Le magazine du PNUE pour les jeunes pour les jeunes · sur les jeunes · par des jeunes Océans et Côtes De profonds mystères Ça s’échauffe La puissance des océans Alerte à la pollution Nager avec les requins Rencontre avec Ellen MacArthur Sommaire TUNZA le Magazine du PNUE pour les Jeunes www.ourplanet.com Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) PO Box 30552, Nairobi, Kenya Tél. (254 20) 621 234 Fax (254 20) 623 927 Télex 22068 UNEP KE [email protected] www.unep.org Editorial 3 Ça s’échauffe 4 De profonds mystères 6 Nager avec les requins 7 Directeur de la publication Eric Falt Coordination Wondwosen Asnake Rédacteur en chef Geoffrey Lean Rédactrice invitée Erin Senff Coordination à Nairobi Naomi Poulton Directeur de la diffusion Manyahleshal Kebede TUNZA répond à tes questions 8 Un impact formidable 9 Moins pêcher pour mieux pêcher 10 Jeunes rédacteurs Leyla Acaroglu, Australie ; Millicent Burggraf, Australie ; Ibrahim Ceesay, Gambie ; Sarah et Kate Charters, Australie ; Yazmin Lucero Cobos Becerra, Colombie ; Kate de Mattos, Royaume-Uni ; Ding Chen, Chine ; Gerard G. Dumancas, Philippines ; Oliver Goh, Singapour ; Tatiane Guimarães, Brésil ; Priyank Gupta, Inde ; Rosidah Hardiani, Indonésie ; Rahima Indria, Indonésie ; Lester Louis L. López, Philippines ; Yvonne Beatrice Masilingi Maingey, Kenya ; George Muchina Nguri, Kenya ; Tan Jack Young, Singapour ; Reinier A. Tinapay, Philippines ; Aleksandra Tomkiewicz, Pologne ; Elizabeth Tubbs, Royaume-Uni ; Uli Wilke, Allemagne Protection des mers : tout à gagner 11 La puissance des océans 12 Les mers manquent d’air 14 Les touristes se mettent au vert 15 Sur la vague du succès 16 Autres rédacteurs Adrian Chia ; Ron Douglas, City University, Londres ; Ellen MacArthur ; Rosey Simonds et David Woollcombe, Peace Child International ; Mark Spalding, The Nature Conservancy ; Andrew Thomlinson Comment trouver des solutions 16 Liberté totale, opportunités infinies 17 Une grosse responsabilité 18 Visons plus haut ! 19 Mon âme sœur 20 Les autres coraux 21 Comme un poisson dans l’eau 21 Les 7 mers 22 ISSN 1727-8902 Maquette Edward Cooper, Équateur Traduction Anne Walgenwitz/Ros Schwartz Translations Ltd Rédacteur web Graham Barden Production Banson Responsable du service Enfance et Jeunesse/Sport et Environnement du PNUE Theodore Oben Imprimé au Royaume-Uni Les opinions exprimées dans le présent magazine ne reflètent pas nécessairement celles du PNUE ou des responsables de la publication, et ne constituent pas une déclaration officielle. Les termes utilisés et la présentation ne sont en aucune façon l’expression de l’opinion du PNUE sur la situation juridique d’un pays, d’un territoire, d’une ville ou de son administration, ni sur la délimitation de ses frontières ou limites. Tout article du présent magazine qui n’est pas protégé par copyright peut être reproduit gratuitement à condition que TUNZA et l’auteur ou le photographe concernés soient informés par écrit et reçoivent un justificatif de publication. TUNZA recevra avec plaisir les articles, comptes rendus, illustrations et photographies qui lui seront envoyés, mais ne peut cependant pas garantir leur parution. Les manuscrits, photographies et illustrations non sollicités ne seront pas retournés. Abonnement Pour recevoir TUNZA régulièrement et figurer sur notre liste de diffusion, renseignez-vous auprès de Manyahleshal Kebede, Directeur de la diffusion, TUNZA, en indiquant vos nom et adresse, et la langue de votre choix (français, anglais, espagnol). Changement d’adresse Veuillez envoyer l’étiquette portant votre adresse ainsi que votre nouvelle adresse à : Manyahleshal Kebede, TUNZA, UNEP, PO Box 30552, Nairobi, Kenya. Le présent magazine est imprimé sur du papier entièrement fabriqué à partir de déchets recyclés. Les techniques de blanchiment de papier utilisées sont sans danger pour l’environnement. 2 TUNZA Vol 3 No 4 Le PNUE et Bayer, multinationale allemande, spécialiste de la santé, de l’agrochimie et des matériaux de hautes performances, se sont associés pour sensibiliser les jeunes aux questions environnementales et encourager les enfants et les adolescents à se prononcer sur les problèmes mondiaux de l’environnement. Le PNUE et Bayer, qui collaborent sur des projets en Asie et dans la zone du Pacifique depuis presque dix ans, ont passé un nouvel accord de partenariat en vue d’accélérer l’avancement des projets en cours, faire profiter d’autres pays des initiatives fructueuses et développer de nouveaux programmes pour la jeunesse. Au nombre de ces projets figurent le magazine TUNZA, le Concours international de peinture sur l’environnement pour les jeunes, la désignation d’un Délégué spécial commun à Bayer et au PNUE pour la jeunesse et l’environnement, l’organisation de la Conférence internationale Tunza du PNUE, la mise en place de réseaux de la jeunesse pour l’environnement en AsiePacifique, le Forum « Eco-Minds » en AsiePacifique, l’Éco-Forum en Pologne, et un Concours international de photographie en Europe de l’Est intitulé « Ecology in Focus » (Objectif Écologie). « Chacun de nous porte dans ses veines un courant salé dans lequel le sodium, le potassium et le calcium s’associent dans des proportions pratiquement identiques à celles de l’eau de mer. C’est ce qui nous reste du jour où, il y a des millions Edi torial d’années, un de nos ancêtres lointains, ayant évolué du stade monocellulaire au stade pluricellulaire, se dota d’un système de circulation primaire dont le fluide était simplement l’eau de mer. » Rachel Carson PNUE/Topham C omment se fait-il que notre planète s’appelle la Terre ? Elle devrait plutôt s’appeler la Mer, parce que c’est l’eau – avec tous ses bienfaits – qui distingue notre planète des autres sphères arides du système solaire. Les océans couvrent 72 % de sa surface. Toutes les formes de vie, y compris nos propres ancêtres, sont issues de la mer, et aucune espèce terrestre ne pourrait survivre sans la pluie apportée par la mer. Les océans continuent à réguler le climat de notre planète solitaire et à faire d’elle une oasis isolée dans l’immensité noire et désertique de l’espace. L’humanité exploite depuis toujours ces océans nourriciers. Elle les traite comme une source apparemment inépuisable d’aliments et n’hésite pas à y déverser inlassablement ses déchets. L’océan tolère ces abus depuis des générations. Mais aujourd’hui, notre génération commence à assumer la responsabilité de la santé de notre planète. Nous sommes arrivés à la limite de ce que nous pouvons lui infliger. Et nous dépassons parfois les bornes. La plupart des pêches du monde sont exploitées à pleine capacité ou surexploitées. Et la pollution – notamment celle du dioxyde de carbone qui provoque le réchauffement mondial – menace maintenant toute la vie des océans. L’attitude irresponsable et égoïste, qui nous a amenés à baptiser la planète du nom de la partie relativement modeste que nous occupons, procède de la même logique que l’état d’esprit qui nous a conduits à dépouiller les océans et tous les systèmes de maintien de la vie. Il va falloir que notre génération s’attaque au problème si nous voulons sauver nos mers, et avec elles la planète tout entière. Ce n’est pas une tâche facile, mais en cas de doute, pensons au liquide qui circule dans nos veines. Car, comme le faisait remarquer Rachel Carson, une des grandes fondatrices du mouvement écologique, notre sang comporte pratiquement la même composition de sels que l’eau de mer dont nos ancêtres sont issus. A. Pignone/PNUE/Topham Océans et Côtes 3 QUAND LA MER MONTE DES PROBLEMES DE SANTE Situé en bordure de mer, le Bangladesh est un pays particulièrement concerné par la hausse du niveau des mers. Photo : J. Descloitres/MODIS RRT/NASA GSFC yons une pensée pour les habitants des îles Carteret, de petits atolls situés au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée dans le Pacifique Sud. Ils sont contraints d’abandonner leur patrie à l’océan. Depuis vingt ans, ils essaient désespérément mais en vain d’empêcher la mer qui les entoure de gommer leurs îles de la carte. Ils ont bâti des murs pour se protéger des eaux mais chaque année, les vagues s’abattent sur leurs terres, emportant leurs habitations, détruisant leurs cultures et salinisant leur eau potable. Aujourd’hui, l’océan menace de les noyer. Dans deux ans, il ne restera plus personne sur les atolls. Tous les habitants se seront réfugiés sur Bougainville, une proche île montagneuse. Les 2 000 habitants des îles sont la première goutte de ce qui deviendra bientôt un fleuve de réfugiés à travers le monde. Car partout, le réchauffement de la planète fait progressivement monter le niveau des mers. Jusqu’ici, le phénomène résulte principalement du réchauffement de l’immensité de l’océan, dont l’expansion est similaire à celle d’un rail de chemin de fer quand il fait chaud. Mais progressivement, l’eau des glaciers et des calottes glaciaires qui fondent est en train d’accélérer le processus. Les scientifiques les plus optimistes prévoient une hausse du niveau de la mer de 30 à 40 centimètres au cours de ce siècle, mais ce chiffre pourrait atteindre 1 mètre. Cela n’a l’air de rien, mais une telle hausse suffirait à rendre de nombreuses nations inhabitables – comme les Maldives et Tuvalu – et à inonder des régions entières de pays situés à basse altitude comme le Bangladesh, faisant ainsi des millions de personnes déplacées. Et si le réchauffement mondial se poursuit et qu’il fait fondre la calotte glaciaire, la hausse sera encore plus catastrophique. La fonte de la calotte glaciaire du Groenland augmenterait le niveau de la mer de 7 mètres et celle de l’Antarctique occidental de 5 mètres supplémentaires. Le long du littoral, des villes et des terres du monde entier disparaîtraient de la carte, avec des conséquences inimaginables. A B. Hatcher/A. Naseer/Dalhousie Univ. 4 TUNZA Vol 3 No 4 Le corail qui souffre d’un blanchissement modéré peut retrouver sa couleur naturelle si les températures redeviennent normales assez rapidement : l’algue dont il est tributaire peut alors recoloniser ses tissus. Photo : P. Kobeh/Still Pictures Si les températures restent élevées, le blanchissement devient fatal : l’algue dont le corail a besoin pour survivre meurt, et le corail finit lui aussi par dépérir. D’autres algues commencent alors à tapisser le « squelette » du corail mort. Photo : Secret Sea Visions/Still Pictures e réchauffement mondial a déjà de terribles répercussions sur la vie de la mer et des oiseaux. Durant l’été 2005, le minuscule plancton qui constitue la base de la chaîne alimentaire dans le Pacifique au large des côtes nord-ouest de l’Amérique n’est pas apparu, avec pour conséquence une chute record des populations de poissons et d’oiseaux. Un phénomène similaire s’est produit ces dernières années au large de la côte nord de la Grande-Bretagne, des eaux plus chaudes ayant détourné le plancton à des centaines de kilomètres plus au nord. Pour certains scientifiques, ce sont les signes de l’impact permanent qu’a le changement climatique sur la santé des océans. De nouvelles études effectuées par l’Université d’Amsterdam suggèrent que si le réchauffement se poursuit, il perturbera et détruira le plancton dans le monde entier. Et les récifs coralliens, qui sont les habitats les plus riches des océans, sont en train de blanchir et de mourir dans les mers qui se réchauffent. L Ça s’échauffe LE GULF STREAM AVIS DE TEMPETE Une image de la calotte glaciaire du Groenland montre qu’elle diminue d’épaisseur au niveau des côtes (zones bleues). Ce phénomène est probablement lié à une fonte plus importante des glaces mais s’explique aussi par un mouvement plus rapide des glaciers vers la mer. UN GAZ TOXIQUE Photo : NASA GSFC SVS L’œil de la tempête : l’ouragan Elena. Cette tempête a conduit à l’évacuation de près d’un million de personnes vivant sur le littoral entre Tampa, en Floride et la Nouvelle-Orléans, Louisiane. Les vents ont atteint une vitesse de 195 kilomètres par heure. Photo : NASA/Still Pictures Les Florida Keys vues de l’espace : on remarque les importantes structures formées par les coraux. Les routes et chemins de fer du Labrador, au Canada, sont conçus pour supporter des températures extrêmement basses. Photo : NASA GSFC SVS/LANDSAT Photo : M. Lamarre/Still Pictures algré le réchauffement climatique, les changements intervenant au niveau des courants océaniques pourraient refroidir considérablement certaines parties du monde. En hiver, le Gulf Stream, qui transporte des eaux chaudes des Caraïbes à travers l’Atlantique, contribue autant que le soleil à réchauffer l’Europe occidentale. Sans lui, une des régions les plus peuplées du monde se retrouverait avec le même climat que le glacial Labrador du Canada. Les sociétés et les économies d’Europe occidentale ne survivraient pas sous ces conditions. Ce système océanique est impulsé par les eaux salées de l’Arctique alors qu’elles s’enfoncent profondément dans l’océan, où elles forment un vaste courant qui se dirige vers le sud. Là, les eaux chaudes de surface se substituent à celles de l’Arctique pour s’écouler vers le nord. Mais d’importantes quantités d’eau douce résultant de la fonte des glaces au nord empêchent l’eau salée de s’enfoncer et le courant commence à s’affaiblir. Fin 2005, les scientifiques ont indiqué qu’il s’était affaibli d’environ 30 %. M Ce village de pêcheurs du Honduras a été détruit par l’ouragan Mitch en 1998. L’Amérique centrale connaît souvent de très violentes tempêtes. Photo : N. Dickinson/Still Pictures es ouragans sont alimentés par les mers chaudes, et leur force et leur nombre sont en augmentation. L’année 2005 a connu la pire saison atlantique depuis le début de la météorologie. Elle a commencé plus tôt et s’est terminée plus tard, et les ouragans et tempêtes ont été plus nombreux que jamais. La saison a d’ailleurs produit trois des six ouragans les plus forts jamais enregistrés aux Etats-Unis. Katrina, par exemple, a inondé la Nouvelle-Orléans, provoquant d’immenses dégâts Les scientifiques ne sont pas tous d’accord quant à la responsabilité du réchauffement mondial. Si de récentes études indiquent que celui-ci intensifie les ouragans, il n’est pas certain qu’il les rende plus nombreux. Par contre, on considère généralement que s’il se poursuit, la situation ne fera qu’empirer. L Quand on ajoute du dioxyde de carbone dans l’océan, c’est comme si l’on gazéifiait de l’eau plate pour faire du soda. Photo : B. Mims/PNUE/Topham t, pire encore, le dioxyde de carbone – principal responsable du réchauffement mondial – risque de modifier la composition chimique des océans comme il ne l’a pas fait depuis 20 millions d’années. Les océans absorbent la moitié de tous les gaz émis par l’humanité, et ils continueront à le faire. Ce processus produit de l’acide carbonique dilué, qui freine la capacité des coraux, des crustacés, des mollusques et d’une partie du plancton à former leur structure ou leur coquille dures. Comme l’acidité continue à augmenter, il est à craindre que les récifs de corail, les crustacés et mollusques et le plancton mourront, ce qui aurait d’énormes répercussions sur la vie des océans. E Océans et Côtes 5 AUSSI INCROYABLE QUE CELA PARAISSE, nous possédons très peu d’informations sur 99 % environ de la partie habitable de la planète. En effet, mesurée en volume plutôt qu’en superficie, c’est la proportion que représentent les mers et les océans. Et nous ne savons pratiquement rien de leurs profondeurs. La pression augmente d’une pression atmosphérique tous les 10 mètres. Et l’obscurité est totale : au-delà de 1 000 mètres, le soleil ne pénètre plus. On peut utiliser un filet mais pour le descendre jusqu’à 4 000 mètres, il faut un filin de 14 kilomètres de long. La descente et la remontée du filet peuvent prendre 12 heures. La manœuvre est délicate et risque d’endommager les espèces prélevées. Par ailleurs, le filet a la taille d’un but de foot et il est donc minuscule comparé à l’immensité des océans. Les véhicules submersibles sont une autre possibilité. Mais dans le monde entier, il n’en existe qu’une douzaine qui soient utilisables en haute mer. Et une modeste expédition à 2 000 mètres de profondeur s’avère extrêmement coûteuse. D’ailleurs le plus profond de la mer n’a été atteint qu’une seule fois : en 1960, Jacques Piccard et Don Walsh ont touché le plancher océanique de la fosse Mariana. Les parois de leur véhicule, le Trieste, faisaient 127 millimètres d’épaisseur afin de pouvoir supporter la pression de 1,4 tonne par centimètre carré. « Les véhicules submersibles sont très bruyants, avec de puissants phares. Quand ils arrivent dans des lieux sombres et silencieux, ils font fuir les espèces », explique Douglas. « Tout animal qui possède une once de bon sens s’écarte immédiatement, et les scientifiques en sont réduits à observer les spécimens stupides, aveugles ou séniles ! » Pourtant, malgré toutes ces difficultés, les chercheurs trouvent constamment de nouvelles formes de vie au fin fond des mers. « Les animaux des profondeurs sont absolument fascinants », confie Douglas. « Ils se sont adaptés à l’incroyable pression, aux extrêmes de température et à l’absence de lumière. Rares sont ceux qui survivent lorsqu’on les remonte à la surface. » En haute mer, la densité de créatures est En haut : L’Argyropelecus aculeatus est un En haut : Un synodonte ou Bathysaurus ferox, faible et les espèces se sont donc également poisson pélagique dont le corps argenté et plat qui vit sur le lit océanique à une profondeur adaptées à cette situation. La plupart des constitue un excellent camouflage. pouvant atteindre 4 000 mètres, en train de poissons ont des dents pointues, une grande En bas : Le Malacosteus niger est un poisson se sustenter. gueule et un estomac élastique de façon à dont les organes lumineux émettent une lueur En bas : Le Scopelarchus analis des grands augmenter leurs chances d’attraper et de digérer rouge que la plupart des autres habitants des fonds dont les yeux jaunes forment des toute proie de passage. Certains types de profondeurs ne peuvent pas voir et qui lui donne « télescopes » pointés vers le haut pour ainsi une « longueur d’onde » privée. maximiser la faible lumière du soleil. baudroie mâle ont trouvé une manière inédite de saisir toutes les occasions de se reproduire : La profondeur moyenne des mers du monde est de 4 000 mètres. A ils s’ancrent au dos de la femelle – de manière permanente. 11 000 mètres dans le Pacifique, la fosse Mariana est l’endroit le plus Comme l’explique Douglas, les créatures de ce monde obscur profond que nous connaissions. A partir de 200 mètres de profondeur, communiquent en illuminant des organes spécialisés. Ce système leur on parle de « haute mer ». Là, le mystère reste pratiquement entier. permet également d’attirer un partenaire ou une proie et d’effrayer Jusqu’ici, nous n’avons exploré que 10 kilomètres carrés sur les les prédateurs. 300 millions de kilomètres carrés que comptent les fonds marins de Mais ce n’est qu’un aperçu de ce monde. Comme le fait remarquer notre planète. Douglas, nous avons déjà bien du mal à nous faire une idée de toutes Le peu que nous connaissons a de quoi surprendre. D’abord, tout les créatures qui vivent dans les profondeurs. Nous sommes donc comme la terre ferme, les fonds marins comportent des plaines et des loin d’être capables de déterminer le rôle de chacun au sein de fossés, des chaînes de montagnes, des volcans et des canyons. Les l’écosystème. Douglas est convaincu que la vie sous-marine est au températures sont parfois extrêmes : la haute mer est généralement moins aussi variée que la vie terrestre – et probablement beaucoup glaciale, mais certains endroits sont extrêmement chauds. Là, au plus – et qu’elle pourrait donc nous fournir de précieux produits, de niveau des bouches hydrothermales, des eaux brûlantes et toxiques nouveaux médicaments par exemple. jaillissent de failles dans le plancher océanique. Pourtant, malgré la La mission visant à envoyer un homme sur la lune a commencé chaleur et le sulfure, c’est là que vivent de nombreuses créatures pratiquement au moment où Piccard et Walsh atteignaient la fosse comme les vers tubicoles géants, les myes et les microorganismes. Mariana. Depuis, douze humains ont marché sur la lune. Aucun n’est Comme l’explique Ron Douglas, de l’Université de Cambridge et retourné au plus profond de l’océan. « La découverte des fonds marins de City University à Londres, si nous connaissons si mal la haute mer, sera probablement aussi passionnante pour les générations futures que c’est surtout parce qu’elle est très difficile d’accès. L’être humain ne ne l’a été l’exploration spatiale pour les générations précédentes », peut guère plonger à plus de 30 ou 40 mètres sans aide spécialisée. conclut Douglas. Tammy Frank Justin Marshall Shaun Collin Ron Douglas De profonds mystères 6 TUNZA Vol 3 No 4 Corbis Nager avec les requins es requins ont mauvaise réputation, mais ils ne le méritent pas. Ils donnent l’image de prédateurs impitoyables vouant une haine farouche à l’homme. Pourtant, comme l’explique le spécialiste des fonds marins Jean-Michel Cousteau, les guêpes font chaque année beaucoup plus de victimes que les requins. On compte environ une centaine d’attaques de requin, qui font une douzaine de morts. Les humains, eux, sont responsables de la mort de plus de 100 millions de requins chaque année, soit 11 000 par heure. Si le nombre de requins est en chute, c’est parce que l’homme les chasse pour leurs ailerons – dont on fait notamment une soupe – et parce que la surpêche décime les proies dont ils se nourrissent. L’espèce est particulièrement vulnérable car il lui faut plusieurs années pour atteindre l’âge adulte. De plus, la femelle produit un nombre limité de petits à chaque portée. Pourtant, la protection des requins intéresse moins le public que celle d’autres espèces plus « sympathiques », L comme le panda par exemple. C’est sans doute le caractère prédateur du requin qui rebute. Mais c’est justement parce que c’est un prédateur qu’il joue un rôle si important dans l’équilibre de la vie des océans. Jean-Michel Cousteau – le fils de Jacques Cousteau, l’océanographe de réputation mondiale qui fit découvrir au grand public la biologie marine – essaie de changer tout cela. Il vient de tourner deux splendides documentaires sur les requins, un pour le cinéma et l’autre pour la télévision. Il a déclaré : « Nous essayons de toucher des millions de spectateurs, qui verront enfin la réelle beauté du requin, pas le monstre qu’on a voulu en faire. Les requins ont bien plus à craindre de nous que nous d’eux. Et si nous ne limitons pas la pêche de ces créatures, nous perdrons irrévocablement une des espèces les plus magnifiques de notre planète. » Le film, un documentaire IMAX intitulé Sharks 3-D, produit en collaboration avec le PNUE et 3D Entertainment, est actuellement diffusé dans le monde entier. Cousteau est l’hôte de cette « rencontre intimiste avec les lions et les tigres des océans ». Des séquences spectaculaires filmant les requins les plus menacés du monde nous font découvrir des créatures magnifiques, sauvages et fascinantes qui peuplent les mers depuis 400 millions d’années. Pour la télévision, Jean-Michel Cousteau a consacré aux requins l’un de ses documentaires de six heures de la série JeanMichel Cousteau’s Ocean Adventures. C’est une réalisation familiale, puisque son fils Fabien et sa fille Céline font partie de l’équipe de plongée. Fabien Cousteau a également mis au point un sous-marin en forme de requin baptisé Troy, qui permet au plongeur d’accompagner les grands requins blancs et de les observer dans leur habitat naturel. Il souhaite changer l’opinion qu’a le public des grands blancs et contribuer à la recherche sur les requins. Il prépare d’ailleurs un autre documentaire, intitulé Mind of a Demon, qui sera diffusé au cours de 2006. 3D Entertainment Ltd TUNZA Q R répond à vos Quel rôle les océans jouent-ils dans la santé de la Terre ? La survie de l’humanité dépend de la santé des océans. Plus de la moitié de la population mondiale vit en bordure de mer, et des millions de personnes tirent leur alimentation et leurs moyens d’existence des océans. Les océans influent sur le climat et absorbent de vastes quantités de déchets, notamment la moitié du dioxyde de carbone produit par les humains. Q Pourquoi faut-il conserver l’eau alors qu’il en existe de telles quantités dans les océans ? R L’eau de mer ne peut être consommée qu’après avoir été distillée ou dessalée – et l’agriculture et le bétail ont également besoin d’eau douce. Le temps et les ressources nécessaires pour dessaler les océans seraient beaucoup plus importants que le coût du pompage de l’eau douce contenue dans le sol, les rivières et les lacs. Q Est-il réaliste de penser que les océans pourraient jouer un rôle dans la couverture de nos besoins énergétiques futurs ? R Que ferons-nous lorsque nous n’aurons plus suffisamment de pétrole, de gaz et de charbon ? Nous savons qu’il est possible d’extraire de l’énergie des océans, mais il faudra veiller à ne pas endommager leur santé et leurs écosystèmes. Grâce à la recherche et au développement, nos océans pourraient devenir une ressource et un service énergétique fiable, abordable et écophile. QUESTIONS Q Que peut-on faire, si l’on ne vit pas à proximité de l’océan, pour participer à sa protection ? R Nous devons être conscients du rôle vital des océans, même si l’on vit à des milliers de kilomètres à l’intérieur des terres. Les Nations Unies ont déclaré que le 8 juin serait la Journée mondiale de l’océan. C’est le jour idéal pour organiser des actions de sensibilisation. Tu peux participer à des nettoyages, à des concours de peinture, à des tables rondes – à tout ce qui peut montrer l’importance de l’océan dans nos vies et les effets dévastateurs de la pollution sur l’environnement marin. Q Comment les océans contribuent-ils à la croissance économique ? Comment s’assurer que cette croissance est durable ? R La vraie croissance économique est celle qui permet de produire des biens et services qui améliorent le bienêtre des populations et de la planète. L’océan est pour nous tous synonyme d’aliments, d’énergie et de ressources minérales, de voie de transport et de loisirs. Si nous voulons continuer à profiter de ces activités si bénéfiques, nous devons protéger et conserver les mers et les zones côtières. Q Est-il possible de prévoir les tsunamis et d’alerter les communautés qui vivent sur les côtes ? R Oui. Nous avons déjà implanté quelques capteurs sur les fonds marins et à la surface des océans pour détecter les tremblements de terre. Il est cependant nécessaire d’améliorer l’organisation et la coordination. Les Nations Unies travaillent en étroite collaboration avec leurs organismes et avec les gouvernements pour mettre en place un système mondial d’alerte précoce qui permettra de détecter les tsunamis et de prévenir les populations en danger. Q Les parcs d’éoliennes en mer sont-ils dangereux pour les océans et la vie marine ? R Ces parcs constituent une source d’énergie propre et un faible risque pour l’environnement marin. Les périodes les plus problématiques sont celles de la construction et du déclassement des éoliennes, mais ces opérations ne prennent guère que six mois. Les parcs existants semblent indiquer qu’il n’y a pas d’impact négatif sur la vie marine. Si tu as des QUESTIONS sur l’environnement et le développement, tu peux les poser aux spécialistes du PNUE. Envoie un e-mail à [email protected], et nous essayerons de te répondre dans les prochains numéros. Hank Foto/PNUE/Topham 8 TUNZA Vol 3 No 4 JOURNÉE MONDIALE DE L’ENVIRONNEMENT • 5 juin 2006 D É S E R T S E T D É S E R T I F I C A T I O N Un impact formidable Reinier A. Tinapay NE DÉSERTEZ PAS LES ZONES ARIDES ! N’oublie pas N. Hicks/WWI/Still Pictures u lycée, je participais déjà régulièrement à la plantation d’arbres, à des initiatives de recyclage et à des éco-camps, mais j’avais vraiment envie de mieux comprendre ce qu’impliquait de militer en faveur de l’environnement. Alors, le jour où j’ai entendu parler d’une nouvelle émission radio hebdomadaire intitulée « la patrouille écologique », je me suis immédiatement présenté pour une audition. On m’a embauché comme présentateur des infos. Il ne nous a pas fallu longtemps pour devenir une voix influente au sein du mouvement écologiste. Nous avons commencé à travailler avec d’autres organisations comme le Conseil des jeunes pour la gestion des bassins versants – un groupe jeune et dynamique qui s’occupe des questions d’eau, la ressource la plus précieuse de Davao, ville située à l’extrême sud des Philippines. Et nous nous sommes lancés dans de nombreuses activités : je ne me contentais plus de planter des arbres. Nous avons découvert une bananeraie illégale qui couvrait 6,7 hectares de la zone protégée du Mont Apo, près de Davao. Le pire, c’est que l’investisseur avait l’intention de construire un téléphérique au-dessus d’un fleuve voisin, crucial pour le bassin versant. Des dommages irréparables semblaient imminents. Nous avons donc décidé de prendre position contre la municipalité. Avec d’autres organisations et coopératives de petits agriculteurs, nous A avons attaqué la plantation en justice en décembre 2001. La bataille a été rude et les tensions étaient énormes, mais nous avons tenu bon et les gens ont fini par nous soutenir. Après deux ans et de multiples audiences, nous avons gagné notre procès. La municipalité a ordonné la fermeture de la bananeraie et la remise en état de la forêt à la charge de l’exploitant. Notre succès a redonné courage à d’autres organisations et aux petits agriculteurs menacés par des plantations illégales. Ils ont eux aussi décidé de ne pas se laisser faire. Et l’une après l’autre, les plantations illégales ont été dénoncées et poursuivies en justice. Et puis j’ai eu l’honneur d’être élu pour représenter l’Asie et le Pacifique en qualité de Conseiller jeunesse Tunza, lors de la récente Conférence de la jeunesse qui s’est tenue à Bangalore en Inde. Là, j’ai rencontré d’autres jeunes comme moi, qui ont envie de faire progresser la durabilité. En leur racontant mon histoire, j’ai compris qu’elle pouvait motiver d’autres jeunes. Je suis arrivé en simple citoyen et je suis reparti en camarade. Une initiative, aussi modeste soit-elle, peut vraiment avoir un impact formidable. Même quand on est jeune, on peut provoquer des changements. Reinier A. Tinapay est Conseiller jeunesse Tunza pour l’Asie et le Pacifique. la Journée mondiale de l’environnement (JME) 2006 – le lundi 5 juin. Cette année, elle a pour thème « Déserts et désertification » et son slogan est « Ne désertez pas les zones arides ! ». Les principales célébrations auront lieu à Alger, en Algérie. C’est la première fois que l’Afrique du Nord accueille cette journée des Nations Unies. Tu peux participer au succès de cet important événement en organisant des activités dans ta commune ou ton pays. L’idée est de choisir des activités simples mais parlantes, susceptibles de sensibiliser les jeunes à l’environnement en général et au thème de cette année en particulier. Concours de dessin, expositions de concours de photos, plantation d’arbres, nettoyages, recyclages, symposiums et ateliers – voici le genre d’activités organisées les années précédentes. Le sport pourrait également figurer au programme. Pour trouver des idées sur la manière de célébrer la Journée mondiale de l’environnement, visite le site du PNUE sur www.unep.org/wed/. N’oublie pas que, quelle que soit l’initiative prise, il faut qu’elle soit simple à organiser, éducative et motivante pour les personnes de ton entourage, surtout les jeunes. Comme d’habitude, nous vous conseillons, à toi et à ton organisation, de prendre contact avec le bureau du PNUE de ta région pour voir comment participer activement aux initiatives de la journée. Enfin, dis-nous ce que tu as l’intention de faire en remplissant le formulaire « Faites connaître vos activités » sur le site de la Journée mondiale de l’environnement. Cette information figurera dans la section « A travers le monde » du site dans le rapport d’activité mondial 2006. Océans et Côtes 9 Moins pêcher pour mieux pêcher e poisson est la principale source de protéines pour un milliard d’humains à travers le monde. Les océans sont surexploités, et les réserves de poissons – autrefois considérées comme inépuisables – sont en déclin. Sur mer, l’être humain « moderne » continue à se comporter en chasseur-cueilleur. Mais il se soucie bien moins de préserver les futurs stocks des espèces qu’il chasse que ne le font les chasseurs, pourtant réputés « primitifs », dans les forêts et les déserts du monde. Les mers et les océans sont parcourus par une flotte de navires de pêche deux fois et demie plus nombreuse qu’elle ne devrait l’être si nous voulions pêcher sans décimer les réserves de poissons. Et pour qu’ils puissent continuer à exercer leur métier, les pêcheurs sont subventionnés par les gouvernements à hauteur de 15 milliards de dollars par an, ce qui représente jusqu’à un quart de la valeur totale des prises. Rien de surprenant donc à ce que 75 % des pêches du monde soient en crise : elles sont déjà surexploitées ou en passe de le devenir. Seuls 4 % des zones de pêche sont sous exploités. Et dès qu’une zone est décimée, les flottilles passent à la suivante, la décimant elle aussi. Par conséquent, malgré l’importance de la flotte, les subventions et les efforts des pêcheurs, les quantités de poissons pêchées – qui avaient atteint un pic au début du nouveau millénaire – sont en baisse. Avec l’augmentation de la démoA. Pais/NOAA graphie, les prises par personne – soit 14 kilos – sont à leur niveau le plus bas depuis quarante ans. Les prises d’espèces aussi appréciées que la morue, le flet et le merlu ont diminué de moitié bien que les moyens employés pour les pêcher aient triplé. Depuis cinquante ans, le nombre de grands prédateurs des océans – comme le thon ou le requin – a accusé une baisse de 90 %. Et le poids moyen du requin bleu est en chute libre, puisqu’il est passé de 52 à 22 kilos. Pourtant, ce secteur connaît un terrible gaspillage. Chaque année, les flottes de pêche du monde rejettent quelque 20 millions de tonnes de poissons et de coquillages considérés comme « sousproduit » indésirable. Un poisson sur douze environ est rejeté à la mer, mort ou vif, parce que sa vente ne serait pas suffisamment rentable ou parce que les pêcheurs viennent de dépasser le quota autorisé. La pêche cause également la mort de nombreuses autres espèces. Chaque année, quelque 300 000 petits dauphins, baleines et marsouins se trouvent piégés dans des filets et plus de 250 000 tortues luths et caouannes menacées sont victimes des palangres utilisées pour pêcher le thon et l’espadon. Et c’est aussi à cause des palangres que 19 espèces d’albatros sont aujourd’hui en voie d’extinction. Heureusement, certaines initiatives ont enfin été prises pour améliorer la situation. Un organisme indépendant, le Conseil de bonne gestion marine (MSC), décerne un label de qualité aux pêches durables. Cela permet au consommateur d’acheter son poisson en faisant des choix éthiques. Le MSC a déjà certifié la gestion durable d’une douzaine de pêches et accordé son label à 263 produits dans 24 pays. Et les pays sont de plus en plus intéressés par la création de zones protégées où la pêche est totalement interdite, afin de permettre aux réserves de poissons de se reconstituer. L S.B. Lacayo/PNUE/Topham V. Viyatvicha/PNUE/Topham W.B. Folsom/NMFS/NOAA J. Canete/PNUE/Topham 10 TUNZA Vol 3 No 4 A. Heimann/PNUE/Topham A. Drake/PNUE/Topham H.S. Hystek/PNUE/Topham Protection des mers : tout à gagner L es océans et les mers dominent notre planète bleue mais ils sont loin de bénéficier de la même protection que les terres. Alors qu’ils couvrent 72 % de la superficie de la Terre, les zones maritimes protégées ne représentent que 1 %, chiffre bien peu élevé comparé aux 12,5 % de sites protégés sur la terre ferme, dont la superficie est relativement modeste par comparaison. Et les deux cinquièmes de ce petit pour-cent sont situés dans deux immenses espaces, le parc marin de la Grande barrière de corail et la Réserve du récif corallien des îles du nord-ouest d’Hawaï. En grande majorité, les 4 000 zones marines protégées (ZMP) sont situées à proximité des côtes et donc relativement faciles à surveiller. Les pays sont également à même de gérer leur propre espace économique exclusif qui s’étend sur 200 miles marins. Pourtant, près des deux tiers des océans sont situés au-delà de ces zones, sans protection et sans gestion. La protection des mers est nécessaire Millan/PNUE/Topham pour favoriser la biodiversité – et notamment les écosystèmes cruciaux comme les récifs coralliens et les espèces menacées comme les tortues ou les phoques moines – et pour maintenir la productivité des océans. Lorsqu’elles sont correctement gérées, les zones protégées ou les zones de non prélèvement sont très efficaces. Prenons l’exemple de certaines parties du banc George, au large de la côte est des EtatsUnis : dans cette zone, la pêche avait été interdite après que les réserves de poisson eurent été décimées par la surpêche. Il n’a fallu que cinq années pour reconstituer les stocks, et les poissons ont même commencé à proliférer dans les zones voisines, augmentant considérablement les prises. L’Afrique du Sud vient de créer quatre nouvelles ZMP pour protéger un récif corallien, des espèces de requins, une migration annuelle de millions de sardines le long de ses côtes et des oiseaux de mer menacés. Et l’année dernière, l’Irlande a annoncé la mise en place de ZMP et de restrictions concernant la pêche afin de protéger ses coraux d’eaux froides – qui abritent 1 300 espèces d’invertébrés et de poissons au large de sa côte ouest. Malheureusement, certaines ZMP n’existent que sur le papier, et la réglementation n’est pas facile à faire respecter. La surveillance accrue effectuée par les gardes, les patrouilles en mer et dans les airs et les communautés locales – sans oublier les systèmes de suivi par satellite – devrait améliorer la situation. Mais il est également indispensable de renforcer les mécanismes de protection internationale. La puissance des océans Marées et courants, vagues qui s’écrasent sur le rivage… la puissance des océans a toujours fasciné l’humanité. Aujourd’hui, nous allons peut-être commencer à exploiter les mers pour alimenter en énergie nos maisons et nos entreprises. Ce n’est pas facile, car la force qui rend l’exploitation des océans si intéressante implique aussi de concevoir et construire des équipements particulièrement résistants. Pourtant, l’énergie des vagues et marées représente un potentiel extraordinaire à l’échelle mondiale. De plus, il s’agit d’une énergie propre, qui ne pollue pas et n’accélère pas le changement climatique. Bien entendu, nous exploitons déjà les fonds marins pour leur pétrole et leur gaz, de la mer Caspienne à la mer de Chine Méridionale en passant par l’Arctique et le golfe du Bénin. Mais ces réserves ne sont pas illimitées et de nouvelles sources d’énergie seront nécessaires. Vagues et marées Serpents électriques Ocean Power Delivery Ltd Les études effectuées dans ce domaine indiquent que moins de 0,1 % de l’énergie des vagues (houlomotrice) et marées (maréemotrice) pourrait fournir cinq fois plus d’électricité que le monde n’en consomme actuellement. Il existe déjà des structures permettant de la capter en bord de mer et dans les estuaires sujets à marées. En 2006, des installations exploitant l’énergie houlomotrice seront mises en place jusqu’à 5 kilomètres des côtes. L’Australie, la Chine, la France, l’Inde, le Japon, le Portugal, la Scandinavie et les EtatsUnis sont tous en train de développer des technologies énergétiques marines. L’aspect technique est un défi car, bien qu’ils soient relativement bon marché à faire fonctionner et à entretenir, les équipements doivent résister aux tempêtes et à la corrosion du sel. Et il faut qu’ils puissent exploiter aussi bien les vagues fortes que les vagues faibles. La recherche et le développement de méthodes permettant de tirer parti de la puissance des océans est coûteuse. Mais comme nous exigeons de plus en plus d’électricité et de moins en moins d’émissions de dioxyde de carbone – gaz émis par la combustion de combustibles fossiles, principal responsable du réchauffement mondial – les avantages offerts par une énergie propre en provenance de la mer ne cessent d’augmenter. Dessin des serpents de mer. L’énergie marée-motrice La méthode la plus en pointe pour exploiter les marées consiste à construire des « barrières » en travers des estuaires. Avec cette technologie inventée dans les années 1960, les marées forcent l’eau à traverser les barrières, faisant ainsi tourner des turbines qui produisent de l’électricité. La plus grande usine marée-motrice de ce type se trouve à La Rance, dans le nord de la France. On reproche à cette technologie de perturber les habitats. La Chine bâtit actuellement une lagune artificielle à l’embouchure du Yalu qui permettra d’exploiter l’énergie des marées au moment du reflux des eaux. Le niveau d’eau plus haut comprime l’air à l’intérieur de la chambre et actionne ainsi une turbine. Des « serpents de mer » semi-submergés devraient commencer à produire de l’énergie au large des côtes portugaises dès 2006. Il s’agira de la toute première « ferme » houlomotrice commerciale. Les serpents – qui sont en fait des génératrices Pelamis P-750 – sont constitués de quatre sections articulées, dont chacune possède une circonférence de 3,5 mètres et une longueur comparable à celle d’un wagon de chemin de fer. Lorsque les vagues pénètrent dans le serpent, une huile sous haute pression est propulsée dans les moteurs hydrauliques qui font tourner des génératrices d’électricité. L’énergie ainsi obtenue est ensuite acheminée par câble marin vers la terre ferme. La première phase du projet, qui comporte trois génératrices, produira environ la même quantité d’électricité qu’une éolienne moderne – suffisamment pour couvrir les besoins moyens de 1 500 foyers, soit une économie annuelle de 6 000 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone. Si ce projet de 9 millions de dollars, situé à 5 kilomètres au large de la ville historique de Póvoa de Vari, est couronné de succès, 30 serpents de mer supplémentaires devraient être installés. Ainsi, l’exploitation de 70 hectares de mer permettrait de produire l’électricité nécessaire pour alimenter plus de 13 000 foyers. Les vagues pénètrent dans une chambre inclinée construite le long du rivage, faisant monter le niveau de l’eau à l’intérieur. La turbine tourne à la fois quand l’eau pénètre dans la chambre et quand elle retombe dans l’océan. Le mouvement de la turbine actionne une génératrice qui produit alors de l’électricité. Le projet Limpet A l’aube de l’année 2006, le monde ne possédait qu’une seule centrale houlomotrice commerciale, située sur Islay, une île écossaise. Le Limpet 500 (Land Installed Marine Powered Energy Transformer) produit de 12 TUNZA Vol 3 No 4 l’électricité pour le réseau britannique. Wavegen, la société exploitante, et les ingénieurs qui ont développé cette technologie – des chercheurs de la Queen’s University de Belfast – sont convaincus qu’il existe suffisamment d’énergie houlomotrice exploitable autour du Royaume-Uni pour couvrir tous les besoins en électricité du pays, actuels et à venir. La même équipe prépare actuellement un projet de centrale houlomotrice pour les îles Féroé. Des trésors sous la mer Même s’il n’est situé qu’à 90 mètres de la côte californienne, ce puits de pétrole en mer était le premier à entrer en service en 1897. Aujourd’hui, 30 % environ de nos importantes ressources pétrolières proviennent de puits en mer, de même que la moitié environ de notre gaz naturel. Le pétrole et le gaz sont exploités à partir de quelque 8 000 plateformes disséminées sur les océans du monde. Les puits de pétrole et de gaz en mer sont beaucoup plus chers à exploiter que ceux situés sur la terre ferme. Mais comptetenu de la hausse de la demande et de la baisse des réserves, l’exploitation en mer reste intéressante. Malgré l’importance de l’industrie pétrolière, les déversements d’hydrocarbures sont remarquablement rares. Ils restent cependant dangereux pour la vie de la mer, au moins à proximité des plateformes. Les déchets de forage polluent les fonds marins et perturbent les espèces et leurs fragiles habitats. De plus, après épuisement du gisement, l’élimination des plateformes et des substances toxiques qu’elles contiennent reste problématique. Lorsque les puits seront à sec, on leur trouvera peut-être une nouvelle utilisation bénéfique à notre planète. Les ingénieurs sont en train de développer des technologies visant à capter les émissions de dioxyde de carbone provenant de centrales électriques et autres, et à les acheminer vers de profonds puits de pétrole et de gaz sous le lit de l’océan. L’intérêt est double dans la mesure où la méthode peut permettre d’expulser les toutes dernières réserves de pétrole et de gaz : c’est ainsi que les Etats-Unis se débarrassent déjà chaque année de quelque 32 millions de tonnes de dioxyde de carbone. eau gaz tour de forage grue mécanique pétrole tige de forage pétrole brut foreuse séparation du pétrole brut (pétrole, gaz et eau) héliport logements et salles des machines eau sous pression vers le réservoir de pétrole turbine à gaz créant l’énergie nécessaire sur la plateforme eaux usées gaz et pétrole à expédier sur la terre ferme pétrole brut extrait du réservoir eau sous pression pompée dans le réservoir Les appareils de forage à l’œuvre Les appareils de forage permettent de forer jusqu’à une profondeur de 2 000 mètres et jusqu’à 300 mètres de la côte. On fait flotter des plateformes submersibles dans les eaux peu profondes puis on les leste pour qu’elles s’installent sur les fonds marins. Des plateformes autoélévatrices – utilisées quand la profondeur des eaux ne dépasse pas 100 mètres – sont remorquées sur place. Là, on abaisse leurs pieds, et leur coque se déplie hors de l’eau. Des navires de forage – ancrés ou maintenus en place par des propulseurs informatisés – prospectent le pétrole ou forent jusqu’à 1 500 mètres de profondeur. Mais les plateformes semi-submersibles sont les plus courantes : leur superstructure est posée sur des colonnes s’élevant à partir de coques ou pontons ballastés sous la surface de l’eau qui offrent une excellente stabilité jusqu’à une profondeur de 300 mètres, même quand la mer est déchaînée. Les plateformes pétrolières sont de véritables villes industrielles suspendues au-dessus de la mer, qui comportent tout l’équipement et les fournitures indispensables à leurs travailleurs, qu’ils soient foreurs, plongeurs, ingénieurs ou cuisiniers. En général, les plateformes pétrolières extraient le pétrole et le gaz provenant de plusieurs réservoirs en même temps. La haute tour de forage actionne de bas en haut le train de tiges de forage, qui est refroidi par un liquide appelé « boue de forage ». On envoie de l’eau sous haute pression dans le réservoir, pour faire remonter le pétrole brut, qui est un mélange de gaz naturel, d’eau et de pétrole. On sépare le pétrole et le gaz, et on les débarrasse de l’eau et des particules. Cette eau usée peut servir de boue de forage ou être réutilisée pour extraire du pétrole brut – ou rendue à la mer après avoir été analysée. Le pétrole et le gaz sont alors pompés vers la côte ou embarqués sur des navires. Océans et Côtes 13 Les mers manquent d’air uand on pense « pollution des mers », on imagine tout de suite une nappe de pétrole spectaculaire. Pourtant, les accidents de ce genre sont une infime partie du problème et ne représentent que 5 % du pétrole qui pollue les mers, qui n’est lui-même qu’un aspect relativement peu important de la pollution marine générale. Les dégazages en mer des eaux de lestage chargées d’hydrocarbures, effectués par des navires en pleine activité, sont un problème beaucoup plus important. Mais les grands coupables sont en réalité les voitures et autres véhicules terrestres : l’huile de moteur usagée et l’eau chargée d’hydrocarbures qui s’écoulent des routes sont responsables de la plus grande partie de la pollution pétrolière des océans lorsqu’elles finissent leur course dans les égouts. Globalement, 80 % de la pollution marine vient de la terre. Il s’agit principalement des effluents des égouts, non traités ou insuffisamment traités, chargés de déjections humaines – qui contiennent de dangereux virus et bactéries – et de la pollution émanant de l’industrie et de l’agriculture intensive. Les eaux d’égouts, les engrais agricoles et autres nutriments stimulent la croissance des algues. Celles-ci contaminent parfois les crustacés avec de dangereux poisons, et comme elles privent toujours l’eau d’oxygène, les poissons et autres espèces marines finissent par étouffer. Ceci contribue à la multiplication des « zones mortes » Q De jeunes albatros à pieds noirs déambulant sur la plage parmi le verre cassé et autres détritus. Photo : M. Rauzon/PNUE/Topham Déchets : pas toujours faciles à digérer ! Si tu jettes une bouteille en plastique dans la mer ou que tu l’abandonnes sur la plage après un pique-nique, il lui faudra un demimillénaire pour se biodégrader. D’ailleurs, un simple ticket de bus met des semaines à se désintégrer. La mer finit toujours par digérer nos déchets, mais comme le montre ce tableau, cela peut prendre un sacré bout de temps ! Temps qu’il faut pour qu’un objet se biodégrade en mer Ticket de bus en papier 2-4 semaines Tissu en coton 1-5 mois Corde 3-14 mois Tissu en laine 1 an Bois peint 13 ans Boîte en fer 100 ans Boîte en aluminium 200-500 ans Bouteille en plastique 450 ans Source : Hellenic Marine Environment Protection Association (HELMEPA) Les herbiers un écosystème océanique mal connu Ce sont des zones de reproduction pour les poissons… qui représentent aussi une précieuse ressource renouvelable pour les populations locales www.rainkissed.com www.karintyrefors.com www.inspirationsfromcinnamon.com Mais il faut veiller à ce qu’ils soient exploités de manière durable. 14 TUNZA Vol 3 No 4 dans les mers et les océans. Le PNUE en a recensé 146 (voir carte) : depuis les années 1960, leur nombre a doublé tous les dix ans. Deux des plus vastes zones mortes – qui couvrent environ 70 000 kilomètres carrés – sont situées dans le golfe du Mexique et dans la Baltique. Par ailleurs, certains produits chimiques comme les PCB (biphényles polychlorés) se concentrent dans les poissons. Quelque 95 % des poissons pêchés à travers le monde proviennent justement des côtes sur lesquelles nous déversons nos déchets. Parce qu’elle est responsable de décès et de maladies, la pollution des eaux côtières coûte chaque année 12,8 milliards de dollars à l’économie mondiale. Dans le monde entier, les effluents des côtes se déversent continuellement dans la mer. Photo : D. Tapia Munoz/PNUE/Topham Un cadavre de petit crabe dans les sédiments d’une « zone morte » dans le golfe du Mexique. Photo : OAR/NURP/NOAA, Lousiana Univ. Marine Consortium ALERTE A LA POLLUTION : des zones côtières privées d’oxygène Les zones mortes ou « hypoxiques », résultant de la prolifération d’une algue suivie de sa décomposition, peuvent être persistantes (durer toute l’année), épisodiques (une fois par an ou moins), périodiques (une fois par an ou plus) ou annuelles et liées aux saisons. La zone hypoxique située au large de la Louisiane dans le golfe du Mexique, par exemple, est un phénomène estival. Manque d’oxygène Annuel Episodique Périodique Persistant Source : PNUE/GEO Year Book 2003 e développement a imposé de fortes contraintes sur plus de la moitié des côtes du monde. Les villes du littoral ont connu une expansion rapide. Les industries se sont multipliées, notamment celles liées à la mer comme l’exploration pétrolière ou celles nécessitant la proximité d’un port. Le tourisme, lui, est gros consommateur de terres, de matériaux de construction, d’eau et d’équipement de traitement des déchets. De ce fait, il exerce une pression sur les habitats naturels, détruisant, par exemple, les sites de nidification des tortues. Il est possible de gérer de manière durable les ressources côtières et océaniques. Ce n’est L contre la pauvreté et de favoriser la diversité biologique et culturelle. Installée dans le parc national de Quirimbas – célèbre pour ses magnifiques plages, ses forêts côtières, ses coraux, ses mangroves et ses prairies marines – elle s’est donné pour mission de développer les atouts de la région et d’utiliser des matériaux locaux tout en ayant un impact minime sur l’environnement et les modes de vie de la population. Les touristes sont logés dans des bandas, de spacieuses huttes en forme de tente, au toit recouvert de feuilles de makuti. Ces logements ont été réalisés avec un minimum d’énergie, en tenant compte de la manière dont initiative conjointe du Fonds mondial pour la nature (WWF) et BioRegional, associe l’aménagement de 4 800 hectares de réserve naturelle avec reboisement en pins et chênes de la région, et un complexe touristique de 500 hectares d’une capacité d’accueil maximale de 25 000 lits. Face à la concurrence de programmes de tourisme de masse traditionnels, le promoteur, la société Pelicano, a obtenu l’aval des autorités locales et nationales. Ce projet de 1,2 milliard de dollars pourrait bien servir de modèle mondial en matière de tourisme et de développement durable. Utilisant des matériaux de construction Mata de Sesimbra, Portugal. Le Parc national de Quirimbas, Mozambique. Les touristes se mettent au vert BioRegional toutefois pas facile : les responsabilités sont fragmentées et les intérêts en jeu très divers. Pourtant, depuis quelque temps, on voit fleurir des petits complexes touristiques fondés sur des principes durables et écologiques. Prenons par exemple l’auberge écotouristique de Guludo au Mozambique : elle répond aux désirs des touristes, bien sûr, mais au niveau local, elle permet aussi de lutter WWF-Canon/P.J. Stephenson les bâtiments et les matériaux pourront par la suite être réutilisés ou recyclés. Au Portugal, le projet éco-touristique de Mata de Sesimbra, premier programme mondial de construction durable à grande échelle, a été mis en place dans une région où le développement urbain provoque une érosion du littoral, une fragmentation de l’habitat et d’autres problèmes. One Planet Living, durables, il s’est fixé des cibles ambitieuses pour minimiser la consommation d’énergie et d’eau et limiter les déchets et les émissions de dioxyde de carbone. Les visiteurs acquitteront une écotaxe qui permettra de financer certains travaux écologiques comme la réimplantation de couloirs écologiques et la remise en état de terres humides et autres habitats côtiers et fluviaux importants. Océans et Côtes 15 ingt sept étudiants – en sciences et techniques, sociologie, économie et administration – venus de neuf pays se sont réunis à Manille en octobre 2005 pour le premier forum EcoMinds Asie-Pacifique. Durant quatre jours, ils ont été mis au défi de trouver des solutions aux problèmes du développement durable. L’idée était de s’appuyer sur des applications créatives et pratiques des sciences et technologies, tout en adoptant une approche multidisciplinaire et internationale. Ils devaient également essayer de prévoir les impacts sociaux des solutions qu’ils proposaient et tester leur viabilité : bien qu’axé initialement sur l’innovation scientifique et technique, le programme encourage la prise en compte des facteurs socioéconomiques et culturels à tous les stades du développement. « Eco-Minds – la nouvelle initiative du partenariat PNUEBayer visant à sensibiliser les jeunes du monde entier à l’environnement – constitue un forum important pour l’amélioration des compétences scientifiques », a déclaré dans son discours inaugural monsieur Oels, membre du Conseil d’administration de Bayer. « C’est une formidable occasion pour tous les participants d’échanger des idées couvrant une vaste gamme de disciplines universitaires, d’obtenir les conseils d’experts, de visiter des sites écologiques pertinents et de trouver des solutions aux problèmes réels de durabilité. » Plusieurs colloques avaient été organisés par des Madame Gloria MacapagalArroyo, Présidente des spécialistes issus de domaines aussi divers que les sciences et Philippines, inaugure le premier technologies, l’environnement et les affaires, notamment par le forum Asie-Pacifique Professeur Jeffrey Sachs, directeur du Projet du millénaire aux Eco-Minds. Nations Unies. Ces échanges ont amené les jeunes à réfléchir et à affiner leurs idées sur le développement et l’environnement. Leyla Acaroglu, venue d’Australie, confie : « Les colloques nous ont permis de mieux comprendre pourquoi les opinions, motivations et intentions sont souvent en contradiction dès que l’on essaie de trouver des solutions positives en accord avec le développement durable. » Le groupe s’était réparti en équipes de trois – chaque membre représentant différents pays et domaines de compétence – pour travailler sur une étude de cas élaborée par Ateneo de l’Université de Manille. Les participants avaient pour mission de conseiller la « Tierra Verde », une région fictive des Philippines, qui souhaitait valoriser ses ressources tout en fournissant des moyens d’existence à sa population. Les industries envisagées incluaient notamment la commercialisation d’une eau minérale, une conserverie d’ananas et la crevetticulture. Chaque équipe choisit une proposition à présenter aux autorités locales de Tierra Verde – représentées par un jury – qui tenait compte de la protection environnementale, de la durabilité et de l’impact social. Tan Jack Young, étudiant en technologie architecturale à l’IUT de Singapour et membre de l’équipe gagnante, a parlé de son expérience : « L’étude de cas avait été pensée dans les moindres détails. Au début, j’ai trouvé les contraintes de gestion environnementale assez problématiques. Mais les membres de notre équipe étaient très complémentaires et nous avons donc bien réussi à couvrir les différents aspects – socioéconomiques, technologiques et écologiques. » Le troisième grand volet du programme a permis aux jeunes de s’aérer un peu. Ils ont participé à un atelier de survie dans la jungle, dans les splendides forêts de Subic. Les participants s’initient « Une expérience extraordinaire, qui prouve vraiment qu’il aux techniques de survie existe des manières simples et naturelles de créer les choses dont dans la jungle. on a besoin pour survivre », a déclaré Leyla Acaroglu. Eco-Minds était le premier d’une série de forums biennaux qui continueront à donner aux étudiants l’occasion de synthétiser leurs idées et d’approfondir leur connaissance du développement durable. « Eco-Minds nous permet vraiment de comprendre que le développement durable exige une approche multidisciplinaire », a déclaré le représentant des Philippines, Gerard G. Dumancas. « C’est un programme holistique qui donne la même importance à chaque domaine. » Elisabeth Guilbaud-Cox, du PNUE, conclut en disant : « Ce forum permettra de dynamiser l’évolution vers un monde répondant en tous points aux souhaits des pères fondateurs des Nations Unies. » V Charters/Burggraf er er Bay u départ, l’Australienne Layne Beachley, détentrice de six titres consécutifs de championne du monde de surf, avait créé la fondation « Aim for the Stars » pour aider les filles de 12 à 18 ans à poursuivre leur carrière sportive. Mais impressionnée par les initiatives et la passion de trois jeunes écologistes australiennes, elle a décidé d’y adjoindre le prix Beachley de l’environnement, pour que les trois filles puissent être récompensées dans le cadre de l’enveloppe de subventions 2006. En juillet 2005, les lauréates Sarah et Kate Charters et Millicent Burggraf sont venues grossir les rangs des 600 représentants du monde entier qui assistaient au premier Sommet mondial des enfants du PNUE, organisé dans la préfecture de Aichi au Japon. Inspirées par le Sommet, les trois filles ont, dès leur retour, présenté la pétition du Sommet – qui met au défi les dirigeants du monde de tenir davantage compte de l’environnement et engage les enfants à prendre des initiatives pour protéger l’environnement – à Darren Ray, le maire de Port Phillip, leur ville, et à John Thwaites, ministre de l’Environnement et vice-premier ministre de l’État de Victoria. Elles ont même réussi à persuader le maire de parrainer l’élimination des sacs en plastique dans le centre commercial local. Les filles ont prévu d’utiliser la subvention pour participer au Sommet mondial des enfants 2006, qui se tiendra en Malaisie, et pour poursuivre leurs initiatives en faveur de l’environnement. A B ay du succès B ay er Daniel Adriatico Sur la vague Comment trouver des solutions V. Curutchet/DPPI/Offshore Challenges B. Stichelbaut/DPPI/Offshore Challenges Liberté totale, opportunités infinies vec plusieurs records du monde à son actif, la jeune navigatrice Ellen MacArthur a beaucoup de points communs avec l’albatros, le plus gros oiseau du monde – tous deux sont réputés pour leur hardiesse et tous deux sillonnent le globe en tirant parti du vent. A L’année dernière, Ellen a remporté le tour du monde en solitaire sur son trimaran spécialement conçu, le B&Q/Castorama. Du haut de ses 1,60 mètres elle a captivé les foules, triomphant de vagues déchainées, d’ennuis mécaniques, de blessures et de l’épuisement. Son exploit célébrait toute une vie d’amour de l’océan. En mer, elle a rencontré de nombreux albatros, dont 19 espèces sont menacées par la pêche aux lignes de fonds. Cette pratique consiste à tirer des lignes d’appâts derrière les navires, et les oiseaux qui se trouvent pris au piège meurent noyés. Saluée comme la plus grande navigatrice britannique de tous les temps à son retour en février 2005, Ellen a indiqué qu’elle était préoccupée par le sort des albatros. Elle a pris le temps de participer à une étude sur l’albatros errant sur Albatross Island – un sanctuaire de faune de Géorgie du Sud – en compagnie de chercheurs de la Royal Society for the Protection of Birds et de BirdLife International. Elle a confié à TUNZA qu’elle voulait attirer l’attention sur le problème des albatros et apprendre à mieux les connaître. « Les albatros sont menacés, nous devons donc leur donner un maximum de chances. » TUNZA l’a rencontrée après son départ de l’île, au moment où elle se préparait à partir en mars 2006 pour établir de nouveaux records de vitesse dans les eaux d’Asie, aventure qu’elle espère partager avec un équipage composé en partie de jeunes Chinois. Q : De quand date votre passion pour la mer et la voile ? R : Ma tante m’avait emmenée en mer lorsque j’étais très jeune, et après quelques jours à bord, je suis devenue complètement « accro ». C’est de là que vient ma passion. J’ai tout de suite adoré la sensation d’être sur l’eau, le sentiment de liberté totale et d’opportunités infinies. Et la responsabilité qu’implique la voile m’a plu, tout comme la préparation et tout ce qu’on fait à terre pour s’occuper du bateau. J’ai un immense respect pour l’océan : dans mon métier, il faut bien comprendre combien cet environnement peut être complexe et imprévisible. Q : Depuis que vous voyagez, trouvez-vous que l’environnement marin a changé ? R : Lors de mon dernier tour du monde, j’ai remarqué que les icebergs étaient bien plus au nord qu’avant et que la température de l’eau était un peu plus élevée. Ces changements se sont produits sur une période de quatre ans, ce qui semble indiquer que le changement climatique n’y est pas étranger. Q : Le trust Ellen MacArthur est fondé sur l’idée que « tout le monde a un but ». Pensez-vous que cela s’applique aussi aux jeunes et à l’environnement ? R : Le trust a été créé pour permettre aux enfants atteints d’un cancer ou d’une leucémie de découvrir un monde totalement nouveau, sur l’eau. Ces voyages peuvent avoir un impact extraordinaire sur certains enfants, et c’est très motivant. Team Ellen Je crois vraiment qu’il faut que les jeunes aient un but dans la vie. Cela les aide à réaliser leurs rêves – qu’il s’agisse de naviguer ou d’aider l’environnement – et à atteindre leur potentiel personnel ! Océans et Côtes 17 Une grosse responsabilité « Ce programme est une initiative très intéressante : elle peut permettre d’améliorer la vie de nos pays. » Tatiane Guimarães, Brésil d’Europe de l’Est et d’Amérique latine, les délégués – âgés de quinze à vingt-six ans – avaient été choisis parmi 800 candidats ayant soumis des projets et dissertations sur l’environnement. Des entretiens individuels avaient permis de tester les connaissances, les aptitudes à communiquer et les qualités de meneur de chacun. Bayer avait organisé à leur intention une visite d’étude d’une semaine à son siège mondial. Monsieur Udo Oels, membre du Conseil d’administration de Bayer, a parlé aux jeunes du rôle important joué par le développement durable dans la protection de l’environnement. « Si nous vous avons invités à venir ici, en Allemagne, c’est surtout pour vous faire comprendre que la politique, l’industrie et les particuliers, ainsi que la protection de l’environnement et le développement durable, sont étroitement liés », a-t-il expliqué. En visitant les sites de Bayer, les délégués ont découvert une technologie de pointe et compris comment les préoccupations écologiques peuvent se traduire en 18 TUNZA Vol 3 No 4 ticulièrement intéressée par la visite des centres Bayer de traitement des eaux usées et des déchets, qui lui a permis de s’informer sur des méthodes et technologies qui l’aideront dans son travail une fois rentrée dans son pays. Le programme des délégués avait commencé en 1995 en Thaïlande et il concerne désormais de plus en plus de pays. Cette conférence était la première à inclure l’Afrique, représentée par deux jeunes Kenyans, Yvonne Beatrice Masilingi Maingey et George Muchina Nguri. « C’est super d’être ici pour nous qui sommes africains », a déclaré Yvonne. « C’est une grosse responsabilité mais c’est passionnant. » Priyank Gupta, d’Inde, a ajouté : « C’était une occasion formidable de rencontrer des jeunes du monde entier qui s’intéressent aux mêmes problèmes que nous, et de voir comment le groupe Bayer contribue à relever des défis mondiaux en participant au développement durable. » Les jeunes ont eu l’occasion de discuter r « Je suis bien décidé une fois de retour à faire partager mon expérience à d’autres jeunes de ma communauté. » Priyank Gupta, Inde des problèmes d’environnement et de leurs projets individuels. Pour Oliver Goh, de Singapour, c’était le plus intéressant parce que « cela nous a permis d’exprimer nos idées et de trouver de multiples solutions à différentes questions ». Les participants se sont également attachés à créer des réseaux. Rahima Indria a confié qu’un de ses objectifs était de rencontrer de jeunes Indonésiens venus d’autres villes et d’autres îles pour pouvoir travailler ensemble sur des objectifs et des projets communs. La semaine n’était pas uniquement consacrée au travail : les jeunes ont visité E. Coope E. Coope r C’est ce qu’ont conclu les 45 participants à la dernière conférence des Délégués Bayer pour la jeunesse sur la protection de l’environnement et le développement durable. La conférence annuelle, parrainée par le partenariat entre le PNUE et le groupe Bayer, s’est tenue en novembre 2005 au siège de la société à Leverkusen, en Allemagne. Elle s’est donné pour mission d’aider les jeunes à concrétiser leur engagement envers l’environnement. Venus de 14 pays d’Afrique, d’Asie, applications pratiques, par exemple dans les domaines de la production agricole, de l’agronomie, et de la surveillance et de la maîtrise de la qualité de l’air et de l’eau. Ils ont rencontré des biochimistes et participé à des ateliers sur les activités chimiques et pharmaceutiques de Bayer. Cecilia Kibare, responsable au PNUE de la communication et de l’information du public, leur a raconté comment les programmes Tunza permettent d’inciter les enfants et les jeunes à s’intéresser aux questions environnementales. Yazmin Lucero Cobos Becerra, de Colombie, a confié qu’elle avait été par- er Bay « Tout dépend de moi ! » « La société Bayer a les moyens de faire passer le message du développement durable. » Aleksandra Tomkiewicz, Pologne les sites historiques proches comme la cathédrale de Cologne – inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO – et le Rhin. Ces excursions leur ont permis de mieux se connaître. « Je me suis fait des tas d’amis. Nous allons pouvoir communiquer et discuter des questions qui nous passionnent », a déclaré Ding Chen, de Chine. Lester Louis L. López, des Philippines, a ajouté : « J’espère que beaucoup d’autres jeunes feront la même expérience que nous, parce que cela nous responsabilise et que c’est encourageant. » Michael Schade, Directeur de la politique d’entreprise et des relations avec les médias chez Bayer, s’est déclaré toujours impressionné par les délégués et par le sérieux avec lequel ceux-ci s’acquittent de leur mission. « Ils sont à l’origine de petits changements qui finissent par faire de grandes différences », a-t-il déclaré. Rosidah Hardiani, d’Indonésie, a conclu : « Nous sommes réunis ici parce que nous voulons protéger la Terre. » Visons plus haut ! Bayer Bayer « La protection de l’environnement est toujours un investissement dans l’avenir. » E. Cooper Teoh Chin Hock/PNUE/Topham Udo Oels, membre du Conseil d’administration de Bayer E. Cooper enff E. S « C’est vraiment merveilleux de représenter les Africains. Pour moi, c’est une formidable occasion de découvrir ce qui se fait en matière de protection de l’environnement. » George Muchina Nguri, Kenya Lorsque Christophe Colomb est arrivé aux îles Cayman, ses bateaux ont été obligés de ramer dans des eaux peu profondes où proliféraient des tortues. Jusqu’au 20e siècle, les plongeurs apercevaient presque toujours des requins lorsqu’ils plongeaient dans les eaux des Caraïbes. Aujourd’hui, rares sont ceux qui ont la chance d’apercevoir brièvement un requin. Et partout dans le monde, les jeunes ont bien du mal à croire les anciens lorsque ceux-ci leur parlent de la taille des poissons qu’ils pêchaient autrefois. Chaque génération se forge une impression de ce qui est « normal » en se fondant sur ce qu’elle se souvient d’avoir vu, et nous avons tendance à fixer nos objectifs de conservation de cette manière. Nous pensons qu’il faut maintenir les choses en l’état. Au mieux, nous espérons voir quelques créatures un peu plus imposantes et quelques coraux de plus. E. Cooper Bayer Bayer Nos attentes sont beaucoup trop modestes. Il reste certains endroits sur Terre qui devraient nous inciter à mettre la barre plus haut. Sur le Banc d’argent au nord de la République dominicaine, une sortie en mer permet invariablement d’observer de nombreuses baleines à bosse. Au sud-est de Cuba, les plongeurs sont parfois suivis par d’énormes mérous et constamment frôlés par des requins. Il existe des plages en Amérique centrale où plus de 10 000 tortues continuent à venir se reproduire chaque année. Et les vivaneaux frayent en si grand nombre au large de Belize que des bancs entiers de requins-baleines – les plus gros poissons du monde – viennent se nourrir des œufs contenus dans le plancton. Bayer www.bayeryoungenvoy.com Bayer Voilà le genre d’environnement que nous devrions essayer de réhabiliter partout ! Océans et Côtes 19 La mer a toujours éveillé ma curiosité. J’ai découvert la plongée à l’âge de dix ans, en vacances avec ma famille au bord de la mer Rouge. En rentrant, j’ai raconté mon aventure sous-marine à mes amis dans les moindres détails, ne tarissant pas d’éloge sur le monde magique que j’avais découvert. ntal Educa onme tion nvir Fo fE e un Re d En faisant de la plongée, j’ai vu des choses extraordinaires – j’ai nagé avec des requins, exploré des épaves. Chaque fois, j’ai été émerveillée par la beauté et l’immensité des récifs coralliens. Mon âme sœur ion at A. Nachoum /PN UE /To La plongée est devenue mon jardin secret. Lorsque je me dirigeais vers la mer en tenue de plongée, portant une lourde charge sur les épaules, je me sentais l’âme d’une exploratrice luttant contre des forces supérieures. Une fois sous l’eau, je ne sentais plus mon poids. J’avais la sensation de marcher sur la lune, j’étais euphorique. Aujourd’hui, dix années plus tard, les impressions que je ressentais étant enfant ont évolué, mais l’euphorie que me procure la plongée et le sentiment de pénétrer dans un autre monde sont toujours là. Il y a deux ans environ, au Mexique, j’ai rencontré une âme sœur : le poisson demoiselle. Très coloré, et pas plus long que mon petit doigt, il est capable de défendre farouchement son carré d’algues. Alors que j’observais tranquillement ce joli petit poisson qui « exploitait » son territoire, il a soudain fait volteam ph face. J’ai vu ses yeux me fixer, et il s’est précipité sur moi pour m’effrayer et me montrer qu’il était maître chez lui. Cette détermination m’a rappelé que lorsque j’étais petite, il me suffisait de bomber le torse et de fixer quelqu’un dans les yeux pour me sentir invincible. Pez M a ya Je trouve passionnant d’avoir accès à ce monde naturel et mystérieux, avec ses bizarreries touchantes et ses montées d’adrénaline. Les océans sont si pleins de vie, riches d’un nombre incalculable d’espèces qui ont évolué sur des millions d’années ! Tant que nous restons à notre place et que nous nous comportons en invités des mers, la plongée nous permet de les explorer d’une façon totalement inédite. Effectue la formation nécessaire. Renseigne-toi auprès des gens qui vivent là et n’oublie-pas que la mer est bien plus forte que toi. m airat/PNUE S. P /To ph a Kate de Mattos Mes conseils : Indique à quelqu’un l’endroit où tu plongeras. Plonge avec un ami, jamais en solitaire. ya Traite la mer et ses habitants avec respect – ne te lance pas à leur poursuite. E/Topham PN U Pez M a Evite de toucher quoi que ce soit, notamment le corail : c’est un animal, pas une pierre ! Pez M a ya Laisse les lieux comme tu les as trouvés. Amuse-toi bien ! Si tu es au bord de la mer mais que tu n’as pas l’occasion de faire de la plongée sous-marine, tu peux toujours plonger en apnée : c’est une façon simple et bon marché de découvrir le monde sous-marin. 20 TUNZA Vol 3 No 4 Q L’exploration des ressources pétrolières et gazières, et leur exploitation, la pose de câbles et de pipelines, et le déversement de déchets posent également des problèmes. Et comme les fragiles coraux, qui peuvent être vieux de 8 000 ans, poussent très lentement, il faudra peut-être des siècles pour que ces trésors de biodiversité et de richesse économique retrouvent leur santé. N R. Bray /N U RP / AA Ove H oeg h -G ul e db C. Wab nit z A. Friew al d Ces coraux sont d’ailleurs particulièrement vulnérables à la pêche commerciale. Celle-ci utilise notamment le chalutage par le fond : le bateau racle les fonds marin avec un filet maintenu en position ouverte par des portes métalliques pour attraper les poissons plats et les crustacées qui peuplent le lit. Ce faisant, les portes qui peuvent peser plusieurs tonnes accrochent les coraux et mélangent les sédiments, détruisant souvent l’écosystème des récifs ou le perturbant considérablement. O A. Friew al d Ces coraux forment des habitats aussi vastes et aussi complexes que ceux des coraux d’eaux chaudes, et prennent la forme de récifs et de forêts dans des lieux qui sans eux seraient mornes et boueux. Dans les eaux plus froides et plus profondes, les coraux ne trouvent pas d’algues mais se nourrissent de matières organiques portées par les courants. C’est l’absence d’algues dans leurs tissus qui explique que ces communautés de coraux sont moins colorées que les récifs des environnements plus chauds. Pourtant, ils servent d’habitat à des milliers d’autres espèces, notamment à des poissons vendus dans le commerce. Q A. Friew al d uand on parle de coraux, on imagine immédiatement les eaux peu profondes et chaudes des mers turquoise des tropiques. Pourtant, dans presque tous les océans de la Terre, il existe des coraux qui vivent dans des eaux profondes, sombres et riches en nutriments. Mais ces coraux d’eaux froides sont plus éloignés que leurs cousins des eaux chaudes – on les trouve généralement dans des lieux relativement inaccessibles comme l’extrémité du plateau continental et à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Ce n’est que récemment que les scientifiques ont pu les étudier plus en détail. Comme un poisson dans l’eau A. Edw ar d s Les autres coraux rg uoi de plus fascinant qu’un aquarium d’eau de mer, avec ses poissons clowns bariolés, nichés parmi les anémones, ses crevettes cachées sous les coraux et autres merveilles du monde sous-marin ? Pourtant, il faut que tu saches que 99 % de ces créatures sont prélevées dans la nature, dans les récifs coralliens des Philippines ou d’Indonésie, par exemple. Les écologistes considèrent que certaines méthodes de collecte irresponsables – comme celles qui consistent à pêcher au cyanure, à frapper sur les habitats pour forcer les poissons à sortir, et à casser des morceaux de récif pour accéder à certaines espèces – abîment des milieux fragiles qui souffrent déjà d’autres pressions comme le changement climatique. Malmenées, les espèces meurent souvent durant le voyage qui les emporte vers les Etats-Unis, l’Europe et d’autres régions où les aquariums sont très appréciés. Comme celles qui survivent se vendent à prix d’or, les négociants en prélèvent un maximum pour compenser les pertes, en faisant souvent appel à des méthodes qui n’ont rien d’écologique. La pisciculture pourrait peut-être résoudre ce problème. Certains ornements marins très prisés – comme l’anémone, le poisson clown et les coraux – se reproduisent très bien en aquarium, mais les cycles de reproduction de la plupart des espèces sont trop vulnérables pour qu’elles prolifèrent. Et si cette pisciculture n’est pas organisée par les communautés locales, elle risque de priver les petits ramasseurs de leurs moyens d’existence. Ceux qui sont favorables à ce commerce considèrent qu’une fois sensibilisés et formés, exportateurs, importateurs, détaillants et particuliers pourraient à la fois assurer les moyens d’existence des populations locales et promouvoir la conservation des récifs coralliens. Le Conseil des aquariums marins (Marine Aquarium Council – MAC), qui a élaboré des normes de commerce durable, forme les ramasseurs, grossistes et détaillants. Il leur accorde un agrément et assure ainsi des moyens d’existence durables aux ramasseurs tout en donnant la certitude aux acheteurs qu’ils participent à la conservation des récifs. Océans et Côtes 21 1. Arctique : le narval Est-ce une licorne ou un cadavre ? Le narval autre appellation, plus romantique, lui vient de (Monodon monoceros) de l’Arctique, une baleine son plus bel atout : la corne d’ivoire du mâle qui peut faire 3 mètres de long et qui peut faire 5,2 mètres de qui lui a valu le pseudonyme long et peser 1,8 tonne, a été F. Bruemmer/Still Pictures de « licorne de mer ». D’ailleurs, comparée aux deux. Sans qu’on le narval pourrait bien être à sache très bien pourquoi, son l’origine du mythe de la licorne. nom est dérivé de l’expression « baleine cadavre » en vieux norrois. Certains pensent que c’est à cause de sa peau tachetée, d’autres suggèrent que c’est parce qu’elle nage souvent le ventre en l’air. Son Les 7 mers 1 7 7. Atlantique Nord : la mer des Sargasses e jour où Christophe Colomb, en route pour le Nouveau monde, aperçut sur sa route une masse de végétation, il crut avoir trouvé la terre ferme. Pourtant, il était toujours au milieu de l’Atlantique. Il se trouvait dans la mer des Sargasses – ovale de 1 100 kilomètres de large et 3 200 kilomètres de long, situé entre les Açores et les Caraïbes. La mer tient son nom d’une algue, le Sargassum, qui flotte en immenses quantités sur les eaux calmes, d’un bleu profond. Comme les navires ralentissaient dans ces eaux tranquilles, les marins croyaient autrefois que c’étaient les algues qui les retenaient, et la mer n’avait pas bonne réputation. Les algues abritent de nombreuses espèces marines, et c’est là que se reproduisent l’anguille américaine et l’anguille européenne. A. Brando/Still Pictures L 22 TUNZA Vol 3 No 4 6 6. Océan Austral : l’empereur a Marche de l’empereur a fait rêver le 11 plumes par centimètre carré. Mais cela ne monde, et le film est devenu un des plus suffit pas à le protéger de températures qui grands succès commerciaux de tous les peuvent tomber jusqu’à -60°. Pour survivre, les empereurs se rassemtemps. Ses héros et ses blent en une immense masse héroïnes – des manchots et se blottissent les uns empereurs – sont les seuls contre les autres. Ils s’orgaanimaux à passer l’hiver dans nisent pour occuper tour à l’endroit le plus froid de la tour l’intérieur de la masse, planète. Le corps du plus où il fait très chaud, et le grand des manchots – qui pourtour beaucoup plus froid. fait presque 1,3 mètre – est Chacun a ainsi l’occasion de particulièrement bien isolé du se réchauffer ! froid : l’empereur est recouvert d’un réseau très dense de F. Lochon/PNUE/Topham L 2. Mer Noire : le déluge e nombreux récits anciens parlent d’un Niagara. Des archéologues marins ont trouvé déluge qui serait survenu dans les pre- ce qui semble être un ancien littoral et des miers temps de l’histoire de la constructions datant de la Topfoto/NASA/JPL/NIMA civilisation. Des études récentes même époque sous une donnent à penser que le déluge centaine de mètres de fond aurait bel et bien eu lieu, au large des côtes. La thédonnant sa forme actuelle à orie est controversée, mais la mer Noire. Les géologues certains pensent que cela ont réussi à prouver que vers pourrait résoudre un vieux 5600 avant notre ère, la Médimystère : qu’est-ce qui a terranée s’est déversée dans le motivé l’arrivée en masse de Bosphore, avec un débit 200 fois Proto-indo-européens dans supérieur à celui des chutes du toute l’Europe et l’Asie ? 2 3 S. Nicklas/NOS/NGS/NOAA D 3. Pacifique Nord : la fosse Mariana scalader la plus haute montagne de la Terre n’est rien en comparaison d’une descente à son point le plus bas. Chaque année, de nombreux alpinistes se lancent à l’assaut de l’Everest mais seuls deux hommes – Jacques Piccard et Don Walsh – se sont aventurés jusqu’au fin fond de la fosse Mariana, à 11 kilomètres de profondeur, près de Guam dans le Pacifique Nord. Et c’était il y a pratiquement cinquante ans (voir page 6). Pourtant, la fosse contient probablement de véritables trésors de biodiversité. Au milieu des années 1990, par exemple, des scientifiques japonais ont découvert, grâce à une sonde sous-marine télécommandée, une bactérie nommée Moritella yayanosii. Cette bactérie, qui contient les protéines DHA et EPA très utiles au plan médical, se trouvait auparavant uniquement dans les huiles de poisson. Elle est utilisée dans le traitement du cancer et de l’hypertension. E 4. Pacifique Sud : les forêts de varech 5 PNUE-WCMC/World Atlas of Biodiversity 5. Océan Indien : le coelocante n pensait le coelocante disparu depuis des millions d’années, mais il a fait son apparition parmi les prises de pêcheurs africains. C’est une conservatrice de musée, Marjorie Courtenay-Latimer, qui a remarqué ce curieux poisson alors qu’elle était à la recherche de spécimens intéressants et inspectait les poissons pêchés près de l’embouchure du fleuve Chalumna en Afrique du Sud. Jusque-là, ce poisson – dont O les ancêtres sont sans doute apparus il y a entre 350 et 400 millions d’années et qui est souvent qualifié de « dinosaure vivant » – n’était connu que sous forme de fossile. Par la suite, d’autres spécimens ont été pêchés près des Comores. D’ailleurs, les habitants des îles le connaissaient très bien mais ne s’y intéressaient guère, appréciant peu son goût. N. Wu/Still Pictures out le monde sait à quoi ressemble un récif corallien, mais les forêts de varech sont beaucoup moins connues. Pourtant, c’est un habitat marin presque aussi spectaculaire. Florissant dans les eaux froides et riches en nutriments – où cette algue géante peut atteindre 30 mètres de haut, du fond marin à la surface de l’eau – ces denses forêts abritent une incroyable biodiversité. Elles fournissent le gîte et le couvert à des myriades de créatures, de la modeste éponge au crabe géant et à la pieuvre. Nombre de ces forêts marines sont menacées. Une des plus grandes espèces de varech géant (Macrocystis pyrifera), qui vit dans les eaux de Tasmanie, par exemple, est en train de dépérir suite à la hausse des températures et à l’augmentation de la pollution et du nombre d’oursins. T L. Rotman/Still Pictures 4 Océans et Côtes 23 nos futurs océans... E. Cooper si nous ne commençons pas à pêcher de manière durable