Pr. P. WAUTHY – Métabolisme et chirurgie – Année académique 2012-2013 1/12
Métabolisme et chirurgie
Les conséquences métaboliques d’une intervention chirurgicale peuvent se comparer à
celles observées après un traumatisme. Elles s’observent au décours de toutes les
chirurgies, quelle que soit la discipline considérée, à divers degrés. Leurs conséquences
sont non spécifiques à l’acte chirurgical.
1. Physiopathologie
Les modifications métaboliques induites par un acte chirurgical sont le fruit de trois
grandes stimulations :
1. La douleur : c’est de loin le principal stimulus.
2. La survenue d’hypovolémie.
3. L’inflammation du site opératoire.
L’anesthésiste a pour but d’agir efficacement sur la douleur par l’administration
d’analgésiques, et sur l’hypovolémie par le management peropératoire adéquat des
patients. Le chirurgien, quant à lui, pourra agir sur les trois principaux stimuli. La
douleur peropératoire peut être considérablement réduite par respect des structures
anatomiques en place et choix de l’abord le plus approprié. La survenue d’hypovolémie
brutale sera, dans la mesure du possible, évitée et la réduction du traumatisme
opératoire à son strict minimum pourra réduire de façon considérable l’inflammation
subséquente au site opératoire.
Généralement, les réactions secondaires à ces stimuli sont adaptées pour les
contrecarrer mais l’ampleur de la réaction induite est généralement disproportionnée
rendant la réaction inadéquate. Si le chirurgien se contentera de limiter au maximum la
survenue de stimuli primaires, l’anesthésiste, quant à lui, possède un arsenal
thérapeutique lui permettant de contrôler, du moins partiellement, une bonne partie de
ces réactions.
Quatre grands types de mécanismes seront déclenchés suite à une stimulation :
Les mécanismes neuroendocriniens
Les mécanismes immunitaires (neuro-immuno-endocrinologie)
Les réactions au site opératoire
Les mécanismes cardiovasculaires
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Les mécanismes neuroendocriniens
Ces différents mécanismes provoqueront une réponse directement
proportionnelle à l’importance de l’agression chirurgicale. Une stimulation initiale
au site opératoire sera transmise au cerveau par la voie spino-thalamique. Il
s’ensuivra une stimulation sympathique et neuroendocrine. Cette activation de la
voie spino-thalamique aura également pour effet des réactions locales plus
importantes au site opératoire et des conséquences cardiovasculaires.
a. La réaction sympathique
Des catécholamines endogènes seront libérées en réaction à la stimulation.
Celles-ci auront une double origine :
- les médullaires surrénales qui libèrent essentiellement de l’adrénaline
- les terminaisons nerveuses sympathiques qui libèrent essentiellement de
la noradrénaline.
Dans ces deux situations, la stimulation initiale provient du système nerveux
sympathique. Les actions mettant en jeu de l’adrénaline seront rapides et brèves
et celles impliquant de la noradrénaline seront plus lentes mais d’action plus
prolongée. Les chirurgies thoraciques et abdominales impliquent autant
l’adrénaline que la noradrénaline, alors que les chirurgiens pelviennes impliquent
une sécrétion essentiellement d’adrénaline. Un stress déjà présent en période
préopératoire avant induction de la narcose se traduira par une majoration de
ces réponses. La prémédication administrée quelques heures avant l’intervention
aura pour effet de réduire ces réponses. Le premier stimulus correspondra en
général à l’intubation endotrachéale, responsable d’une libération de
noradrénaline.
b. La réaction de l’axe hypothalamo-hypophysaire
-
L’activation de l’axe hypothalamo-cortico-surrénalien
Les influx afférents par la voie spino-thalamique vont stimuler la
sécrétion hypothalamique en releasing factor : CRF et VIP. Ces
hormones vont stimuler à leur tour l’hypophyse qui va sécréter de la pro-
opiomélanocortine, de la prolactine, de la vasopressine et de l’hormone
de croissance. La pro-opiomélanocortine sera hydrolysée en ACTH et en
bêta-endorphine. L’ACTH stimulera directement la sécrétion de cortisol
par les corticosurrénales.
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La production d’ACTH et de cortisol sera directement proportionnelle à
l’importance de l’acte chirurgical. Ils débuteront au début de l’incision
chirurgicale et leur maximum sera atteint au cœur du geste. Ils se
poursuivront ensuite durant plusieurs jours. Les rythmes circadiens de
la production en ACTH et cortisol persisteront mais seront perturbés.
-
L’hyperaldostéronisme
L’état postopératoire se caractérise clairement par un état
d’hyperadolstéronisme. Normalement, la sécrétion en aldostérone est
stimulée par l’axe rénine angiotensine au niveau du cortex surrénalien
et par la stimulation par l’ACTH hypophysaire.
Suite à un stress chirurgical, c’est essentiellement l’ACTH qui est le
principal stimulus à la sécrétion d’aldostérone. Durant l’acte chirurgical,
sa sécrétion est de l’ordre de 2 à 3 fois la normale et un retour à la
normale ne sera observé qu’au 7
e
jour postopératoire. Ce n’est que lors
de modifications hémodynamiques significatives que le système rénine
angiotensine – aldostérone interviendra. Effectivement, l’hyperréninémie
peut être induite suite à un saignement, à des modifications de
ventilation des patients ou à l’administration de certains agents
anesthésiants.
Il est important de noter qu’une restriction sodée peropératoire
favorise l’activité de cette voie.
Il faut également savoir que l’aldostérone peut être responsable
également d’une sécrétion d’ANF (atrial natriuretic factor). Celle-ci ne
sera effective que si des conséquences hémodynamiques significatives
accompagnent l’acte chirurgical.
-
Le pancréas endocrine
Une augmentation de la sécrétion de glucagon peut être secondaire à
une intervention chirurgicale. Cependant celle-ci est inconstante et peut
être retardée de 18 à 48 heures. Généralement, on estime qu’un retour à
la normale après 48 heures postopératoires est observé en l’absence de
complication. La survenue d’une complication peut maintenir une
augmentation de la sécrétion de glucagon au-delà des 48 heures.
Une inhibition de la sécrétion en insuline peut être induite par les
catécholamines circulantes augmentées suite à l’acte chirurgical.
Cependant après une chirurgie, généralement l’insuline est sécrétée en
plus grande quantité car une hyperglycémie est observée et représente
un stimulus bien supérieur à l’inhibition que peuvent induire les
catécholamines.
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- Les hormones de croissance
La sécrétion en hormones de croissance augmente proportionnellement à
la lourdeur de l’acte chirurgical. Cette augmentation du taux circulant
d’hormones de croissance s’accompagne de trois grands effets :
1. Une intolérance glucidique car la GH se fixe aux récepteurs à
l’insuline.
2. Une augmentation de la lipolyse.
3. Un accroissement du métabolisme protéique.
Cette augmentation de l’hormone de croissance hypophysaire est
stimulée par des releasing factors hypothalamiques. Elle peut être
inhibée par la somatostatine.
- Les hormones thyroïdiennes
Les modifications des hormones thyroïdiennes observées en période
péri-opératoire s’inscrivent dans ce que l’on peut appeler l’euthyroid sick
syndrome. Celui-ci décrit des anomalies des tests thyroïdiens qui
arrivent dans une maladie non thyroïdienne en l’absence d’anomalie
hypothalamo-hypophysaire préexistante ou de dysfonction de la glande
thyroïde. Après guérison de la maladie non thyroïdienne, ces tests
thyroïdiens se normalisent. Dans la phase initiale postopératoire, l’on
observe une inhibition de la sécrétion de TSH qui est sécrétée en
réponse à une sécrétion de TRH. Cette inhibition est corrélée au taux de
dopamine circulante. Les tests thyroïdiens seront caractérisés comme
suit :
la T3 sérique sera abaissée
la T4 sera abaissée ou normale
la T4 libre sera normale
la reverse T3 sera élevée
la TSH sera normale
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Les mécanismes immunitaires
Si les canismes neuroendocriniens impliqués dans la réaction postopératoire
sont essentiellement concentrés durant les 24 à 48 premières heures qui suivent
une intervention, les mécanismes immunitaires, quant à eux, le seront durant une
période de temps beaucoup plus prolongée. Cette réponse immunitaire est liée à
la stimulation neuroendocrine initiale. On peut différencier différents aspects :
- La sécrétion augmentée de cortisol et de catécholamines agit sur la
différenciation des sous-populations lymphocytaires, induit une
lymphopénie et inhibe l’immunité cellulaire. Le cortisol en particulier
diminue le chimiotactisme des monocytes et réduit le recrutement des
lymphokines.
- L’ACTH inhibe la synthèse d’anticorps et augmente la prolifération des
lymphocytes B. Il inhibe également la production d’interférons par les
lymphocytes T.
- Les endorphines altèrent la fonction des cellules immunitaires et agit de
façon négative sur le chimiotactisme.
- L’hormone de croissance influe sur la prolifération des lymphocytes T
ainsi que sur leur différenciation finale
- Les hormones thyroïdiennes augmentent les anticorps produits par les
lymphocytes T. La TSH effectue un effet immuno-modulateur via les
lymphocytes T qui mène entre autres à une augmentation de la
production d’AC par les lymphocytes de type B.
A l’inverse, les cytokines immunitaires ont des répercussions hormonales. Ainsi,
l’interleukine 1 stimule la sécrétion d’ACTH, de CRF, d’insuline et de glucagon.
L’interféron, quant à lui, augmente la sécrétion de cortisol.
Par ailleurs, l’interleukine 1 induit une pyrexie et peut être responsable
d’hypotension artérielle systémique. Elle favorise également la protéolyse. Le
TNF, quant à lui, issu des macrophages, stimule l’axe hypothalamo-surrénalien et
augmente les dépenses énergétiques. Il augmente la glyconéogenèse et la lipolyse.
Le TNF est un des principaux médiateurs du choc septique.
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