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Document 2 Un vision conflictuelles de l’histoire sociale et politique (« la lutte des classes ») et l’accent mis sur les relations entre protagonistes
(« les rapports de classes ») sont à la base de l’analyse. […]
L’origine de la division sociale se situe dans la sphère de la production, plus précisément dans « les rapports sociaux de production ». Marx
désigne par cette expression les modalités selon lesquelles les hommes entrent en relation pour produire, échanger et répartir les richesses : possession ou
non-possession des moyens de production et d’échange […] Hormis certaines sociétés primitives, la division du travail a toujours existé et, surtout, ses
formes constituées sont basées sur l’exploitation et la domination : loin qu’elle soit limitée à une répartition technique des tâches dans le cadre d’une
coopération fructueuse pour tous, elle est organisée de façon inégalitaire aussi bien dans l’acte de production lui-même que dans la répartition des richesses.
Les inégalités ne résultent pas de la différence des talents individuels mais de rapports de force sociaux. Les rapports « de domination et de servitude » se
transforment tout au long de l’histoire. A chaque mode de production correspond une « forme économique spécifique par laquelle du surtravail non payé est
extorqué aux producteurs immédiats », forme qui génère une certaine configuration des rapports sociaux […]
Dans le mode de production capitaliste, « il y a séparation radicale du producteur immédiat (c’est-à-dire du travailleur) d’avec les moyens de
production ». Dans le même temps sont affirmées la logique du marché et la liberté de la force de travail. Aussi le « rapport officiel entre le capitaliste et le
salarié », objectivé par le contrat de travail a-t-il « un caractère purement mercantile » : sous une apparence de réciprocité (liberté de l’employeur, liberté du
travailleur, accord sur le contrat), il y a la réalité d’une relation foncièrement inégale : le prolétaire n’a pas d’autre solution que de vendre sa force de travail,
en renonçant à tout titre de propriété sur son propre produit. Alors que dans d’autres modes de production, l’appropriation de son travail est transparente,
inscrite dans un système de domination légale (par ex. la corvée dans le système seigneurial), elle prend une forme voilée dans le rapport social capitaliste :
liberté formelle du travailleur, invisibilité du travail impayé (différence entre la valeur du travail fourni et le salaire octroyé).
Sur la base de ces rapports de production se constituent les deux groupes fondamentaux de la société capitaliste. Les travailleurs salariés
[prolétaires] et les propriétaires/entrepreneurs du capital [bourgeois ou capitalistes]. Cependant, la société industrielle naissante est encore largement
tributaire du passé : artisans et petits commerçants, paysans et propriétaire fonciers sont les représentants de rapports de production précapitalistes. Même
en Angleterre, pays pionnier du capitalisme industriel, « la division en classes n’apparaît pas sous une forme pure », « les stades intermédiaires et transitoires
estompent les démarcations précises ». Malgré tout, ces rapports précapitalistes sont progressivement pénétrés par des logiques propres au système
capitaliste, à mesure que celui-ci se développe. Ainsi en est-il de l’agriculture et des paysans. Ceux-ci ne sont plus soumis aux charges seigneuriales et aux
impôts spéciaux de l’Ancien Régime. Ils n’ont pas obtenu leur indépendance pour autant. Subissant les lois du marché (non-maîtrise des circuits de
commercialisation), ils sont, en outre, dépendants de la bourgeoisie propriétaire de nombreuses terres et quand ils accèdent à la propriété, c’est souvent en
s’endettant, à des taux usuraires au bénéfice des notables et des banquiers. […] A long terme, le développement progressif des rapports capitalistes voue ces
groupes au déclin inéluctable. Telle est la « loi de bipolarisation » selon laquelle la structure sociale s’achemine vers une forme simple dans laquelle ne
subsisteraient pratiquement que des représentants du capital et la masse du salariat. Sur ce point, il est évident que Marx n’a pu anticiper le changement
économique et social. S’il a bien pronostiqué le développement du salariat, il n’a pas ou peu prévu sa différenciation spectaculaire ni prévu la résistance des
travailleurs indépendants dans nombre de branches d’activité (agriculture, petit commerce, production artisanale, services…)
« Une situation commune » rapproche les individus qui la partagent, « des intérêts communs » les rassemblent contre leur(s) adversaire(s). Ils ne
forment pas pour autant des classes « réelles ». Cette thématique est développée par Marx dans plusieurs textes célèbres et s’applique aussi bien à la
bourgeoisie, aux ouvriers ou aux paysans. Le passage de la classe virtuelle à la classe réelle est subordonné à deux critères extra-économiques : l’existence
ou la formation d’un lien social, l’auto-organisation politique du groupe. Le passage consacré aux paysans parcellaires dans Le 18 Brumaire de Napoléon
Bonaparte (1852) [comparés à un sac de pommes de terre] dessine en creux les différents paliers de la réalité de classe. Les paysans constituent une classe
[en soi], dans la mesure où « les conditions économiques (…), leur genre de vie, leurs intérêts et leur culture les séparent des autres classes de la société »
(critère de fondement socio-économiques). [Mais] ils n’en constituent pas une par défaut de « rapports variés » entre leurs membres, en l’absence de
« communauté ». Apparaît ici, par la négative, le critère du lien social sur lequel d’ailleurs Marx ne s’arrête pas. Ils ne forment pas non plus une classe [pour
soi] car ils n’ont « aucune liaison nationale », « aucune organisation politique ». […]
Le salariat engendre deux processus contradictoires : la concurrence des ouvriers entre eux (logique de marché) mais aussi la coopération dans
l’acte de production (logique de socialisation). La masse des travailleurs se constitue en classe à travers la lutte économique (« même pensée de résistance
coalition ») puis la lutte politique (entendue comme combat au niveau national avec des objectifs sociétaux). A plusieurs reprises dans l’œuvre de Marx est
évoquée la genèse de la classe ouvrière à travers les tribulations de la lutte sociale et politique. Les défaites comme les victoires cimentent le groupe, lui
donnent conscience de lui-même, l’instituent en agent historique. Il faut ajouter que ces processus de constitution de classes ne sont pas isolés les uns des
autres : l’affirmation et le développement de la bourgeoisie, non seulement comme groupe social mais aussi comme agent prétendant à l’hégémonie,
conditionnent la formation et l’affirmation collective jouant sur plusieurs registres.
Source : Serge Bosc, « Stratification et classes sociales », 7ème édition, Cursus Armand Colin, 2011, p.17-21.
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Document 3 L’approche de Weber ne se réduit pas aux classes sociales, qui ne constituent pour lui que l’un des éléments de la stratification sociale. Sa
classification retient trois sphères d’activité sociale conduisant à l’établissement, chacune, d’une hiérarchie spécifique : la classe correspond à l’ordre économique, le statut à
l’ordre social et le parti à l’ordre politique. La classe est abordée d’un point de vue nominaliste : autrement dit, si elle n’existe pas nécessairement en tant que groupe social
« réel » (l’existence d’une loi historique conduisant à un affrontement inéluctable est ainsi étranger à Weber), le sociologue peut se servir de ce concept pour rendre compte d’une
dimension de la réalité. Les classes rassemblent des individus ayant en commun une situation de classe mesurable par l’accès différenciée à un ensemble de biens et la
possession ou non des moyens de production. […] Le statut social de l’individu peut également être fondé sur le prestige (« honneur social ») attribué à tel ou tel groupe.
Comme le souligne Weber, la considération sociale n’est pas étroitement liée à la position économique : dans certaines sociétés la possession d’un niveau d’instruction élevé
(prêtre, professeur…), d’un honneur, en raison de la naissance (un titre de noblesse), l’exercice d’une profession prestigieuse (savant, artiste…) sont valorisés et peuvent
contribuer à rapprocher des individus et à leur faire prendre conscience de leur appartenance à un même ensemble : une certaine homogamie peut renforcer la cohésion. Au sein
de l’ordre politique, une adhésion à un groupement (le parti) peut permettre à l’individu d’obtenir certaines gratifications matérielles ou symboliques (postes, estime de soi…) et
dans certaines situations, la possibilité d’y faire carrière et d’avoir accès aux ressources publiques (un « contact » au gouvernement, la possibilité de se faire entendre par un
professionnel de la politique). Weber insiste, à la différence de Marx, sur le fait que les différents ordres possèdent leur propre autonomie et, qu’a priori, aucun d’entre eux ne
saurait triompher des autres. Source : Philippe Riutort, Précis de Sociologie, PUF coll. Précis, 2004, p401-402.