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Est-il encore nécessaire de dire que ville et
croissance urbaine sont au centre des
préoccupations actuelles sur le développement
durable? Les rapports récents du GIEC (Revi et al.,
2014) et ceux du Plan Bleu pour la Méditerranée
(Chaline, 2001; Pan-Bleu, 2012) rappellent avec
insistance l'énorme défi que constitue la maîtrise
de la croissance urbaine. "Adaptation to climate
change depends centrally on what is done in urban
centers - which now house more than half the
world's population and concentrate most of its
assets and economic activities" (Revi et al., 2014,
chapter 8, p.5).
Le monde s'urbanise de plus en plus, avec une
tendance qui ne s'infléchit pas, concentrant
chaque fois plus les activités à la source des
problèmes du changement climatique: transport,
activité industrielle, rejet de contaminants,
dispersion de l'énergie, réverbération,
imperméabilisation, etc. (Oke, 1973; Mills, 2007;
Desplat et al., 2009; Colombert et al., 2012);
activités souvent accompagnées d'une absence de
maîtrise de leur expansion, dans les pays du Sud en
particulier. Les conséquences des aléas climatiques
sont directes sur les populations les plus
vulnérables du point de vue de l'habitat ou de la
santé (United-Nations, 2011b; a); elles sont aussi
indirectes, agissant sur les ressources (eau, air,
alimentation), générant de la vulnérabilité liée à
l'inégalité dans leur accès.
Les zones urbaines méditerranéennes sont
particulièrement sensibles à ces conséquences.
Elles cumulent des vulnérabilités liées au climat
même (fortes chaleurs et faible disponibilité de
l'eau), à la forte expansion urbaine sur les zones
littorales (évènements climatiques, pollutions), et
à l'absence de régulation urbaine (importance de
l'habitat précaire, dérégulation de la construction,
mauvaise gestion des déchets); à cela s'ajoute la
forte probabilité de catastrophes naturelles. Selon
le Plan Bleu (Pan-Bleu, 2012) ces vulnérabilités
sont renforcées par des déséquilibres socio-
spatiaux très forts dans l'accès aux services et aux
ressources, que les politiques aujourd'hui
n'arrivent pas à réguler.
La question de la ville durable (ou plutôt à
croissance soutenable), sous influence du
changement climatique, ne se résout pas
seulement par la maîtrise de l'énergie, ou de la
réduction des effets, mais par la question plus
générale de l'amélioration des conditions de vie
par l'intermédiaire d'une ville mieux pensée et
mieux gérée, sur la base de l'équité spatiale (Theys
& Emelianoff, 2001; Desjardins, 2011; Mancebo,
2011). Beaucoup d'études ont été réalisées sur ce
thème, insistant sur le fait que la ville est aussi le
lieu de l'innovation, c'est à dire lieu où se créent de
meilleures opportunités pour une adaptation au
changement climatique, surtout dans les high-
income countries (Satterthwaite, 2013; Revi et al.,
2014). Cavin & Bourg, 2010, nous indiquent que ce
débat tourne autour de deux conceptions de la
durabilité, qui ne sont pas sans conséquences sur
la manière de créer de la résilience face aux
impacts environnementaux.
La première conception, "prométhéenne", relève
d'une course à la maîtrise technologique du tout
urbain face à la nature. Ce sont les villes "zéro
carbone", de type Abu Dhabi, Masdar City, Dubaï,
qui basent la durabilité sur une réduction des
émissions de carbone, au travers de la maîtrise du
thermique, de l'énergétique, des transports ou des
déchets. Même si le "vert" est inclus dans cette
conception, il n'en reste pas moins que
l'artificialisation et le contrôle par la technologie
restent des facteurs de vulnérabilité intrinsèque.
Cette approche constitue souvent un modèle pour
les pays de la Méditerranée Sud, très loin des
situations et particularités locales, comme le
montre les expériences du Parc El Aznar en Égypte,
ou celles des villes de Anfa ou Zenata au Maroc
(Pan-Bleu, 2012), mais aussi pour la rive Nord
comme l'indique quelques "regards" autour de
Marseille (AGAM, 2013).
La seconde, "orphique", est une réponse à l'échec
prévisible de cette modernité. La préservation du
capital naturel, par le moyen des services éco-
systémiques, est privilégiée dans la construction
d'une durabilité, associée à une notion de "bien
vivre ensemble" et incluant des mécanismes de
démocratie participative. Ce sont les corridors
écologiques, les trames vertes et bleues, les éco-
quartiers, etc. qui impliquent une reconsidération
de l'organisation de l'espace urbain et la
revalorisation des espaces à caractère naturel
(Bonard & Matthey, 2010; Clergeau, 2012;
Clergeau & Blanc, 2013). Dans ce cas aussi, il est
impératif de prendre en considération les zones
péri-urbaines, capables de constituer des espaces
"tampons" face à l'étalement urbain, (Djellouli et
al., 2010) propices au développement de services
écosystémiques (Delattre & Napoléone, 2001;
Napoléone & Geniaux, 2009; Zasada, 2011).
Il y a sans doute un intermédiaire possible entre
ces deux situations, mais dont la logique n'est pas
encore bien claire. La ville de demain, celle qui
devra affronter les conséquences des