FEMMES ET
CHANGEMENTS CLIMATIQUES
Fiche synthèse
Introduction
À l’instar de l’égalité entre les femmes et les hommes, on observe souvent que l’intégration des
questions liées à l’environnement et aux changements climatiques aux initiatives des
organismes de coopération internationale (OCI) n’est pas toujours simple à réaliser. En quoi
cette question touche-t-elle les projets, programmes, acteurs et actrices du développement?
Quel rôle les OCI peuvent-ils jouer dans la lutte aux changements climatiques?
Par ailleurs, on constate que les enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes ont peu de
visibilité dans l’information circulant sur les changements climatiques. Pourtant, ils y sont
étroitement liés. Si les inégalités entre les femmes et les hommes sont un frein au
développement, elles le sont aussi en matière d’atténuation et d’adaptation aux changements
climatiques.
L’objectif de cette fiche est de favoriser une meilleure compréhension de la manière dont les
changements climatiques touchent les femmes et l’importance de leur rôle pour les aborder
efficacement. Fruit d’un atelier du CQFD tenu le 9 décembre 2015 en pleine Conférence de
Paris sur le climat (COP 21), elle puise dans les présentations de Judith Faucher
(Développement et Paix), Nadia Ponce Morales (SUCO) et Lise-Anne Léveillé (USC Canada), ainsi
que dans les échanges d’un webinaire dans le cadre duquel Linda Gagnon (SUCO), Genevière
Talbot (Développement et Paix) et Katina Binette (AQOCI), déléguées de leurs organismes, nous
ont partagé leurs analyses en direct de Paris.
Dans un premier temps, nous verrons comment les changements climatiques affectent les
femmes et en quoi les inégalités déjà existantes entre les femmes et les hommes font en sorte
quelles subissent les conséquences du réchauffement climatique de manière
disproportionnée. Dans un deuxième temps, nous mettrons en lumière les connaissances et les
compétences qui rendent incontournable leur contribution au développement de stratégies
d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.
Par la suite, nous évaluerons de manière succincte le chemin à parcourir pour que ces
contributions se reflètent dans les politiques et cadres d’action de niveaux international,
national et local. Enfin, quelques pistes d’action pour les OCI seront dégagées.
I. Les changements climatiques touchent les femmes de manière
disproportionnée
a) Catastrophes naturelles
Statistique frappante : le nombre de décès lors de catastrophes naturelles, qui se multiplient
avec les bouleversements climatiques, est 14 fois plus élevé chez les femmes et les enfants
1
.
Cette surreprésentation a plusieurs causes, parmi lesquelles figurent les suivantes :
- Les femmes représentent près de 70% de la population vivant sous le seuil de la
pauvreté, ce qui les rend plus à risques lors des catastrophes naturelles.
- Les femmes sont plus nombreuses à habiter des zones à risque lors de catastrophes.
Les hommes sont plus fréquemment appelés à migrer pour le travail, alors que les
femmes demeurent plus fréquemment avec la famille en région rurale, parfois
montagneuse. Et si elles sont appelées à migrer en zone urbaine, leur condition
économique les confine souvent à des quartiers défavorisés et plus vulnérables lors de
catastrophes naturelles.
- La culture et les rôles traditionnels attribués aux femmes ont une influence sur leur
mobilité. Le fait d’assumer la responsabilité de personnes à charge augmente
1
Développement et Paix, Chaud devant : impacts des changements climatiques dans les pays du sud et
recommandations pour une action du Canada, rapport officiel, 2015.
considérablement le temps nécessaire à leur évacuation lors de catastrophes. Dans
certain cas, elles se retrouvent dans l’incapacité de fuir à cause de leur habillement
traditionnel, ou du fait que leur socialisation a découragé l’acquisition de compétences
comme grimper aux arbres ou nager. Certaines demeurent sur place car elles doivent
obtenir la permission de leur mari avant de quitter les lieux.
- Les femmes ont souvent moins accès aux alertes ainsi qu’aux information liées à
l’évacuation.
Les conséquences de cette situation sont désastreuses :
- La surreprésentation des femmes parmi les victimes de catastrophes entraine une
augmentation du nombre d’enfants orphelins et accroit le risque pour les filles de
mariage précoce et forcé.
- La santé des femmes est affectée par l’augmentation de la fréquence et de l’intensité
des catastrophes. Le réchauffement climatique entraine une augmentation du nombre
de maladies et d’épidémies
i
. Les inondations, sècheresses et vagues de chaleurs
contribuent à la contamination de l’eau et à la propagation des maladies. Dans la
plupart des cas, le soin des malades incombe alors aux femmes, ce qui alourdit leur
tâche.
- Cet alourdissement de la tâche des femmes se traduit souvent par la mise à contribution
accrue des filles, illustrant comment leur scolarisation est la première à être
compromise suite aux catastrophes.
- La raréfaction de la nourriture provoquée par les désastres a un impact direct sur la
sécurité alimentaire de communautés. Les femmes ont tendance à s’assurer que les
membres de leur famille soient nourris en priorité, ce qui les rend plus à risque de
carences, surtout lorsque s’accroissent leurs besoins alimentaires spécifiques pendant la
grossesse et l’allaitement.
- On observe aussi une aggravation et une multiplication des cas de violence à l’égard des
femmes et des filles suite aux catastrophes: violence domestique, harcèlement, viols et
traite de personnes. Les décès et déplacements entrainent la destruction des réseaux de
protection naturels des femmes et des filles, et les organisations criminelles en profitent
pour sévir.
b) Conséquences de la variabilité climatique sur l’agriculture et le travail des
femmes
Les femmes sont surreprésentées dans les emplois dépendant de ressources naturelles
affectées par les changements climatiques, comme l’approvisionnement en eau et en bois ou
l’agriculture de subsistance. D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture, la production alimentaire résulte pour 60 à 80% du travail des femmes dans les
pays en voie de développement. Leur accès à la terre est cependant restreint et précaire: elle
en sont rarement propriétaires et se voient souvent attribuer la culture de terres de mauvaise
qualité.
Par ailleurs, les effets de la marchandisation des semences se font sentir en contexte de
variabilité climatique. Les cultures commerciales, souvent contrôlées par les hommes et misant
un nombre restreint de cultivars, ne résistent pas nécessairement aux variations de climat de
plus en plus fréquentes, augmentant ainsi le risque de perte totale des récoltes. Si la diversité
de plantes et d’espèces pour les cultures vivrières est aussi réduite, la souveraineté alimentaire
des communautés est mise en péril.
La sècheresse et la désertification, qui entrainent une rareté des ressources, sont aussi
amplifiées par les changements climatiques et affectent les femmes de façon disproportionnée.
La hausse de température rallonge les saisons de sècheresse, entrainant l’épuisement des
sources d’eau qui devient insuffisante pour la famille, les cultures ou la production d’électricité.
Les récoltes, donc les réserves alimentaires, s’en voient affectées, de même que le maintien de
la santé du bétail. Ce contexte rend aussi la conservation de semences et de grains plus difficile.
La diminution des ressources accessibles a pour effet d’augmenter le nombre de tâches
effectuées par des femmes et les filles ou de rendre ces tâches plus longues à accomplir,
comme la recherche d’eau et de bois de chauffage. Dans un tel contexte, le temps disponible
pour se consacrer à des activités génératrices de revenus, s’éduquer et participer aux prises de
décisions au sein de leur communauté se fait de plus en plus rare.
II Les femmes sont à la clé des stratégies de lutte aux changements
climatiques
Mais les femmes ne sont pas que des victimes des réchauffements climatiques : elles sont aussi
et surtout des porteuses de solutions avec lesquelles il faut compter. Lors de catastrophes
naturelles, leur connaissance des réseaux sociaux leur permet de savoir qui sont les victimes
potentielles, où elles se trouvent et qui a besoin d’aide. Leur donner accès aux technologies a
pour effet d’augmenter radicalement l’efficacité des opérations de secours.
De plus, aux quatre coins de la planète, des femmes sont à l’avant-garde de stratégies
permettant de faire face aux changements climatiques, souvent à l’échelle communautaire et
locale. Nombreuses sont les femmes, et particulièrement les femmes autochtones, qui vivent
en lien étroit avec leur environnement, en ont une connaissance approfondie et jouent un rôle
de premier plan dans sa défense, sa préservation et sa protection. Leurs savoirs traditionnels,
de même que les expériences et compétences développées dans l’exercice de leurs divers rôles
en font des actrices de changement et de mobilisation communautaire incontournables pour
aborder les changements climatiques. Plusieurs approches dites novatrices, telles que
l’agroécologie, l’agroforesterie, l’agrobiodiversité puisent dans cet extraordinaire bagage.
Wangari Muta Maathai et le Mouvement de la ceinture verte
En 2004, Wangari Maathai est devenue la première Africaine à recevoir le Prix Nobel. Cette
reconnaissance visait à saluer un activisme écologiste, social et politique caractérisé par une
approche de développement durable, holistique et inclusive. Le Mouvement de la ceinture
verte, qu’elle a initié au Kenya, se base principalement sur la plantation d’arbres et leur gestion
par la communauté, en réponse aux besoins alimentaires et énergétiques des femmes et de
leur famille. À ce jour, plus de 51 millions d’arbres ont été plantés. Cette pépinière
communautaire renforce la résilience des communautés rurales face aux changements
climatiques en plus de promouvoir la conservation des forêts et le reboisement. Les méthodes
utilisées ont été reprises dans de nombreux pays grâce au développement d’un vaste réseau
d’alliances locales, nationales et internationales.
III Intégrer ÉFH et changements climatiques en coopération internationale
Plusieurs initiatives de niveau communautaire et local avec lesquelles travaillent les OCI
québécois et canadiens illustrent comment les femmes sont appelées à jouer un rôle crucial
dans le développement et la mise en oeuvre de stratégies de prévention, d’atténuation et
d’adaptation aux changements climatiques.
Atténuation et l’adaptation
Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) définit les mesures
d’atténuation comme des interventions destinées à réduire les émissions de gaz à effet de
serre ou à en augmenter le stockage dans des réservoirs non atmosphériques. La protection
de la forêt, la gestion écoresponsable de l’énergie ainsi que le développement de nouvelles
sources d’énergie vertes en sont des exemples.
Quant à l’adaptation, il s’agit d’un ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse
à des stimuli climatiques présents ou futurs ou à leurs effets, afin d’en atténuer les effets
néfastes ou d’exploiter des opportunités bénéfiques.
En somme, les mesures d’atténuation sont un moyen de s’attaquer aux changements
climatiques (concentrations de gaz à effets de serre) et les mesures d’adaptation représentent
un moyen d’y réagir.
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