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Intoxication par le Datura
(CHDECQ EJEMEL)
N. Rhalem, A. Khattabi, R. Soulaymani
1. Cas clinique :
Un garçon de 5 ans, originaire de la région de Rabat, ingère une plante de façon accidentelle,
alors qu’il jouait à l’extérieur de la maison. Deux heures plutard, il présente des troubles du
comportement, des hallucinations visuelles, des convulsions et son visage devient vultueux.
L’examen à l’hôpital note la présence d’une tachycardie, d’une fièvre à 40°C et d’une
mydriase. Une heure après, l’enfant sombre dans un coma profond.
Le médecin de garde contacte le Centre Anti Poison du Maroc pour connaître la conduite à
tenir et envoie par ailleurs des parties de la plante (feuilles, fruits et graines) pour
identification.
2. Usage traditionnel au Maroc :
Il s’agit du Datura stramonium L. qui se rencontre dans toutes les régions chaudes et
tempérées. Vu son caractère ornemental, il est souvent retrouvé dans les jardins des maisons
et les lieux publics.
Le datura est employé par la population comme antispasmodique, dans certaines affections
comme l'asthme, l'insomnie, la toux et à des fins toxicomanogènes pour ses effets
hallucinogènes. Il peut être à l'origine d'intoxications accidentelles chez l'enfant.
3. Description :
C'est une plante annuelle de 30 cm à 2 m de haut, appartenant à la famille des solanacées.
Elle a de grandes feuilles pouvant atteindre 20 cm, ovales. Les fleurs sont le plus souvent
blanches de 10 à 12 cm de long, se terminant en entonnoir. Ses fruits sont en forme de capsule
portant des graines très dangereuses à surface hérissée de 3 à 4 mm.
Noms vernaculaires :
C’est le datura stramoine ou stramoine officinal (Datura stramonium L.). Il est appelé aussi
stramoine, pomme-épineuse, herbes-aux-taupes, chasse-taupe, herbe du diable, endormeuse,
Jimson weed, pomme poison, trompette des anges ou trompette de la mort. Connu au Maroc
sous ses noms arabes : chedcq -e- jemel, Alghita, et amazigh : taburziguen’t.
4. Principes actifs :
Nature :
On retrouve principalement trois alcaloïdes, esters de l’acide troponique et du tropanol ou du
scopanol : l’hyoscyamine, qui prédomine dans le végétal frais ; l’atropine qui prédomine dans
le végétal sec et le fruit mur, et la scopolamine.
La plante contient entre 0,2 à 0,6% d’alcaloïdes, le groupe hyoscyamine/atropine en
représente 65 à 70 % et la scopolamine 30 à 35%.
Distribution :
Les alcaloïdes sont retrouvés dans toute la plante, avec en particulier :
- Feuilles : 0,3 à 0,5%
- Tiges : 0,5 à 0,6%
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- Graines : 0,3%
Au niveau de la fleur, le calice contiendrait 0,3% d’alcaloïdes, et la carolle 0,02%.
5. Symptomatologie :
L'intoxication par le datura reproduit le tableau des anticholinergiques associant des signes
neuropsychiatriques et des signes périphériques.
Les formes modérées associent :
Des signes neuropsychiatriques : à type de sorientation, incohérence, delirium,
hallucinations, agitation, comportement brusque, paranoïa et anxiété, perte de
mémoire, des dystonies et somnolence.
Des signes périphériques faits de mydriase et de troubles de l’accommodation,
sécheresse de la peau et des muqueuses, vasodilatation périphérique et hyperthermie
liée à l’arrêt de la transpiration, très rarement une hypothermie.
Une diminution de la motilité gastrique et intestinale avec constipation (iléus
paralytique), atonie et dilation de l’œsophage et rétention urinaire.
Une rhabdomyolyse peut s’installer chez des patients ayant présenté une agitation
prolongée ou coma.
Les formes graves se compliquent de convulsions, hyperthermie maligne pouvant atteindre
41°C, tachycardie sinusale et fibrillation ventriculaire. Très rarement, le pronostic vitale peut
être menacé par des troubles de rythme et arrêt cardiorespiratoire. De fortes doses peuvent
entraîner un coma, une paralysie médullaire et décès.
6. Examens paracliniques:
Le dosage des CPK chez les patients présentant une agitation prolongée ou coma est
recommandé.
L’ECG ou le monitorage continue de la fonction cardiaque s’impose en cas d’intoxication
sévère.
7. Traitement :
Il comporte 2 volets essentiels :
Décontamination gastrique :
Les vomissements provoqués ne sont pas recommandés car il existe un risque potentiel de
survenue de convulsions et de dépression du SNC.
Le lavage gastrique reste un moyen efficace même réalisé tardivement (4h après), du fait
que les atropiniques en général entraînent un ralentissement de la vidange gastrique.
Le charbon activé aux doses usuelles est recommandé chez l’adulte et l’adolescent : 25 à 100
g, chez l’enfant de 1 à 12 ans : 25 à 50 g, chez l’enfant de moins d’1 an : 1g /kg.
Traitement symptomatique :
Mise au calme du sujet;
Diazépam en cas d’agitation, de délire, d’hallucinations et/ou de convulsions : en
IV à la dose de 5 à 10 mg chez l’adulte à répéter toutes les 10 à 15 min si
nécessaire, chez l’enfant : 0.2 à 0.5mg /kg à répéter toutes les 5 min si nécessaire
sans dépasser 2 à 6 mg/j. Les phénothiazines, du fait de leur action
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anticholinergiques, sont à proscrire car elles peuvent potentialiser l'effet toxique du
datura.
Sondage vésical pour lutter contre la rétention urinaire.
Moyens physiques (glaçage, bain tiède…) contre l'hyperthermie.
Monitorage cardiaque afin de permettre un meilleur contrôle du malade.
Intubation et ventilation assistée en cas de coma.
Traitement spécifique:
Peu de plantes possèdent des antidotes en cas d'intoxication.
La physostigmine est un dicament ayant une action anticholinestérasique versible. Cette
action va augmenter les taux d'acétylcholines qui vont antagoniser les effets
anticholinergiques. Toutefois, cet antidote a une action éphémère qui pousse à la répétition
des doses et aux risques de convulsions. Il est de ce fait réservé aux formes graves.
Dose initiale : chez l’adulte : 1 à 2 mg IV en 2 min, peut être répétée une fois si nécessaire.
Si les antidépresseurs tricycliques sont associés à la physostigmine, il y a un risque de
convulsions et de troubles de rythme.
8. Pronostic:
L'évolution est souvent favorable si la prise en charge est correcte. Le décès est lié plus
fréquemment à la défaillance cardiaque et à l'hyperthermie majeure.
Références :
1. Hinderling P., Gundert-Remy U., & Schmidlin O. Integrated pharmacokinetics and
pharmacodynamics of atropine in healthy humans I: pharmacokinetics. J. Pharm Sci
1985; 74:703-710.
2. Bismuth C., Baud F., Censo F., Fréjaville J.P., Garnier R. Peroxyde d’hydrogène.
Toxicologie clinique, 5ème édition. Médecine-scicences Flammarion. Paris, 2000,
Pp : 199-200
3. Thomson Micomedex. HealthCare series. Toxicology Information Poisoindex:
Anticholinergic poisoning, http:// www.thomsonhc.com. . (24 /04/ 2008)
4. Bellakhder J. La pharmacopée marocaine traditionnelle, Médecine arabe ancienne et
savoirs populaires. Rabat. Ibis Press, 1997.Pp : 494-496.
5. http://www.biam2.org. Diazépam. Dernière consultation le 24 avril 2008
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