Océans et Côtes

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Le magazine du PNUE pour les jeunes
pour les jeunes · sur les jeunes · par des jeunes
Océans et Côtes
De profonds
mystères
Ça s’échauffe
La puissance
des océans
Alerte à
la pollution
Nager
avec les requins
Rencontre avec
Ellen MacArthur
Sommaire
TUNZA
le Magazine du PNUE
pour les Jeunes
www.ourplanet.com
Programme des Nations Unies pour
l’environnement (PNUE)
PO Box 30552, Nairobi, Kenya
Tél. (254 20) 621 234
Fax (254 20) 623 927
Télex 22068 UNEP KE
[email protected]
www.unep.org
Editorial
3
Ça s’échauffe
4
De profonds mystères
6
Nager avec les requins
7
Directeur de la publication Eric Falt
Coordination Wondwosen Asnake
Rédacteur en chef Geoffrey Lean
Rédactrice invitée Erin Senff
Coordination à Nairobi Naomi Poulton
Directeur de la diffusion Manyahleshal Kebede
TUNZA répond à tes questions
8
Un impact formidable
9
Moins pêcher pour mieux pêcher
10
Jeunes rédacteurs Leyla Acaroglu, Australie ; Millicent
Burggraf, Australie ; Ibrahim Ceesay, Gambie ; Sarah et
Kate Charters, Australie ; Yazmin Lucero Cobos Becerra,
Colombie ; Kate de Mattos, Royaume-Uni ; Ding Chen,
Chine ; Gerard G. Dumancas, Philippines ; Oliver Goh,
Singapour ; Tatiane Guimarães, Brésil ; Priyank Gupta,
Inde ; Rosidah Hardiani, Indonésie ; Rahima Indria,
Indonésie ; Lester Louis L. López, Philippines ; Yvonne
Beatrice Masilingi Maingey, Kenya ; George Muchina
Nguri, Kenya ; Tan Jack Young, Singapour ; Reinier A.
Tinapay, Philippines ; Aleksandra Tomkiewicz, Pologne ;
Elizabeth Tubbs, Royaume-Uni ; Uli Wilke, Allemagne
Protection des mers : tout à gagner
11
La puissance des océans
12
Les mers manquent d’air
14
Les touristes se mettent au vert
15
Sur la vague du succès
16
Autres rédacteurs Adrian Chia ; Ron Douglas, City
University, Londres ; Ellen MacArthur ; Rosey Simonds
et David Woollcombe, Peace Child International ;
Mark Spalding, The Nature Conservancy ; Andrew
Thomlinson
Comment trouver des solutions
16
Liberté totale, opportunités infinies
17
Une grosse responsabilité
18
Visons plus haut !
19
Mon âme sœur
20
Les autres coraux
21
Comme un poisson dans l’eau
21
Les 7 mers
22
ISSN 1727-8902
Maquette Edward Cooper, Équateur
Traduction Anne Walgenwitz/Ros Schwartz
Translations Ltd
Rédacteur web Graham Barden
Production Banson
Responsable du service Enfance et Jeunesse/Sport
et Environnement du PNUE Theodore Oben
Imprimé au Royaume-Uni
Les opinions exprimées dans le présent magazine ne
reflètent pas nécessairement celles du PNUE ou des
responsables de la publication, et ne constituent pas
une déclaration officielle. Les termes utilisés et la
présentation ne sont en aucune façon l’expression de
l’opinion du PNUE sur la situation juridique d’un pays,
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Le présent magazine est imprimé sur du papier
entièrement fabriqué à partir de déchets recyclés. Les
techniques de blanchiment de papier utilisées sont
sans danger pour l’environnement.
2
TUNZA Vol 3 No 4
Le PNUE et Bayer, multinationale allemande,
spécialiste de la santé, de l’agrochimie et des
matériaux de hautes performances, se sont
associés pour sensibiliser les jeunes aux
questions environnementales et encourager les
enfants et les adolescents à se prononcer sur
les problèmes mondiaux de l’environnement.
Le PNUE et Bayer, qui collaborent sur des projets
en Asie et dans la zone du Pacifique depuis
presque dix ans, ont passé un nouvel accord de
partenariat en vue d’accélérer l’avancement des
projets en cours, faire profiter d’autres pays
des initiatives fructueuses et développer de
nouveaux programmes pour la jeunesse. Au
nombre de ces projets figurent le magazine
TUNZA, le Concours international de peinture
sur l’environnement pour les jeunes, la désignation d’un Délégué spécial commun à Bayer et au
PNUE pour la jeunesse et l’environnement,
l’organisation de la Conférence internationale
Tunza du PNUE, la mise en place de réseaux de
la jeunesse pour l’environnement en AsiePacifique, le Forum « Eco-Minds » en AsiePacifique, l’Éco-Forum en Pologne, et un
Concours international de photographie en
Europe de l’Est intitulé « Ecology in Focus »
(Objectif Écologie).
«
Chacun de nous porte dans
ses veines un courant salé
dans lequel le sodium, le potassium et le calcium s’associent
dans des proportions pratiquement identiques à celles de l’eau
de mer. C’est ce qui nous reste
du jour où, il y a des millions
Edi torial
d’années, un de nos ancêtres
lointains, ayant évolué du stade
monocellulaire au stade pluricellulaire, se dota d’un système
de circulation primaire dont le
fluide était simplement l’eau
de mer.
»
Rachel Carson
PNUE/Topham
C
omment se fait-il que notre planète
s’appelle la Terre ? Elle devrait
plutôt s’appeler la Mer, parce que
c’est l’eau – avec tous ses bienfaits – qui
distingue notre planète des autres sphères
arides du système solaire. Les océans couvrent 72 % de sa surface. Toutes les formes
de vie, y compris nos propres ancêtres, sont
issues de la mer, et aucune espèce terrestre
ne pourrait survivre sans la pluie apportée
par la mer. Les océans continuent à réguler le
climat de notre planète solitaire et à faire
d’elle une oasis isolée dans l’immensité
noire et désertique de l’espace.
L’humanité exploite depuis toujours ces
océans nourriciers. Elle les traite comme une
source apparemment inépuisable d’aliments
et n’hésite pas à y déverser inlassablement
ses déchets. L’océan tolère ces abus depuis
des générations. Mais aujourd’hui, notre
génération commence à assumer la responsabilité de la santé de notre planète. Nous
sommes arrivés à la limite de ce que nous
pouvons lui infliger. Et nous dépassons
parfois les bornes. La plupart des pêches du
monde sont exploitées à pleine capacité ou
surexploitées. Et la pollution – notamment
celle du dioxyde de carbone qui provoque le
réchauffement mondial – menace maintenant
toute la vie des océans.
L’attitude irresponsable et égoïste, qui
nous a amenés à baptiser la planète du nom
de la partie relativement modeste que nous
occupons, procède de la même logique que
l’état d’esprit qui nous a conduits à dépouiller
les océans et tous les systèmes de maintien
de la vie. Il va falloir que notre génération
s’attaque au problème si nous voulons sauver
nos mers, et avec elles la planète tout entière.
Ce n’est pas une tâche facile, mais en cas de
doute, pensons au liquide qui circule dans
nos veines. Car, comme le faisait remarquer
Rachel Carson, une des grandes fondatrices
du mouvement écologique, notre sang comporte pratiquement la même composition
de sels que l’eau de mer dont nos ancêtres
sont issus.
A. Pignone/PNUE/Topham
Océans et Côtes
3
QUAND LA MER MONTE
DES PROBLEMES DE SANTE
Situé en bordure de mer, le Bangladesh est un
pays particulièrement concerné par la hausse du
niveau des mers.
Photo : J. Descloitres/MODIS RRT/NASA GSFC
yons une pensée pour les habitants des
îles Carteret, de petits atolls situés au
large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée
dans le Pacifique Sud. Ils sont contraints
d’abandonner leur patrie à l’océan.
Depuis vingt ans, ils essaient désespérément mais en vain d’empêcher la mer
qui les entoure de gommer leurs îles de la
carte. Ils ont bâti des murs pour se protéger
des eaux mais chaque année, les vagues
s’abattent sur leurs terres, emportant leurs
habitations, détruisant leurs cultures et
salinisant leur eau potable.
Aujourd’hui, l’océan menace de les
noyer. Dans deux ans, il ne restera plus
personne sur les atolls. Tous les habitants
se seront réfugiés sur Bougainville, une
proche île montagneuse.
Les 2 000 habitants des îles sont la
première goutte de ce qui deviendra bientôt
un fleuve de réfugiés à travers le monde.
Car partout, le réchauffement de la planète
fait progressivement monter le niveau des
mers.
Jusqu’ici, le phénomène résulte principalement du réchauffement de l’immensité
de l’océan, dont l’expansion est similaire à
celle d’un rail de chemin de fer quand il
fait chaud. Mais progressivement, l’eau des
glaciers et des calottes glaciaires qui fondent est en train d’accélérer le processus.
Les scientifiques les plus optimistes
prévoient une hausse du niveau de la mer
de 30 à 40 centimètres au cours de ce
siècle, mais ce chiffre pourrait atteindre
1 mètre. Cela n’a l’air de rien, mais une telle
hausse suffirait à rendre de nombreuses
nations inhabitables – comme les Maldives
et Tuvalu – et à inonder des régions entières
de pays situés à basse altitude comme le
Bangladesh, faisant ainsi des millions de
personnes déplacées.
Et si le réchauffement mondial se poursuit et qu’il fait fondre la calotte glaciaire, la
hausse sera encore plus catastrophique.
La fonte de la calotte glaciaire du Groenland
augmenterait le niveau de la mer de
7 mètres et celle de l’Antarctique occidental
de 5 mètres supplémentaires. Le long du
littoral, des villes et des terres du monde
entier disparaîtraient de la carte, avec des
conséquences inimaginables.
A
B. Hatcher/A. Naseer/Dalhousie Univ.
4
TUNZA Vol 3 No 4
Le corail qui souffre d’un blanchissement modéré
peut retrouver sa couleur naturelle si les températures redeviennent normales assez rapidement :
l’algue dont il est tributaire peut alors recoloniser
ses tissus.
Photo : P. Kobeh/Still Pictures
Si les températures restent élevées, le blanchissement devient fatal : l’algue dont le corail a
besoin pour survivre meurt, et le corail finit lui
aussi par dépérir. D’autres algues commencent
alors à tapisser le « squelette » du corail mort.
Photo : Secret Sea Visions/Still Pictures
e réchauffement mondial a déjà de
terribles répercussions sur la vie de la
mer et des oiseaux.
Durant l’été 2005, le minuscule plancton
qui constitue la base de la chaîne alimentaire dans le Pacifique au large des
côtes nord-ouest de l’Amérique n’est pas
apparu, avec pour conséquence une chute
record des populations de poissons et
d’oiseaux.
Un phénomène similaire s’est produit
ces dernières années au large de la côte
nord de la Grande-Bretagne, des eaux plus
chaudes ayant détourné le plancton à des
centaines de kilomètres plus au nord.
Pour certains scientifiques, ce sont les
signes de l’impact permanent qu’a le
changement climatique sur la santé des
océans. De nouvelles études effectuées par
l’Université d’Amsterdam suggèrent que si
le réchauffement se poursuit, il perturbera
et détruira le plancton dans le monde
entier.
Et les récifs coralliens, qui sont les
habitats les plus riches des océans, sont en
train de blanchir et de mourir dans les mers
qui se réchauffent.
L
Ça s’échauffe
LE GULF STREAM
AVIS DE TEMPETE
Une image de la calotte glaciaire du Groenland
montre qu’elle diminue d’épaisseur au niveau
des côtes (zones bleues). Ce phénomène est probablement lié à une fonte plus importante des
glaces mais s’explique aussi par un mouvement
plus rapide des glaciers vers la mer.
UN GAZ TOXIQUE
Photo : NASA GSFC SVS
L’œil de la tempête : l’ouragan Elena. Cette tempête
a conduit à l’évacuation de près d’un million de
personnes vivant sur le littoral entre Tampa, en
Floride et la Nouvelle-Orléans, Louisiane. Les vents
ont atteint une vitesse de 195 kilomètres par heure.
Photo : NASA/Still Pictures
Les Florida Keys vues de l’espace : on remarque
les importantes structures formées par les
coraux.
Les routes et chemins de fer du Labrador, au
Canada, sont conçus pour supporter des températures extrêmement basses.
Photo : NASA GSFC SVS/LANDSAT
Photo : M. Lamarre/Still Pictures
algré le réchauffement climatique, les
changements intervenant au niveau des
courants océaniques pourraient refroidir considérablement certaines parties du monde.
En hiver, le Gulf Stream, qui transporte
des eaux chaudes des Caraïbes à travers
l’Atlantique, contribue autant que le soleil à
réchauffer l’Europe occidentale. Sans lui, une
des régions les plus peuplées du monde se
retrouverait avec le même climat que le glacial
Labrador du Canada. Les sociétés et les économies d’Europe occidentale ne survivraient
pas sous ces conditions.
Ce système océanique est impulsé par
les eaux salées de l’Arctique alors qu’elles
s’enfoncent profondément dans l’océan, où
elles forment un vaste courant qui se dirige
vers le sud. Là, les eaux chaudes de surface
se substituent à celles de l’Arctique pour
s’écouler vers le nord. Mais d’importantes
quantités d’eau douce résultant de la fonte
des glaces au nord empêchent l’eau salée
de s’enfoncer et le courant commence à s’affaiblir. Fin 2005, les scientifiques ont indiqué
qu’il s’était affaibli d’environ 30 %.
M
Ce village de pêcheurs du Honduras a été détruit
par l’ouragan Mitch en 1998. L’Amérique centrale
connaît souvent de très violentes tempêtes.
Photo : N. Dickinson/Still Pictures
es ouragans sont alimentés par les mers
chaudes, et leur force et leur nombre sont
en augmentation. L’année 2005 a connu la
pire saison atlantique depuis le début de
la météorologie. Elle a commencé plus tôt
et s’est terminée plus tard, et les ouragans
et tempêtes ont été plus nombreux que
jamais. La saison a d’ailleurs produit trois
des six ouragans les plus forts jamais
enregistrés aux Etats-Unis. Katrina, par
exemple, a inondé la Nouvelle-Orléans,
provoquant d’immenses dégâts
Les scientifiques ne sont pas tous
d’accord quant à la responsabilité du réchauffement mondial. Si de récentes études
indiquent que celui-ci intensifie les ouragans,
il n’est pas certain qu’il les rende plus
nombreux. Par contre, on considère généralement que s’il se poursuit, la situation ne
fera qu’empirer.
L
Quand on ajoute du dioxyde de carbone dans
l’océan, c’est comme si l’on gazéifiait de l’eau plate
pour faire du soda.
Photo : B. Mims/PNUE/Topham
t, pire encore, le dioxyde de carbone –
principal responsable du réchauffement
mondial – risque de modifier la composition
chimique des océans comme il ne l’a pas fait
depuis 20 millions d’années.
Les océans absorbent la moitié de tous
les gaz émis par l’humanité, et ils continueront
à le faire. Ce processus produit de l’acide
carbonique dilué, qui freine la capacité des
coraux, des crustacés, des mollusques et
d’une partie du plancton à former leur structure ou leur coquille dures. Comme l’acidité
continue à augmenter, il est à craindre que les
récifs de corail, les crustacés et mollusques et
le plancton mourront, ce qui aurait d’énormes
répercussions sur la vie des océans.
E
Océans et Côtes
5
AUSSI INCROYABLE QUE CELA PARAISSE, nous possédons très peu
d’informations sur 99 % environ de la partie habitable de la planète. En
effet, mesurée en volume plutôt qu’en superficie, c’est la proportion que
représentent les mers et les océans. Et nous ne savons pratiquement rien
de leurs profondeurs.
La pression augmente d’une pression atmosphérique tous les 10 mètres. Et l’obscurité
est totale : au-delà de 1 000 mètres, le soleil
ne pénètre plus.
On peut utiliser un filet mais pour le
descendre jusqu’à 4 000 mètres, il faut un filin
de 14 kilomètres de long. La descente et la
remontée du filet peuvent prendre 12 heures.
La manœuvre est délicate et risque d’endommager les espèces prélevées. Par ailleurs, le
filet a la taille d’un but de foot et il est donc
minuscule comparé à l’immensité des océans.
Les véhicules submersibles sont une autre
possibilité. Mais dans le monde entier, il n’en
existe qu’une douzaine qui soient utilisables
en haute mer. Et une modeste expédition à
2 000 mètres de profondeur s’avère extrêmement coûteuse. D’ailleurs le plus profond de
la mer n’a été atteint qu’une seule fois : en
1960, Jacques Piccard et Don Walsh ont
touché le plancher océanique de la fosse
Mariana. Les parois de leur véhicule, le
Trieste, faisaient 127 millimètres d’épaisseur
afin de pouvoir supporter la pression de 1,4
tonne par centimètre carré.
« Les véhicules submersibles sont très
bruyants, avec de puissants phares. Quand ils
arrivent dans des lieux sombres et silencieux,
ils font fuir les espèces », explique Douglas.
« Tout animal qui possède une once de bon
sens s’écarte immédiatement, et les scientifiques en sont réduits à observer les spécimens stupides, aveugles ou séniles ! »
Pourtant, malgré toutes ces difficultés,
les chercheurs trouvent constamment de
nouvelles formes de vie au fin fond des mers.
« Les animaux des profondeurs sont absolument fascinants », confie Douglas. « Ils se
sont adaptés à l’incroyable pression, aux
extrêmes de température et à l’absence de
lumière. Rares sont ceux qui survivent
lorsqu’on les remonte à la surface. »
En haute mer, la densité de créatures est
En haut : L’Argyropelecus aculeatus est un
En haut : Un synodonte ou Bathysaurus ferox,
faible et les espèces se sont donc également
poisson pélagique dont le corps argenté et plat
qui vit sur le lit océanique à une profondeur
adaptées à cette situation. La plupart des
constitue un excellent camouflage.
pouvant atteindre 4 000 mètres, en train de
poissons ont des dents pointues, une grande
En bas : Le Malacosteus niger est un poisson
se sustenter.
gueule et un estomac élastique de façon à
dont les organes lumineux émettent une lueur
En bas : Le Scopelarchus analis des grands
augmenter leurs chances d’attraper et de digérer
rouge que la plupart des autres habitants des
fonds dont les yeux jaunes forment des
toute proie de passage. Certains types de
profondeurs ne peuvent pas voir et qui lui donne « télescopes » pointés vers le haut pour
ainsi une « longueur d’onde » privée.
maximiser la faible lumière du soleil.
baudroie mâle ont trouvé une manière inédite
de saisir toutes les occasions de se reproduire :
La profondeur moyenne des mers du monde est de 4 000 mètres. A ils s’ancrent au dos de la femelle – de manière permanente.
11 000 mètres dans le Pacifique, la fosse Mariana est l’endroit le plus
Comme l’explique Douglas, les créatures de ce monde obscur
profond que nous connaissions. A partir de 200 mètres de profondeur, communiquent en illuminant des organes spécialisés. Ce système leur
on parle de « haute mer ». Là, le mystère reste pratiquement entier. permet également d’attirer un partenaire ou une proie et d’effrayer
Jusqu’ici, nous n’avons exploré que 10 kilomètres carrés sur les les prédateurs.
300 millions de kilomètres carrés que comptent les fonds marins de
Mais ce n’est qu’un aperçu de ce monde. Comme le fait remarquer
notre planète.
Douglas, nous avons déjà bien du mal à nous faire une idée de toutes
Le peu que nous connaissons a de quoi surprendre. D’abord, tout les créatures qui vivent dans les profondeurs. Nous sommes donc
comme la terre ferme, les fonds marins comportent des plaines et des loin d’être capables de déterminer le rôle de chacun au sein de
fossés, des chaînes de montagnes, des volcans et des canyons. Les l’écosystème. Douglas est convaincu que la vie sous-marine est au
températures sont parfois extrêmes : la haute mer est généralement moins aussi variée que la vie terrestre – et probablement beaucoup
glaciale, mais certains endroits sont extrêmement chauds. Là, au plus – et qu’elle pourrait donc nous fournir de précieux produits, de
niveau des bouches hydrothermales, des eaux brûlantes et toxiques nouveaux médicaments par exemple.
jaillissent de failles dans le plancher océanique. Pourtant, malgré la
La mission visant à envoyer un homme sur la lune a commencé
chaleur et le sulfure, c’est là que vivent de nombreuses créatures pratiquement au moment où Piccard et Walsh atteignaient la fosse
comme les vers tubicoles géants, les myes et les microorganismes.
Mariana. Depuis, douze humains ont marché sur la lune. Aucun n’est
Comme l’explique Ron Douglas, de l’Université de Cambridge et retourné au plus profond de l’océan. « La découverte des fonds marins
de City University à Londres, si nous connaissons si mal la haute mer, sera probablement aussi passionnante pour les générations futures que
c’est surtout parce qu’elle est très difficile d’accès. L’être humain ne ne l’a été l’exploration spatiale pour les générations précédentes »,
peut guère plonger à plus de 30 ou 40 mètres sans aide spécialisée. conclut Douglas.
Tammy Frank
Justin Marshall
Shaun Collin
Ron Douglas
De profonds
mystères
6
TUNZA Vol 3 No 4
Corbis
Nager avec les requins
es requins ont mauvaise réputation,
mais ils ne le méritent pas. Ils donnent
l’image de prédateurs impitoyables
vouant une haine farouche à l’homme.
Pourtant, comme l’explique le spécialiste des
fonds marins Jean-Michel Cousteau, les
guêpes font chaque année beaucoup plus de
victimes que les requins. On compte environ
une centaine d’attaques de requin, qui font
une douzaine de morts. Les humains, eux,
sont responsables de la mort de plus de
100 millions de requins chaque année, soit
11 000 par heure.
Si le nombre de requins est en chute,
c’est parce que l’homme les chasse pour
leurs ailerons – dont on fait notamment une
soupe – et parce que la surpêche décime les
proies dont ils se nourrissent. L’espèce est
particulièrement vulnérable car il lui faut
plusieurs années pour atteindre l’âge adulte.
De plus, la femelle produit un nombre limité de
petits à chaque portée. Pourtant, la protection
des requins intéresse moins le public que
celle d’autres espèces plus « sympathiques »,
L
comme le panda par exemple. C’est sans
doute le caractère prédateur du requin qui
rebute. Mais c’est justement parce que c’est
un prédateur qu’il joue un rôle si important
dans l’équilibre de la vie des océans.
Jean-Michel Cousteau – le fils de Jacques
Cousteau, l’océanographe de réputation
mondiale qui fit découvrir au grand public la
biologie marine – essaie de changer tout cela.
Il vient de tourner deux splendides documentaires sur les requins, un pour le cinéma et
l’autre pour la télévision. Il a déclaré : « Nous
essayons de toucher des millions de spectateurs, qui verront enfin la réelle beauté du
requin, pas le monstre qu’on a voulu en faire.
Les requins ont bien plus à craindre de nous
que nous d’eux. Et si nous ne limitons pas
la pêche de ces créatures, nous perdrons
irrévocablement une des espèces les plus
magnifiques de notre planète. » Le film, un
documentaire IMAX intitulé Sharks 3-D,
produit en collaboration avec le PNUE et 3D
Entertainment, est actuellement diffusé dans
le monde entier. Cousteau est l’hôte de cette
« rencontre intimiste avec les lions et les tigres
des océans ». Des séquences spectaculaires
filmant les requins les plus menacés du
monde nous font découvrir des créatures
magnifiques, sauvages et fascinantes qui
peuplent les mers depuis 400 millions
d’années.
Pour la télévision, Jean-Michel Cousteau
a consacré aux requins l’un de ses documentaires de six heures de la série JeanMichel Cousteau’s Ocean Adventures. C’est
une réalisation familiale, puisque son fils
Fabien et sa fille Céline font partie de l’équipe
de plongée.
Fabien Cousteau a également mis au point
un sous-marin en forme de requin baptisé
Troy, qui permet au plongeur d’accompagner
les grands requins blancs et de les observer
dans leur habitat naturel. Il souhaite changer
l’opinion qu’a le public des grands blancs et
contribuer à la recherche sur les requins. Il
prépare d’ailleurs un autre documentaire,
intitulé Mind of a Demon, qui sera diffusé au
cours de 2006.
3D Entertainment Ltd
TUNZA
Q
R
répond à vos
Quel rôle les océans jouent-ils dans la
santé de la Terre ?
La survie de l’humanité dépend de la
santé des océans. Plus de la moitié de
la population mondiale vit en bordure de
mer, et des millions de personnes tirent
leur alimentation et leurs moyens
d’existence des océans. Les océans influent
sur le climat et absorbent de vastes
quantités de déchets, notamment la moitié
du dioxyde de carbone produit par les
humains.
Q
Pourquoi faut-il conserver l’eau alors
qu’il en existe de telles quantités dans
les océans ?
R
L’eau de mer ne peut être consommée
qu’après avoir été distillée ou dessalée –
et l’agriculture et le bétail ont également
besoin d’eau douce. Le temps et les
ressources nécessaires pour dessaler les
océans seraient beaucoup plus importants
que le coût du pompage de l’eau douce
contenue dans le sol, les rivières et les lacs.
Q
Est-il réaliste de penser que les océans
pourraient jouer un rôle dans la
couverture de nos besoins énergétiques
futurs ?
R
Que ferons-nous lorsque nous n’aurons
plus suffisamment de pétrole, de gaz et
de charbon ? Nous savons qu’il est possible
d’extraire de l’énergie des océans, mais il
faudra veiller à ne pas endommager leur
santé et leurs écosystèmes. Grâce à la
recherche et au développement, nos océans
pourraient devenir une ressource et un
service énergétique fiable, abordable et
écophile.
QUESTIONS
Q
Que peut-on faire, si l’on ne vit pas à
proximité de l’océan, pour participer à
sa protection ?
R
Nous devons être conscients du rôle
vital des océans, même si l’on vit à des
milliers de kilomètres à l’intérieur des
terres. Les Nations Unies ont déclaré que
le 8 juin serait la Journée mondiale de
l’océan. C’est le jour idéal pour organiser
des actions de sensibilisation. Tu peux
participer à des nettoyages, à des concours
de peinture, à des tables rondes – à tout ce
qui peut montrer l’importance de l’océan
dans nos vies et les effets dévastateurs de
la pollution sur l’environnement marin.
Q
Comment les océans contribuent-ils
à la croissance économique ?
Comment s’assurer que cette croissance
est durable ?
R
La vraie croissance économique est
celle qui permet de produire des
biens et services qui améliorent le bienêtre des populations et de la planète.
L’océan est pour nous tous synonyme
d’aliments, d’énergie et de ressources
minérales, de voie de transport et de
loisirs. Si nous voulons continuer à
profiter de ces activités si bénéfiques,
nous devons protéger et conserver les
mers et les zones côtières.
Q
Est-il possible de prévoir les tsunamis et
d’alerter les communautés qui vivent sur
les côtes ?
R
Oui. Nous avons déjà implanté quelques
capteurs sur les fonds marins et à la
surface des océans pour détecter les
tremblements de terre. Il est cependant
nécessaire d’améliorer l’organisation et la
coordination. Les Nations Unies travaillent en
étroite collaboration avec leurs organismes et
avec les gouvernements pour mettre en place
un système mondial d’alerte précoce qui
permettra de détecter les tsunamis et de
prévenir les populations en danger.
Q
Les parcs d’éoliennes en mer sont-ils
dangereux pour les océans et la vie
marine ?
R
Ces parcs constituent une source
d’énergie propre et un faible risque
pour l’environnement marin. Les périodes
les plus problématiques sont celles de la
construction et du déclassement des
éoliennes, mais ces opérations ne prennent
guère que six mois. Les parcs existants
semblent indiquer qu’il n’y a pas d’impact
négatif sur la vie marine.
Si tu as des QUESTIONS sur l’environnement et le développement, tu peux les poser aux spécialistes du PNUE.
Envoie un e-mail à [email protected], et nous essayerons de te répondre dans les prochains numéros.
Hank Foto/PNUE/Topham
8
TUNZA Vol 3 No 4
JOURNÉE MONDIALE DE L’ENVIRONNEMENT • 5 juin 2006
D É S E R T S
E T
D É S E R T I F I C A T I O N
Un impact formidable
Reinier A. Tinapay
NE DÉSERTEZ PAS LES ZONES ARIDES !
N’oublie pas
N. Hicks/WWI/Still Pictures
u lycée, je participais déjà régulièrement à la plantation d’arbres,
à des initiatives de recyclage et à
des éco-camps, mais j’avais vraiment envie
de mieux comprendre ce qu’impliquait de
militer en faveur de l’environnement.
Alors, le jour où j’ai entendu parler d’une
nouvelle émission radio hebdomadaire
intitulée « la patrouille écologique », je
me suis immédiatement présenté pour
une audition. On m’a embauché comme
présentateur des infos. Il ne nous a pas
fallu longtemps pour devenir une voix
influente au sein du mouvement écologiste.
Nous avons commencé à travailler avec
d’autres organisations comme le Conseil
des jeunes pour la gestion des bassins
versants – un groupe jeune et dynamique
qui s’occupe des questions d’eau, la
ressource la plus précieuse de Davao, ville
située à l’extrême sud des Philippines. Et
nous nous sommes lancés dans de nombreuses activités : je ne me contentais plus
de planter des arbres.
Nous avons découvert une bananeraie
illégale qui couvrait 6,7 hectares de la zone
protégée du Mont Apo, près de Davao.
Le pire, c’est que l’investisseur avait
l’intention de construire un téléphérique
au-dessus d’un fleuve voisin, crucial pour
le bassin versant. Des dommages irréparables semblaient imminents. Nous avons
donc décidé de prendre position contre la
municipalité. Avec d’autres organisations
et coopératives de petits agriculteurs, nous
A
avons attaqué la plantation en justice en
décembre 2001.
La bataille a été rude et les tensions
étaient énormes, mais nous avons tenu bon
et les gens ont fini par nous soutenir. Après
deux ans et de multiples audiences, nous
avons gagné notre procès. La municipalité
a ordonné la fermeture de la bananeraie
et la remise en état de la forêt à la charge
de l’exploitant.
Notre succès a redonné courage à
d’autres organisations et aux petits agriculteurs menacés par des plantations illégales.
Ils ont eux aussi décidé de ne pas se laisser
faire. Et l’une après l’autre, les plantations
illégales ont été dénoncées et poursuivies
en justice.
Et puis j’ai eu l’honneur d’être élu pour
représenter l’Asie et le Pacifique en qualité
de Conseiller jeunesse Tunza, lors de la
récente Conférence de la jeunesse qui s’est
tenue à Bangalore en Inde.
Là, j’ai rencontré d’autres jeunes
comme moi, qui ont envie de faire progresser la durabilité. En leur racontant mon
histoire, j’ai compris qu’elle pouvait motiver d’autres jeunes. Je suis arrivé en simple
citoyen et je suis reparti en camarade.
Une initiative, aussi modeste soit-elle,
peut vraiment avoir un impact formidable.
Même quand on est jeune, on peut provoquer des changements.
Reinier A. Tinapay est Conseiller jeunesse
Tunza pour l’Asie et le Pacifique.
la Journée mondiale de l’environnement (JME) 2006 – le lundi 5 juin.
Cette année, elle a pour thème
« Déserts et désertification » et son
slogan est « Ne désertez pas les
zones arides ! ». Les principales
célébrations auront lieu à Alger, en
Algérie. C’est la première fois que
l’Afrique du Nord accueille cette
journée des Nations Unies.
Tu peux participer au succès de cet
important événement en organisant
des activités dans ta commune ou ton
pays. L’idée est de choisir des activités
simples mais parlantes, susceptibles
de sensibiliser les jeunes à l’environnement en général et au thème de
cette année en particulier.
Concours de dessin, expositions
de concours de photos, plantation
d’arbres, nettoyages, recyclages, symposiums et ateliers – voici le genre
d’activités organisées les années
précédentes. Le sport pourrait également figurer au programme. Pour
trouver des idées sur la manière de
célébrer la Journée mondiale de
l’environnement, visite le site du PNUE
sur www.unep.org/wed/.
N’oublie pas que, quelle que soit
l’initiative prise, il faut qu’elle soit
simple à organiser, éducative et
motivante pour les personnes de ton
entourage, surtout les jeunes.
Comme d’habitude, nous vous conseillons, à toi et à ton organisation,
de prendre contact avec le bureau du
PNUE de ta région pour voir comment
participer activement aux initiatives de
la journée.
Enfin, dis-nous ce que tu as
l’intention de faire en remplissant le
formulaire « Faites connaître vos
activités » sur le site de la Journée
mondiale de l’environnement. Cette
information figurera dans la section
« A travers le monde » du site dans le
rapport d’activité mondial 2006.
Océans et Côtes
9
Moins pêcher pour
mieux pêcher
e poisson est la principale source de
protéines pour un milliard d’humains à
travers le monde. Les océans sont surexploités, et les réserves de poissons – autrefois
considérées comme inépuisables – sont en déclin.
Sur mer, l’être humain « moderne » continue
à se comporter en chasseur-cueilleur. Mais il se
soucie bien moins de préserver les futurs stocks
des espèces qu’il chasse que ne le font les
chasseurs, pourtant réputés « primitifs », dans les
forêts et les déserts du monde.
Les mers et les océans sont parcourus par une
flotte de navires de pêche deux fois et demie plus
nombreuse qu’elle ne devrait l’être si nous
voulions pêcher sans décimer les réserves de
poissons. Et pour qu’ils puissent continuer à
exercer leur métier, les pêcheurs sont subventionnés par les gouvernements à hauteur de
15 milliards de dollars par an, ce qui représente
jusqu’à un quart de la valeur totale des prises.
Rien de surprenant donc à ce que 75 % des
pêches du monde soient en crise : elles sont déjà
surexploitées ou en passe de le devenir. Seuls
4 % des zones de pêche sont sous exploités. Et
dès qu’une zone est décimée, les flottilles passent à la suivante, la décimant elle aussi.
Par conséquent, malgré l’importance de la
flotte, les subventions et les efforts des pêcheurs,
les quantités de poissons pêchées – qui avaient
atteint un pic au début du nouveau millénaire –
sont en baisse. Avec l’augmentation de la démoA. Pais/NOAA
graphie, les prises par personne – soit 14 kilos –
sont à leur niveau le plus bas depuis quarante ans.
Les prises d’espèces aussi appréciées que la morue, le flet et le merlu ont diminué de moitié
bien que les moyens employés pour les pêcher aient triplé. Depuis cinquante ans, le nombre de
grands prédateurs des océans – comme le thon ou le requin – a accusé une baisse de 90 %. Et le
poids moyen du requin bleu est en chute libre, puisqu’il est passé de 52 à 22 kilos.
Pourtant, ce secteur connaît un terrible gaspillage. Chaque année, les flottes de pêche du monde
rejettent quelque 20 millions de tonnes de poissons et de coquillages considérés comme « sousproduit » indésirable. Un poisson sur douze environ est rejeté à la mer, mort ou vif, parce que sa vente
ne serait pas suffisamment rentable ou parce que les pêcheurs viennent de dépasser le quota autorisé.
La pêche cause également la mort de nombreuses autres espèces. Chaque année, quelque
300 000 petits dauphins, baleines et marsouins se trouvent piégés dans des filets et plus de
250 000 tortues luths et caouannes menacées sont victimes des palangres utilisées pour pêcher le
thon et l’espadon. Et c’est aussi à cause des palangres que 19 espèces d’albatros sont aujourd’hui
en voie d’extinction.
Heureusement, certaines initiatives ont enfin été prises pour améliorer la situation. Un organisme indépendant, le Conseil de bonne gestion marine (MSC), décerne un label de qualité aux
pêches durables. Cela permet au consommateur d’acheter son poisson en faisant des choix éthiques.
Le MSC a déjà certifié la gestion durable d’une douzaine de pêches et accordé son label à 263
produits dans 24 pays. Et les pays sont de plus en plus intéressés par la création de zones protégées
où la pêche est totalement interdite, afin de permettre aux réserves de poissons de se reconstituer.
L
S.B. Lacayo/PNUE/Topham
V. Viyatvicha/PNUE/Topham
W.B. Folsom/NMFS/NOAA
J. Canete/PNUE/Topham
10
TUNZA Vol 3 No 4
A. Heimann/PNUE/Topham
A. Drake/PNUE/Topham
H.S. Hystek/PNUE/Topham
Protection des mers : tout à gagner
L
es océans et les mers dominent notre planète bleue mais ils sont loin de bénéficier de la
même protection que les terres. Alors qu’ils couvrent 72 % de la superficie de la Terre, les
zones maritimes protégées ne représentent que 1 %, chiffre bien peu élevé comparé aux
12,5 % de sites protégés sur la terre ferme, dont la superficie est relativement modeste par
comparaison. Et les deux cinquièmes de ce petit pour-cent sont situés dans deux immenses
espaces, le parc marin de la Grande barrière de corail et la Réserve du récif corallien des îles du
nord-ouest d’Hawaï.
En grande majorité, les 4 000 zones marines protégées (ZMP) sont situées à proximité des
côtes et donc relativement faciles à surveiller. Les pays sont également à même de gérer leur
propre espace économique exclusif qui s’étend sur 200 miles marins. Pourtant, près des deux
tiers des océans sont situés au-delà de ces zones, sans protection et sans gestion.
La protection des mers est nécessaire
Millan/PNUE/Topham
pour favoriser la biodiversité – et notamment
les écosystèmes cruciaux comme les récifs
coralliens et les espèces menacées comme
les tortues ou les phoques moines – et
pour maintenir la productivité des océans.
Lorsqu’elles sont correctement gérées, les
zones protégées ou les zones de non
prélèvement sont très efficaces. Prenons
l’exemple de certaines parties du banc
George, au large de la côte est des EtatsUnis : dans cette zone, la pêche avait été
interdite après que les réserves de poisson
eurent été décimées par la surpêche. Il n’a
fallu que cinq années pour reconstituer les
stocks, et les poissons ont même commencé
à proliférer dans les zones voisines, augmentant considérablement les prises.
L’Afrique du Sud vient de créer quatre
nouvelles ZMP pour protéger un récif corallien, des espèces de requins, une migration
annuelle de millions de sardines le long de
ses côtes et des oiseaux de mer menacés. Et
l’année dernière, l’Irlande a annoncé la mise
en place de ZMP et de restrictions concernant
la pêche afin de protéger ses coraux d’eaux
froides – qui abritent 1 300 espèces d’invertébrés et de poissons au large de sa côte ouest.
Malheureusement, certaines ZMP n’existent que sur le papier, et la réglementation
n’est pas facile à faire respecter. La surveillance accrue effectuée par les gardes, les
patrouilles en mer et dans les airs et les
communautés locales – sans oublier les systèmes de suivi par satellite – devrait améliorer la situation. Mais il est également indispensable de renforcer les mécanismes de
protection internationale.
La puissance des océans
Marées et courants, vagues qui
s’écrasent sur le rivage… la puissance
des océans a toujours fasciné l’humanité.
Aujourd’hui, nous allons peut-être
commencer à exploiter les mers pour
alimenter en énergie nos maisons et nos
entreprises. Ce n’est pas facile, car la
force qui rend l’exploitation des océans si
intéressante implique aussi de concevoir
et construire des équipements particulièrement résistants. Pourtant, l’énergie des vagues et marées représente
un potentiel extraordinaire à l’échelle
mondiale. De plus, il s’agit d’une énergie
propre, qui ne pollue pas et n’accélère
pas le changement climatique.
Bien entendu, nous exploitons déjà
les fonds marins pour leur pétrole et
leur gaz, de la mer Caspienne à la mer
de Chine Méridionale en passant par
l’Arctique et le golfe du Bénin.
Mais ces réserves ne sont pas illimitées et de nouvelles sources d’énergie
seront nécessaires.
Vagues et marées
Serpents électriques
Ocean Power Delivery Ltd
Les études effectuées dans ce domaine
indiquent que moins de 0,1 % de l’énergie
des vagues (houlomotrice) et marées (maréemotrice) pourrait fournir cinq fois plus
d’électricité que le monde n’en consomme
actuellement. Il existe déjà des structures
permettant de la capter en bord de mer et dans
les estuaires sujets à marées. En 2006, des
installations exploitant l’énergie houlomotrice seront mises en place jusqu’à 5 kilomètres des côtes.
L’Australie, la Chine, la France, l’Inde, le
Japon, le Portugal, la Scandinavie et les EtatsUnis sont tous en train de développer des
technologies énergétiques marines. L’aspect
technique est un défi car, bien qu’ils soient
relativement bon marché à faire fonctionner
et à entretenir, les équipements doivent
résister aux tempêtes et à la corrosion du sel.
Et il faut qu’ils puissent exploiter aussi bien
les vagues fortes que les vagues faibles.
La recherche et le développement de méthodes permettant de tirer parti de la puissance
des océans est coûteuse. Mais comme nous
exigeons de plus en plus d’électricité et de
moins en moins d’émissions de dioxyde de
carbone – gaz émis par la combustion de
combustibles fossiles, principal responsable
du réchauffement mondial – les avantages
offerts par une énergie propre en provenance
de la mer ne cessent d’augmenter.
Dessin des serpents de mer.
L’énergie marée-motrice
La méthode la plus en pointe pour exploiter
les marées consiste à construire des
« barrières » en travers des estuaires. Avec
cette technologie inventée dans les années
1960, les marées forcent l’eau à traverser les
barrières, faisant ainsi tourner des turbines
qui produisent de l’électricité. La plus grande
usine marée-motrice de ce type se trouve à
La Rance, dans le nord de la France. On
reproche à cette technologie de perturber les
habitats. La Chine bâtit actuellement une
lagune artificielle à l’embouchure du Yalu
qui permettra d’exploiter l’énergie des
marées au moment du reflux des eaux.
Le niveau d’eau plus haut comprime l’air à
l’intérieur de la chambre et actionne ainsi
une turbine.
Des « serpents de mer » semi-submergés
devraient commencer à produire de
l’énergie au large des côtes portugaises
dès 2006. Il s’agira de la toute première
« ferme » houlomotrice commerciale.
Les serpents – qui sont en fait des
génératrices Pelamis P-750 – sont constitués de quatre sections articulées, dont
chacune possède une circonférence de
3,5 mètres et une longueur comparable
à celle d’un wagon de chemin de fer.
Lorsque les vagues pénètrent dans le
serpent, une huile sous haute pression
est propulsée dans les moteurs hydrauliques qui font tourner des génératrices
d’électricité. L’énergie ainsi obtenue est
ensuite acheminée par câble marin vers la
terre ferme.
La première phase du projet, qui comporte trois génératrices, produira environ
la même quantité d’électricité qu’une
éolienne moderne – suffisamment pour
couvrir les besoins moyens de 1 500 foyers,
soit une économie annuelle de 6 000
tonnes d’émissions de dioxyde de carbone.
Si ce projet de 9 millions de dollars, situé à
5 kilomètres au large de la ville historique
de Póvoa de Vari, est couronné de succès,
30 serpents de mer supplémentaires
devraient être installés. Ainsi, l’exploitation de 70 hectares de mer permettrait de
produire l’électricité nécessaire pour alimenter plus de 13 000 foyers.
Les vagues pénètrent dans une
chambre inclinée construite le long
du rivage, faisant monter le niveau
de l’eau à l’intérieur.
La turbine tourne à la fois quand l’eau pénètre
dans la chambre et quand elle retombe dans
l’océan. Le mouvement de la turbine actionne
une génératrice qui produit alors de l’électricité.
Le projet
Limpet
A l’aube de l’année 2006, le monde ne
possédait qu’une seule centrale houlomotrice commerciale, située sur Islay, une
île écossaise.
Le Limpet 500 (Land Installed Marine
Powered Energy Transformer) produit de
12
TUNZA Vol 3 No 4
l’électricité pour le réseau britannique.
Wavegen, la société exploitante, et les
ingénieurs qui ont développé cette technologie – des chercheurs de la Queen’s
University de Belfast – sont convaincus qu’il
existe suffisamment d’énergie houlomotrice
exploitable autour du Royaume-Uni pour
couvrir tous les besoins en électricité du
pays, actuels et à venir.
La même équipe prépare actuellement
un projet de centrale houlomotrice pour les
îles Féroé.
Des trésors sous la mer
Même s’il n’est situé qu’à 90 mètres de la
côte californienne, ce puits de pétrole en mer
était le premier à entrer en service en 1897.
Aujourd’hui, 30 % environ de nos importantes
ressources pétrolières proviennent de puits en
mer, de même que la moitié environ de notre
gaz naturel. Le pétrole et le gaz sont exploités
à partir de quelque 8 000 plateformes disséminées sur les océans du monde.
Les puits de pétrole et de gaz en mer
sont beaucoup plus chers à exploiter que
ceux situés sur la terre ferme. Mais comptetenu de la hausse de la demande et de la
baisse des réserves, l’exploitation en mer
reste intéressante.
Malgré l’importance de l’industrie pétrolière, les déversements d’hydrocarbures sont
remarquablement rares. Ils restent cependant
dangereux pour la vie de la mer, au moins à
proximité des plateformes. Les déchets de
forage polluent les fonds marins et perturbent
les espèces et leurs fragiles habitats. De plus,
après épuisement du gisement, l’élimination
des plateformes et des substances toxiques
qu’elles contiennent reste problématique.
Lorsque les puits seront à sec, on leur
trouvera peut-être une nouvelle utilisation
bénéfique à notre planète. Les ingénieurs
sont en train de développer des technologies
visant à capter les émissions de dioxyde de
carbone provenant de centrales électriques et
autres, et à les acheminer vers de profonds
puits de pétrole et de gaz sous le lit de
l’océan. L’intérêt est double dans la mesure
où la méthode peut permettre d’expulser les
toutes dernières réserves de pétrole et de gaz :
c’est ainsi que les Etats-Unis se débarrassent
déjà chaque année de quelque 32 millions de
tonnes de dioxyde de carbone.
eau
gaz
tour de forage
grue mécanique
pétrole
tige de forage
pétrole brut
foreuse
séparation du pétrole brut
(pétrole, gaz et eau)
héliport
logements et
salles des
machines
eau sous pression vers
le réservoir de pétrole
turbine à gaz créant
l’énergie nécessaire
sur la plateforme
eaux usées
gaz et pétrole à
expédier sur la
terre ferme
pétrole brut extrait
du réservoir
eau sous pression
pompée dans le réservoir
Les appareils de forage à l’œuvre
Les appareils de forage permettent de
forer jusqu’à une profondeur de 2 000
mètres et jusqu’à 300 mètres de la côte. On
fait flotter des plateformes submersibles
dans les eaux peu profondes puis on les
leste pour qu’elles s’installent sur les fonds
marins. Des plateformes autoélévatrices –
utilisées quand la profondeur des eaux ne
dépasse pas 100 mètres – sont remorquées
sur place. Là, on abaisse leurs pieds, et
leur coque se déplie hors de l’eau. Des
navires de forage – ancrés ou maintenus en
place par des propulseurs informatisés –
prospectent le pétrole ou forent jusqu’à
1 500 mètres de profondeur. Mais les
plateformes semi-submersibles sont les
plus courantes : leur superstructure est
posée sur des colonnes s’élevant à partir de
coques ou pontons ballastés sous la surface
de l’eau qui offrent une excellente stabilité
jusqu’à une profondeur de 300 mètres,
même quand la mer est déchaînée.
Les plateformes pétrolières sont de
véritables villes industrielles suspendues
au-dessus de la mer, qui comportent tout
l’équipement et les fournitures indispensables à leurs travailleurs, qu’ils soient
foreurs, plongeurs, ingénieurs ou cuisiniers.
En général, les plateformes pétrolières
extraient le pétrole et le gaz provenant de
plusieurs réservoirs en même temps. La
haute tour de forage actionne de bas en haut
le train de tiges de forage, qui est refroidi par
un liquide appelé « boue de forage ». On
envoie de l’eau sous haute pression dans le
réservoir, pour faire remonter le pétrole
brut, qui est un mélange de gaz naturel,
d’eau et de pétrole. On sépare le pétrole et
le gaz, et on les débarrasse de l’eau et des
particules. Cette eau usée peut servir de
boue de forage ou être réutilisée pour
extraire du pétrole brut – ou rendue à la mer
après avoir été analysée. Le pétrole et le
gaz sont alors pompés vers la côte ou
embarqués sur des navires.
Océans et Côtes
13
Les mers manquent d’air
uand on pense « pollution des mers »,
on imagine tout de suite une nappe de
pétrole spectaculaire. Pourtant, les accidents
de ce genre sont une infime partie du problème et ne représentent que 5 % du pétrole
qui pollue les mers, qui n’est lui-même qu’un
aspect relativement peu important de la
pollution marine générale. Les dégazages en
mer des eaux de lestage chargées d’hydrocarbures, effectués par des navires en pleine
activité, sont un problème beaucoup plus
important.
Mais les grands coupables sont en réalité
les voitures et autres véhicules terrestres :
l’huile de moteur usagée et l’eau chargée
d’hydrocarbures qui s’écoulent des routes
sont responsables de la plus grande partie de
la pollution pétrolière des océans lorsqu’elles
finissent leur course dans les égouts.
Globalement, 80 % de la pollution marine
vient de la terre. Il s’agit principalement des
effluents des égouts, non traités ou insuffisamment traités, chargés de déjections
humaines – qui contiennent de dangereux
virus et bactéries – et de la pollution émanant
de l’industrie et de l’agriculture intensive.
Les eaux d’égouts, les engrais agricoles
et autres nutriments stimulent la croissance
des algues. Celles-ci contaminent parfois
les crustacés avec de dangereux poisons,
et comme elles privent toujours l’eau
d’oxygène, les poissons et autres espèces
marines finissent par étouffer. Ceci contribue
à la multiplication des « zones mortes »
Q
De jeunes albatros à pieds noirs
déambulant sur la plage parmi le verre
cassé et autres détritus.
Photo : M. Rauzon/PNUE/Topham
Déchets : pas toujours faciles à digérer !
Si tu jettes une bouteille en plastique dans la mer ou que tu l’abandonnes sur la plage après un pique-nique, il lui faudra un demimillénaire pour se biodégrader. D’ailleurs, un simple ticket de bus met des semaines à se désintégrer. La mer finit toujours par digérer
nos déchets, mais comme le montre ce tableau, cela peut prendre un sacré bout de temps !
Temps qu’il faut pour qu’un objet se biodégrade en mer
Ticket de bus en papier 2-4 semaines
Tissu en coton 1-5 mois
Corde 3-14 mois
Tissu en laine 1 an
Bois peint 13 ans
Boîte en fer 100 ans
Boîte en aluminium 200-500 ans
Bouteille en plastique 450 ans
Source : Hellenic Marine Environment Protection Association (HELMEPA)
Les herbiers
un écosystème océanique mal connu
Ce sont des zones de reproduction pour les poissons…
qui représentent aussi une précieuse ressource renouvelable pour les populations locales
www.rainkissed.com
www.karintyrefors.com
www.inspirationsfromcinnamon.com
Mais il faut veiller à ce qu’ils soient exploités de manière durable.
14
TUNZA Vol 3 No 4
dans les mers et les océans. Le PNUE en
a recensé 146 (voir carte) : depuis les
années 1960, leur nombre a doublé tous les
dix ans. Deux des plus vastes zones mortes
– qui couvrent environ 70 000 kilomètres
carrés – sont situées dans le golfe du
Mexique et dans la Baltique. Par ailleurs,
certains produits chimiques comme les PCB
(biphényles polychlorés) se concentrent
dans les poissons.
Quelque 95 % des poissons pêchés à
travers le monde proviennent justement des
côtes sur lesquelles nous déversons nos
déchets. Parce qu’elle est responsable de
décès et de maladies, la pollution des eaux
côtières coûte chaque année 12,8 milliards
de dollars à l’économie mondiale.
Dans le monde entier, les effluents
des côtes se déversent continuellement
dans la mer.
Photo : D. Tapia Munoz/PNUE/Topham
Un cadavre de petit crabe dans les
sédiments d’une « zone morte » dans le
golfe du Mexique.
Photo : OAR/NURP/NOAA, Lousiana Univ. Marine Consortium
ALERTE A LA POLLUTION : des zones côtières privées d’oxygène
Les zones mortes ou « hypoxiques », résultant
de la prolifération d’une algue suivie de sa
décomposition, peuvent être persistantes
(durer toute l’année), épisodiques (une fois par
an ou moins), périodiques (une fois par an ou
plus) ou annuelles et liées aux saisons. La
zone hypoxique située au large de la Louisiane
dans le golfe du Mexique, par exemple, est un
phénomène estival.
Manque d’oxygène
Annuel
Episodique
Périodique
Persistant
Source : PNUE/GEO Year Book 2003
e développement a imposé de fortes
contraintes sur plus de la moitié des côtes
du monde. Les villes du littoral ont connu
une expansion rapide. Les industries se sont
multipliées, notamment celles liées à la mer
comme l’exploration pétrolière ou celles nécessitant la proximité d’un port. Le tourisme, lui,
est gros consommateur de terres, de matériaux
de construction, d’eau et d’équipement de
traitement des déchets. De ce fait, il exerce une
pression sur les habitats naturels, détruisant, par
exemple, les sites de nidification des tortues.
Il est possible de gérer de manière durable
les ressources côtières et océaniques. Ce n’est
L
contre la pauvreté et de favoriser la diversité
biologique et culturelle. Installée dans le parc
national de Quirimbas – célèbre pour ses
magnifiques plages, ses forêts côtières, ses
coraux, ses mangroves et ses prairies marines –
elle s’est donné pour mission de développer les
atouts de la région et d’utiliser des matériaux
locaux tout en ayant un impact minime sur
l’environnement et les modes de vie de la
population. Les touristes sont logés dans des
bandas, de spacieuses huttes en forme de tente,
au toit recouvert de feuilles de makuti. Ces
logements ont été réalisés avec un minimum
d’énergie, en tenant compte de la manière dont
initiative conjointe du Fonds mondial pour
la nature (WWF) et BioRegional, associe
l’aménagement de 4 800 hectares de réserve
naturelle avec reboisement en pins et chênes
de la région, et un complexe touristique de
500 hectares d’une capacité d’accueil maximale de 25 000 lits. Face à la concurrence de
programmes de tourisme de masse traditionnels, le promoteur, la société Pelicano, a obtenu l’aval des autorités locales et nationales.
Ce projet de 1,2 milliard de dollars pourrait bien servir de modèle mondial en matière
de tourisme et de développement durable.
Utilisant des matériaux de construction
Mata de Sesimbra, Portugal.
Le Parc national de Quirimbas, Mozambique.
Les touristes se
mettent au vert
BioRegional
toutefois pas facile : les responsabilités sont
fragmentées et les intérêts en jeu très divers.
Pourtant, depuis quelque temps, on voit fleurir
des petits complexes touristiques fondés sur
des principes durables et écologiques.
Prenons par exemple l’auberge écotouristique de Guludo au Mozambique : elle
répond aux désirs des touristes, bien sûr, mais
au niveau local, elle permet aussi de lutter
WWF-Canon/P.J. Stephenson
les bâtiments et les matériaux pourront par la
suite être réutilisés ou recyclés.
Au Portugal, le projet éco-touristique de
Mata de Sesimbra, premier programme
mondial de construction durable à grande
échelle, a été mis en place dans une région où
le développement urbain provoque une érosion
du littoral, une fragmentation de l’habitat
et d’autres problèmes. One Planet Living,
durables, il s’est fixé des cibles ambitieuses
pour minimiser la consommation d’énergie et
d’eau et limiter les déchets et les émissions de
dioxyde de carbone. Les visiteurs acquitteront
une écotaxe qui permettra de financer certains
travaux écologiques comme la réimplantation
de couloirs écologiques et la remise en état de
terres humides et autres habitats côtiers et
fluviaux importants.
Océans et Côtes
15
ingt sept étudiants – en sciences et techniques, sociologie, économie et administration –
venus de neuf pays se sont réunis à Manille en octobre 2005 pour le premier forum EcoMinds Asie-Pacifique. Durant quatre jours, ils ont été mis au défi de trouver des solutions
aux problèmes du développement durable. L’idée était de s’appuyer sur des applications créatives
et pratiques des sciences et technologies, tout en adoptant une approche multidisciplinaire
et internationale. Ils devaient également essayer de prévoir les impacts sociaux des solutions
qu’ils proposaient et tester leur viabilité : bien qu’axé initialement sur l’innovation scientifique
et technique, le programme encourage la prise en compte des facteurs socioéconomiques et
culturels à tous les stades du développement.
« Eco-Minds – la nouvelle initiative du partenariat PNUEBayer visant à sensibiliser les jeunes du monde entier à
l’environnement – constitue un forum important pour
l’amélioration des compétences scientifiques », a déclaré
dans son discours inaugural monsieur Oels, membre du
Conseil d’administration de Bayer. « C’est une formidable
occasion pour tous les participants d’échanger des idées
couvrant une vaste gamme de disciplines universitaires,
d’obtenir les conseils d’experts, de visiter des sites écologiques pertinents et de trouver des solutions aux
problèmes réels de durabilité. »
Plusieurs colloques avaient été organisés par des
Madame Gloria MacapagalArroyo, Présidente des
spécialistes issus de domaines aussi divers que les sciences et
Philippines, inaugure le premier technologies, l’environnement et les affaires, notamment par le
forum Asie-Pacifique
Professeur Jeffrey Sachs, directeur du Projet du millénaire aux
Eco-Minds.
Nations Unies. Ces échanges ont amené les
jeunes à réfléchir et à affiner leurs idées sur le développement et
l’environnement. Leyla Acaroglu, venue d’Australie, confie :
« Les colloques nous ont permis de mieux comprendre
pourquoi les opinions, motivations et intentions sont souvent
en contradiction dès que l’on essaie de trouver des solutions
positives en accord avec le développement durable. »
Le groupe s’était réparti en équipes de trois – chaque
membre représentant différents pays et domaines de
compétence – pour travailler sur une étude de cas élaborée
par Ateneo de l’Université de Manille. Les participants avaient
pour mission de conseiller la « Tierra Verde », une région fictive
des Philippines, qui souhaitait valoriser ses ressources tout en fournissant des moyens d’existence à sa population. Les industries envisagées incluaient notamment
la commercialisation d’une eau minérale, une conserverie d’ananas et la crevetticulture. Chaque
équipe choisit une proposition à présenter aux autorités locales de Tierra Verde – représentées
par un jury – qui tenait compte de la protection environnementale, de la durabilité et de
l’impact social.
Tan Jack Young, étudiant en technologie architecturale à
l’IUT de Singapour et membre de l’équipe gagnante, a parlé de
son expérience : « L’étude de cas avait été pensée dans les
moindres détails. Au début, j’ai trouvé les contraintes de
gestion environnementale assez problématiques. Mais les
membres de notre équipe étaient très complémentaires et
nous avons donc bien réussi à couvrir les différents aspects –
socioéconomiques, technologiques et écologiques. »
Le troisième grand volet du programme a permis aux
jeunes de s’aérer un peu. Ils ont participé à un atelier de
survie dans la jungle, dans les splendides forêts de Subic.
Les participants s’initient
« Une expérience extraordinaire, qui prouve vraiment qu’il
aux techniques de survie existe des manières simples et naturelles de créer les choses dont
dans la jungle.
on a besoin pour survivre », a déclaré Leyla Acaroglu.
Eco-Minds était le premier d’une série de forums biennaux qui continueront à donner aux
étudiants l’occasion de synthétiser leurs idées et d’approfondir leur connaissance du développement durable. « Eco-Minds nous permet vraiment de comprendre que le développement
durable exige une approche multidisciplinaire », a déclaré le représentant des Philippines,
Gerard G. Dumancas. « C’est un programme holistique qui donne la même importance à
chaque domaine. »
Elisabeth Guilbaud-Cox, du PNUE, conclut en disant : « Ce forum permettra de dynamiser
l’évolution vers un monde répondant en tous points aux souhaits des pères fondateurs des
Nations Unies. »
V
Charters/Burggraf
er
er
Bay
u départ, l’Australienne Layne
Beachley, détentrice de six titres
consécutifs de championne du monde de
surf, avait créé la fondation « Aim for the
Stars » pour aider les filles de 12 à 18 ans
à poursuivre leur carrière sportive. Mais
impressionnée par les initiatives et la
passion de trois jeunes écologistes australiennes, elle a décidé d’y adjoindre le
prix Beachley de l’environnement, pour
que les trois filles puissent être récompensées dans le cadre de l’enveloppe de
subventions 2006.
En juillet 2005, les lauréates Sarah et
Kate Charters et Millicent Burggraf sont
venues grossir les rangs des 600 représentants du monde entier qui assistaient
au premier Sommet mondial des enfants
du PNUE, organisé dans la préfecture de
Aichi au Japon. Inspirées par le Sommet,
les trois filles ont, dès leur retour, présenté
la pétition du Sommet – qui met au défi les
dirigeants du monde de tenir davantage
compte de l’environnement et engage les
enfants à prendre des initiatives pour
protéger l’environnement – à Darren Ray, le
maire de Port Phillip, leur ville, et à John
Thwaites, ministre de l’Environnement et
vice-premier ministre de l’État de Victoria.
Elles ont même réussi à persuader le maire
de parrainer l’élimination des sacs en
plastique dans le centre commercial local.
Les filles ont prévu d’utiliser la subvention pour participer au Sommet mondial des enfants 2006, qui se tiendra en
Malaisie, et pour poursuivre leurs initiatives en faveur de l’environnement.
A
B ay
du succès
B ay
er
Daniel Adriatico
Sur la vague
Comment trouver des solutions
V. Curutchet/DPPI/Offshore Challenges
B. Stichelbaut/DPPI/Offshore Challenges
Liberté totale, opportunités infinies
vec plusieurs records du monde à son actif, la jeune
navigatrice Ellen MacArthur a beaucoup de points
communs avec l’albatros, le plus gros oiseau du monde
– tous deux sont réputés pour leur hardiesse et tous deux
sillonnent le globe en tirant parti du vent.
A
L’année dernière, Ellen a remporté le tour du monde en solitaire
sur son trimaran spécialement conçu, le B&Q/Castorama. Du haut
de ses 1,60 mètres elle a captivé les foules, triomphant de vagues
déchainées, d’ennuis mécaniques, de blessures et de l’épuisement.
Son exploit célébrait toute une vie d’amour de l’océan.
En mer, elle a rencontré de nombreux albatros, dont 19 espèces
sont menacées par la pêche aux lignes de fonds. Cette pratique
consiste à tirer des lignes d’appâts derrière les navires, et les
oiseaux qui se trouvent pris au piège meurent noyés.
Saluée comme la plus grande navigatrice britannique de tous les
temps à son retour en février 2005, Ellen a indiqué qu’elle était
préoccupée par le sort des albatros. Elle a pris le temps de
participer à une étude sur l’albatros errant sur Albatross Island –
un sanctuaire de faune de Géorgie du Sud – en compagnie de
chercheurs de la Royal Society for the Protection of Birds et de
BirdLife International.
Elle a confié à TUNZA qu’elle voulait attirer l’attention sur le
problème des albatros et apprendre à mieux les connaître. « Les
albatros sont menacés, nous devons donc leur donner un
maximum de chances. »
TUNZA l’a rencontrée après son départ de l’île, au moment où elle
se préparait à partir en mars 2006 pour établir de nouveaux
records de vitesse dans les eaux d’Asie, aventure qu’elle espère
partager avec un équipage composé en partie de jeunes Chinois.
Q : De quand date votre passion pour la mer et la voile ?
R : Ma tante m’avait emmenée en mer lorsque j’étais très jeune,
et après quelques jours à bord, je suis devenue complètement
« accro ». C’est de là que vient ma passion. J’ai tout de suite adoré
la sensation d’être sur l’eau, le sentiment de liberté totale et
d’opportunités infinies. Et la responsabilité qu’implique la voile m’a
plu, tout comme la préparation et tout ce qu’on fait à terre pour
s’occuper du bateau.
J’ai un immense respect pour l’océan : dans mon métier, il faut
bien comprendre combien cet environnement peut être complexe
et imprévisible.
Q : Depuis que vous voyagez, trouvez-vous que l’environnement
marin a changé ?
R : Lors de mon dernier tour du monde, j’ai remarqué que les
icebergs étaient bien plus au nord qu’avant et que la température de
l’eau était un peu plus élevée. Ces changements se sont produits
sur une période de quatre ans, ce qui semble indiquer que le
changement climatique n’y est pas étranger.
Q : Le trust Ellen MacArthur est fondé sur l’idée que « tout le
monde a un but ». Pensez-vous que cela s’applique aussi aux
jeunes et à l’environnement ?
R : Le trust a été créé pour permettre aux enfants atteints d’un cancer
ou d’une leucémie de découvrir un monde totalement nouveau, sur
l’eau. Ces voyages peuvent avoir un impact extraordinaire sur certains
enfants, et c’est très motivant.
Team Ellen
Je crois vraiment qu’il faut
que les jeunes aient un but
dans la vie. Cela les aide à
réaliser leurs rêves – qu’il
s’agisse de naviguer ou d’aider
l’environnement – et à atteindre
leur potentiel personnel !
Océans et Côtes
17
Une grosse
responsabilité
« Ce programme est une initiative très
intéressante : elle peut permettre
d’améliorer la vie de nos pays. »
Tatiane Guimarães, Brésil
d’Europe de l’Est et d’Amérique latine, les
délégués – âgés de quinze à vingt-six ans –
avaient été choisis parmi 800 candidats
ayant soumis des projets et dissertations sur
l’environnement. Des entretiens individuels
avaient permis de tester les connaissances,
les aptitudes à communiquer et les qualités
de meneur de chacun. Bayer avait organisé
à leur intention une visite d’étude d’une
semaine à son siège mondial.
Monsieur Udo Oels, membre du Conseil
d’administration de Bayer, a parlé aux
jeunes du rôle important joué par le
développement durable dans la protection
de l’environnement. « Si nous vous avons
invités à venir ici, en Allemagne, c’est
surtout pour vous faire comprendre que la
politique, l’industrie et les particuliers, ainsi
que la protection de l’environnement et le
développement durable, sont étroitement
liés », a-t-il expliqué.
En visitant les sites de Bayer, les
délégués ont découvert une technologie de
pointe et compris comment les préoccupations écologiques peuvent se traduire en
18
TUNZA Vol 3 No 4
ticulièrement intéressée par la visite des
centres Bayer de traitement des eaux usées
et des déchets, qui lui a permis de s’informer sur des méthodes et technologies qui
l’aideront dans son travail une fois rentrée
dans son pays.
Le programme des délégués avait
commencé en 1995 en Thaïlande et il
concerne désormais de plus en plus de
pays. Cette conférence était la première à
inclure l’Afrique, représentée par deux
jeunes Kenyans, Yvonne Beatrice Masilingi
Maingey et George Muchina Nguri.
« C’est super d’être ici pour nous qui
sommes africains », a déclaré Yvonne.
« C’est une grosse responsabilité mais c’est
passionnant. »
Priyank Gupta, d’Inde, a ajouté :
« C’était une occasion formidable de
rencontrer des jeunes du monde entier qui
s’intéressent aux mêmes problèmes que
nous, et de voir comment le groupe Bayer
contribue à relever des défis mondiaux en
participant au développement durable. »
Les jeunes ont eu l’occasion de discuter
r
« Je suis bien décidé une fois de retour
à faire partager mon expérience à
d’autres jeunes de ma communauté. »
Priyank Gupta, Inde
des problèmes d’environnement et de leurs
projets individuels. Pour Oliver Goh, de
Singapour, c’était le plus intéressant parce
que « cela nous a permis d’exprimer nos
idées et de trouver de multiples solutions à
différentes questions ».
Les participants se sont également
attachés à créer des réseaux. Rahima Indria
a confié qu’un de ses objectifs était de
rencontrer de jeunes Indonésiens venus
d’autres villes et d’autres îles pour pouvoir
travailler ensemble sur des objectifs et des
projets communs.
La semaine n’était pas uniquement
consacrée au travail : les jeunes ont visité
E. Coope
E. Coope
r
C’est ce qu’ont conclu les 45 participants
à la dernière conférence des Délégués
Bayer pour la jeunesse sur la protection
de l’environnement et le développement
durable. La conférence annuelle, parrainée
par le partenariat entre le PNUE et le
groupe Bayer, s’est tenue en novembre 2005
au siège de la société à Leverkusen, en
Allemagne. Elle s’est donné pour mission
d’aider les jeunes à concrétiser leur
engagement envers l’environnement.
Venus de 14 pays d’Afrique, d’Asie,
applications pratiques, par exemple dans
les domaines de la production agricole, de
l’agronomie, et de la surveillance et de la
maîtrise de la qualité de l’air et de l’eau.
Ils ont rencontré des biochimistes et
participé à des ateliers sur les activités
chimiques et pharmaceutiques de Bayer.
Cecilia Kibare, responsable au PNUE de
la communication et de l’information du
public, leur a raconté comment les programmes Tunza permettent d’inciter les
enfants et les jeunes à s’intéresser aux
questions environnementales.
Yazmin Lucero Cobos Becerra, de
Colombie, a confié qu’elle avait été par-
er
Bay
« Tout dépend de moi ! »
« La société Bayer a les moyens
de faire passer le message du
développement durable. »
Aleksandra Tomkiewicz, Pologne
les sites historiques proches comme la
cathédrale de Cologne – inscrite au
Patrimoine mondial de l’UNESCO – et le
Rhin. Ces excursions leur ont permis de
mieux se connaître.
« Je me suis fait des tas d’amis. Nous
allons pouvoir communiquer et discuter des
questions qui nous passionnent », a déclaré
Ding Chen, de Chine.
Lester Louis L. López, des Philippines,
a ajouté : « J’espère que beaucoup d’autres
jeunes feront la même expérience que nous,
parce que cela nous responsabilise et que
c’est encourageant. »
Michael Schade, Directeur de la politique d’entreprise et des relations avec les
médias chez Bayer, s’est déclaré toujours
impressionné par les délégués et par le
sérieux avec lequel ceux-ci s’acquittent de
leur mission. « Ils sont à l’origine de petits
changements qui finissent par faire de
grandes différences », a-t-il déclaré.
Rosidah Hardiani, d’Indonésie, a conclu :
« Nous sommes réunis ici parce que nous
voulons protéger la Terre. »
Visons plus haut !
Bayer
Bayer
« La protection de
l’environnement est
toujours un investissement
dans l’avenir. »
E. Cooper
Teoh Chin Hock/PNUE/Topham
Udo Oels, membre du Conseil d’administration de Bayer
E. Cooper
enff
E. S
« C’est vraiment merveilleux de représenter
les Africains. Pour moi, c’est une formidable
occasion de découvrir ce qui se fait en
matière de protection de l’environnement. »
George Muchina Nguri, Kenya
Lorsque Christophe Colomb est arrivé
aux îles Cayman, ses bateaux ont été
obligés de ramer dans des eaux peu
profondes où proliféraient des tortues.
Jusqu’au 20e siècle, les plongeurs apercevaient presque toujours des requins
lorsqu’ils plongeaient dans les eaux des
Caraïbes. Aujourd’hui, rares sont ceux
qui ont la chance d’apercevoir brièvement un requin. Et partout dans le
monde, les jeunes ont bien du mal à
croire les anciens lorsque ceux-ci leur
parlent de la taille des poissons qu’ils
pêchaient autrefois.
Chaque génération se forge une impression de ce qui est « normal » en
se fondant sur ce qu’elle se souvient
d’avoir vu, et nous avons tendance à
fixer nos objectifs de conservation de
cette manière. Nous pensons qu’il faut
maintenir les choses en l’état. Au mieux,
nous espérons voir quelques créatures
un peu plus imposantes et quelques
coraux de plus.
E. Cooper
Bayer
Bayer
Nos attentes sont beaucoup trop
modestes. Il reste certains endroits sur
Terre qui devraient nous inciter à mettre
la barre plus haut. Sur le Banc d’argent
au nord de la République dominicaine,
une sortie en mer permet invariablement
d’observer de nombreuses baleines à
bosse. Au sud-est de Cuba, les plongeurs sont parfois suivis par d’énormes
mérous et constamment frôlés par des
requins. Il existe des plages en Amérique
centrale où plus de 10 000 tortues
continuent à venir se reproduire chaque
année. Et les vivaneaux frayent en si
grand nombre au large de Belize que
des bancs entiers de requins-baleines
– les plus gros poissons du monde –
viennent se nourrir des œufs contenus
dans le plancton.
Bayer
www.bayeryoungenvoy.com
Bayer
Voilà le genre d’environnement que nous
devrions essayer de réhabiliter partout !
Océans et Côtes
19
La mer a toujours éveillé ma curiosité. J’ai découvert la plongée
à l’âge de dix ans, en vacances avec ma famille au bord de la mer
Rouge. En rentrant, j’ai raconté mon aventure sous-marine à mes
amis dans les moindres détails, ne tarissant pas d’éloge sur le monde
magique que j’avais découvert.
ntal Educa
onme
tion
nvir
Fo
fE
e
un
Re
d
En faisant de la plongée,
j’ai vu des choses extraordinaires –
j’ai nagé avec des requins, exploré des
épaves. Chaque fois, j’ai été émerveillée par la
beauté et l’immensité des récifs coralliens.
Mon âme
sœur
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A. Nachoum
/PN
UE
/To
La plongée est devenue mon jardin secret. Lorsque je me dirigeais vers
la mer en tenue de plongée, portant une lourde charge sur les épaules,
je me sentais l’âme d’une exploratrice luttant contre des forces
supérieures. Une fois sous l’eau, je ne sentais plus mon poids.
J’avais la sensation de marcher sur la lune, j’étais euphorique.
Aujourd’hui, dix années plus tard, les impressions que je
ressentais étant enfant ont évolué, mais l’euphorie que
me procure la plongée et le sentiment de pénétrer
dans un autre monde sont toujours là.
Il y a deux ans environ, au
Mexique, j’ai rencontré une âme sœur :
le poisson demoiselle. Très coloré, et pas
plus long que mon petit doigt, il est capable de
défendre farouchement son carré d’algues. Alors
que j’observais tranquillement ce joli petit poisson
qui « exploitait » son territoire, il a soudain fait volteam
ph
face. J’ai vu ses yeux me fixer, et il s’est précipité sur
moi pour m’effrayer et me montrer qu’il était maître
chez lui. Cette détermination m’a rappelé que
lorsque j’étais petite, il me suffisait de bomber le
torse et de fixer quelqu’un dans les yeux pour
me sentir invincible.
Pez M
a
ya
Je trouve passionnant
d’avoir accès à ce monde
naturel et mystérieux, avec ses
bizarreries touchantes et ses montées
d’adrénaline. Les océans sont si pleins
de vie, riches d’un nombre incalculable
d’espèces qui ont évolué sur des millions
d’années ! Tant que nous restons à notre
place et que nous nous comportons en invités
des mers, la plongée nous permet de les
explorer d’une façon totalement inédite.
Effectue la formation nécessaire.
Renseigne-toi auprès des gens qui vivent là et
n’oublie-pas que la mer est bien plus forte que toi.
m
airat/PNUE
S. P
/To
ph
a
Kate de Mattos
Mes conseils :
Indique à quelqu’un l’endroit où tu plongeras.
Plonge avec un ami, jamais en solitaire.
ya
Traite la mer et ses habitants avec respect – ne te
lance pas à leur poursuite.
E/Topham
PN U
Pez M
a
Evite de toucher quoi que ce soit, notamment le
corail : c’est un animal, pas une pierre !
Pez M
a
ya
Laisse les lieux comme tu les as trouvés.
Amuse-toi bien !
Si tu es au bord de la mer mais que tu n’as pas
l’occasion de faire de la plongée sous-marine, tu peux
toujours plonger en apnée : c’est une façon simple et
bon marché de découvrir le monde sous-marin.
20
TUNZA Vol 3 No 4
Q
L’exploration des ressources pétrolières et
gazières, et leur exploitation, la pose de
câbles et de pipelines, et le déversement de
déchets posent également des problèmes. Et
comme les fragiles coraux, qui peuvent être
vieux de 8 000 ans, poussent très lentement,
il faudra peut-être des siècles pour que ces
trésors de biodiversité et de richesse économique retrouvent leur santé.
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R. Bray
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C. Wab
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A. Friew
al d
Ces coraux sont d’ailleurs particulièrement vulnérables à la pêche
commerciale. Celle-ci utilise
notamment le chalutage par le
fond : le bateau racle les fonds
marin avec un filet maintenu
en position ouverte par des
portes métalliques pour attraper
les poissons plats et les crustacées
qui peuplent le lit. Ce faisant, les portes
qui peuvent peser plusieurs tonnes accrochent
les coraux et mélangent les sédiments,
détruisant souvent l’écosystème des récifs ou
le perturbant considérablement.
O
A. Friew
al d
Ces coraux forment des habitats aussi vastes
et aussi complexes que ceux des coraux
d’eaux chaudes, et prennent la forme
de récifs et de forêts dans des lieux
qui sans eux seraient mornes et
boueux. Dans les eaux plus
froides et plus profondes, les
coraux ne trouvent pas d’algues
mais se nourrissent de matières
organiques portées par les
courants. C’est l’absence d’algues
dans leurs tissus qui explique que ces
communautés de coraux sont moins colorées que les récifs des environnements plus
chauds. Pourtant, ils servent d’habitat à des
milliers d’autres espèces, notamment à des
poissons vendus dans le commerce.
Q
A. Friew
al d
uand on parle de coraux, on imagine
immédiatement les eaux peu profondes et chaudes des mers turquoise
des tropiques. Pourtant, dans presque tous
les océans de la Terre, il existe des coraux
qui vivent dans des eaux profondes,
sombres et riches en nutriments.
Mais ces coraux d’eaux froides
sont plus éloignés que leurs
cousins des eaux chaudes – on
les trouve généralement dans
des lieux relativement inaccessibles comme l’extrémité du
plateau continental et à plusieurs
centaines de mètres de profondeur. Ce
n’est que récemment que les scientifiques ont
pu les étudier plus en détail.
Comme un poisson
dans l’eau
A. Edw
ar d
s
Les autres
coraux
rg
uoi de plus fascinant
qu’un aquarium d’eau de
mer, avec ses poissons
clowns bariolés, nichés parmi les
anémones, ses crevettes cachées
sous les coraux et autres merveilles
du monde sous-marin ? Pourtant, il faut
que tu saches que 99 % de ces créatures sont
prélevées dans la nature, dans les récifs
coralliens des Philippines ou d’Indonésie,
par exemple.
Les écologistes considèrent que certaines
méthodes de collecte irresponsables
– comme celles qui consistent à
pêcher au cyanure, à frapper sur
les habitats pour forcer les
poissons à sortir, et à casser des
morceaux de récif pour accéder
à certaines espèces – abîment
des milieux fragiles qui souffrent
déjà d’autres pressions comme le
changement climatique.
Malmenées, les espèces meurent
souvent durant le voyage qui les emporte vers
les Etats-Unis, l’Europe et d’autres régions où
les aquariums sont très appréciés. Comme
celles qui survivent se vendent à prix d’or,
les négociants en prélèvent un maximum
pour compenser les pertes, en faisant
souvent appel à des méthodes qui
n’ont rien d’écologique.
La pisciculture pourrait
peut-être résoudre ce problème.
Certains ornements marins très
prisés – comme l’anémone, le
poisson clown et les coraux – se
reproduisent très bien en aquarium,
mais les cycles de reproduction de la
plupart des espèces sont trop vulnérables
pour qu’elles prolifèrent. Et si cette pisciculture n’est pas organisée par les communautés locales, elle risque de priver les
petits ramasseurs de leurs moyens d’existence.
Ceux qui sont favorables à ce
commerce considèrent qu’une fois
sensibilisés et formés, exportateurs,
importateurs, détaillants et particuliers pourraient à la fois assurer
les moyens d’existence des populations locales et promouvoir la
conservation des récifs coralliens.
Le Conseil des aquariums marins (Marine Aquarium Council –
MAC), qui a élaboré des normes de
commerce durable, forme les ramasseurs,
grossistes et détaillants. Il leur accorde un
agrément et assure ainsi des moyens d’existence durables aux ramasseurs tout en
donnant la certitude aux acheteurs qu’ils
participent à la conservation des récifs.
Océans et Côtes
21
1. Arctique : le narval
Est-ce une licorne ou un cadavre ? Le narval autre appellation, plus romantique, lui vient de
(Monodon monoceros) de l’Arctique, une baleine son plus bel atout : la corne d’ivoire du mâle qui
peut faire 3 mètres de long et
qui peut faire 5,2 mètres de
qui lui a valu le pseudonyme
long et peser 1,8 tonne, a été F. Bruemmer/Still Pictures
de « licorne de mer ». D’ailleurs,
comparée aux deux. Sans qu’on
le narval pourrait bien être à
sache très bien pourquoi, son
l’origine du mythe de la licorne.
nom est dérivé de l’expression
« baleine cadavre » en vieux
norrois. Certains pensent que
c’est à cause de sa peau
tachetée, d’autres suggèrent
que c’est parce qu’elle nage
souvent le ventre en l’air. Son
Les 7 mers
1
7
7. Atlantique Nord :
la mer des Sargasses
e jour où Christophe Colomb, en route
pour le Nouveau monde, aperçut sur sa
route une masse de végétation, il crut avoir
trouvé la terre ferme. Pourtant, il était toujours
au milieu de l’Atlantique. Il se trouvait dans la
mer des Sargasses – ovale de 1 100 kilomètres de large et 3 200 kilomètres de long,
situé entre les Açores et les Caraïbes. La mer
tient son nom d’une algue, le Sargassum, qui
flotte en immenses quantités sur les eaux
calmes, d’un bleu profond. Comme les navires
ralentissaient dans ces eaux tranquilles, les
marins croyaient autrefois que c’étaient les
algues qui les retenaient, et la mer n’avait
pas bonne réputation. Les algues abritent de
nombreuses espèces marines, et c’est là
que se reproduisent l’anguille américaine
et l’anguille européenne.
A. Brando/Still Pictures
L
22
TUNZA Vol 3 No 4
6
6. Océan Austral : l’empereur
a Marche de l’empereur a fait rêver le 11 plumes par centimètre carré. Mais cela ne
monde, et le film est devenu un des plus suffit pas à le protéger de températures qui
grands succès commerciaux de tous les peuvent tomber jusqu’à -60°. Pour survivre,
les empereurs se rassemtemps. Ses héros et ses
blent en une immense masse
héroïnes – des manchots
et se blottissent les uns
empereurs – sont les seuls
contre les autres. Ils s’orgaanimaux à passer l’hiver dans
nisent pour occuper tour à
l’endroit le plus froid de la
tour l’intérieur de la masse,
planète. Le corps du plus
où il fait très chaud, et le
grand des manchots – qui
pourtour beaucoup plus froid.
fait presque 1,3 mètre – est
Chacun a ainsi l’occasion de
particulièrement bien isolé du
se réchauffer !
froid : l’empereur est recouvert d’un réseau très dense de F. Lochon/PNUE/Topham
L
2. Mer Noire : le déluge
e nombreux récits anciens parlent d’un Niagara. Des archéologues marins ont trouvé
déluge qui serait survenu dans les pre- ce qui semble être un ancien littoral et des
miers temps de l’histoire de la
constructions datant de la
Topfoto/NASA/JPL/NIMA
civilisation. Des études récentes
même époque sous une
donnent à penser que le déluge
centaine de mètres de fond
aurait bel et bien eu lieu,
au large des côtes. La thédonnant sa forme actuelle à
orie est controversée, mais
la mer Noire. Les géologues
certains pensent que cela
ont réussi à prouver que vers
pourrait résoudre un vieux
5600 avant notre ère, la Médimystère : qu’est-ce qui a
terranée s’est déversée dans le
motivé l’arrivée en masse de
Bosphore, avec un débit 200 fois
Proto-indo-européens dans
supérieur à celui des chutes du
toute l’Europe et l’Asie ?
2
3
S. Nicklas/NOS/NGS/NOAA
D
3. Pacifique Nord :
la fosse Mariana
scalader la plus haute montagne de la Terre
n’est rien en comparaison d’une descente
à son point le plus bas. Chaque année, de
nombreux alpinistes se lancent à l’assaut de
l’Everest mais seuls deux hommes – Jacques
Piccard et Don Walsh – se sont aventurés
jusqu’au fin fond de la fosse Mariana, à
11 kilomètres de profondeur, près de Guam
dans le Pacifique Nord. Et c’était il y a
pratiquement cinquante ans (voir page 6).
Pourtant, la fosse contient probablement de
véritables trésors de biodiversité. Au milieu des
années 1990, par exemple, des scientifiques
japonais ont découvert, grâce à une sonde
sous-marine télécommandée, une bactérie
nommée Moritella yayanosii. Cette bactérie,
qui contient les protéines DHA et EPA très
utiles au plan médical, se trouvait auparavant
uniquement dans les huiles de poisson. Elle est
utilisée dans le traitement du cancer et de
l’hypertension.
E
4. Pacifique Sud :
les forêts de varech
5
PNUE-WCMC/World Atlas of Biodiversity
5. Océan Indien : le coelocante
n pensait le coelocante disparu depuis
des millions d’années, mais il a fait son
apparition parmi les prises de pêcheurs
africains. C’est une conservatrice de musée, Marjorie
Courtenay-Latimer, qui a remarqué ce curieux poisson
alors qu’elle était à la
recherche de spécimens intéressants et inspectait les
poissons pêchés près de
l’embouchure du fleuve Chalumna en Afrique du Sud.
Jusque-là, ce poisson – dont
O
les ancêtres sont sans doute apparus il y a
entre 350 et 400 millions d’années et qui est
souvent qualifié de « dinosaure vivant » –
n’était connu que sous
forme de fossile. Par la suite,
d’autres spécimens ont été
pêchés près des Comores.
D’ailleurs, les habitants des
îles le connaissaient très
bien mais ne s’y intéressaient
guère, appréciant peu son
goût.
N. Wu/Still Pictures
out le monde sait à quoi ressemble un récif
corallien, mais les forêts de varech sont
beaucoup moins connues. Pourtant, c’est un
habitat marin presque aussi spectaculaire.
Florissant dans les eaux froides et riches en
nutriments – où cette algue géante peut
atteindre 30 mètres de haut, du fond marin à la
surface de l’eau – ces denses forêts abritent
une incroyable biodiversité. Elles fournissent le
gîte et le couvert à des myriades de créatures,
de la modeste éponge au crabe géant et à la
pieuvre. Nombre de ces forêts marines sont
menacées. Une des plus grandes espèces de
varech géant (Macrocystis pyrifera), qui vit
dans les eaux de Tasmanie, par exemple, est
en train de dépérir suite à la hausse des
températures et à l’augmentation de la pollution et du nombre d’oursins.
T
L. Rotman/Still Pictures
4
Océans et Côtes
23
nos futurs océans...
E. Cooper
si nous ne commençons pas à pêcher de manière durable
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