De tous les rites qui ponctuent le Yom Kippour, le jeûne apparait comme le plus emblématique, pour nombre de juifs
d’affirmation. Aux yeux de nos coreligionnaires, il résume à lui seul la solennité et l’austérité de cette journée à
nulle autre pareille. Gestuelle et paroles dédiées dans un même élan vers un Au-delà, le rite structure fortement
notre relation au Ciel.
S
EUL JEÛNE DU CALEN-
DRIER hébraïque directement
ordonné par le Texte biblique, il se
retrouve chargé d’une forte connotation
religieuse et spirituelle. Et, dans l’histoire
de chaque individu juif, il va véhiculer un
certain nombre de souvenirs ou de cou-
tumes quand ce dernier se retourne sur
son passé individuel ou familial.
Trait d’union ou lien unique qui nourrit
en chacun un sentiment d’appartenance
communément partagé, il s’impose
comme le parfait marqueur identitaire
d’un vieux peuple auquel vont continuer
d’adhérer les plus éloignés de la pratique
religieuse.
Le jeûne s’entend comme un acte de
contrition que traduit une mortication
toute relative et limitée dans le temps,
pour des défaillances dont nous serions
comptables. Pénitence et demande de
pardon dans la reconnaissance implicite
d’une conduite non-conforme aux termes
du contrat passé aux origines avec le
Ciel. Acte d’humilité par excellence
d’une créature consciente de sa nitude,
son respect entérine une certaine dimen-
sion dérisoire de notre existence en
endossant, l’espace de 25 heures, un sta-
tut de précarité.
Dès lors que, par la privation momenta-
née de nourriture, on s’abstient de
répondre aux besoins élémentaires de
l’organisme, on abandonne, en quelque
sorte, notre souveraineté sur notre corps
dont nous ne sommes, faut-il le rappeler,
que de simples locataires quand le véri-
table propriétaire se trouve au dessus de
nous.
Toutefois, en le soumettant ainsi à cette
épreuve physique, on accepte par cette
démarche, le joug d’une Transcendance.
Avec le souhait éminemment humain de
susciter une mansuétude pour les défail-
lances morales ou spirituelles dont nous
nous serions rendus coupables.
Toujours dans la conscience lucide qu’à
lui seul le jeûne ne saurait exonérer de
tous les manquements portés à notre cré-
dit à l’égard du Ciel ou vis-à-vis des
hommes. Et, dans cette halte dans
l’écume de nos jours, une méditation
salutaire s’inviterait pour nous permettre
de nous interroger sur la vanité des
choses ou le sens de l’existence.
En soulignant de la sorte les fragilités de
notre fonctionnement physiologique et sa
dépendance vis-à-vis des nourritures ter-
restres, cette contrainte faite au corps
révèle paradoxalement une tentative,
certes éphémère et limitée, de maitriser
pulsions et forces animales qui régissent
toute vie. En s’y conformant, on dée
l’espace d’une journée, l’état de nature
aux règles intangibles et inexorables.
C’est là, la signication première du rite,
sa raison d’être pour mettre en exergue
l’essence même du judaïsme.
Dé permanent à la nature et à ses lois.
Opposition frontale aux déterminismes
qui régulent la marche du monde et ses
créatures. Quand, insolemment, le
judaïsme proclame la Présence d’un
Dieu Un et invisible, il enfreint avec une
audace inouïe l’impérium des sens et la
tyrannie de la Raison. Quand, par des
gestes venus d’ailleurs, le rite nous
enjoint de rompre le cours de notre quo-
tidien, pour une prière ou une
bénédiction, il nargue, en quelque sorte,
la prétention de la nature à nous dicter
ses lois et à nous imposer ses servitudes.
Il entend ainsi nous garder en éveil pour
continuer à témoigner, dans tous les
recoins de notre existence, d’une Pré-
sence. A nous échapper par à-coups de la
matérialité terrestre et à essayer de nous
affranchir quelque peu de ses pesan-
teurs. C’est la mission assignée à Israël :
celle à laquelle nous adhérons quand, à
Kippour, nos pas nous conduisent vers
nos synagogues.
Jacques ASSERAF
AVIVmag n°206 septembre 2015
9
KIPPOUR
Par Jacques Asseraf
« POURQUOI JEÛNONS-NOUS
sans que Tu t’en aperçoives ? »
Isaïe 57-58
LA TORAH ORDONNE
QUE tout Israël (hommes,
femmes et enfants) se rassem-
ble à l’issue de l’année chabbatique, pen-
dant la fête de Souccot, le deuxième
jour de cette fête, et qu’on fasse devant
le peuple réuni, la lecture de certaines
parties du cinquième livre de Moïse (ap-
pelé Michne Torah). Dans le Talmud, elle
est mentionnée sous le nom de «Hakhel»
(Kiddouchine 34a). Bien qu’il s’agisse
d’une commandement positif lié à une
date xe, les femmes y sont astreintes,
comme il est précisé dans le texte.
Ce qui distingue le peuple d’Israël, c’est
la Torah.
Par elle, nous sommes séparés de tous
les peuples de la terre, par elle seule,
notre peuple bénécie du monde futur.
Il est donc essentiel que, périodique-
ment, nous soyons tous rassemblés pour
entendre le message du Livre, il est im-
portant que ce message soit entendu par
tout le peuple, hommes, femmes et en-
fants. Ils se demanderont quel est le
sens de cet immense rassemblement, et
ils réaliseront que c’est la Torah qui est
notre trésor le plus précieux, notre
gloire et notre honneur. Ils apprendront
à l’apprécier, à l’aimer et voudront
connaître Celui qui nous l’a donnée, le
craindre et l’aimer comme il est dit dans
le texte : « Qu’ils apprennent à révérer l’Eter-
nel » (Sefer ha’hinou’h).
D’après les sages du Talmud, enfants
«TAF» cité dans le verset signie les bé-
bés, même ceux qui tètent encore leur
mère. Les hommes doivent venir pour
apprendre, les femmes doivent venir
pour écouter, et les bébés, pourquoi
viennent-ils ? Pour assurer une bonne
récompense à ceux qui les accompa-
gnent. Lorsque Rabbi Josué entendit
cette interprétation du verset, que ses
amis avaient apprise le jour même à la
yeshiva et qu’il avait réussi à savoir
après avoir insisté auprès d’eux, il
s’écria : « Vous avez une si belle perle dans
la main et vous vouliez m’en priver ! » (‘Ha-
guiga, 3a). Ce qui amena Rabbi Josué à
s’exclamer avec tant d’enthousiasme sur
le leçon qu’il venait d’entendre, c’est le
fait qu’il avait lui-même été amené à la
yeshiva dans son berceau par sa mère.
Elle disait toujours : « Il faut que mon
garçon s’habitue aux paroles de la Torah.
En vérité c’est la raison essentielle pour ame-
ner les bébés à la lecture publique de la To-
rah » (Talmud Jérusalem Yebamoth).
Depuis la destruction du Temple et
jusqu’à sa reconstruction, très bientôt,
et de nos jours, nous n’avons plus
l’usage de mettre en pratique cette
Mitsva du « Hakhel ». Pour autant, la
Torah et les Mitsvot sont immuables, y
compris les préceptes en vigueur uni-
quement à l’époque du Temple, dont le
message spirituel et profond conserve
toute sa valeur. Il convient, alors,
d’adopter la pratique la plus adaptée à
cette commémoration (Rabbi de Luba-
vitch).
L’enseignement hassidique place le «Ha-
khel » comme une année d’unité de tout
le peuple juif. Les réunions y sont alors
multipliées et toute occasion est saisie
pour se rapprocher soi-même et rap-
procher tous les autres de la Volonté de
Dieu. Les différences entre le riche et
le pauvre, l’érudit et l’ignorant, les
grands et les petits, disparaissent. Tous
unis reçoivent et intériorisent les ensei-
gnements de la Torah. Par ailleurs, le «
Hakhel » souligne aussi l’importance de
l’éducation. En effet, les enfants les plus
petits, dont la compréhension n’est pas
développée, participent également au «
Hakhel », permettant à ceux qui les
conduisent d’être récompensés.
Préparons-nous et engageons-nous
pour ce grand rassemblement de l’année
de « Hakhel » dans l’unité et la joie de
Souccot dans le troisième Temple re-
construit et avec la réalisation de la pro-
phétie de Jérémie : « Me voici les ramener
des pays du Nord, les rassembler des extré-
mités de la terre … Une grande assemblée
reviendra ici ».
« Kahal Gadol Yachouvou Hena » (Jérémie
31.7-Haftara, deuxième jour de Roch
Hachana).
Chana Tova
et Hag Samea’h Ouchnat Guéoula.
Rav YY Matusof
5776 :
Année de « Hakhel »
8AVIVmag n°206
Judaïsme
Par Yossef Matusof
Et Moïse prescrit cet ordre : « Au bout de sept ans, au temps de l’année de la Remise, lors de la fête des
Tentes, au moment où tout Israël vient se présenter devant le Seigneur ton Dieu à l’endroit qu’Il aura
choisi, tu liras cette loi, en face de tout Israël, à leurs oreilles. Assemble le peuple, hommes, femmes,
enfants et l’étranger qui est dans tes portes, an qu’ils écoutent, qu’ils apprennent à craindre le Seigneur
ton Dieu et qu’ils veillent à accomplir toutes les paroles de cette loi.» (Deutéronome chapitre 31, 10 à 12)
Les différences entre le
riche et le pauvre, l’érudit
et l’ignorant, les grands et
les petits, disparaissent.