Aye-aye - Muséum d`Histoire Naturelle de Marseille

Aye-aye
Daubentonia madagascariensis (Gmelin, 1788)
Statut UICN : Espèce déclarée en danger d'extinction.
Dans la salle safari, au niveau de la vitrine consacrée à la faune si particulière de
Madagascar, vous découvrirez un animal d'aspect
sympathique et inquiétant à la fois: le aye-aye (photo n°1).
Cet animal vit exclusivement sur l'île de Madagascar.
Quatrième plus grande île du monde, située dans l'océan
Indien, au sud-est de l'Afrique, Madagascar est séparée du
continent par les 400 km de large du canal de Mozambique
(carte n°1). Le aye-aye considéré comme une espèce
éteinte dans les années 1950, occupe presque tout le
territoire malgache aujourd'hui même si la population est
très faible et dispersée. C'est un animal nocturne, discret,
plutôt solitaire, qui vit dans les forêts et se nourrit de
graines, de fruits et de larves d'insectes xylophages.
Buffon, dans son « Histoire naturelle et particulière, Supplément, Tome Septième » de 1789, nous
donne l'origine de son drôle de nom : « Aye-aye est une exclamation des habitans de Madagascar,
que M. Sonnerat a cru devoir appliquer à cet animal qui se trouve dans la partie ouest de cette île». En
effet, Pierre Sonnerat fut le premier a décrire cet animal dans son « Voyage aux Indes orientales et
à la Chine », publié en 1782. Il le décrivit en ces termes : « ...il ne se rapproche d’aucun genre, et qu’il
tient du maki, de l’écureuil et du singe. Ses oreilles plates et larges ressemblent beaucoup à celles de
la chauve-souris …. ; …..Cet animal paroît terrier, ne voit pas pendant le jour, et son œil couleur
d’ocre de rue est comme celui du chat-huant. Il est très-paresseux et par conséquent très-doux ; celui-
ci restoit toujours couché, et ce n’est qu’en le secouant plusieurs fois qu’on venoit à bout de le faire
remuer». Ainsi après la description précise faite de cette première observation, il restait à trouver
la place de cet animal dans la classification du monde vivant. Parmi les particularités du aye-aye,
la croissance continue de ses incisives lui valut d'être classé pendant la première partie du XIXe
siècle comme un rongeur. Les zoologistes Goeffroy de Saint Hilaire et Buffon le classent à
l'époque parmi les écureuils. Ce n'est que vers 1850 que l'espèce est réellement acceptée comme
faisant parti du groupe des lémuriens et donc des primates.
Photo n°1 : Spécimen naturalisé de aye-aye
(Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du Muséum
d'histoire naturelle de la Ville de Marseille
(MHNM-14729), France. Vue de profil.-
Une histoire de famille …
Le aye-aye appartient à l'ordre des Primates. Souvent il est décrit comme faisant parti du
groupe des prosimiens. Or, dans la classification phylogénique, les prosimiens ne sont pas un
taxon. Les prosimiens regroupent deux sous-ordres des primates: les Strepsirrhiniens et les
Tarsiformes. Le aye-aye est rattaché aux Strepsirrhiniens. La caractéristique principale qui
distingue les strepsirrhihiniens des autres primates est la présence d'un peigne dentaire à l'avant
de leur denture : c'est un ensemble de 6 dents constitué des 4 incisives et des 2 canines, toutes
allongées et orientées vers l'avant. Le aye-aye fait encore exception pour ce caractère là, c'est
pourquoi il est classé seul dans l'infra-ordre des Chiromyiformes (Anthony, 1931) à coté des
Lorisiformes et des Lémuriformes beaucoup plus nombreux. De plus, l'aye-aye est la seule espèce
du genre Daubentonia (E. Geoffroy,1795), lui-même seul membre de la famille des Daubentonidés
(Gray, 1863). Faute de fossiles, l'origine et la date d'apparition des primates Chiromyiformes sont
discutées, de même que la date et les circonstances de leur implantation sur l'île de Madagascar.
Comme pour les lémuriens, l'hypothèse la plus probable de leur origine sur l'île est que quelques
individus auraient traversé le canal du Mozambique, il y a 40 à 50 Ma, emportés depuis
l'Afrique par un radeau de végétation, même si des hypothèses de ponts terrestres et de passages
d'île en île ont également été proposées. L'aye-aye est d'un point de vue évolutif tellement
éloigné de tous les autres lémuriens que la colonisation de l'île par les Chiromyiformes a du se
faire de façon indépendante de celles des Lémuriformes.
Les restes d'une seconde espèce éteinte de aye-aye (Daubentonia robusta) sont connus à partir de
quelques sites préhistoriques situés au sud de Madagascar, dans une zone où la forme actuelle n'a
jamais vécu. Cette espèce aujourd'hui disparue pesait entre trois et cinq fois plus que Daubentonia
madagascariensis soit environ 14 kg. Il existe certaines preuves de la coexistence de cette forme
avec les premiers habitants de l'île. En effet, plusieurs incisives de Daubentonia robusta ont été
trouvées perforées de la main de l'homme pour servir de pendentifs. Il reste à déterminer si
l'homme a joué un rôle dans l'extinction de cette espèce.
A Madagascar seulement…
L'aye-aye est une espèce endémique de Madagascar. Les observations de Daubentania
madagascariensis sont rares; sa présence est souvent suggérée par la présence de traces (trous et
nids dans les arbres, reliefs de repas). Son abondance est difficile à estimer car un individu est
capable de laisser de nombreuses marques de sa présence. L'aye-aye est très adaptable et peut
occuper une grande variété d'habitats comme les forêts tropicales humides, les forêts de feuillus,
les forêts de broussailles sèches, et les mangroves. L'espèce est
également capable de vivre et de se reproduire dans les zones
cultivées telles que les plantations de canne à sucre, de noix de
coco ou de clou de girofle; mais cela reste marginal. Le désert
du sud semble être le seul milieu dans lequel l'espèce n'a pu se
développer. Sa présence dans ces habitats variés, étagés entre
le niveau de la mer et 800 mètres (preferendum autour de
700m), semble être liée en grande partie à la présence de sa
ressource principale de nourriture, les graines d'aramy
(Canarium madagascariensis ; Burséracées; arbres de myrrhe de
Madagascar). Ainsi l'espèce a été principalement observée à
l'ouest, sur la côte est et au nord de l'île. Des populations de
cette espèce sont présentes de façon très fragmentées et leurs
densités sont très faibles sur presque tout le littoral de Madagascar. (carte n°1). Deux populations
ont été introduites durant les années 1960 sur des îles au nord de la côte de Madagascar, l'une sur
Nosy Mangabe, et l'autre sur l'Ile Roger. Ces îles sont devenues depuis des réserves spéciales pour
la conservation de cette espèce.
Un primate pas comme les autres….
L'aye-aye est vraiment un animal extraordinaire qui présente un nombre incroyable de
particularités morphologiques à l'origine de l'attrait qu'il exerce sur les zoologistes. Cet animal est
le plus grand primate nocturne et possède le plus grand cerveau chez les prosimiens.
L'aye-aye a de grandes oreilles noires arrondies (photo n°2). Elles sont extrêmement mobiles,
sans doute pour pouvoir localiser les sons obtenus par les percussions répétées, réalisées à l'aide
de son doigt fin et allongé, sur le bois, détectant ainsi les cavités se cachent les larves
Carte n°1 : Carte de répartition du aye-
aye (Daubentonia madagascariensis ;
Gmelin, 1788). En rouge les régions où la
présence du aye-aye est certaine.En
encart: position de l'ïle de Madagascar par
rapport à l'Afrique.
d'insectes xylophages. Ces grandes oreilles lui permettent également d'entendre les bruits de la
forêt les plus discrets .
Une autre caractéristique très rarement trouvé chez les primates est la présence d'une membrane
nictitante (troisième paupière), qui humidifie les
yeux quand ils deviennent sec. Cette membrane
peut aussi protéger les yeux contre les copeaux de
bois lorsque le aye-aye ronge le bois d'un arbre pour
extraire les larves.
C'est le seul primate à posséder 18 dents. En effet,
les espèces du sous-ordre des Strepsirrhiniens, dont
l'aye-aye fait partie, possèdent généralement 36
dents (2 incisives, 1 canine, 3 prémolaires et 3
molaires par demi-mâchoire). Le Daubentonia est une exception, et on assiste à une oligodontie
(réduction importante du nombre de dents). En effet, celui-ci a perdu: 4 incisives, les 4 canines, et
10 prémolaires (4 au niveau de la mâchoire supérieure, et 6 au niveau de la mâchoire inférieure).
Le Daubentonia ne présente donc plus de canine, ni de prémolaire au niveau de l'arcade dentaire
inférieure. De plus, l'aye-aye, possède de grandes incisives à croissance continue, qu'il utilise pour
ronger le bois des arbres, des noix et autres fruits à coques dures (photo n°2). Ce type de dents à
croissance continue est unique chez les primates.
La main de l'aye-aye est grande par rapport à la taille de son corps
(photo n°3). Ces grandes mains lui permettent de saisir avec plus
de force les branches auxquelles il s'accroche, diminuant ainsi les
risques de chutes. En effet, dans certaines situations comme lors
de la recherche de nourriture, l'animal est amené à se suspendre
d'une seule main à une branche tandis que de l'autre il attrape les
larves d'insectes. L'aye-aye présente 5 doigts sur les membres
antérieurs et postérieurs. Les doigts de la main sont allongés,
surtout le médius qui est très fin et long par rapport aux autres
doigts (photo n°4). C'est d'ailleurs le caractère morphologique le
plus marquant de cet animal. Ce médius permet par percussion le
long des branches de localiser à l'oreille les galeries vivent les
larves d'insectes et une fois ces dernières repérées de les extraire à l'aide de la griffe terminale de
ce doigt. Il est également utilisé par l'animal pour boire en le déplaçant rapidement entre sa
Photo n°3: Spécimen naturalisé de
aye-aye (Daubentonia
madagascariensis ; Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du
Muséum d'histoire naturelle de la Ville
de Marseille (MHNM-14729), France.
Vue de face.
Photo n°2 : Spécimen naturalisé de aye-aye
(Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du Muséum d'histoire
naturelle de la Ville de Marseille (MHNM-14729), France.
Tête du aye-aye vue de face.
bouche et le liquide, pour se nourrir de fruits et pour se toiletter. Le mouvement du médius de la
source de nourriture à la bouche peut être très rapide et a été mesurée à 3,3 aller-retours par
seconde.
Récemment, des chercheurs de l'université de
Dartmouth aux Etats-Unis ont effectué des
prises de vue de l'aye aye durant la nuit,grâce à
des cameras thermiques.L'analyse des couleurs
des photos prises à l'aide de ces caméras
permet de suivre l'évolution de la température
sur les différentes parties du corps de l'animal.
Ils ont ainsi constaté que le médius restait froid
lorsqu'il n'était pas utilisé. Ce doigt était
comme « mise en veille » (désactivé) en cas de
non utilisation. Ils ont aussi constaté que ce
doigt se réchauffait à très grande vitesse lorsque l'animal s'en servait pour rechercher sa
nourriture. Sa température pouvait s'accroître de 6°C en l'espace de quelques secondes.
Le pouce de la main, quoiqu'il soit écarté de l'index, n'est pas
réellement opposable; mais les pouces postérieurs le sont
complètement comme chez d'autres lémuriens. Il possède des
griffes fonctionnelles sur tous les doigts des mains et des pieds, sauf
sur l'hallux (l'équivalent du gros orteil chez l'homme) (photo n°5). Ils
sont les seuls primates du vieux monde à posséder de telles griffes.
Les seuls autres primates qui ont de véritables griffes sont les
Callitrichidés (oustitis, tamarins, singe-lions), groupe de petits singes
arboricoles du nouveau monde. D'après certains auteurs, les griffes
du aye-aye serait une réversion évolutive, i.e., un caractère perdu par
les espèces ancestrales et réapparues chez le aye-aye. Une telle
adaptation permet un meilleur agrippement aux troncs sur lesquels ils passent beaucoup de
temps pour se nourrir.
Photo n°4 : Spécimen naturalisé de aye-aye
(Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du Muséum d'histoire
naturelle de la Ville de Marseille (MHNM-14729),
France. Vue de profil avec agrandissement de la
main gauche.
Photo n°5 : Spécimen naturalisé
de aye-aye (Daubentonia
madagascariensis ; Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du
Muséum d'histoire naturelle de la
Ville de Marseille (MHNM-14729),
France. Vue du pied gauche.
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