AIRPARIF Actualité n°31 : La qualité de l`air dans le vent

publicité
www.airparif.asso.fr
A
AIRP ctualité
RIF
N°31 - juillet 2008
S U R V E I L L A N C E
D E
L A
Q U A L I T É
D E
L
’
A I R
E N
I L E
- D E - F R A N C E
Météo de l’Ile-de-France 2
La région est favorisée par un
climat océanique qui tend à
disperser les grandes quantités
de polluants émis.
Échelle globale
3
Réchauffement et hausses
d’ozone à prévoir.
Échelle continentale
4 et 5
Particules et ozone ne connaissent pas les frontières.
Airparif
ozone
Échelle régionale
6 et 7
La qualité de l’air se dégrade
fortement en cas d’inversion de
température.
Airparif
Échelle locale
8
La qualité de l’air
dans le vent
Une dispersion
plus ou moins
importante de
la pollution
le long des rues.
De la rue à la planète, à tous les niveaux,
pollution atmosphérique et météo forment
un duo inséparable
D’un jour à l’autre, les niveaux de
pollution peuvent être multipliés par 5
en fonction de la météo
Airparif
Chiffre :
Climat & Météo FFF
Pour mieux comprendre la météo
et son impact sur la qualité de
l’air, les scientifiques utilisent des
outils informatiques, les modèles
numériques. Les modèles météo
permettent d’effectuer des prévisions qui alimentent les modèles
de pollution atmosphérique. Ils
décrivent en termes mathématiques le déplacement de l’air et
la stabilité de l’atmosphère. La
précision de ces outils est adaptée en fonction de la taille du
domaine étudié : plus la zone est
petite, plus les points de calcul
sont proches. On distingue ainsi
quatre échelles d’analyse.
L’échelle globale prend
en compte la planète
entière. Elle est
notamment adaptée
pour étudier l’effet de
serre et le réchauffement climatique.
L’échelle continentale permet
d’observer le déplacement
des masses d’air et la
transformation chimique des polluants
au niveau d’un continent
(anticyclone,
dépression). Ces mouvements ont des conséquences sur
la dispersion des polluants et sur
leurs transferts sur de longues
distances.
L’échelle régionale montre plus
les circulations d’air
engendrées par
la géographie
(relief, présence d’une
grande ville ou
de la mer...), ainsi
que les phénomènes
d’import et d’export en fonction
des trajectoires des masses d’air
et l’effet direct global des rejets
de polluants.
A l’échelle locale, on s’intéresse
aux flux de pollution engendrés
par un bâtiment ou par une rue.
En effet, les différents types de
rues ou de bâtiments entraînent
des modifications sur
les écoulements
des flux d’air et
peuvent notamment contrarier la dispersion (effet rue
canyon).
2
Le rôle de la météo,
dispersif ou aggravant
La qualité de l’air est liée aux rejets de polluants dans l’atmosphère. La météo a ensuite un
impact déterminant sur la dispersion de ces polluants ou leur transformation chimique.
Peu de vent, pas de nuages et
du soleil... S’il fait beau, c’est
plutôt mauvais signe pour la
qualité de l’air ! En effet, en
présence d’une situation
anticyclonique persistante,
accompagnée d’une absence
de vent au sol ou d’une inversion de température (voir p.6),
on observe une accumulation
progressive des polluants et le
soleil accélère leur transformation chimique. Par contre,
en présence d’un temps
perturbé, c’est-à-dire pluvieux
ou venteux, la pollution est
balayée et lessivée.
La qualité de l’air résulte d’un
équilibre complexe entre les
rejets directs de polluants, et
toute une série de phénomènes
physiques dans l’atmosphère :
transport, dépôts secs et
humides, et enfin transformations chimiques. D’un jour à
l’autre, même si les rejets sont
identiques, les niveaux de pollution peuvent ainsi varier
considérablement suivant les
conditions météo.
Temps anti-cyclonique
Temps perturbé
absence de vent
+ soleil
+ pas de nuages
+ fortes émissions
pluie ou neige
+ vent
+ nuages
=
=
accumulation de polluants
et transformation chimique
La pollution est balayée
et lessivée
on respire mal
on respire mieux
En Ile-de-France,
un climat plutôt dispersif
Par sa densité de rejets de polluants, par son
climat tempéré et son relief plat,
l’agglomération parisienne est comparable à
celle de Londres. Avec 11 millions d’habitants
pour une superficie de 12 000 km2, l’Ile-deFrance est en effet une région très densément
peuplée. Cette densité, au niveau des transports
et des activités urbaines, entraîne de forts rejets
de polluants. Le trafic routier est notamment
la première source de pollution. Heureusement,
AIRPARIF Actualité N°31 - Juillet 2008
Zone
concernée par l’épisode
Période de l’année
la plus problématique
Conditions météorologiques
propices aux épisodes
Période de la journée
où le risque d’épisode est le plus fort
le climat y est tempéré, plutôt pluvieux et
venteux, et le relief plat du Bassin parisien
est favorable à la dispersion de la pollution.
Les vents sont de dominante sud-ouest, en
particulier en période hivernale où ils sont
associés à des régimes océaniques perturbés.
Une dominante nord-est est quant à elle observable environ un quart de l’année, surtout lors
des situations anticycloniques qui accentuent
la pollution.
Ozone (O3)
Dioxyde d’azote (NO2)
toute la région
mais surtout les zones rurales
l’agglomération parisienne
en été
toute l’année
- températures supérieures à 30°C
- fort ensoleillement
- vent faible
l’après-midi,
quand l’ensoleillement est maximum
2003 : une année météo
très atypique
Interview
Airparif
La météo
à différentes échelles
EEE Échelle planétaire
- vent faible ou absent
- inversion de température avec la
formation d’un couvercle d’air chaud
au-dessus de l’agglomération parisienne
le matin ou le soir,
quand le pic de trafic correspond à
l’inversion de température
« Le réchauffement entraînera
une hausse des niveaux d’ozone »
La hausse des températures due au réchauffement climatique aura un impact significatif
sur les niveaux de pollution. Et la probabilité plus grande d’épisodes météo extrêmes, comme
les canicules, risque d’augmenter les niveaux d’ozone. Les niveaux records atteints en 2003
seront peut-être beaucoup plus communs à la fin du XXIème siècle. Précisions de Frédérik
Meleux, chercheur à l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques).
Depuis quand étudiez-vous
l’impact du réchauffement
climatique sur la pollution ?
C’est un sujet assez nouveau,
qui a principalement émergé
au début des années 2000. La
recherche sur les relations entre
le climat et la qualité de l’air
débute donc.
Vous avez plus particulièrement étudié les effets du
changement climatique sur
les concentrations d’ozone.
Quelle a été votre approche ?
Notre objectif était d’identifier
l’impact du changement
climatique à l’échelle de l’Europe. L’étude était effectivement focalisée sur les teneurs
en ozone. Nous avons effectué
deux simulations sur des
périodes de 30 ans. Une simulation sur une période actuelle
(1960-1990) et une autre sur
une période future (2070-2100),
grâce aux outils de modélisation numérique. Nous avons
ensuite comparé les résultats
afin d’analyser l’impact des
conditions futures par rapport
à ce que nous observons
actuellement.
Quelles sont les évolutions
climatiques prévues d’ici la
fin du siècle en Europe ?
Plus de soleil, moins de nuages
et de pluie en période estivale…
Nous avons regardé un scénario d’évolution climatique
défini par le GIEC (Groupe
d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat). Ce
scénario implique une
augmentation des températures, avec des conditions anti-
cycloniques plus marquées
entraînant une plus faible
dispersion des polluants dans le
futur.
Pouvez-vous préciser les
conséquences d’un tel scénario sur la qualité de l’air ?
En imaginant que les rejets de
polluants restent à leur niveau
actuel, on prévoit une augmentation des concentrations
d’ozone à l’avenir. Nos résultats montrent en effet une hausse des réactions chimiques qui
conduisent à la formation de
ce polluant. Ce phénomène est
notamment en lien avec la diminution de la couverture nuageuse. Sans cette protection,
l’énergie solaire favorable à la
production d’ozone sera moins
atténuée.
Vu le processus de formation
de l’ozone (voir encadré p.4),
les campagnes sont plus
touchées par cette pollution
que les agglomérations. Cela
va-t-il durer ?
Oui, ce phénomène pourrait
même s’accentuer. En effet,
l’évolution du climat induirait
une augmentation des rejets de
composés organiques volatils
d’origine naturelle, les hydrocarbures émis par les plantes,
qui sont des précurseurs
importants de l’ozone.
Tout le monde garde en
mémoire la canicule de 2003
(voir encadré ci-contre). Estce que ce type d’événement
risque de se répéter à
l’avenir ?
Les estimations sont même
M. Frédérik Meleux
pires qu’un simple risque de
répétition : au niveau des
concentrations d’ozone atteintes et de la durée des épisodes,
l’été 2003 pourrait être un été
commun à la fin de ce siècle.
On prévoit une réelle augmentation des événements extrêmes type 2003. En terme de
valeurs, nos modèles montrent
par exemple une augmentation
des pics journaliers d’ozone de
20 µg/m3 entre les deux périodes dans certaines régions françaises, en prenant le scénario
climatique le plus pessimiste.
Quelle orientation vont
prendre vos recherches ?
On va maintenant s’intéresser
à une période moins lointaine
(2020-2050), avec un projet européen de trois ans, intitulé
Citizen, qui commencera en
septembre 2008. Il s’agira cette
fois d’étudier l’impact des méga
cités sur la qualité de l’air, en
prenant en compte l’évolution
du climat et des rejets de polluants. On étudiera l’ozone mais
aussi les particules. L’exploration ne fait que commencer.
Une vague de chaleur, exceptionnelle par sa durée et son intensité, a frappé une grande partie de
l’Europe de l’Ouest pendant la
première quinzaine d’août. Vents
faibles et fort ensoleillement ont
favorisé la formation de polluants photochimiques comme
l’ozone et donc d’épisodes de
pollution. Ces épisodes ont été
exceptionnels par leur répétition
et leur persistance, plus que par
leur intensité, puisque le record
d’ozone de 1998 en Ile-deFrance n’a pas été atteint.
Les conséquences sanitaires de
cette vague de chaleur estivale
ont été catastrophiques : un
excès de 70 000 décès en
Europe dont près de 20 000 en
France dont 5 000 en Ile-deFrance (projet européen Canicule
coordonné par l’Inserm, 2007).
Quant à l’impact sanitaire propre
à l’ozone pendant la canicule, il a
été évalué par l’Institut national
de veille sanitaire pour neuf villes
françaises dont Paris, à près de
400 décès anticipés.
Mais au-delà des quinze premiers jours d’août, les périodes
anticycloniques ont été tout au
long de 2003 anormalement longues et la moyenne des températures a été une des plus élevées
depuis 50 ans (Météo-France).
La durée d’ensoleillement en Ilede-France a été de 20 à 30 %
supérieure à la moyenne des dix
dernières années et les pluies
nettement inférieures à la normale régionale sur les trente
dernières années. Ces facteurs
météorologiques atypiques ont
été défavorables à la dispersion
des polluants toute l’année, et
donc à la qualité de l’air avec un
nombre record d’épisodes de
pollution mais aussi des concentrations moyennes annuelles en
hausse pour plusieurs polluants
majeurs : ozone, dioxyde d’azote
et particules.
Juillet 2008 - AIRPARIF Actualité N°31
3
Échelle continentale FFF
EEE Échelle continentale
En avril 2007, tout le nord de l’Europe
concerné par la pollution
Zoom sur l’europe
La pollution
franchit les frontières
Le mois d’avril 2007 a été exceptionnellement chaud et ensoleillé
dans plusieurs pays européens. Le 15 avril par exemple, la température approchait 27°C à Paris, tandis que la barre des 30°C
était atteinte en Belgique. La masse d’air en provenance de
l’Atlantique est d’abord passée au-dessus de l’ Angleterre, puis de
Transportés au gré des vents et des conditions
météo, certains polluants peuvent voyager
d’un pays à l’autre.
Le vent est donc un critère majeur dans les
transferts de pollution continentaux. La plupart
du temps en Ile-de-France, on observe un courant
d’ouest en est, venant de la mer (flux océanique). Mais en cas de météo anticyclonique, la
jour-là de fortes concentrations de particules, de l’ordre de 70 à
110 µg/m3 en moyenne sur la journée. Cette météo exceptionnelle en début de printemps a favorisé le transport à l’échelle du
continent de particules volatiles qui pourraient être liées aux
épandages d’engrais effectués au même moment.
Le transport de l’ozone peut s’effectuer sur plusieurs centaines, jusqu’à quelques milliers de kilomètres
situation est inversée, avec un vent d’est en
ouest (flux continental). « Ce vent apporte en
France un air déjà chargé en pollution venant
de l’Allemagne ou du Benelux », souligne
Matthias Beekmann.
Mais le vent n’est pas le seul paramètre météo
à intervenir dans les transferts de pollution.
Température, humidité au sol et précipitations
ont également un rôle non négligeable. Notamment pour les particules qui sont surtout éliminées
par lessivage grâce à la pluie. Enfin, les rayonnements solaires sont déterminants : ils favorisent les réactions chimiques et la formation de
polluants secondaires (voir encadré). Les pires
situations sont observées quand tous ces paramètres s’accumulent. Par exemple, en situation
anticyclonique estivale, toutes les conditions
sont souvent réunies pour l’accumulation de la
pollution : vent faible, température forte,
rayonnement solaire intense, peu d’humidité, pas
de précipitation. «Ce fut le cas de manière
spectaculaire en 2003, se souvient Matthias
Beekmann. Avec un blocage des masses d’air
qui tournaient d’un pays à l’autre, dans toute
l’Europe de l’Ouest, de la France à l’Allemagne, en passant par l’Italie et le Benelux ».
Un modèle pour prévoir les transferts
de pollution
La formation de l’ozone
4
L’ozone est le plus connu de la famille des polluants
La formation des polluants secondaires nécessite un certain
secondaires qui comprend les aldéhydes, les cétones ou
temps. Comme les masses d’air chargées en précurseurs
encore une partie des particules. Il n’est pas directement
d’ozone se déplacent, les concentrations d’ozone peuvent
rejeté dans l’atmosphère mais se forme notamment à
ainsi atteindre au bout de quatre heures environ leur maxi-
partir des oxydes d’azote (émis par les gaz d’échappe-
mum dans des régions rurales qui sont sous le vent d’une
ment, les centrales thermiques et les procédés indus-
agglomération et de son panache de pollution. A l’inverse,
triels) et des hydrocarbures (que l’on trouve dans l’essen-
l’ozone est peu présent à proximité du trafic où il est trans-
ce, les peintures, les colles, et les solvants industriels ou
formé par réaction chimique en dioxyde d’azote.
domestiques). L’ozone est un polluant photochimique,
D’une région à l’autre, on observe des phénomènes d’import
car il est créé sous l’action du rayonnement UV du soleil et
d’ozone, mais aussi d’export. Par exemple, le 8 août 2003,
de la chaleur. Ses niveaux sont donc élevés essentielle-
lors du pic de pollution le plus intense enregistré durant la
ment en été, pendant des périodes d’ensoleillement
canicule, on mesurait un maximum de 282 µg/m3 en Ile-de-
intense et de vent faible. C’est pourquoi les niveaux les
France (Rambouillet), tandis qu’en Eure-et-Loir, les teneurs
plus élevés d’ozone sont enregistrés dans l’après-midi,
toujours influencées par les rejets de l’agglomération
lorsque l’ensoleillement est maximal.
parisienne atteignaient 325 µg/m3 (à Oysonville).
AIRPARIF Actualité N°31 - Juillet 2008
Simulation des concentrations d’ozone en France, et dans
les pays voisins, le 8 août 2003 à 16h (journée ayant
enregistré l’épisode de pollution le plus intense de la
période de canicule en Ile-de-France), grâce à l’utilisation
du système PREV’AIR développé par le CNRS et l’INERIS
Source : IPSL (Institut Pierre Simon Laplace)
Un outil informatique, le modèle Chimere, est
utilisé depuis 1997 pour mieux comprendre ces
transferts de pollution. « Notre travail de
modélisation a commencé avec Airparif qui a
tout de suite utilisé le modèle Chimere pour ses
prévisions », explique Matthias Beekmann.
Chimere prend en compte les rejets de polluants, les mécanismes de transformation, de
transport et de dépôt des polluants, selon les
conditions météo et les types de sol. « Après dix
ans de pratique, on obtient de très bons résultats pour la prévision des niveaux d’ozone en
Europe », se réjouit Matthias Beekmann. Par
contre, les particules posent encore des difficultés. Le projet européen Megapoli, qui sera
mené de 2008 à 2011 en collaboration avec
Airparif, permettra aux chercheurs de mieux évaluer les sources de particules. Des campagnes
de mesure sur le terrain, notamment en Ile-deFrance, serviront à améliorer les outils
numériques.
Arpège
Le vent peut apporter
un air dégradé
Sur un très large quart nord-est du pays, on a ainsi observé ce
Airparif
Les principaux polluants migrateurs sont l’ozone
et les particules. « Tout simplement parce qu’ils
ont une durée de vie plus longue que les autres
en altitude », explique Matthias Beekmann,
chercheur au Lisa (Laboratoire interuniversitaire
des systèmes atmosphériques). Le transport de
la pollution entre les pays dépend essentiellement du temps de vie des substances et de la
vitesse moyenne du vent. « Par exemple, l’ozone
a une durée de vie moyenne de plusieurs jours
en basse couche atmosphérique. Mais à des
altitudes plus élevées, il peut avoir une durée
de vie de deux ou trois mois et peut se déplacer
loin des sources d’émission sur plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres »,
précise Matthias Beekmann.
l’Allemagne et l’Europe de l’Est avant de se rabattre sur la France.
Rétrotrajectoire des masses d’air le 15 avril 2007
Un nuage de poussières sahariennes
Dans la nuit du 12 au 13 février 2002, les concentrations en
particules PM10 (particules inférieures à 10 µm), et elles seules,
ont soudain quintuplé sur l’ensemble du réseau de surveillance
d’Airparif. Cet épisode de courte durée (de l’ordre de 6 heures) a
pu être observé avec un petit décalage horaire sur toute une partie
du territoire français : Pays de la Loire, Centre, Auvergne et Ile-deFrance.
A l’origine de ce phénomène: le passage de masses d’air en
provenance des régions sahariennes. Des vents localement forts
sur les régions sèches du nord de l’Afrique, chargés de particules
en suspension d’origine naturelle (sables, particules de terre...)
ont abordé le territoire français par sa façade atlantique après
avoir contourné la péninsule ibérique. De tels transports à longue
distance de particules d’origine naturelle impliquent en priorité
une large proportion de particules de diamètre supérieur à
2,5 microns, contrairement aux particules d’origine urbaines
majoritairement très fines.
Juillet 2008 - AIRPARIF Actualité N°31
5
Échelle régionale FFF
EEE Échelle régionale
Prévoir la qualité de l’air
en fonction de la météo
Zoom sur l’ile-de-france
Inversion de température :
un couvercle pour la pollution
Tout au long de l’année, un ingénieur, un technicien et un
informaticien d’Airparif effectuent une astreinte : ils prévoient la
qualité de l’air du jour même et du lendemain en s’appuyant sur
les informations de qualité de l’air du réseau et sur les prévisions
météo. Explications croisées de Bruno Lossec, chef du service de
La qualité de l’air se dégrade fortement en cas d’inversion de température, phénomène qui
empêche l’air de se disperser.
prévision de la région Ile-de-France à Météo France, et de Hélène
+ froid
Sous l’effet des rayonnements solaires,
l’inversion thermique est généralement rompue au cours de la journée : le couvercle s’ouvre
et l’air peut à nouveau s’élever normalement.
En hiver en particulier, si le rayonnement solaire
ou le vent sont trop faibles, l’inversion peut se
reformer le soir. Parfois même, la rupture peut
ne pas se produire du tout de la journée (voir
l’exemple de Noël 2007). L’heure de formation
de l’inversion et de sa rupture, ainsi que son
intensité sont déterminantes sur les niveaux de
pollution, notamment par rapport aux pics de
trafic du matin et du soir. Ces inversions de
température peuvent se produire tout au long de
l’année, surtout en hiver ou en demi-saison.
Épisode de pollution dû au dioxyde d’azote et aux particules le 24 décembre 2007 (vue depuis le 3ème étage de la tour Eiffel)
6
AIRPARIF Actualité N°31 - Juillet 2008
Marfaing, responsable de l’astreinte à Airparif.
Hélène Marfaing,
responsable de l’astreinte à Airparif
Les informations les plus importantes
+ chaud
pour estimer les niveaux de pollution
+ froid
Airparif
sont les vitesses de vent, les inversions
de température (surtout pour le dioxyde
Lors d’une inversion de température, les températures en altitude sont plus élevées que celles au
niveau du sol, ce qui créé un couvercle d’air chaud sous lequel les polluants s’accumulent
d’azote), l’ensoleillement et les températures (essentiellement pour l’ozone). Nous avons besoin de prévisions très précises, particulièrement en cas de météo stable.
L’exemple de Noël 2007 :
une inversion de température prolongée
Airparif
En moyenne jusqu’à 10 km d’altitude, l’air est
plus chaud au niveau du sol et sa température
diminue avec l’altitude. On compte une baisse
moyenne de 0,6°C tous les 100 m. Néanmoins,
dans des conditions de ciel clair, ce phénomène
thermique peut être inversé.
En effet, une fois le soleil couché et en l’absence
d’une couverture nuageuse, le sol se refroidit
alors plus rapidement que l’atmosphère : au
contact du sol, il se forme des couches d’air plus
froides qu’en altitude. Cet air froid se trouve alors
bloqué sur quelques centaines de mètres
d’altitude sous une couche d’air plus chaud. Ce
qui favorise l’accumulation de la pollution sous
cette cloche d’air chaud infranchissable.
+ chaud
Qualité de l’air très mauvaise, indicateurs au rouge. Du 19 au 24 décembre 2007, des niveaux
records ont été atteints pour deux polluants : le
dioxyde d’azote et les particules. Les 23 et 24
décembre, l’indice de qualité de l’air ATMO a
même atteint 10/10, son maximum !
D’une part, à cause du trafic, mais aussi du
chauffage individuel ou collectif, les rejets de
polluants étaient particulièrement élevés. La
combustion du bois est à ce titre un mode de
chauffage particulièrement émetteur de particules. En règle générale, son usage par les
particuliers est de plus en plus répandu en France
et en Europe. D’autre part, à l’occasion de cet
épisode anticyclonique froid, les conditions
météorologiques ont été très défavorables à la
bonne dispersion des polluants. Les fortes
inversions de température observées étaient
liées à un important refroidissement des températures au sol (gelées jusqu’à -9°C dans l’extrême sud-est de la région Ile-de-France) avec
un ciel sans nuages, et un vent quasi nul en
surface et en altitude. Les températures restant
faibles la journée, ces inversions de température se sont prolongées. Elles ont favorisé la
stagnation des polluants émis au niveau du sol.
Des transports de pollution interrégionaux ont
aussi contribué à aggraver la situation. La forêt
de Fontainebleau présentait notamment des
niveaux de particules élevés. Plusieurs régions
françaises et européennes ont été touchées
simultanément.
Car c’est le cas de figure où la qualité de l’air risque d’être dégradée. Cela peut paraître subtil, mais une vitesse de vent d’1 m/s ou
de 2 m/s peut avoir un impact complètement différent sur les
niveaux de pollution, alors qu’il s’agit de vents faibles. Le problème est le même pour la prévision des inversions de température et
de leur rupture. En période estivale, la prévision de l’heure d’arrivée d’un orage est également déterminante. Une perturbation qui
arrive en début ou en fin d’après-midi n’a pas du tout le même
impact, notamment sur les niveaux d’ozone.
Bruno Lossec,
responsable prévision à Météo France
Un bulletin quotidien spécifique, réalisé
par Météo France, est transmis à
Airparif. Il comprend les observations
pour la veille, l’estimation pour le jour
même, et les prévisions pour le lendemain. Ces données sont issues des modèles numériques de
météo, elles sont ensuite supervisées par le prévisionniste. Le bulletin produit pour Aiparif est très différent des informations que
l’on délivre habituellement. Nous sommes en train d’affiner nos
modèles numériques pour répondre à l’exigence de précision
nécessaire pour évaluer la pollution. Nous allons ainsi améliorer
la qualité de nos prévisions d’ici fin 2008. Cette amélioration
concerne notamment les inversions de température, dont l’évolution au fil des heures est difficile à anticiper. La prévision des
vitesses de vent devrait également être améliorée grâce au nouveau modèle Arome qui prendra en compte les spécificités liées à
l’agglomération et aux élévations de température dues à l’urbanisation (l’îlot de chaleur).
Juillet 2008 - AIRPARIF Actualité N°31
7
Zoom sur un quartier
L’effet « rue canyon »
Les chercheurs étudient l’impact du vent et des courants d’air turbulents, pour mieux comprendre comment la pollution se disperse dans les rues.
Dans les rues étroites et encaissées, la pollution
peut se trouver confinée entre les bâtiments car
la vitesse du vent est plus faible. C’est l’effet
« rue canyon », bien connu depuis les années
80. Les rejets de polluants dans des rues peu
ventilées entraînent une accumulation de la
pollution qui ne peut s’évacuer par le haut.
Des mesures en soufflerie complétées
par des simulations numériques
Ce phénomène local est particulièrement étudié
par le laboratoire de mécanique des fluides de
l’École centrale de Lyon. La structure dispose
en effet d’une soufflerie de 24 m de long, avec
une maquette de ville. Les bâtiments sont schématisés par des blocs rectangulaires, équipés de
capteurs de mesure. L’écoulement d’air
symbolise le vent. Et entre les blocs, des émetteurs de gaz permettent de représenter les rejets
de polluants comme les oxydes d’azote.
« Notre soufflerie est très précieuse pour mieux
comprendre le transport et la dispersion de la
pollution, souligne le chercheur Lionel Soulhac.
On peut plus facilement contrôler la vitesse du vent
et les quantités de polluants émises que dans la
réalité ».
« Une rue très polluée peut augmenter
les niveaux des rues voisines »
Les résultats obtenus sur maquette sont ensuite utilisés pour valider les simulations numériques
des modèles. Les chercheurs lyonnais utilisent
en effet un modèle appelé Sirane, qui permet de
représenter la dispersion de la pollution à
l’intérieur d’une rue et dans le quartier avoisinant. Comme dans la soufflerie, les bâtiments
sont représentés par des blocs rectangulaires et
les quartiers par des rues perpendiculaires. Le
modèle effectue un bilan entre la pollution qui
entre et qui sort de chaque rue. Il calcule ensuite
les écarts d’une rue à une autre, prenant en
compte les phénomènes particuliers dus aux
intersections et au transport des polluants pardessus les toits. « On se rend ainsi compte
qu’une rue très polluée peut augmenter les
niveaux des rues voisines », explique Lionel
Soulhac.
En partenariat avec les réseaux de surveillance
de la qualité de l’air comme Airparif, les chercheurs travaillent actuellement à l’amélioration
de Sirane. L’idée est notamment de mieux
prendre en compte la géométrie des rues et les
différences de hauteur entre les bâtiments.
Le financement d’Airparif est assuré par des subventions de l’État, des collectivités territoriales, des industriels au titre de la TGAP et des prestations d’expertise
Échelle locale FFF
l’influence du vent dans le quart sud-est de paris
Dans le cadre d’une étude sur la pollution à proximité du trafic, Airparif a utilisé le modèle
Sirane à l’échelle d’un quartier situé entre Paris et le Val de Marne. La zone d’étude
comprenait le quart sud-est de Paris, avec deux axes majeurs : l’autoroute A4 et le
Boulevard périphérique.
Les cartes ainsi obtenues les 5 et 6 mars 2008 illustrent l’influence de la météo à l’échelle
rues le 6 mars.
Autoroute A4
Boulevard périphérique
Autoroute A4
Soufflerie avec une maquette de quartier
SURVEILLANCE DE LA QUALITÉ DE L’AIR EN ILE-DE-FRANCE
association type loi de 1901
à but non lucratif
Airparif
Airparif
Journée du 5 mars 2008
8
7 rue Crillon 75004 PARIS
01.44.59.47.64
Courriel : [email protected]
Directeur de publication : J.F. Saglio
AIRPARIF Actualité N°31 - Juillet 2008
Journée du 6 mars 2008
www.airparif.asso.fr
Imprimé par : compédit beauregard
changements de vent ont entraîné une plus mauvaise dispersion de la pollution dans les
PEFC/10-31-1268
1,4 m/s (5 km/h) et il a changé de direction (vent de nord puis vent d’ouest). Ces
École centrale de Lyon
d’un quartier. En effet, entre ces deux journées, le vent est passé de 4,2 m/s (15 km/h) à
Téléchargement