21 et 26 janvier

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LIN3710 : Théorie syntaxique
Sv
Brandon J. Fry
21 et 26 janvier 2016
1 Ordre de mots
— Si nous considérons seulement le sujet (S), l’objet direct (O) et le verbe (V), la Fusion permet,
en principe, deux dérivations possibles.
(1)
(2)
S V O
S V O
— Nous avons raison de croire que l’objet et le verbe sont fusionnés avant l’introduction du
sujet. Voici la distribution des ordres de mots possibles dans les langues du monde.
— 45% : SOV (le japonais)
— 42% : SVO (l’anglais, le français)
— 9% : VSO (l’irlandais, l’arabe 1 )
— 3% : VOS (le malgache)
— 1% : OVS (le hixkaryana)
— 0% : OSV (le warao)
— La dérivation en (2) permet un ordre de mots qui n’est pas attesté dans les langues du monde.
Ceci nous mène à croire que cette dérivation n’est pas possible. Dans toutes les langues du
monde, le verbe fusionne d’abord avec l’objet, ensuite avec le sujet (voir (1)). Autrement dit,
le verbe et son objet forment un syntagme qui exclut le sujet, mais le sujet et le verbe ne
forme jamais de syntagme qui exclut l’objet.
— Il y a des indications que le sujet ne fait même pas partie du SV (syntagme verbal) mais est
plutôt introduit dans un syntagme supérieur, le Sv (petit v), comme en (3).
(3)
S
v V O
2 Expressions idiomatiques
— Les expressions idiomatiques sont des locutions qui ont un sens non compositionnel (c.-à-d.
qui n’est pas constitué de la combinaison des sens de chacune de ses parties).
— avoir mal aux cheveux
— mettre sa main au feu
— faire la grasse matinée
— Ces expressions correspondent soit à des phrases entières, soit à des syntagmes de la forme
V OD (OI) (adjoint). Elles n’incluent presque jamais le verbe et le sujet à l’exclusion de
1. L’ordre des mots en arabe varie selon les dialectes.
1
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l’objet. 2
— Selon certains chercheurs, ce fait suggère que le sujet n’est pas introduit dans le même
syntagme que le verbe et l’objet, mais dans un syntagme indépendant.
3 Verbes complexes
3.1 Le japonais
— Dans des langues du monde, des verbes sont évidemment composés. À titre d’exemple, considérons les verbes suivants du japonais.
(4)
aku
(5)
akeru
‘s’ouvrir’ (La porte s’est ouverte.)
‘ouvrir’ (Jean a ouvert la porte.)
(6)
naru
(7)
narasu
‘sonner’ (Le téléphone sonne.)
‘(faire) sonner’ (Il a sonné l’alarme.)
— Il existe une dichotomie thématique importante ici : les verbes en (5) et (7) sont plus complexes (les morphèmes sont en caractères gras). Ces deux verbes sont aussi plus riches depuis
une perspective thématique : ils incluent des agents.
— Les verbes en (4) et (6) sont moins riches depuis les perspectives morphologiques et thématiques : ils n’incluent pas d’agents.
— Cela suggère que les morphèmes -er- et -as- (en caractères gras) sont responsables de l’introduction de l’agent. En termes syntaxiques, ces morphèmes correspondent à la catégorie
v.
3.2 Le basque
— En basque, certains verbes sont composés de deux morphèmes libres. Voici quelques exemples
en (8) et (9).
(8)
lan
egin
(9)
negar egin
travail faire
cri
faire
‘travailler’
‘crier’
— Dans ces exemples, les deux morphèmes forment un seul verbe ; les éléments ne peuvent
pas s’employer individuellement dans la langue. Des chercheurs suggèrent que le deuxième
élément egin correspond à la catégorie v.
3.3 Le chichewa
— En chichewa, certains verbes sont composés de plusieurs éléments, dont l’un est un morphème
causatif, comme -its-.
(10)
Mtsikana ana-chit-its-a
kuti mtsuku u-gw-e
fille
agr-faire-cause-asp ce pot
agr-tomber-asp
‘La fille a fait tomber ce pot.’
(11)
Mtsikana anau-gw-its-a
kuti mtsuku
fille
agr-tomber-cause-asp ce pot
‘La fille a fait tomber ce pot.’
— Ce morphème correspond à la catégorie v, qui sert à introduire l’agent.
2. Il existe quelques cas.
2
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4 Verbes ditransitifs
— Les arguments internes d’un verbe ditransitif doivent respecter certaines conditions structurales. Ainsi, dans la construction suivante, seul le deuxième argument interne peut être
anaphorique.
(12)
Johni showed Henryj himselfj in the mirror.
(13) *Johni showed himselfj Henryj in the mirror.
— Nous savons qu’une anaphore doit être lié dans son domaine de liage. Autrement dit, le
premier argument interne doit c-commander le deuxième argument interne. Nous proposons
alors la structure suivante pour les verbes ditransitifs.
(14)
John
V+v
showed
Henry
showed
himself
5 Sémantique de v
— Le rôle de v depuis une perspective sémantique est d’introduire l’agent.
(15)
Gilles voit Matilde.
— Voici un arbre sémantique qui correspond à cette phrase.
(16)
voir(e) & Thème(e,Matilde) & Agent(e,Gilles)
Gilles
voir(e) & Thème(e,Matilde) & Agent(e,x)
v
Agent(e,x)
voir(e) & Thème(e,Matilde)
voit
voir(e) & Thème(e,y)
Matilde
— Dans cette phrase, le verbe voir désigne l’ensemble des évènements (e) de vision où il y a un
thème.
— La Fusion de l’objet Matilde avec le verbe désigne le sous-ensemble des évènements de vision
où Matilde est le thème.
— La Fusion de v introduit un agent dans la structure.
— La Fusion de Gilles désigne le sous-ensemble des évènements de vision où Matilde est le
thème et Gilles est l’agent.
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