1 ÉDUCATION THERAPEUTIQUE :

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ÉDUCATION THERAPEUTIQUE :
CONTRE-PROPOSITIONS AU RAPPORT JACQUAT
Erreur sur le remède, remède à l’erreur
Pour une éducation thérapeutique intégrée dans un programme personnalisé
d’accompagnement et de suivi des patients souffrant d’affections chroniques
Position Paper – Septembre 2010
1
« L’éducation thérapeutique a
le mérite immense de donner
consistance au principe de
solidarité qui unit soignants et
soignés.
Il s’agit pour les patients
d’une avancée considérable.»
Roselyne Bachelot-Narquin
Discours de remise du rapport du CISS
« Mission Éducation thérapeutique du Patient »
2 septembre 2008
2
QUELQUES MOTS DE SYNTHESE …
R
econnue par la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires, l’éducation
thérapeutique doit constituer une priorité de santé publique et
devrait être équitablement accessible à toute personne souffrant d’une
pathologie chronique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, loin s’en
faut. « La plupart des malades chroniques ne bénéficient d’aucun programme
d’éducation thérapeutique », déplore la Société française de santé publique (1),
regrettant que les programmes proposés soient essentiellement hospitaliers
«alors que les patients atteints de pathologies chroniques résident à domicile ».
Faute
de
reconnaître
le
rôle
propre
des
infirmiers
en
matière
d’éducation, la France a pris un retard préoccupant dans l’accessibilité des
programmes d’éducation thérapeutique. Si ce retard ne constitue pas une
fatalité, les recommandations formulées par Denis Jacquat ne permettent
toutefois aucunement de répondre à cette exigence de déploiement rapide et
pérenne. Elles sont totalement irréalistes, comme la FNI le démontre dans ces
quelques pages.
Ainsi, et à en juger aux faits, l’exception française dans le concert international
consisterait-elle à systématiquement renier et sous employer ses propres talents,
pour créer ex nihilo des maisons de santé dont la généralisation chimérique sur le
territoire serait un préalable à l’accès à l’éducation thérapeutique ?
Eu égard à la formation et aux compétences des infirmières, ainsi qu’à leur
proximité et à leur présence quasi quotidienne sur le lieu de vie de leurs patients,
et eu égard à l’impérieux besoin de cohérence entre soins et éducation, entre
soins et suivi personnalisé, l’accompagnement par les infirmiers libéraux
des patients atteints de pathologies chroniques constitue une véritable
opportunité pour la collectivité nationale.
Sur cette évidence et de l’aveu même de Denis Jacquat, auteur du rapport remis
au Premier Ministre et lui-même médecin, « Seule la formation d’infirmier intègre
aujourd’hui l’éducation thérapeutique. La formation conduisant au diplôme d’État
assure à l’infirmier la compétence nécessaire pour concevoir, formaliser et mettre
en
œuvre
une
démarche
d’éducation
thérapeutique. ».
L’éducation
thérapeutique est donc bien une affaire de soignants !
3
Dès lors, pourquoi s’obstiner à cloisonner, à fantasmer sur la montée en
puissance de nouvelles et dispendieuses structures ou à spéculer sur la formation
d’une prochaine génération de médecins à l’éducation thérapeutique ? La FNI,
première organisation représentative des 70.000 infirmiers libéraux, propose, au
contraire, d’apporter de la cohérence au système de santé en reliant l’éducation
avec le suivi personnalisé des patients. Ce faisant, la France pourra enfin
rejoindre les options prises par tous les autres pays du G5 et répondre aux
recommandations de ses propres autorités compétentes de santé publique en
intégrant l’éducation dans la stratégie de traitement et de soins.
Cette
éducation,
qui
sera
sécurisée
avec
l’appui
des
technologies
de
communication aujourd’hui disponibles bien que non encore déployées, s’inscrit
dans la prise en charge au long cours des personnes atteintes de pathologies
chroniques pour leur bien-être, et permettra subsidiairement de maîtriser le
risque inflationniste des dépenses de soins consacrées aux ALD. Dans un
contexte budgétaire délétère et face au déficit abyssal de la sécurité sociale,
notre pays est contraint par l’impérieuse nécessité de contenir la hausse des
dépenses liées au vieillissement de la population sans altérer la qualité des
prestations de santé.
Dans ce contexte, les programmes hautement efficients, qui améliorent à
budgets maîtrisés la qualité des soins, sont les seuls qui doivent
conduire la politique de la santé publique. C’est ce type de programme au
service de la collectivité que propose la FNI, dont la présente note précise la
pertinence et l’urgence de mise en œuvre. Suivi personnalisé et éducation
réduisent les ré hospitalisations, limitent la progression de la maladie et le risque
de complications, et constituent autant de dépenses inutiles évitées.
L’appui avisé sur les infirmiers libéraux permettra de cibler le suivi personnalisé
au bénéfice de près d’un million de patients en ALD qui génèrent à eux
seuls plus de 50 milliards d’euros de dépenses de santé (3), soit près du
tiers de l’ONDAM !
Consciente de ses responsabilités et de sa mission, la FNI formule dans la
présente note une série de contre-propositions simples, réalistes et sans
surcoûts, qui constituent un gisement d’efficience au service du patient et de la
collectivité.
4
Ces propositions alternatives sont au reste parfaitement en ligne avec les
recommandations du Conseil de la CNAMTS qui plaçait, en juillet 2010, en tête de
liste de ses propositions pour améliorer l’efficience du système de santé
« l’accompagnement des personnes souffrant de pathologies chroniques ».
Pour la sécurité et le bien-être équitables des patients, l’éducation
thérapeutique doit rester un domaine d’exercice des professionnels de
santé. Le rapport Jacquat, qui encourage et invite les industriels à financer
directement les programmes d’éducation, soulève de graves questions d’éthique,
dont la presse et les assureurs complémentaires se sont largement fait l’écho.
D’ailleurs, est-il raisonnable de les confier aux firmes pharmaceutiques et de leur
déléguer des missions au service supposé de l’intérêt des patients ? Est-on prêt à
prendre le risque de soumettre la santé de nos concitoyens aux conflits d’intérêts
auxquels ces firmes sont régulièrement confrontées ?
Au final, comme le réclament les Associations de patients, l’éducation, le suivi
personnalisé doivent être rapidement et équitablement rendus accessibles pour
améliorer la qualité de vie de tous, pour prévenir les complications, et pour
maîtriser la hausse des dépenses de santé sans sacrifier la qualité des soins. La
présente note a été rédigée en ce sens, afin que la France comble enfin le
retard dramatique qu’elle affiche en matière d’éducation thérapeutique
dans le concert international.
5
SOMMAIRE
Une analyse correcte, des préconisations inadaptées
Les trois incohérences rédhibitoires du rapport Jacquat
Contre-propositions réalistes et rapidement opérationnelles
Un risque politique et sociétal majeur
Annexes – Exemples d’améliorations attendues
6
UNE ANALYSE CORRECTE DE LA SITUATION,
DES PRECONISATIONS INADAPTEES
Si la FNI a accueilli avec grand intérêt le rapport du
député Denis Jacquat, sa lecture laisse une
question prégnante en suspens : peut-on encore se
permettre de perdre une vingtaine d’années dans
ce qui constitue certainement le moyen le plus
efficace et avec une efficience renforcée de
contenir la hausse des dépenses liées aux
affections de longue durée ?
En effet, le retard et le constat de carence de la
France dans le développement de l’éducation des
patients sont pénalisants pour des millions de
malades qui aspirent, à juste titre, à une gestion
plus autonome de leur maladie. A cet égard, le
rapport du député Jacquat pose une série de
constats tout à fait pertinents. Il relève ainsi avec
justesse le décalage entre « le lieu où se situe
l’offre d’éducation thérapeutique essentiellement
hospitalo-centrée et le lieu où se situe la demande
des patients chroniques suivis en secteur
ambulatoire ». Il observe que tous les patients en
affection de longue durée doivent avoir la
possibilité
de
bénéficier
d’une
éducation
personnalisée. Mais il reflète également un
manque de connaissances de la médecine
ambulatoire
et
s’éloigne
des
grandes
préconisations des sociétés savantes telles que
celles du Haut Conseil de la santé publique ou
encore de la Haute Autorité de Santé.
La FNI déplore donc vivement certaines
préconisations du rapport qui, de toute évidence,
n’ont pas été élaborées à l’issue d’un solide
raisonnement
intellectuel
consécutif
aux
diagnostics posés, mais semblent avoir été
téléguidées, en cohérence avec la volonté politique
de développer des maisons et pôles de santé. La
FNI se propose, dans la présente note, de
souligner les incohérences et de formuler des
propositions en rapport avec les besoins réels de la
collectivité.
PREMIERE INCOHERENCE
La FNI met en relief une première interrogation eu
égard au postulat retenu pour définir l’éducation
thérapeutique. Elle fait remarquer que, dans les
autres pays européens et anglo-saxons, l’éducation
thérapeutique en tant que telle n’existe pas, mais
est incluse dans un concept plus large d’éducation
du patient, encore appelé autonomisation ou
empowerment. L’approche française, campée
dans une posture issue de l’héritage de
pratiques du siècle dernier, est probablement
issue de la tradition culturelle de notre pays,
Peut-on, de façon
réaliste dissocier
l’apprentissage
d’un patient au
bon usage de son
traitement de son
accompagnement
général ? …
centrée
sur
l’approche
exclusivement médicale de
la santé. Comme l’indiquent
sans ambiguïté Messieurs
Christian Saout, Bernard
Charbonnel et Dominique
Bertrand dans leur rapport
remis en juin 2010 (1), « La
France a choisi de décomposer l’éducation
thérapeutique du patient selon trois modalités
opérationnelles ». Ces modalités s’articulent autour
de trois axes : « des programmes médicalisés, des
actions d’accompagnement, des programmes
d’apprentissage »,
dont
la
finalité
vise
« l’appropriation par les patients des gestes
techniques permettant l’utilisation d’un médicament
le nécessitant. » Si la somme de ces actions
correspond aux concepts validés au plan
international, il est permis de s’interroger sur la
nécessité de compartimenter ainsi cette approche
dans un système de santé qui souffre déjà
cruellement, au détriment des professionnels de
santé et des patients, de solides cloisonnements.
Or, peut-on de façon réaliste dissocier
l’apprentissage d’un patient au bon usage de son
traitement de son accompagnement général? Le
statut quo entretenu est-il bien raisonnable alors
que les instances spécialisées françaises et
internationales postulent clairement l’inverse ?
La réponse tombe d’autant plus sous le sens que
ces instances, à commencer par le Haut Conseil de
Santé Publique, recommandent depuis de
nombreuses
années
d’intégrer
l’éducation
thérapeutique aux soins de premier recours. L’avis
des instances spécialisées que la France a
missionnées serait-il donc purement consultatif
sur ces enjeux essentiels de santé publique ?
En effet, il est désormais généralement admis que
l’éducation du patient à la prise en charge de sa
maladie ne peut être dissociée des soins qui lui
sont prodigués. Ceci d’autant plus que cette
position fait l’objet d’un consensus international.
Ainsi, pour l’OMS, l’éducation thérapeutique devrait
être systématiquement intégrée dans les soins
délivrés aux personnes souffrant de maladie
chronique. En France, dans une recommandation
publiée en novembre 2009, c’est le Haut conseil de
santé publique qui se prononce pour l’intégration
de l’éducation thérapeutique aux soins de premier
recours. Cette vision est au reste partagée par
1
Christian Saout, Président du CISS , telle que
consignée dans le rapport pour une politique
nationale d’éducation remis par cette personnalité
en septembre 2008 au ministère de la Santé. Il
conclut à une définition opérationnelle de
1
Collectif Inter associatif sur la santé, www.leciss.org
7
l’éducation thérapeutique du patient comme
processus structuré, intégré à un plan de soins.
« L’éducation thérapeutique constitue, pour un
certain nombre de pathologies chroniques, un
élément indispensable de la stratégie de traitement
et de soins dont elle fait partie intégrante. » Enfin,
pour la Haute Autorité de Santé, l’éducation est
indissociable des traitements et des soins, du
soulagement des symptômes, de la prévention des
complications. La France va-t-elle rester encore
durablement à contre-courant et de ses propres
instances spécialisées et des recommandations
internationales en matière de politique de santé
publique ?
DEUXIEME INCOHERENCE
Le rapport place le médecin traitant au cœur de
l’action d’éducation des patients et au cœur du
développement des actions d’éducation. Or, de
l’aveu même des praticiens, ces derniers
« méconnaissent à la fois l’intérêt et le contenu de
l’éducation thérapeutique », et ignorent l’existence
de professionnels dûment formés à cette fonction
inscrite dans leur rôle propre, à savoir les
infirmiers. Le rapport Jacquat, dont l’auteur est luimême médecin, constate pourtant que « les
professions paramédicales sont plus en avance
que les formations médicales… seule la formation
d’infirmier intègre aujourd’hui cette thématique. »
La formation conduisant au diplôme d’Etat assure à
l’infirmier la compétence nécessaire pour « initier et
mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs,
notamment concevoir, formaliser et mettre en
œuvre une démarche d’éducation thérapeutique. »
Le bon sens et l’efficience en matière de
politique de santé publique voudraient que l’on
s’appuie sur les professionnels déjà formés et
dont l’éducation thérapeutique est partie
intégrante du métier, à savoir les infirmiers.
Faire le choix d’attendre de créer de nouveaux
métiers ou de former les médecins qui, jusqu’à
présent, ne suivent pas d’enseignement en
éducation thérapeutique, aura pour conséquence
de retarder d’une dizaine d’années la montée en
puissance du nombre de patients qui bénéficient
d’une éducation personnalisée à la prise en charge
de leur pathologie. Est-ce ainsi que la France veut
faire évoluer son système de santé déjà fortement
malmené ?
La FNI rappelle que l’éducation fait partie des
missions dévolues aux infirmiers et inscrites dans
leur décret de compétences. L’infirmier est le
professionnel le mieux placé pour assurer cette
éducation puisque les compétences requises sont
au cœur de son rôle propre. De plus, quasi
La France va-t-elle
rester encore
durablement à
contre-courant de
ses propres
instances
spécialisées et des
recommandations
Internationales ?
quotidiennement au contact
des patients sur leur lieu de
vie, il est le vecteur idéal
pour assurer la rencontre
entre
l’univers
des
soignants et celui des
patients. A ce titre et
comme l’indique le docteur
Houlbert, endocrinologue
diabétologue CHIC Alençon
Mamers, il assure, dans un environnement
sécurisé, la confrontation du savoir théorique
médical à l’univers vivant des soignants ce qui est
la définition de l’éducation thérapeutique. Comme
le rapport Jacquat le souligne très justement, les
infirmiers sont les seuls professionnels formés à
l’ETP dans leur formation initiale. Il convient
évidemment de capitaliser sur les savoir et savoirfaire de ceux dont les missions d’éducation sont
clairement définies par leur rôle propre. L’éducation
- ce ne sont pas les infirmiers qui le disent mais le
docteur Jacquat - est donc bien une affaire de
soignants. Faut-il encore rappeler, comme le
formule le Conseil national de l’Ordre des
médecins (2) que « L'éducation thérapeutique du
patient concerne les actions d'éducation liées au
traitement curatif ou préventif d'une pathologie
chronique et repose pleinement « sur le ou les
soignants »
dont
l'activité
d'éducation
thérapeutique fait partie intégrante de la définition
de la fonction soignante. Il s'agit d'un processus
éducatif continu, intégré dans les soins et centré
sur le patient. Il comprend des activités organisées
de sensibilisation, d'information, d'apprentissage et
d'accompagnement psychosocial concernant la
maladie, le traitement prescrit, les soins,
l'hospitalisation et les autres institutions de soins
concernées. »
TROISIEME INCOHERENCE
Alors que la mission première du rapport doit
répondre à l’exigence d’une mise en œuvre rapide
et pérenne, Denis Jacquat positionne les maisons
et les pôles pluridisciplinaires de santé comme des
structures et lieux de référence de l’éducation
thérapeutique (proposition n°8). Il est pour le moi ns
curieux de postuler un développement rapide et
pérenne de l’éducation du patient, véritable enjeu
de santé publique, en misant sur le développement
de
structures
durablement
isolées,
voire
franchement putatives. Plutôt que de mettre en
place, dans la concertation avec les
professionnels principalement intéressés, la
dynamique appropriée, la France va-t-elle
continuer d’accroître son retard dans le concert
international en se contentant de publier de
savants rapports sur son retard et ses
8
carences ? A l’évidence, dans un contexte
budgétaire délétère et de mobilisation incertaine
des praticiens concernés, attendre la généralisation
des maisons de santé sur le territoire est
totalement irréaliste. De plus, la spéculation autour
d’une montée en puissance de ces structures
putatives emporte le risque de générer de très
fortes
inégalités
d’accès
à
l’éducation
thérapeutique. En effet, d’une part, l’implantation
de ces maisons, en admettant que soient levés les
impératifs juridiques et budgétaires, ne résoudra
pas les problèmes de désertification médicale
puisqu’elle nécessite un seuil populationnel de
patients. D’autre part, elle contribuera, à l’inverse, à
accentuer la désertification en rassemblant dans
des pôles de regroupement des professionnels qui
jusque là exerçaient dans une logique de proximité
du patient en milieu rural ou défavorisé.
Dans un entretien accordé à Rémy Fromentin et
publié dans la revue Réseaux, Santé & Territoire,
le professeur Guy Vallancien, co-auteur avec
Annick Touba du récent rapport sur le
développement des MSP, décrit très bien ce
phénomène stratégique du choix du lieu. « On peut
même dire qu’une MSP devrait adopter les mêmes
techniques
de
géomarketing
que
toute
infrastructure commerciale… une MSP devrait
pouvoir s’installer près des grandes surfaces, ou
dans les zones commerciales à la périphérie des
villes ou dans un hôpital local », comme à
Chamonix où 5 médecins viennent de se regrouper
pour créer une maison de santé dans l’enceinte de
er
l’hôpital. La maison de santé conçue comme le 1
étage du CHU, n’est-ce pas en contradiction avec
la nécessité d’une part d’accélérer la mise à
disposition des programmes d’éducation et la
nécessité d’autre part d’exercer au plus près des
lieux de vie et de soins des patients ?
DES CONTRE-PROPOSITIONS REALISTES ET
RAPIDEMENT OPERATIONNELLES
Pour la FNI, intégrer l’éducation au sein d’un
programme de suivi personnalisé des patients à
leur domicile relève d’une absolue nécessité. A ce
sujet, elle alerte sur le très grave danger visant à
dissocier, d’une part, les actions d’éducation des
patients atteints de pathologies chroniques, d’autre
part, celles qui concernent leur suivi. Elle propose
donc que l’éducation fasse partie intégrante de
programmes d’accompagnement des patients
atteints de pathologie(s) chronique(s), répondant
ainsi à l’exigence d’intégration dans un plan de
soins. Cette recommandation est en droite ligne
avec celles énoncées dans le rapport remis en
septembre 2008 par Christian Saout au
ministère de la Santé, ainsi qu’avec l’invitation
L’auteur du
rapport Jacquat
lui-même le
confirme, les
infirmiers sont les
mieux placés pour
assurer cette
éducation
thérapeutique en
raison de leur
formation et de la
proximité qu’ils
ont avec leurs
patients …
pressante
du
Haut
Conseil pour la Santé
Publique. En effet, le
HCSP considère « qu’une
éducation
thérapeutique
sera véritablement intégrée
aux soins lorsqu’elle sera
ancrée dans la relation
soignant/soigné,
faisant
partie
intégrante
des
activités de tout soignant
en étant adaptée au
contexte de chaque soin, et
lorsqu’elle fera l’objet d’une
coordination
et
d’un
partage
d’informations
entre soignants. Elle devra enfin être accessible à
tous les patients, sans obligation d’adhérer à un
programme particulier pour en bénéficier. ».
L’éducation du patient ne peut être dissociée du
suivi de sa pathologie. La nécessité d’inclure
l’éducation dans les soins s’impose dans toutes les
pathologies, entre autres les cardiopathies et
l’insuffisance cardiaque, le diabète, l’asthme ou
l’insuffisance
respiratoire
chronique.
Dans
l’exemple des plaies chroniques, comme le fait
remarquer le docteur Sylvie Meaume, Présidente
de la Société Française et Francophone des plaies
et cicatrisations, il n’est pas possible de traiter
correctement un ulcère de jambe sans une
éducation des patients sur sa diététique, son
hygiène de vie, l’observance de son traitement. Au
final, et l’auteur du rapport Jacquat lui-même le
confirme, les infirmiers sont les mieux placés pour
assurer cette éducation thérapeutique en raison de
leur formation et de la proximité qu’ils ont avec
leurs patients.
La mise en œuvre urgente d’une action de
formation systématique des patients à la
gestion de leur maladie chronique, dans
l’objectif de retarder l’évolution de la maladie,
constitue donc aujourd’hui un véritable enjeu
de Santé publique. Cette éducation, qui doit
s’inscrire dans la prise en charge au long cours des
personnes atteintes de pathologies chroniques,
permettra subsidiairement de maîtriser le risque
inflationniste des dépenses de soins consacrées
aux ALD.
Sans avoir été réellement entendus jusqu’à
présent, les infirmiers libéraux sont de longue date
convaincus de cette urgence et se sont activement
impliqués dans les réseaux de santé ambulatoires
permettant de proposer des programmes
d’éducation à leurs patients. En soulignant la
prééminence de leur rôle en matière d’éducation, le
rapport Jacquat donne rétrospectivement raison
aux infirmiers, eu égard à leur investissement dans
9
cette approche éducative. Leurs travaux ont
d’ailleurs permis d’en documenter les bénéfices,
clairement démontrés lorsque des évaluations ont
été menées, en matière de gains financiers
générés par l’éducation au travers des économies
sur la consommation en soins par rapport à une
population non suivie. En effet, si l’éducation vise à
rendre le patient plus autonome, elle vise aussi à
limiter la progression de la maladie et éviter la
survenue de complications. La faible observance
est génératrice de coûts directs et indirects
importants et en partie inutiles, car sans bénéfice
pour les personnes. Pour ne citer que cet exemple,
le coût moyen d’un patient diabétique du réseau
Professionnels de Santé du Pays Beaunois est de
9 812 € alors que le coût moyen d’un patient
diabétique de Côte-d’Or est de 13 592 €.
L’économie réalisée de 3 780 € par patient se
retrouve surtout sur les postes de frais
d’hospitalisations, de transports et de revenus de
remplacements. (source HAS BMJ 2010)
Consciente des enjeux et de ses responsabilités, la
FNI ne recommande naturellement pas que les 8
ou 9 millions de patients en affection longue durée
(ALD) soient éduqués par les infirmiers libéraux,
mais suggère très fortement que ceux qui
nécessitent un suivi personnalisé, soit environ 20%
d’entre eux, en bénéficient dans les meilleurs
délais. L’éducation thérapeutique intégrée dans un
programme de suivi, tel que préconisé par la FNI,
se destine au million de patients en ALD qui
représentent à eux seuls 50 milliards € de
dépenses ! (3) Pour ces patients, qu’ils soient
fragilisés par leur âge ou atteints de
polypathologies, le suivi et l’éducation par un
infirmier se justifient avec une évidence d’autant
plus grande qu’ils bénéficient déjà de soins
prodigués par ces professionnels de façon
régulière ou intercurrente. L’intégration de cette
éducation et du suivi au service de ces
personnes fragilisées pourra se faire lors du
déplacement des infirmiers libéraux sur leur
lieu de vie, cette prestation étant sécurisée par
leur connaissance du milieu de vie des patients
concernés. Le suivi infirmier sera alors facile à
mettre en œuvre très rapidement et pour un
investissement modéré. De nombreux réseaux ont
d’ores et déjà élaboré des protocoles de suivi et
d’éducation des patients ayant fait leurs preuves et
qu’il sera très facile de rassembler autour des
principales pathologies, y compris s’agissant de
l’observance médicamenteuse.
Le développement rapide de la télésanté, qui fait
aujourd’hui l’objet d’annonces de la part de la
sphère politique, doit symétriquement devenir une
réalité qui va permettre de rendre enfin possible
l’indispensable partage d’informations et le recueil
L’éducation
thérapeutique
intégrée dans un
programme de
suivi se destine au
million de patients
en ALD qui
représentent à
eux seuls 50
milliards € de
dépenses !
informatisé de données.
Aux côtés des industriels
spécialisés représentés par
2
le
LESISS ,
et
en
concertation avec l’ASIP
Santé, la FNI a mené des
réflexions très abouties
qui ne demandent plus
qu’une impulsion politique
pour
devenir
opérationnelles. La mise
en œuvre de ces travaux
aura pour conséquence
d’affranchir les infirmiers libéraux d’un pesant
carcan en matière de temps passé à la recherche
de ces informations, voire d’actes. Les outils
technologiques
appropriés
vont
rapidement
permettre de libérer un temps infirmier utile qui
pourra être aisément investi dans l’éducation
thérapeutique et le suivi des patients chroniques,
assurant enfin une reconnaissance de ce rôle
essentiel. Rappelons que les infirmiers disposent
déjà des compétences requises. Au final, une
question reste prégnante : mais qu’attend-on ?
UNE REMUNERATION
FORFAITAIRE APPROPRIEE
Reconnaissance législative, plan gouvernemental,
cahier des charges national : les pouvoirs publics
semblent vouloir donner toute sa place à
l’éducation thérapeutique du patient. Pour un
développement réel, il faudra y accorder des
financements conçus comme des investissements
permettant de contenir la hausse des dépenses
liées aux ALD sans préjudice de la qualité des
prestations servies.
Cette amélioration au service d’une politique avisée
de santé publique suppose une juste rémunération
des infirmiers liée à une prise en charge
personnalisée et à un programme de suivi des
patients chroniques, défini et protocolisé en
concertation avec le corps médical par pathologies.
Ainsi intégrée aux soins, cette éducation
mobilisera
un
investissement
financier
largement compensé par les hospitalisations
évitées et par le temps utile gagné pour lutter
contre la survenue des complications. Les
expériences d’accompagnement personnalisé de
patients au sein de réseaux de ville et impliquant
les infirmiers (Prévarance,..) ont fait la preuve des
économies sur les coûts de santé, sans bien sûr
obérer la qualité du service rendu. Par manque de
courage politique ou par manque d’éthique, la
France va-t-elle encore longtemps laisser se déliter
2
www.lesiss. org
10
l’actuelle
situation,
dans
laquelle
chaque
laboratoire et chaque assureur complémentaire
financent ses propres programmes d’éducation ?
Cette absence de cohérence, à l’heure où la
plupart de nos partenaires mondiaux agissent pour
y mettre un terme, conduit au mieux à un
empilement de programmes et d’approches, dont
les professionnels de santé motivés par l’intérêt
général de leurs patients sont méticuleusement
écartés. Cette situation soulève de graves
questions éthiques et de conflits d’intérêts, risques
dont le ministère de la Santé est d’autant plus
conscient qu’il a confié au Président du CISS le
soin de produire des recommandations en vue
d’éviter les dérives mercantiles.
UN RISQUE POLITIQUE ET SOCIETAL MAJEUR
Qu’il s’agisse du traitement des risques cardiaques,
de l’asthme ou du diabète, il est inutilement risqué
de confier aux firmes pharmaceutiques et de les
leur déléguer des missions au service supposé de
l’intérêt général des patients. Ceci d’autant que par
le passé, certains programmes d’observance,
développés par cette industrie, ont clairement mis
en lumière des pratiques de sauvetage financier de
médicaments « à problème ».
A plusieurs reprises, le collectif Europe et
médicament a alerté sur les dérives de
programmes financés par des laboratoires
pharmaceutiques dont les motivations étaient
davantage la rentabilisation de certaines molécules
que le bien-être des bénéficiaires. Ce sujet ne
manquera pas d’émouvoir l’opinion publique si
l’éducation des patients venait à ne pas demeurer
dans le domaine des professions de santé.
Rappelons à ce sujet que l’IGAS, (Inspection
générale des affaires sociales) s'est opposée, dans
un rapport de 2008, à toute participation des firmes
à
des
programmes
d'observance
et
d'accompagnement qui sont deux formes
d'éducation thérapeutique.
Le rapport Jacquat, qui encourage et invite les
industriels à financer directement les programmes
d’éducation, est à ce titre inquiétant, comme la
presse n’a pas manqué de le souligner cet été, et
comme
l’ont
dénoncé
les
assureurs
complémentaires.
Annexe - Exemples d’amélioration attendue
REDUCTION DES RISQUES IATROGENIQUES CHEZ LES PERSONNES AGEES
L’éducation intégrée au suivi personnalisé des personnes âgées permettra de
sauver des vies et d’éviter de nombreux accidents et dépenses liés à la iatrogénie
médicamenteuse. Chaque année, en France, 130 000 personnes sont
hospitalisées en raison d’un accident ou d’un malaise lié à la prise de
médicament. Cela représente directement près de 1,2 millions de jours
d’hospitalisation dont le coût - sans doute aujourd’hui largement en augmentation
avec la croissance rapide du nombre de patients concernés - est estimé à 320
millions d’euros (source Assurance maladie 2003 (4). Premiers concernés : les
personnes âgées chez lesquelles la poly-médication est un phénomène très
généralisé, car, souffrant généralement de plusieurs pathologies. Dans la tranche
d’âge au-delà de 75 ans, plus de 95 % de la population prend des médicaments à
raison de 5 à 6 molécules différentes en moyenne par jour. Les risques liés à la
poly-médication des personnes âgées est un fait avéré : pour preuve les
accidents médicamenteux sont en moyenne deux fois plus fréquents chez les plus
de 65 ans que dans le reste de la population. La iatrogénie imputable aux
médicaments est un problème de santé publique tant en termes de
morbidité/mortalité qu’en termes de coût.
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EDUCATION THERAPEUTIQUE DES INSUFFISANTS CARDIAQUES
La pathologie cardiovasculaire est le 2ième risque de mortalité en France.
L’Assurance Maladie en a fait une priorité en 2010 en lançant récemment un
vaste programme de prévention primaire des risques, directement adressé par
courrier aux Français. « Les maladies cardiovasculaires, 1ère cause de mortalité
chez les femmes, sont responsables de 350 000 hospitalisations/an et constituent
un enjeu sanitaire et économique (au premier rang des ALD) », précise le
professeur Hubert Allemand. médecin conseil national de la CNAMTS.
Les insuffisants cardiaques devraient tous pouvoir bénéficier d’une
éducation thérapeutique dont il a été démontré qu’elle améliore leur
qualité de vie et permet d’éviter des ré hospitalisations, et donc
subsidiairement des surcoûts pour la collectivité. A l’heure où des réseaux
ont déjà mis en œuvre un suivi des patients par un infirmier de proximité
associant une éducation thérapeutique, la FNI propose de généraliser un
accompagnement personnalisé associé à l’éducation auprès de tous les patients
déjà suivis par un infirmier libéral. L’éducation est en effet un enjeu essentiel
pour ces patients, comme l’explique le professeur Jean-Noël Trochu de l’Institut
du Thorax à Nantes : « Dans plus de 50% des cas, les causes les plus fréquentes
de décompensation brutale de l'insuffisance cardiaque pourraient être prévenues
car elles sont en rapport avec une mauvaise compliance vis-à-vis des traitements
médicaux et/ou de la diététique. En outre, dans plus de 30% des cas, les
symptômes sont reconnus depuis plus de 24 heures sans qu'aucune mesure
thérapeutique ne soit engagée avant l'hospitalisation. »
Le rôle des infirmiers s’inscrit dans l’organisation du suivi, de la surveillance
biologique et de l’éducation : mieux faire comprendre les mécanismes de sa
maladie, prévenir les facteurs de risque associés, enseigner au patient comment
assurer l’auto surveillance, comment bien dépister les signes d’alerte et repérer
les signes précurseurs d’une décompensation… De plus, sous délégation de
protocole médical, ces professionnels nativement formés peuvent adapter les
traitements afin de prévenir toute dégradation de l’état du patient. Ce gisement
d’efficience au service du patient et de la collectivité suppose toutefois
de mettre en place des outils et un recueil de données sur la surveillance
des signes et symptômes mais également d’élaborer des protocoles de
réadaptation des traitements, comme cela peut être développé avec succès dans
d’autres pathologies. L'éducation continue des insuffisants cardiaques doit être
considérée comme une optimisation de la prise en charge des insuffisants
cardiaques dans leur milieu de vie, par la connaissance de leur conditions et
hygiène de vie, de leur entourage, de leur niveau d’observance,…
EDUCATION THERAPEUTIQUE DES PATIENTS PORTEURS D’UN
PACEMAKER OU D’UN DEFIBRILLATEUR SUIVI A DISTANCE
La télécardiologie se développe rapidement au bénéfice de ces patients qui, une
fois de retour après une hospitalisation, doivent pouvoir bénéficier d’un suivi
infirmier sur leur lieu de vie. Lors de ce retour, le matériel – aujourd’hui
opérationnel et nomenclaturé – peut permettre une transmission sécurisée des
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informations techniques et médicales pertinentes pour apporter sans surcoût un
confort de vie autrefois inespéré. L’un des freins actuels de la généralisation du
système est le manque de disponibilités du personnel hospitalier pour cette
éducation et l’absence d’accompagnement au domicile. A cet égard, le rôle de
l’infirmier sera précisément d’éduquer le patient à ce mode innovant de
suivi dont il a été démontré qu’il améliore la prise en charge de cette
population de patients, la détection précoce d’événements évitant des
consultations, voire des hospitalisations, inutiles. Le dossier infirmier
partagé, aujourd’hui dans une phase de réflexion parfaitement mature, doit
devenir le support indispensable à la mise en œuvre de réelles coopérations
interprofessionnelles. La technologie est prête. La Belgique entre autres, qui
comme la France dispose d’un réseau d’infirmières indépendantes de proximité, a
pris une avance remarquable dans ce domaine. Qu’attend-on dans notre
pays?!
Références
(1) « Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique », rapport présenté à la ministre de la Santé par Christian
Saout, président du CISS, Bernard Charbonnel, médecin endocrinologue et Dominique Bertrand, médecin de santé
publique, université Paris 7 en juin 2010
(2) Rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’Ordre des médecins du 3 avril 2009
(3) Etudes statistiques Assurance Maladie et ALD à fin 2007 : les remboursements de soins pour les ALD représentent
64% de l’Ondam et 5% des assurés en ALD représentaient en 2004 41,5% des dépenses remboursées aux patients dans
cette situation.
(4) « Poly-médication des personnes âgées : un enjeu de santé publique » – dossier de presse – Assurance Maladie – 4
septembre 2003
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