir ci-contre),
le dit assez. Or, tous assistent à l’apparition et reconnaissent
le roi défunt. Aucun doute, donc, les spectres existent ?
Certains éléments invitent à la prudence. Sans guère d’écrits théoriques et privée ou préservée de la glose
aristotélicienne, la dramaturgie élisabéthaine ne commence pas par une scène « d’exposition » mais selon
la terminologie pratique, une scène d’induction (« induction scene »). Henri Fluchère
3
nous précise la
distinction : distillant quelques éléments au spectateur et elle n’hésite pas à le manipuler, il suffit de
penser à Richard III elle vise peu à informer et davantage, ce qui est même une marque de fabrique
shakespearienne, à faire pénétrer le spectateur dans une atmosphère générale qui annonce la tonaliet
le rapport à la scène qui se nouera. Ce qui se passe concrètement dans cette scène, le constat de
l’existence du spectre et son identification, est donc à mettre en perspective avec cette atmosphère
préalable.
Si Macbeth, la pièce sœur, commence dans le brouillard, Hamlet commence dans une nuit d’encre.
Et contraintes scéniques (représentation a giorno) et convention faisant, cette évidence ne cesse d’être
rappelée et conjuguée à l’action pour aboutir à un nocturne où la révélation, l’apparition comme les
attentes de repères des spectateurs subissent un brouillage en règle.
3
Henri Fluchère, Shakespeare, dramaturge élisabéthain, p.180-181.
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !