Aye-aye - Muséum d`Histoire Naturelle de Marseille

publicité
Aye-aye
Daubentonia madagascariensis (Gmelin, 1788)
Statut UICN : Espèce déclarée en danger d'extinction.
Dans la salle safari, au niveau de la vitrine consacrée à la faune si particulière de
Madagascar,
vous
découvrirez
un
animal
d'aspect
sympathique et inquiétant à la fois: le aye-aye (photo n°1).
Cet animal vit exclusivement sur l'île de Madagascar.
Quatrième plus grande île du monde, située dans l'océan
Indien, au sud-est de l'Afrique, Madagascar est séparée du
continent par les 400 km de large du canal de Mozambique
(carte n°1). Le aye-aye considéré comme une espèce
éteinte dans les années 1950, occupe presque tout le
territoire malgache aujourd'hui même si la population est
très faible et dispersée. C'est un animal nocturne, discret,
Photo n°1 : Spécimen naturalisé de aye-aye
(Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du Muséum
d'histoire naturelle de la Ville de Marseille
(MHNM-14729), France. Vue de profil.-
plutôt solitaire, qui vit dans les forêts et se nourrit de
graines, de fruits et de larves d'insectes xylophages.
Buffon, dans son « Histoire naturelle et particulière, Supplément, Tome Septième » de 1789, nous
donne l'origine de son drôle de nom : « Aye-aye est une exclamation des habitans de Madagascar,
que M. Sonnerat a cru devoir appliquer à cet animal qui se trouve dans la partie ouest de cette île ». En
effet, Pierre Sonnerat fut le premier a décrire cet animal dans son « Voyage aux Indes orientales et
à la Chine », publié en 1782. Il le décrivit en ces termes : « ...il ne se rapproche d’aucun genre, et qu’il
tient du maki, de l’écureuil et du singe. Ses oreilles plates et larges ressemblent beaucoup à celles de
la chauve-souris …. ; …..Cet animal paroît terrier, ne voit pas pendant le jour, et son œil couleur
d’ocre de rue est comme celui du chat-huant. Il est très-paresseux et par conséquent très-doux ; celuici restoit toujours couché, et ce n’est qu’en le secouant plusieurs fois qu’on venoit à bout de le faire
remuer». Ainsi après la description précise faite de cette première observation, il restait à trouver
la place de cet animal dans la classification du monde vivant. Parmi les particularités du aye-aye,
la croissance continue de ses incisives lui valut d'être classé pendant la première partie du XIXe
siècle comme un rongeur. Les zoologistes Goeffroy de Saint Hilaire et Buffon le classent à
l'époque parmi les écureuils. Ce n'est que vers 1850 que l'espèce est réellement acceptée comme
faisant parti du groupe des lémuriens et donc des primates.
Une histoire de famille …
Le aye-aye appartient à l'ordre des Primates. Souvent il est décrit comme faisant parti du
groupe des prosimiens. Or, dans la classification phylogénique, les prosimiens ne sont pas un
taxon. Les prosimiens regroupent deux sous-ordres des primates: les Strepsirrhiniens et les
Tarsiformes. Le aye-aye est rattaché aux Strepsirrhiniens. La caractéristique principale qui
distingue les strepsirrhihiniens des autres primates est la présence d'un peigne dentaire à l'avant
de leur denture : c'est un ensemble de 6 dents constitué des 4 incisives et des 2 canines, toutes
allongées et orientées vers l'avant. Le aye-aye fait encore exception pour ce caractère là, c'est
pourquoi il est classé seul dans l'infra-ordre des Chiromyiformes (Anthony, 1931) à coté des
Lorisiformes et des Lémuriformes beaucoup plus nombreux. De plus, l'aye-aye est la seule espèce
du genre Daubentonia (E. Geoffroy,1795), lui-même seul membre de la famille des Daubentonidés
(Gray, 1863). Faute de fossiles, l'origine et la date d'apparition des primates Chiromyiformes sont
discutées, de même que la date et les circonstances de leur implantation sur l'île de Madagascar.
Comme pour les lémuriens, l'hypothèse la plus probable de leur origine sur l'île est que quelques
individus auraient traversé le canal du Mozambique, il y a 40 à 50 Ma, emportés depuis
l'Afrique par un radeau de végétation, même si des hypothèses de ponts terrestres et de passages
d'île en île ont également été proposées. L'aye-aye est d'un point de vue évolutif tellement
éloigné de tous les autres lémuriens que la colonisation de l'île par les Chiromyiformes a du se
faire de façon indépendante de celles des Lémuriformes.
Les restes d'une seconde espèce éteinte de aye-aye (Daubentonia robusta) sont connus à partir de
quelques sites préhistoriques situés au sud de Madagascar, dans une zone où la forme actuelle n'a
jamais vécu. Cette espèce aujourd'hui disparue pesait entre trois et cinq fois plus que Daubentonia
madagascariensis soit environ 14 kg. Il existe certaines preuves de la coexistence de cette forme
avec les premiers habitants de l'île. En effet, plusieurs incisives de Daubentonia robusta ont été
trouvées perforées de la main de l'homme pour servir de pendentifs. Il reste à déterminer si
l'homme a joué un rôle dans l'extinction de cette espèce.
A Madagascar seulement…
L'aye-aye est une espèce endémique de Madagascar. Les observations de Daubentania
madagascariensis sont rares; sa présence est souvent suggérée par la présence de traces (trous et
nids dans les arbres, reliefs de repas). Son abondance est difficile à estimer car un individu est
capable de laisser de nombreuses marques de sa présence. L'aye-aye est très adaptable et peut
occuper une grande variété d'habitats comme les forêts tropicales humides, les forêts de feuillus,
les forêts de broussailles sèches, et les mangroves. L'espèce est
également capable de vivre et de se reproduire dans les zones
cultivées telles que les plantations de canne à sucre, de noix de
coco ou de clou de girofle; mais cela reste marginal. Le désert
du sud semble être le seul milieu dans lequel l'espèce n'a pu se
développer. Sa présence dans ces habitats variés, étagés entre
le niveau de la mer et 800 mètres (preferendum autour de
700m), semble être liée en grande partie à la présence de sa
ressource principale de nourriture, les graines d'aramy
(Canarium madagascariensis ; Burséracées; arbres de myrrhe de
Madagascar). Ainsi l'espèce a été principalement observée à
l'ouest, sur la côte est et au nord de l'île. Des populations de
cette espèce sont présentes de façon très fragmentées et leurs
Carte n°1 : Carte de répartition du ayeaye (Daubentonia madagascariensis ;
Gmelin, 1788). En rouge les régions où la
présence du aye-aye est certaine.En
encart: position de l'ïle de Madagascar par
rapport à l'Afrique.
densités sont très faibles sur presque tout le littoral de Madagascar. (carte n°1). Deux populations
ont été introduites durant les années 1960 sur des îles au nord de la côte de Madagascar, l'une sur
Nosy Mangabe, et l'autre sur l'Ile Roger. Ces îles sont devenues depuis des réserves spéciales pour
la conservation de cette espèce.
Un primate pas comme les autres….
L'aye-aye est vraiment un animal extraordinaire qui présente un nombre incroyable de
particularités morphologiques à l'origine de l'attrait qu'il exerce sur les zoologistes. Cet animal est
le plus grand primate nocturne et possède le plus grand cerveau chez les prosimiens.
L'aye-aye a de grandes oreilles noires arrondies (photo n°2). Elles sont extrêmement mobiles,
sans doute pour pouvoir localiser les sons obtenus par les percussions répétées, réalisées à l'aide
de son doigt fin et allongé, sur le bois, détectant ainsi les cavités où se cachent les larves
d'insectes xylophages. Ces grandes oreilles lui permettent également d'entendre les bruits de la
forêt les plus discrets .
Une autre caractéristique très rarement trouvé chez les primates est la présence d'une membrane
nictitante (troisième paupière), qui humidifie les
yeux quand ils deviennent sec. Cette membrane
peut aussi protéger les yeux contre les copeaux de
bois lorsque le aye-aye ronge le bois d'un arbre pour
extraire les larves.
C'est le seul primate à posséder 18 dents. En effet,
Photo
n°2 :
Spécimen naturalisé de aye-aye
(Daubentonia
madagascariensis
;
Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du Muséum d'histoire
naturelle de la Ville de Marseille (MHNM-14729), France.
Tête du aye-aye vue de face.
les espèces du sous-ordre des Strepsirrhiniens, dont
l'aye-aye fait partie, possèdent généralement 36
dents (2 incisives, 1 canine, 3 prémolaires et 3
molaires par demi-mâchoire). Le Daubentonia est une exception, et on assiste à une oligodontie
(réduction importante du nombre de dents). En effet, celui-ci a perdu: 4 incisives, les 4 canines, et
10 prémolaires (4 au niveau de la mâchoire supérieure, et 6 au niveau de la mâchoire inférieure).
Le Daubentonia ne présente donc plus de canine, ni de prémolaire au niveau de l'arcade dentaire
inférieure. De plus, l'aye-aye, possède de grandes incisives à croissance continue, qu'il utilise pour
ronger le bois des arbres, des noix et autres fruits à coques dures (photo n°2). Ce type de dents à
croissance continue est unique chez les primates.
La main de l'aye-aye est grande par rapport à la taille de son corps
(photo n°3). Ces grandes mains lui permettent de saisir avec plus
de force les branches auxquelles il s'accroche, diminuant ainsi les
risques de chutes. En effet, dans certaines situations comme lors
de la recherche de nourriture, l'animal est amené à se suspendre
d'une seule main à une branche tandis que de l'autre il attrape les
larves d'insectes. L'aye-aye présente 5 doigts sur les membres
antérieurs et postérieurs. Les doigts de la main sont allongés,
surtout le médius qui est très fin et long par rapport aux autres
doigts (photo n°4). C'est d'ailleurs le caractère morphologique le
plus marquant de cet animal. Ce médius permet par percussion le
long des branches de localiser à l'oreille les galeries où vivent les
Photo n°3: Spécimen naturalisé de
aye-aye (Daubentonia
madagascariensis ; Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du
Muséum d'histoire naturelle de la Ville
de Marseille (MHNM-14729), France.
Vue de face.
larves d'insectes et une fois ces dernières repérées de les extraire à l'aide de la griffe terminale de
ce doigt. Il est également utilisé par l'animal pour boire en le déplaçant rapidement entre sa
bouche et le liquide, pour se nourrir de fruits et pour se toiletter. Le mouvement du médius de la
source de nourriture à la bouche peut être très rapide et a été mesurée à 3,3 aller-retours par
seconde.
Récemment, des chercheurs de l'université de
Dartmouth aux Etats-Unis ont effectué des
prises de vue de l'aye aye durant la nuit,grâce à
des cameras thermiques.L'analyse des couleurs
des photos prises à l'aide de ces caméras
permet de suivre l'évolution de la température
sur les différentes parties du corps de l'animal.
Ils ont ainsi constaté que le médius restait froid
Photo n°4 : Spécimen naturalisé de aye-aye
(Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du Muséum d'histoire
naturelle de la Ville de Marseille (MHNM-14729),
France. Vue de profil avec agrandissement de la
main gauche.
lorsqu'il n'était pas utilisé. Ce doigt était
comme « mise en veille » (désactivé) en cas de
non utilisation. Ils ont aussi constaté que ce
doigt se réchauffait à très grande vitesse lorsque l'animal s'en servait pour rechercher sa
nourriture. Sa température pouvait s'accroître de 6°C en l'espace de quelques secondes.
Le pouce de la main, quoiqu'il soit écarté de l'index, n'est pas
réellement opposable; mais les pouces postérieurs le sont
complètement comme chez d'autres lémuriens. Il possède des
griffes fonctionnelles sur tous les doigts des mains et des pieds, sauf
sur l'hallux (l'équivalent du gros orteil chez l'homme) (photo n°5). Ils
sont les seuls primates du vieux monde à posséder de telles griffes.
Les seuls autres primates qui ont de véritables griffes sont les
Callitrichidés (oustitis, tamarins, singe-lions), groupe de petits singes
arboricoles du nouveau monde. D'après certains auteurs, les griffes
du aye-aye serait une réversion évolutive, i.e., un caractère perdu par
les espèces ancestrales et réapparues chez le aye-aye. Une telle
Photo n°5 : Spécimen naturalisé
de
aye-aye
(Daubentonia
madagascariensis ; Gmelin, 1788)
conservé dans les collections du
Muséum d'histoire naturelle de la
Ville de Marseille (MHNM-14729),
France. Vue du pied gauche.
adaptation permet un meilleur agrippement aux troncs sur lesquels ils passent beaucoup de
temps pour se nourrir.
Des larves d'insectes et des graines
L'aye-aye est insectivore et frugivore, ce qui le fait parfois classer par certains auteurs dans les
espèces omnivores. Il mange des graines, des fruits, des champignons et des larves d'insectes. Ses
choix alimentaires varient avec le type d'habitat et la disponibilité de la nourriture. Lorsqu'il se
trouve à proximité de zones cultivées, en plus des larves d'insectes, il va surtout manger des noix
de coco, des litchis et des mangues.Le régime alimentaire de l'aye-aye change également avec les
saisons en fonction des aliments disponibles. Par exemple, durant la saison des pluies, il se nourrit
principalement de chancres du bois. Par contre, les larves d'insectes font toujours parties de son
régime alimentaire. L'animal déloge les larves d'insectes xylophages qu'il détecte en tapotant les
troncs avec son doigt spécialisé (photo n°4). Il accède aux larves en élargissant les orifices et en
déchiquetant les couches supérieures du bois avec ses incisives. Ensuite, il extrait les larves des
galeries avec son médius muni d'une griffe. De la même façon, il est capable d'extraire le cœur
tendre des noix d'aramy. À d'autres périodes de l'année, c'est pour extraire le cœur spongieux des
gales sur les branches d'Eugenia (ce genre est formé d'arbustes des régions tropicales ; Il
comprend de nombreuses espèces dont certaines portent des fruits comestibles) que son doigt
lui est utile.
Pas si solitaire que cela...
L'aye-aye est un animal en général solitaire et nocturne, discret et difficile à observer. Il a un mode
de vie arboricole et passe plus de temps au sol que tout autre lémurien à l'exception du Maki
catta. Le poids moyen d'un mâle est 2.7 kg et celui des femelles est d'environ 2.5 kg. En captivité,
la longévité moyenne de cet animal est de 24 ans.
Pendant la journée, l'aye-aye dort dans des nids situés à la fourche des arbres ou dans des
enchevêtrements de lianes et de branches. Pour des raisons de sécurité, les nids se trouvent à une
hauteur moyenne de 17 m et possèdent à une extrémité une ouverture de 15 cm de large. Un ayeaye utilise plusieurs nids ; jusqu'à sept nids différents sur une période d'un mois. Parfois, les nids
sont regroupés les uns près des autres et les grands arbres peuvent abrités plusieurs nids d'ayeayes. Les nids peuvent être abandonnés puis réparés et réutilisés. Ils peuvent être occupés
pendant quelques jours par plusieurs individus en même temps ou à des moments différents.
Le aye-aye sort du nid une demi-heure avant le coucher du soleil et n'y retourne qu'après l'aube.
L'activité nocturne des mâles commence généralement plus tôt que celle des femelles. Le aye-aye
passe plus de la moitié de son temps d'activité à se déplacer. Le reste du temps, il se nourrit, fait
sa toilette et se repose. Le toilettage peut être effectuée avec les mains, les pieds ou uniquement
le médius. L'ensemble du corps est alors inspecté méticuleusement et nettoyé des parasites. Pour
plus de sécurité, le aye-aye se perche le plus haut possible dans la canopée pour effectué sa
toilette. Les périodes de repos, quant à elles, peuvent durer trente minutes à deux heures. Durant
ces périodes, l'animal ne dort pas, il reste immobile mais pleinement conscient de son
environnement.
L'aye-aye a besoin de vastes territoires d'environ 600 ha pour vivre. Le territoire d'un aye-aye
mesuré sur une île peut varier de 1,26 km² à 2,15 km² pour les mâles et 0,317 km² à 0,395 km² pour
les femelles. Les territoires des mâles peuvent chevaucher ceux d'autres mâles ou de femelles. Par
contre, les territoires des femelles ne recouvrent jamais ceux d'autres femelles.
L'étude du comportement social de l'aye-aye est encore au stade préliminaire. Les aye-ayes sont
souvent solitaires et semblent rarement interagir avec d'autres en dehors de la période de
reproduction. En dehors de cette période, les mâles interagissent parfois avec des femelles et très
rarement avec d'autres mâles.
Lors de ces interactions, les aye-ayes communiquent entre eux par des vocalisations et par le
dépôt de marques olfactives. Cette espèce a un répertoire relativement limité de vocalisations par
rapport aux autres primates qui ont été étudiés dans la nature et en captivité. Cependant
différents types de cris ont été identifiés en lien avec des situations et des comportements:
reconnaissance filiale, agression, accouplement, appels de détresse, contacts entre mâles et
femelles, concurrence entre individus pour l'accès à la nourriture. Les interactions agressives
entre individus se traduisent par l'émission d'un sifflement, un peu comme un chat. Ce type de
sifflement est également observé quand un aye-aye est perturbé pendant le sommeil.
Les sons émis varient également en fonction de l'âge et du sexe de l'individu. Les jeunes aye-ayes
émettent notamment des cris qui leurs sont propres et qui ne font pas partie du répertoire vocal
de l'adulte.
Pour communiquer, le aye-aye utilise également des marquages olfactifs notamment pour définir
les frontières de son territoire. Le marquage olfactif étant l’application de sécrétions ou
d’excrétions odoriférantes par l'animal sur des éléments de son environnement (troncs d'arbres,
rochers…). Plusieurs comportements de marquages olfactifs ont été observés chez le aye-aye
dans la nature : frottement ano-génital, frottement buccal et marquage urinaire par frottement
ou par jet d'urine. En captivité, ces différents types de marquage olfactif ont été confirmés, y
compris le marquage buccal durant lequel l'animal frotte sa joue sur un objet en laissant un peu de
salive et le marquage ano-génital où l'animal frotte son anus et ses parties génitales (scrotum ou
vulve) sur la surface d'un élément de son environnement ou sur le sol en traînant son postérieur.
Cependant, Il n'a pas été démontré de manière définitive la présence de glandes olfactives anogénitales ou autres chez le aye-aye. Par contre, il est aujourd'hui certain que les aye-ayes sont
capables de discriminer les odeurs individuelles de leurs congénères d'âges et de sexes différents.
Une autre forme de communication possible, observée à la fois dans la nature et en captivité, est
le marquage physique des branches par les femelles qui griffent et piquent l'écorce des branches
afin de laisser des traces visibles pour les autres aye-ayes.
… et pas très fidèle …
Il y a peu ou pas de dimorphisme sexuel chez le aye-aye .Il est presque impossible dans la nature
de distinguer les mâles des femelles. Les mâles atteignent la maturité sexuelle vers l'âge de 1 an
et demi, contre 2 ans et demi pour les femelles mais ces dernières commencent à se reproduire à
trois ou quatre ans seulement. Il n'y a pas de saison de reproduction marquée: les accouplements
peuvent avoir lieu toute l'année car chez la femelle, l'ovogenèse est persistante et donc elle
produit des ovules tout au long de l'année, toute sa vie. Le cycle reproducteur de la femelle dure
en moyenne 49 jours. La période d’œstrus qui dure de 3 à 9 jours, période de disponibilité
sexuelle, se caractérise, chez la femelle , par un gonflement et un changement de couleur des
organes génitaux, ce qui constitue un signal pour les mâles. Les cris spécifiques de la femelle
avant et pendant l'accouplement font également partie de son arsenal de séduction. Pendant
cette période d'accouplement, les organes génitaux des mâles sont également gonflés et une
augmentation de l'activité de marquage olfactif a été observée chez les deux sexes . La copulation
dure environ une heure. Cette longue copulation peut être une adaptation afin d'empêcher
d'autres mâles d'avoir accès à la femelle. En captivité, les copulations sont significativement plus
courte, d'une durée souvent autour de deux minutes. Après l'accouplement, la femelle s'éloigne
rapidement et reprend ses appels pour attirer d'autres mâles. En effet, durant le même oestrus, la
femelle peut copuler avec plusieurs mâles. La formation d'un bouchon spermatique
immédiatement après le premier accouplement permet d'assurer la paternité au premier mâle
ayant copulé. La gestation moyenne pour l'aye-aye est de 164 jours.
La femelle ne donne naissance généralement qu'à un seul petit, tous les 2-3 ans.Le poids corporel
à la naissance varie entre 90 g et 140 g. Ce poids est proportionnel au poids de la mère. A la
naissance, les oreilles de l'aye-aye sont molles et tombantes mais deviennent rigides et se
redressent à l'âge de six semaines. Comme tous les mammifères, les jeunes aye-ayes se
nourrissent du lait de leurs mères. La femelle aye-aye possède des glandes mammaires inguinales
(situé près de l'aine) . En captivité, les aye-ayes nouveau-nés restent deux mois dans leurs
nichoirs. Dans la nature, les deux premiers mois, le jeune aye-aye demeure également dans le nid
avec sa mère et ne s'éloigne jamais à plus de 50 m du nid. En cas de danger nécessitant que les
jeunes soient déplacés pour des raisons de sécurité, les aye-ayes transportent leurs petits dans
leurs geules. Le jeune aye-aye est complètement dépendant de sa mère pour la nourriture jusqu'à
environ l'âge de trois mois. Au delà de trois mois, il commence à manger des aliments solides afin
de préparer le sevrage définitif. Le jeune est complètement sevré à l'âge de six mois environ mais
dès quatre ou cinq mois la femelle tente de le dissuader de s'allaiter. L'indépendance totale d'un
jeune aye-aye vis à vis de sa mère et la séparation semble se produire 18 à 20 mois après la
naissance.
A la fois menacé et protégé par l'homme ...
En raison de la nature insaisissable de l'aye-aye, une estimation précise de la population est
extrêmement difficile à réaliser, mais on pense que l'espèce est en déclin et en danger
d'extinction. C'est pourquoi cette espèce est inscrite à l'Annexe I de la CITES.
Comme c'est le cas pour la plupart des primates, la plus grave menace pour le aye-aye est la perte
d'habitats. Les effets cumulés de l'expansion des populations humaines et de facteurs
économiques tel que le développement de l'agriculture sont à l'origine de la diminution drastique
des zones forestières. Plus de 80% de la surface de Madagascar est maintenant recouverte de
prairies et de plantations, et les vastes forêts originelles ont aujourd'hui disparu. De plus, certains
arbres tels que le kohu (Intsia bijuga ; arbre de fer) et l'aramy (Canarium madagascariensis ; arbre
de myrrhes de Madagascar) qui fournissent les aliments de base pour cette espèce sont coupés
préférentiellement pour la construction de bateaux, de maisons et de cercueils. Ceci à pour
conséquences d'isoler davantage les populations d'aye-ayes déjà dispersées et de multiplier les
contacts avec les humains lors de la recherche de nourriture.
Cette multiplication des contacts est dramatique pour la survie de l'espèce car à Madagascar, une
croyance fortement répandue veut que la présence d'un aye-aye près d'un village ou d'une maison
soit annonciatrice de malheurs. Selon cette même croyance, le seul moyen de conjurer le mauvais
sort est de tuer l'animal. Dans certains groupes humains de l'île, une fois tué, le aye-aye est
parfois consommé de façon rituelle. Seuls les habitants du sud-est de Madagascar considère la
présence d'un aye-aye comme un bon présage en raison de la croyance en une origine humaine
de cette espèce. Actuellement, si le nombre de sacrifice rituel d'aye-ayes diminue, l'élimination
des animaux en représailles à l'attaque des cultures continue et reste une pratique inquiétante
pour la survie de l'espèce.
Sur l'île, le seul prédateur non humain pour le aye-aye est le fossa (Cryptoprocta ferox), aussi
appelé cryptoprocte féroce, endémique de Madagascar, un grand mammifère prédateur adapté à
la fois pour les déplacements arboricoles et terrestres.
Pour assurer la protection de cette espèce en danger d'extinction, de nombreuses zones
protégées dont 13 parcs nationaux, sept réserves naturelles strictes et 13 réserves spéciales, ont
été crées à Madagascar afin que les aye-ayes puissent se reproduire en toute quiétude,
Pourtant, malgré ce grand nombre d'aires protégées, où la surveillance des aye-ayes est régulière,
leur présence est souvent basée uniquement sur de simples traces tant les observations directes
sont rares. Ainsi, la taille et la dynamique des populations d'aye-ayes sont très mal connues. Il y a
un besoin urgent d'un recensement systématique de cette espèce phare pour l'élaboration d'un
plan d'action de conservation. En 1966, une population de aye-ayes a été introduite sur l'île de
Nosy Mangabe à l'Est de Madagascar. A cette époque, l'île a été désignée réserve spéciale par le
gouvernement de Madagascar et sert encore de site important de conservation de l'espèce.
En dehors de ces efforts de conservation in situ, des programmes de reproduction en captivité
impliquent diverses institutions de part le monde. Un programme d'élevage européen (EEP) et un
Plan pour la Survie des Espèces (SSP = Species Survival Plan, programme américain pour les
espèces menacées) ont été mis en place. Depuis 1986, un certain nombre d'aye-ayes ont été
exportés de Madagascar pour établir des colonies de reproduction en captivité. Ces colonies de
reproduction sont localisées pour les plus importantes au Duke Lemur Center (DLC,
préalablement nommé the Duke University Primate Center), en Caroline du Nord (EU), au Durrell
Wildlife Conservation Trust, Jersey et au Zoo de Londres (UK).
Ces efforts ont rencontré un premier succès en 1992 avec la naissance en captivité d'un petit ayeaye dans une colonie hébergée au Duke Lemur Center mais depuis, les résultats sont décevants.
En 2010, il y avait environ 50 aye-ayes dans diverses collections zoologiques à travers le monde.
Cependant, la survie de cette espèce reste une priorité pour les primatologues car il représente le
seul membre survivant de la famille des daubentonidés et le dernier survivant d'une histoire
unique dans l'évolution des primates.
Crédits pour l'ensemble des photographies : MHNM.
Téléchargement