Climatosceptiques et anti-OGM : un même combat contre la science ? (Pas exactement.) L’imminence de la COP21 fait sortir du bois ceux qu’on nomme maintenant les « climatosceptiques ». Venus de divers horizons, académiques, médiatiques ou politiques, ils ont pour point commun de douter de ce qu’on présente comme le consensus d’experts sur le changement climatique : hausse tendancielle de la température du globe depuis au moins un siècle, changement de régime des principales variables décrivant le climat (ce qui inclut une augmentation de la probabilité d’éléments extrêmes), scénarios prévisionnels de la montée à venir sur 50 et 100 ans, et rôle causal majeure des activités humaines (en particulier, industrie et déforestation) sur cette modification du climat, via en particulier l’émission de gaz à effet de serre. Le consortium d’experts en toutes disciplines relatives à la climatologie qu’est le GIEC représente institutionnellement la source des thèses qu’ils contestent, et par voie de conséquence, leur cible favorite. Les arguments du climatosceptique vont des constats de bon sens (« c’est l’hiver, il fait très froid, il pleut, il n’y a donc pas de réchauffement ») aux accusations plus ou moins grossières de manipulation (mes climatologues gonfleraient leurs estimations pour recevoir de nouvelles subventions, ils s’entendent pour passer sous silence les données qui les gênent, comme l’a montré le scandale des emails d’East Anglia), en passant par une évaluation alternative du poids de certaines variables causales (par exemple, l’effet des perturbations solaires sur le climat terrestre). Le discours climatosceptique pose des problèmes scientifiques (il faut bien leur répondre) comme sociologiques (d’où parlent-ils ? pourquoi sont ils audibles ?) ; il soulève toutefois une question philosophique qu’on pourrait résumer par le terme de « méfiance envers la science ». C’est un aspect qui a déjà fait dans le monde anglo-saxon l’objet d’études psychologiques – sous le nom de science-denial 1. Le climatosceptique remet en cause ce qui fait consensus pour un millier de scientifiques travaillant sur le climat : il met donc en doute, au fond, que cette grosse machine qu’est la science contemporaine soit susceptible de produire des énoncés vrais. Reste que la méfiance envers la science est très largement diffusée au sein des populations occidentales. Elle concerne bien évidemment la médecine et l’agroalimentaire, les technologies (les controverses sur les portables et les ondes), la science économique (dont on moque les prédictions toujours 1 Par exemple: Lewandowsky S, Oberauer K, Gignac GE (2013) « NASA faked the moon landing—therefore (climate) science is a hoax: An anatomy of the motivated rejection of science ». Psychological Science 24: 622–633. invalidées), ou encore l’histoire (si on admet qu’elle est une science) que défient les négationnistes de toutes obédiences. On pourrait sans risque parier que l’importance d’un tel sentiment anti-science enfle proportionnellement à la place démesurée qu’ont prises les sciences et les techniques dans nos vies. (Pour mesurer cette importance, représentez-vous par exemple toute la concentration d’activités scientifiques logée dans le simple acte de regarder les prévisions météo du week-end sur son iPhone...) Les auteurs qui étudient la méfiance envers la science ont donc tendance à mettre les climatosceptiques dans le même sac que les partisans des médecines alternatives – ce qui inclut les ennemis de la vaccination -, les créationnistes ou les anti-OGM. Un site web au demeurant fort bien fait consacré à fournir des bréviaires à tous ceux qui se demandent quoi répondre à de tels discours, www.rationalwiki.org, résume ainsi les grandes tendances de l’ ‘anti-science’ : « Les cibles les plus communes de l’antiscience sont la biologie de l’évolution, le réchauffement climatique, les OGM et diverses formes de médecine, même si d’autres sciences en conflit avec l’idéologie anti-science sont parfois prises pour cibles. Tandis qu’on associe l’anti-science souvent à des positions politiques conservatrices, le refus de la vaccination, les médecines alternatives (particulièrement médecine par les plantes ou la médecine asiatique), le mouvement de l’alimentation biologique tout entier, la phobie de la chimie et l’opposition à une multitude de recherches génétiques est souvent associées à la gauche. » De fait, ces attitudes sont souvent corrélées entre elles : aux USA, les créationnistes sont très probablement climatosceptiques et réciproquement ; les anti-vaccins ne croient pas au changement climatique etc. Ce sont là certes des corrélations sociologiques, mais on peut toutefois hésiter à mettre dans le même panier « l’agriculture biologique », les anti-OGM, et les climatosceptiques. Au demeurant tout semble distinguer un faucheur d’OGM, fan de José Bové, d’un sectateur de Claude Allègre qui rit des prophéties climatocatastrophistes. Politiquement, le premier est généralement de gauche (en France) ou démocrate (aux USA), le second républicain (en France) ou Républicain (aux USA). Corrélativement, là où le premier pense décroissance, anti productivisme, écologie politique, le second jure par l’industrie et la technique. Le premier semble pessimiste pour l’avenir de la planète, le second, au contraire, renoue avec l’optimisme des premiers temps du libéralisme: la technologie, dont nous savourons indéniablement les bienfaits dans tous les domaines (santé, longévité, natalité, pouvoir d’achat, transports, information, etc.) trouvera sûrement des voies pour surmonter les petits problèmes actuels d’émission gazeuses, et le système économique capitaliste qui la promeut finira bien par distribuer à tous les surplus de richesse qu’il génère. Si du moins des rousseauistes barbus ne viennent pas trop souvent contrecarrer son allure… Ainsi, le climatosceptique estime que le principe de précaution ne devrait pas brider l’innovation et l’industrie, au risque d’empêcher le développement économique par un veto mis sur l’extraction d’énergies fossiles. L’anti-OGM, au contraire, estime qu’il faut y souscrire très largement, et, à ce titre stopper ou ralentir la production d’OGM (il ne se contente pas des directives relativement prudentes de l’UE, qui contrastent avec la totale liberté de Monsanter en paix qu’on trouve aux USA). Toutefois, l’un et l’autre partagent une même méfiance vis à vis des consensus d’experts comme de l’expertise scientifique elle-même : c’est là ce qui permettrait de les ranger dans la même large catégorie de « méfiance envers la science ». Développons ce parallèle. Il y a un accord de la plupart des scientifiques sur le fait du changement climatique et sur son caractère massivement anthropogénique. Bien entendu, différents scénarios prévisionnels existent, dont la fiabilité dépend des assertion qui les sous-tendent, et que les scientifiques discutent précisément entre eux. L’extrême diversité des questions de recherche qu’embrasse le chapeau « changement climatique » laisse évidemment place à de nombreuses controverses sur la validité de tel ou tel modèle de l‘évolution des températures du globe depuis le Cénozoïque, ou bien sur la fonction mathématique représentant au mieux la fonte annuelle de la banquise, et ainsi de suite. Toutefois, que l’activité humaine depuis la révolution industrielle soit causalement impliquée dans un changement général du régime du climat, lequel inclut hausse de la température globale, augmentation de la variance des températures, augmentation de la probabilité de températures et de précipitations extrêmes, etc., cela est l’objet d’un consensus qui va bien au-delà du GIEC. Comme le conclut une étude évaluant 11944 articles sur le climat entre 1991 et 2011, « le nombre d’articles qui rejettent le consensus sur le réchauffement climatique anthropogène est, en proportion de la recherche publiée, petit jusqu’à disparaître (vanishingly small)2”. Un parallèle avec la biologie évolutive est ici éclairant: si les biologistes de l’évolution discutent sans relâche depuis des décennies de la pertinence du modèle darwinien d’évolution, du rôle respectif de certains processus évolutifs, de la forme générale de l’évolution, reste que tous admettent ceci : les espèces actuelles descendent toutes d’espèces anciennes qui remontent ultimement à une origine unique, et la section naturelle a été l’une des causes majeures de cette évolution. Parallèlement, le fait du changement climatique et le rôle du facteur humain ne font pas question pour les scientifiques, mais il s’agit pour eux de comprendre l’allure du 2 Cook et al (2013) « Quantifying the consensus on anthropogenic global warming in the scientific littérature ». Environ. Res. Lett. 8 (2013) 024024 (7pp) changement climatique et de préciser les mécanismes par lesquels les facteurs humains et non-humains ont eu un impact sur lui – sur ces deux points, il y a évidemment controverses, la controverse étant la signature de la recherche vivante. Ici, on a néanmoins cette considération supplémentaire qu’ignorent les biologistes évolutionnaires : il s’agit avant tout de donner des indications pour aider les décideurs, et les humains en général, à éviter une catastrophe attendue… « Ce n’est qu’une théorie », disent les détracteurs du changement climatique comme les créationnistes, en parlant de la science qu’ils contestent ; ils croient opposer théorie et fait, alors que, justement, dans les deux, cas, il s’agit de la meilleure théorie que nous ayons pour expliquer certains faits (changement climatique d’un côté, diversité et adaptation des organismes de l’autre). L’anti OGM, lui, oppose rarement théories et faits ; mais il s’inscrit aussi contre un consensus d’expert, si l’on considère les risques des OGM sur la santé humaine. Aucun cas de maladies ou décès imputables aux OGM sur 15 ans n’a été enregostré, alors qu’ils sont consommés aux USA par des million de gens3. Aucune des recherches conduites sur les OGM depuis 20 ans n’a démontré d’effet pathologique des aliments génétiquement modifiés sur la santé humaine, dit un rapport de l’Association Américaine de Médecine4. L’Union Européenne conclut pour sa part en 2010, par la voix de son Directorate-General for Research and Innovation. Biotechnologies, Agriculture, Food. European Union, que 500 études menées par des groupes de chercheurs indépendants n’ont pas trouvé de risque supplémentaire propre aux OGM par rapport aux aliments traditionnels. Ici, l’anti-OGM pourrait arrêter la lecture pour s’exclamer : mais toutes ces soi-disant expertises sont biaisées ! les chercheurs ne sont pas du tout indépendants des fabricants d’OGM, comme le soulignait Séralini lors de la controverse que son travail suscita ! Et puis on connaît bien les liens reliant les associations médicales professionnelles aux groupes pharmaceutiques ou agroalimentaires, qui au mieux confinent au conflit d’intérêt (et au pire, s’avèrent de la pure corruption)… « Et d’abord, quelle était la méthodologie de ces études ? Etait elle incontestable ? » J’aurais tendance à le suivre.. Sauf qu’à bien y regarder, le climatosceptique avance exactement les mêmes arguments : les expertises sont biaisées, les experts du GIEC s’entendent entre eux pour maquiller des données ou les traiter par la prétérition (donc, déni du postulat d’indépendance des groupes de recherche), etc. 3 Key S, Ma JK, Drake PM (2008). "Genetically modified plants and human health". J R Soc Med 101 (6): 290–8 4 American Medical Association (2012). Report 2 of the Council on Science and Public Health: Labeling of Bioengineered Food Et là où notre militant écologiste poursuivrait en mettant en doute la méthodologie des recherches sur les OGM, le climatosceptique pourrait renvoyer lui aussi aux innombrables sites qui contestent les détails des calculs par lesquels nous retraçons les courbes de température du globe depuis 100000 ans… Tous deux récusent donc l’autorité des experts – à tort ou à raison. Et tous deux auraient tort : pour contester une expertise scientifique, il faut être soi même un expert, afin de comprendre la méthode et le bienfondé des conclusions. C’est le principe même de l’évaluation par les pairs, qui conduit à acceptation ou (généralement) rejet de la publication d’un article dans une revue scientifique: seuls des pratiquants de la même discipline peuvent évaluer un travail de recherche. Dire a priori qu’il est mal fait alors qu’on y connaît rien, c’est donc précisément mettre en doute l’idée même de l’expertise, à savoir qu’il existe une compétence spécifique pour aborder de manière scientifique un morceau de la réalité, en construisant des modèles adéquats, en sachant recueillir les donnés pour valider et calibrer ce modèles, et ultimement, en sachant reconnaître la portée et les limites des modèles en question. Autrement dit, dénoncer a priori la méthodologie utilisée dans des études qui convergent sur un consensus d’experts, au motif que ces experts sont accusés d‘être a priori biaisés, c’est commettre le sophisme consistant à inverser le principe et la conséquence : si un autre expert peut démontrer que les expertises en question sont méthodologiquement invalides ou du moins très contestables, alors le fait du consensus va apparaître suspect, et on pourra ensuite se tourner vers une sociologie démystificatrice pour comprendre pourquoi ces chercheurs se sont ainsi comportés. Mais à l’inverse on peut difficilement alléguer le soupçon d’un biais quelconque5 (au motif que nous parait suspect l’avis en question – innocuité des OGM, réchauffement climatique anthropogène…) pour ensuite accuser la méthodologie… Procéder ainsi, c’est très exactement contester le respect de l’expertise scientifique – un des piliers du travail scientifique et de l’ethos de la recherche - et donc faire preuve d’anti-science. Mais faut-il alors mettre le climatosceptique et l’anti-OGM dans le même camp de l’antiscience ? Ce serait une mauvaise nouvelle pour tous ceux qui abhorrent autant les climatosceptiques que Monsanto – et donc, pour une bonne partie des sympathisants de l’écologie politique… 5 Je précise « le soupçon » parce qu’un biais tel qu’un conflit d’intérêt, une fois prouvé, décrédibilise l’étude considérée, laquelle au regard des principes des revues scientifiques ne devrait même pas avoir été publiée. Si l’on regarde les choses en détail, pourtant, ce sentiment va (heureusement) s’estomper. Le consensus d’experts sur le réchauffement climatique est, dit-on, robuste ; cela signifie qu’il y a plusieurs manières de le tester. L’une d’elles est très instructive. Dans une étude récente6, Verheggen et ses collègues ont étudié la distribution des opinions sur le réchauffement climatique, en fonction, en gros, de la force de l’expertise des experts. Cette intensité se mesure par le nombre d’articles que l’on a soi-même publiés sur le changement climatique ; il s’agit donc de se demander dans quelle mesure, plus on publie sur ce thème, plus on soutient une certaine opinion. La conclusion ? La confiance dans l’idée que le climat se réchauffe en conséquence de l’activité humaine augmente proportionnellement au nombre d’articles publiés sur la question. En gros, plus on sait (le nombre de publications est un indicateur raisonnable de cela), plus on confirme la thèse du changement climatique (voir figure). Cette étude met en relief un second aspect très important de l’éthos de la recherche : l’expert n’est expert que sur une toute petite zone de la réalité ; pour le reste, il est comme à peu près tout le monde. Aussi dès qu’il y a consensus d’experts peut-on toujours tenter une mesure plus fine de ce consensus en regardant le détail de sa distribution. Le climatosceptique peut donc jouer certains experts contre le consensus du GIEC ; l’ennui, c’est que ce ne sont pas des meilleurs experts du climat. On retrouve là un aspect essentiel de l’antiscience, patent pour tout ce qui touche à l’évolution (ou aux théories du complot) : jouer « ses » 6 Verheggen et al. (2014) « Scientists’ Views about Attribution of Global Warming. » Environ. Sci. Technol. 2014, 48: 8963−8971 experts contre les experts. C’est ainsi que la plupart des scientifiques soutenant le créationnisme ou l’intelligent design sont souvent des chimistes, rarement des biologistes, et jamais des biologistes évolutionnaires (ce sont des généticiens ou des biologistes moléculaires, qui n’ont pas de raison d’être aussi des spécialistes de la sélection naturelle ou de la systématique). La manoeuvre est souvent payante, car l’opinion commune en général se soucie peu de ces nuances : Claude Allègre, géologue, sera spontanément mis sur le même pied qu’un paléoclimatologue du GIEC, alors que seul le second est un expert du climat… De fait, géologues et météorologues fournissent le plus gros contingent de climatosceptiques parmi les scientifiques, alors que ces disciplines ne concernent pas directement le climat, son estimation, ses projections, ses causes (la météorologie se joue sur une échelle de temps beaucoup plus courte, et l’échelle est toujours un paramètre scientifique fondamental : comment pourrait-on extrapoler de la vie d’une fourmi à l’histoire de la vie sur Terre ?). Qu’en est-il alors du militant anti-OGM ? Doit-il lui aussi jouer la carte de pseudo-experts pour contester un vrai consensus scientifique ? Il nous faut ici préciser la question, car les risques potentiels des OGM sont multiples et ne relèvent pas tous du même champ d’expertise. Il y a certes les risques à long terme sur la santé humaine, via ingestion d’aliments OGM, ou bien usage d’OGM pour nourrir les animaux d’élevage. Mais il existe aussi des risques essentiels pour les écosystèmes. Les plants OGM, de fait, peuvent constituer une menace pour la biodiversité : l’existence généralisée de flux de gènes entre les diverses cultures, les qualités de résistance des OGM, et le statut économique des semences OGM (brevetées, donc dont l’usage même involontaire, dans un plant quelconque implique de payer son achat et ainsi de les utiliser massivement), impliquent pris tous ensemble la possibilité d’une réduction massive de la biodiversité, au contraire de ce que l’agriculture traditionnelle savait éviter par les diverses pratiques de croisement, alternance, jachère, etc. Ce risque a été bien montré par évolutionnistes et les écologues, et présenté en France avec force aux pouvoirs publics comme à l’opinion par des biologistes comme Pierre Henri Gouyon, du Muséum d’Histoire Naturelle. La compétence pour modéliser et analyser un tel risque ne relève en effet pas de la médecine, de la génétique ou bien de la biologie moléculaire, qui sont les disciplines concernées par l’évaluation du risque alimentaire. Comme l’historien des sciences Christophe Bonneuil l’a montré7, il existe même en France entre ces deux pans disciplinaires de la biologie une fracture quant à l’opinion sur les OGM : là où l’écologie et la 7 Bonneuil C. (2006) « Cultures épistémiques et engagement des chercheurs dans la controverse OGM ». Natures Sciences Sociétés, 14, 3 : 257-268. biologie évolutive freinent des quatre fers, pour ces considérations relatives à la biodiversité, les biologistes moléculaires ont tendance à encourager les OGM. Cette fracture est d’ailleurs visible à l’échelle internationale: les 255 pages d’un des rapports majeurs sur l’évaluation des risques des OGM, parrainé par le Institute of Medicine and the National research Council of the National Academies des USA en 2004 et intitulé Safety of Genetically Engineered Foods:Approaches to Assessing Unintended Health Effects ne contiennent aucune mention des mots “écologie”, “biodiversité” – contre une cinquantaine d’occurrence de “molecular” ! Qu’est-ce à dire ? L’opposant des OGM, en fait, dès qu’il insiste sur le problème écologique posé par les OGM, ne s’inscrit pas dans une logique de déni de l’expertise scientifique comme telle : au contraire, il peut s’appuyer, précisément, sur une autre expertise scientifique que celle qui est vendue comme dominante sur ce sujet précis par la plupart des instances publiques (en particulier aux USA). Par ailleurs, le problème écologique peut évidemment devenir un problème de santé publique, puisqu’une perte massive de biodiversité expose immédiatement aux risques accrus de famine (il est plus probable de perdre toutes ses sources de nourriture si on cultive très peu de variétés que beaucoup d’entre elles)8. Et, par voie de conséquence, on mesure combien les défenseurs des OGM ont intérêt à porter le débat sur le thème des risques médicaux : ils pourront ainsi plus facilement faire passer leurs adversaires pour des adversaires de la raison scientifique, et les mettre dans le même sac que les conspirationnistes, les créationnistes ou les… climatosceptiques. Au contraire, qui souhaite questionner l’usage des OGM doit mener la controverse sur le terrain écologique… Quitte à ensuite se lancer dans l’analyse sociologique, en questionnant les corrélations possibles entre provenance des fonds de recherche et avis sur les OGM... Pour conclure, la défiance envers les experts, si elle peut difficilement être justifiée, n’est pas tout d’un bloc. Il y a une différence de nature entre 1. contester par principe l’expert, parce qu’il représente des intérêts capitalistes (comme disent certains anti-vaccination), ou bien une frange d’intellectuels gauchistes coalisés (comme disent les républicains), ou enfin la croyance aveugle en une rationalité occidentale au fondement suspect (comme diraient des partisans de la médecine védantique) – et 2. contester ce que dit un expert du champ A au sujet du champ A’, inclus dans le champ A, en s’appuyant soi-même sur des experts du champ B, incluant lui aussi le champ A’… Il y a, entre ces attitudes – soit entre l’anti-OGM écologiste et le 8 C’est pourquoi j’ai trouvé très contestable l’absence totale de considérations écologiques dans le rapport que je viens de citer sur les risques pour la santé. climatosceptique – toute la distance entre une hostilité de principe envers la science et un questionnement critique sur les usages de science et de la technologie.