droit civil l1 fiche n° 2 : l`enfant a naitre

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DROIT CIVIL
L1
FICHE N° 2 : L’ENFANT A NAITRE
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TABLE DES MATIERES
Partie 1 = Repères de cours ........................................................................................................................ 3
I.
La personnalité juridique du sujet.................................................................................................. 3
II.
La personnalité de l’enfant à naître ?............................................................................................. 4
Partie 2 = Aide aux documents .................................................................................................................. 5
I.
Fiches de jurisprudences ................................................................................................................. 5
II.
Exercice de synthèse........................................................................................................................ 7
Partie 3 = Questions fréquentes .............................................................................................................. 12
La viabilité est-elle une notion en perte de vitesse ? .......................................................................... 12
Mis à part l’enfant à naître, existe-t-il des êtres humains dépourvus de la personnalité juridique ?
................................................................................................................................................................... 12
Quelle a été la consécration formelle de la dignité en France ? ....................................................... 13
Quelles sont les menaces qui pèsent sur l’enfant à naître ? .............................................................. 13
Partie 4 = Pour aller plus loin................................................................................................................... 14
CIV 1ère 06.02.08 (trois arrêts) = .......................................................................................................... 14
Thème :................................................................................................................................................. 14
Faits :..................................................................................................................................................... 14
Procédure : ........................................................................................................................................... 14
Prétentions : ......................................................................................................................................... 14
Problème de droit : ............................................................................................................................. 15
Solution de droit : ............................................................................................................................... 15
Partie 5 = Quizz ......................................................................................................................................... 16
Questions ................................................................................................................................................. 16
Réponses .................................................................................................................................................. 17
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PARTIE 1 = REPERES DE COURS
Depuis l’époque romaine, le droit civil est entièrement fondé sur une distinction fondamentale
appelée « summa divisio » et opposant la catégorie des personnes, les sujets de droit, à celle des
choses, les objets de droit. A l’époque Napoléonienne, les rédacteurs du code civil ont décidé de
reprendre cette distinction et d’articuler l’ensemble du code autour de cette classification binaire.
A l’heure où le débat sur la nature de l’enfant à naître fait grand bruit, ne serait-il pas opportun de
s’interroger sur la pertinence de cette « summa divisio » et plus particulièrement sur la notion de
personne ?
La personne envisagée par le droit correspond à la personne juridique c'est-à-dire aux personnes
physiques ou morales titulaires de droits et d’obligations pour être acteurs sur la scène juridique.
Est une personne physique, tout être humain.
I.
LA PERSONNALITE JURIDIQUE DU SUJET
La personnalité juridique est une création du droit fondée sur le principe d’égalité civile entre tous
les êtres humains. N’étant pas définie par le code civil, elle est traditionnellement considérée
comme « une aptitude à être titulaire de droits et d’obligations ». La vie gouverne la personnalité
de son commencement à sa fin permettant ainsi à tout être humain d’être une personne juridique
dès sa naissance jusqu’à sa mort et ce depuis l’abolition de l’esclavage.
L’acquisition de la personnalité reste alors subordonnée à deux conditions : une naissance en vie
et une naissance viable. En effet, tout être humain acquiert la personnalité à partir du moment où
il naît vivant et viable. La viabilité était à l’origine un critère traditionnel défini comme « l’aptitude
naturelle à vivre ». Aujourd’hui, elle est devenue un critère technique avec le développement des
progrès médicaux. L’organisation mondiale de la santé fixe deux seuils de viabilité au choix : soit
une durée de gestation d’au moins 22 semaines d’aménorrhée soit un poids minimal de 500g.
Cette notion de viabilité tend à être de plus en plus discutée en raison son caractère arbitraire dû à
l’éventuel abaissement de ces seuils dans les années à venir, facteur d’insécurité juridique. La
naissance en vie, quant à elle, est constatée grâce à la respiration postnatale de l’enfant.
Ce principe d’acquisition de la personnalité à la naissance peut être cependant atténué par l’adage
romain « infans conceptus pro nato habetur de commodis ejus agitur». Il s’agit d’une fiction
juridique permettant de faire rétroagir la personnalité de l’enfant à naître à la date de sa
conception dès qu’il y va de son intérêt.
Une fois acquise, la personnalité permet de devenir un sujet de droit titulaire de droits et
d’obligations pour être acteur sur la scène juridique grâce au bénéfice d’une capacité de jouissance
et d’exercice.
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II. LA PERSONNALITE DE L’ENFANT A NAITRE ?
Les innovations médicales et scientifiques relancent chaque jour le débat sur l’apparition, la
nature et la destinée de l’embryon humain. La réflexion sur le statut juridique de l’embryon,
instaurée au cœur de ce débat, a permis de faire émerger une interrogation quant à sa nature
juridique. L’enfant à naître, embryon ou fœtus, est-il une personne ?
Appliquons le régime de la personnalité juridique à l’embryon. Pour être sujet de droit, l’embryon
doit naître vivant et viable mais en application de la fiction de l’infans conceptus, il peut être
titulaire d’une personnalité dès sa conception s’il y va de son intérêt. Cette personnalité anticipée
permet ainsi à l’enfant à naître d’avoir une vocation à succéder et à hériter (articles 725, 902 et
906 du code civil) même si l’exercice de celle-ci est suspendu à sa naissance vivante et
viable. Cependant, malgré sa capacité de jouissance, l’embryon n’a ni capacité d’exercice ni
obligation.
L’enfant à naître ne peut donc pas être considéré comme une personne juridique, sujet de droits.
Face à cette personnalité incomplète, le doyen Carbonnier a qualifié l’enfant à naître de « non
sujet de droit », expression célèbre permettant de contourner la dichotomie sujet / objet.
La question clé qui s’est par la suite posée est celle de la protection de l’enfant à naître. Le défaut
de personnalité juridique de l’embryon peut-il l’empêcher d’être considéré comme un être à
protéger ? Personnalité juridique et existence humaine coïncident-elles automatiquement ?
Contrairement à ce que certains voudraient laisser penser, existence humaine et personnalité
juridique correspondent à deux réalités différentes qui ne se superposent pas toujours. En effet,
toute personne juridique n’est pas forcément un être humain (ex : personne morale) et tout être
humain n’est pas obligatoirement une personne juridique (ex : embryon / fœtus). A côté des êtres
humains sujets de droits cohabitent des êtres humains non-sujets de droit, tel que l’embryon.
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PARTIE 2 = AIDE AUX DOCUMENTS
I.
FICHES DE JURISPRUDE NCES
CIV 1ère 10.12.85 =
Thème :
L’infans conceptus
Faits :
M. Y a souscrit une assurance vie garantissant le paiement d’un capital, en cas de décès, majoré en
fonction du nombre d’enfant à charge vivant au foyer de l’assuré. M. Y déclare Mme Y et à
défaut ses enfants, comme bénéficiaire de l’assurance. Juste après le décès de M.Y, Mme Y
accouche de jumeaux. Elle perçoit le versement du capital sans que celui-ci n’ait été majoré. Selon
la compagnie d’assurance, les enfants n’étaient pas encore nés lors du décès donc ils n’étaient pas
à la charge du foyer.
Solution de droit =
L’enfant conçu est réputé né dès qu’il y va de son intérêt. En cas de naissance en vie et viable
alors l’acquisition de la personnalité juridique est rétroactive à la date de conception de l’enfant.
CASSATION.
ASS. PLE 29.06.01 =
Thème :
L’atteinte involontaire à la vie de l’embryon
Faits :
M. Y provoque un accident de la route en heurtant le véhicule de Mme X, enceinte de 6 mois.
Blessée, elle perd son enfant à la suite du choc et décide de poursuivre M. Y pour homicide
involontaire.
Solution de droit :
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Le principe de légalité des délits et des peines impose une interprétation stricte de la loi pénale et
s’oppose à ce que l’incrimination d’homicide involontaire de l’article 221-6 du code pénal ne soit
étendue à l’enfant à naître. REJET.
CRIM 02.12.03 =
Thème :
L’atteinte involontaire à la vie de l’embryon
Faits :
Mme Y a été très gravement blessée à la suite d’un accident de la circulation. A la suite d’une
césarienne, elle donne naissance à un enfant qui décède quelques minutes après des séquelles
subies.
Solution de droit :
Le fait de causer la mort d’un enfant après sa naissance, à cause de lésions subies avant sa
naissance, constitue un homicide involontaire, incriminé par l’article 221-6 du code pénal.
REJET.
CEDH 08.07.04 « Vo C/ France » =
Thème :
Le droit à la vie de l’embryon
Faits :
A la suite d’une confusion de dossiers médicaux, un médecin, pensant devoir retirer un stérilet
sur une patiente, provoque en réalité une interruption involontaire de grossesse à une patiente
enceinte venue simplement consulter. La patiente saisit la Cour Européenne des droits de
l’homme au nom du respect de la vie privée de l’enfant à naître issu de l’article 2 de la CEDH.
Solution de droit =
Il est ni souhaitable ni même possible de répondre actuellement à la question de savoir si l’enfant
à naître est une personne au sens de l’article 2 de la CEDH. En l’absence de consensus, le point
de départ du droit à la vie dépend de la marge d’appréciation de chaque état dont l’obligation est
d’assurer la protection de la vie.
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La Cour européenne écarte donc la question de la nature de l’embryon en refusant de dire si
l’enfant à naître peut ou non être bénéficiaire de l’article 2 de la CEDH proclamant le « droit de
toute personne à la vie doit être protégé ».
CAA de Douai 06.12.05 =
Thème :
L’atteinte involontaire à la vie de l’embryon et préjudice des parents
Faits :
Un incident technique a causé la perte des embryons congelés des époux X qui intentent alors
une action pour rechercher la responsabilité du centre hospitalier et pour réparer le préjudice subi
au titre de leur perte de chance d’être parents.
Solution :
A défaut de projet parental, les embryons congelés ne sont pas des êtres humains. Donc, la perte
de ces embryons ne permet pas l’indemnisation du préjudice des époux.
II. EXERCICE DE SYNTHESE
La portée et les limites de l’article 16 du code civil
Enoncé de l’article 16 :
« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et
garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».
Consigne :
Votre synthèse doit être structurée autour d’un plan binaire logique en deux parties ayant chacune
deux sous parties. Vous devrez au cours de l’exercice confronter les notions d’être humain et de
personne ainsi que comparer la garantie du respect de l’être humain avec celle du respect du droit
à la vie.
Conseils :
Au brouillon, faites un tableau dans lequel vous notez toutes les informations essentielles tirées
de chacun des documents proposés. Confrontez ensuite les idées afin de rapprocher celles qui se
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ressemblent ou au contraire qui s’opposent afin de faire ressortir les différentes parties sur
lesquelles vous allez articuler votre synthèse.
Votre synthèse doit être présentée comme une mini dissertation avec quelques lignes
introductives dans lesquelles vous présenterez le sujet puis avec le développement où le plan sera
apparent.
Pistes de réflexion :
Eléments introductifs =
Dans quel contexte a été rédigé l’article 16 du code civil ?
Adoption des premières lois de bioéthique en 1994 avec inscription de l’article 16 dans le code
civil.
Entrée de nouvelles notions dans le code civil : personne, être humain, dignité, commencement
de vie mais aucune définition n’est posée par le législateur donc, consécration à la fois réelle de
concepts essentiels mais aussi relative à défaut de qualification.
Eléments concernant la portée de l’article 16 du code civil =
Distinction dans l’article 16 entre l’être humain et la personne.
A quelles réalités renvoient la personne et l’être humain?
La personne est considérée en droit comme la personne juridique c'est-à-dire le sujet de droit
étant titulaire de la personnalité. La personnalité est acquise en droit dès la naissance sous
conditions d’être né en vie et viable. Néanmoins, la personnalité peut être attribuée
rétroactivement dès la conception à l’enfant à naître s’il y va de son intérêt (cf. infans conceptus
= facteur de légitimité de la protection de l’enfant conçu). Donc, la personnalité est dépendante
du critère de la viabilité.
L’être humain correspond à tout être vivant appartenant au genre humain. Quel est alors le
commencement de la vie ? Il est admis que la vie débute dès la conception et plus
particulièrement dès la fécondation et elle se développe en continue jusqu’à la naissance. Si elle
est continue et qu’elle est transmise, pourquoi chercher un point de départ ou un
commencement ? Donc, l’existence humaine est quant à elle liée au critère de la vie.
A quelle valeur est rattachée chacune des notions ?
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La personne est protégée par la garantie de sa dignité alors que l’être humain est protégé par la
garantie de son respect. Le respect serait à l’être humain ce que la dignité est à la personne. Donc,
opposition aussi entre respect et dignité.
Quel est le rôle de la loi ?
La loi est chargée d’assurer la primauté de la personne. Pour y arriver, elle prévoit d’interdire et
donc de sanctionner toute atteinte à sa dignité.
Cependant, la loi énonce garantir le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie mais
elle ne prévoit rien du tout dans l’article 16 pour s’y engager.
La dignité de la personne serait-elle intangible contrairement au respect de l’être humain ?
Eléments concernant les limites de l’article 16 =
L’article 16 énonce que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la
dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».
Quid du droit à la vie de l’être humain ?
Article 2 de la CEDH : « le droit de toute personne à la vie est protégée par la loi ».
Le bénéficiaire du droit à la vie est la personne selon le droit européen alors que pour le droit civil
français, le bénéficiaire du droit à la vie est l’être humain selon l’article 16 du code civil. Donc, qui
doit être visé par ce droit à la vie ? La personne ? L’être humain ?
L’embryon peut-il être protégé par ce droit à la vie ? Si la réponse à cette dernière question est
positive, on peut légitimement déduire que l’embryon est une personne au sens de la CEDH.
Donc, confusion réelle entre les notions à défaut de définition.
Quel est le commencement de la vie de l’être humain ?
Aucune précision n’est apportée sur ce commencement de la vie donc à partir de quand le respect
de l’être humain est-il garanti ? Respect dès la conception, dès un seuil de développement, dès la
naissance ?
Incohérence légale :
Dès le commencement de sa vie, l’être humain doit être respecté. Ainsi, la loi s’engage à
sanctionner toute atteinte à l’encontre de l’existence humaine. A partir du moment où l’enfant à
naître est considéré comme un être humain, il doit être protégé dès le commencement de sa vie.
Or, il est admis quasi unanimement que la vie est présente dès la fécondation. Par conséquent,
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l’enfant à naître, embryon ou fœtus, doit être bénéficiaire d’un respect assuré par la loi dès sa
conception.
Comment alors justifier que la jurisprudence pénale ne sanctionne pas l’atteinte involontaire à la
vie de l’enfant à naître ? Etant un être humain, il doit être protégé même pendant la période
prénatale à partir du moment où il est vivant donc toute atteinte dont il est victime devrait être
sanctionnée.
L’absence de personnalité civile ne peut pas empêcher de protéger l’enfant à naître.
La personnalité civile ne doit pas devenir une condition de la protection pénale de l’humain.
Remarque sur l’article 221-6 du code pénal :
Article 221-6 inscrit dans la section « des atteintes à la vie », elle-même insérée dans le titre « des
atteintes à la personne humaine », lui-même étant dans le livre « crimes et délits contre les
personnes ». Donc, l’article 221-6 du code pénal serait chargé de sanctionner l’homicide
involontaire d’une personne humaine, vu son emplacement dans le code.
« Autrui » serait une personne humaine donc pour pouvoir appliquer l’incrimination de
l’homicide involontaire de l’article 221-6 à l’enfant à naître, il faut qu’il soit considéré comme une
personne humaine. Or, l’article 16 du code civil ne parle que de la personne juridique et de l’être
humain mais pas de la personne humaine. On pourrait donc étendre la notion d’être humain à
celle de personne humaine et ainsi, la loi pénale pourrait être applicable à l’enfant à naître.
Enfin, la personnalité juridique ne coïncide pas toujours avec l’existence humaine. Tout être
humain n’est pas une personne juridique et toute personne juridique n’est pas un être humain.
Donc, personne (au sens du droit) et être humain sont deux notions qui peuvent parfois
seulement se superposées.
Quelle est l’étendue du respect garanti par la loi à l’être humain ?
Le respect dû à l’être humain n’est pas absolu. En effet, plusieurs atteintes au respect de l’être
humain sont encadrées par la loi.
Exemple : IVG avec les dispositions de la loi Veil, embryons in vitro avec la possibilité de
manipulation, de diagnostic préimplantatoire, recherche possible sur les embryons…
Donc contrairement à la dignité qui apparaît comme une valeur intrinsèque et intangible, le
respect dû à l’être humain ne serait que relatif.
Donc hiérarchie entre la personne et l’être humain faite dans l’article 16 du code civil ?
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Idée de plan détaillé =
1. La portée de l’article 16 du code civil
A. Le passage de l’être humain à la personne (vie / viabilité)
B. La protection juridique de l’être humain et la personne (respect / dignité)
2. Les limites de l’article 16 du code civil
A. L’enfant à naître et le droit à la vie (commencement de sa vie / article 2 CEDH)
B. Le respect de l’enfant à naître (art.221-6 du code pénal / respect relatif)
Attention, pour que ce plan soit cohérent et pour qu’il réponde à votre sujet, il faut
impérativement arriver à cerner les nuances du thème qui est proposé à votre étude. Ne vous
inspirez pas des intitulés de ce plan s’ils n’évoquent rien pour vous à la fin de l’étude de vos
documents et si vous ne savez pas comment remplir les différentes parties.
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PARTIE 3 = QUESTIONS FREQUENTES
LA VIABILITE EST-ELLE UNE NOTION EN PERTE DE VITESSE ?
La viabilité est une notion exigée à la naissance d’un enfant pour qu’il puisse acquérir la
personnalité juridique. L’enfant sera réputé être un sujet de droit dès lors qu’il est né vivant et
viable. Le code civil fait référence à cette notion sans y attacher la moindre définition. C’est
pourquoi, il est d’usage de définir la viabilité comme « l’aptitude naturelle du nouveau né à vivre ».
Traditionnellement, deux critères se combinaient : la maturité appréciée en fonction du
développement des organes et le poids du fœtus établi en fonction de l’ossification. Depuis 1993,
l’organisation mondiale de la santé à proposer de qualifier l’enfant viable à partir de 22 semaines
d’aménorrhée ou d’un poids de 500g. Par l’intermédiaire de la présomption légale de conception
imposée par l’article 311 du code civil, un enfant est présumé viable à partir de 180 jours après la
conception. Mais cette viabilité est une notion très délicate amenant certains auteurs à s’interroger
sur son efficacité ainsi que sur sa légitimité. Les progrès constants de la médecine nous prouvent
que les seuils de viabilité pourront être abaissés dans les prochaines années, permettant à des
enfants nés très prématurés de vivre. Facteur d’insécurité juridique, son appréciation reste encore
incertaine et son contenu demeure variable ce qui justifierait sa suppression future dans le code
civil français.
MIS A PART L’ENFANT A NAITRE , EXISTE-T-IL DES ETRES HUMAINS DEPOURVUS DE LA
PERSONNALITE JURIDIQ UE ?
L’existence humaine et la personnalité juridique sont deux réalités qui ne se superposent pas
toujours. Tout être humain n’est pas forcément une personne juridique et inversement. Deux cas
peuvent être présentés pour illustrer cette idée : l’absent et l’esclave.
L’absence en droit est l’état de la personne dont on ne sait pas si elle est vivante ou morte, celle-ci
ayant cessé de se présenter à son domicile depuis un certain temps sans donner de nouvelle. Au
bout de 10 ans, l’absence est déclarée par jugement et ses effets sont ceux d’un acte de décès
ordinaire. L’absent, considéré comme « mort », perd sa personnalité juridique. Mais s’il est encore
vivant, il demeure malgré tout un être humain. Ajoutons alors un second exemple. L’esclavage
permettait à des personnes d’être propriétaires d’un esclave, travaillant sans aucune rémunération
et vivant sans aucune liberté. L’esclave était un être humain comme son maître mais il était privé
de la personnalité juridique. Son abolition a permis heureusement d’éviter de traiter à nouveau un
être humain comme une véritable chose.
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QUELLE A ETE LA CONSECRATION FORMELLE DE LA DIGNITE EN FRANCE ?
Le concept de dignité a été introduit en droit français avec les premières lois bioéthiques de 1994
au sein de l’article 16 du code civil. Cette consécration associe la dignité à la notion de personne.
Contrairement à l’être humain, la personne serait digne. La dignité apparaît comme une valeur
intrinsèque inhérente à la nature humaine. Très vite, la dignité va devenir une norme de référence
autonome, une valeur cadre pour distinguer le licite de l’illicite. La sauvegarde de la dignité de la
personne humaine devient même un principe à valeur constitutionnel le 27.07.94.
QUELLES SONT LES MEN ACES QUI PESENT SUR L’ENFANT A NAITRE ?
Les avancées de la science, les progrès de la médecine, l’évolution de la société, la libéralisation
des mœurs, l’augmentation des libertés individuelles sont autant de facteurs qui multiplient
chaque jour davantage les agressions subies par l’enfant à naître. Cette instrumentalisation de la
vie anténatale réduit l’enfant à naître à une vulgaire chose. En effet, la première menace subie par
l’embryon provient de sa mère qui, depuis la loi Veil de 1975, peut avorter sans risquer d’être
poursuivie pénalement. Le droit à la vie de l’embryon dépendrait donc de la volonté de la mère de
garder l’enfant ou non. Puis, le développement de l’assistance médicale à la procréation comme
moyen de lutte contre l’infertilité, a permis la conception d’embryon in vitro c'est-à-dire en
dehors du corps maternel. Cette extériorisation de la fécondation a rendu possible toute
manipulation sur l’embryon, que ce soit par les médecins de la reproduction ou par les
chercheurs. Autrefois protégé dans le corps de sa mère, l’enfant à naître peut aujourd’hui être
congelé, trié, sélectionné, implanté, donné et bien pire encore, détruit. Il est donc plus qu’urgent
de légiférer pour doter l’enfant à naître d’un statut juridique protecteur.
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PARTIE 4 = POUR ALLER PLUS LOIN
CIV 1 E R E 06.02.08 (TROIS ARRE TS) =
THEME :
L’acte d’enfant sans vie et la viabilité
FAITS :
Trois femmes ont du accoucher d’un fœtus sans vie entre 18 semaines et 21 semaines
d’aménorrhée.
A la naissance, les poids de chaque fœtus étaient de 400, 286 et 155 grammes.
PROCEDURE :
N’ayant pu effectuer de déclaration à l’état civil, chacun des couples saisit le Tribunal de grande
instance afin d’obtenir l’établissement par l’officier d’état civil d’un acte d’enfant sans vie.
Dans son jugement du 09.12.03, la juridiction de première instance déboute les parties en
demande.
Les parties, appelantes, interjettent appel à l’encontre de ce jugement.
Le 17.05.05, la CA de Nîmes confirme le jugement rendu par le TGI.
Chacun des couples forme alors un pourvoi en cassation.
PRETENTIONS :
L’arrêt attaqué refuse d’appliquer l’article 79-1 du code civil permettant l’établissement d’un acte
d’enfant sans vie au motif que les seuils de viabilité de l’OMS (22 SA ou 500g) n’étaient pas
atteints par les fœtus.
Le moyen au pourvoi considère que l’acte d’enfant sans vie peut être rédigé dès lors que l’être a
atteint un développement suffisant pour pouvoir espérer une vie autonome. Les seuils de viabilité
retenus sont arbitraires et incertains vue l’évolution des données de la science.
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PROBLEME DE DROIT :
L’établissement d’un acte d’enfant sans vie doit il être subordonné à des critères de viabilité tels
que la durée de la grossesse ou encore le poids du fœtus ?
SOLUTION DE DROIT :
Le 06.02.08, la première chambre civile de la Cour de cassation rend trois arrêts de cassation avec
annulation totale des dispositions de l’arrêt attaqué et elle renvoie les affaires devant la Cour
d’appel de Nîmes autrement composée.
L’établissement d’un acte d’enfant sans vie (art. 79-1 alinéa 2 du code civil) ne dépend d’aucun
seuil de viabilité du fœtus que ce soit de la durée de la grossesse ou encore de son poids.
La CA a exigé, sans raison, des conditions pour l’applicabilité de ce texte.
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PARTIE 5 = QUIZZ
QUESTIONS
1. La personnalité juridique permet-elle d’obtenir que la capacité d’exercice ?
a) oui
b) non
2. Quel auteur classe les êtres entre les sujets de droit et les non sujets de droit ?
a) Cornu
b) Carbonnier
c) Cabrillac
3. A partir de quel moment la personnalité est-elle acquise ?
a) La conception
b) La viabilité
c) La naissance
4. Quels sont les critères généralement admis pour apprécier la viabilité ?
a) une durée de gestation et un poids
b) une durée de gestation et une maturité
c) une autonomie et une ossification suffisante
5. Marie, enceinte de 6 mois, est renversée sur un passage piéton par un chauffard complètement
ivre. Gravement blessée, elle est prise en charge à l’hôpital le plus proche. Le médecin de garde
programme une césarienne car l’enfant qu’elle porte a subi un grand traumatisme, obstacle à la
poursuite de toute grossesse. Malheureusement, l’enfant naît mort de ses blessures. Marie décide
alors de poursuivre le chauffard pour homicide involontaire. Son action a-t-elle des chances
d’aboutir ?
a) oui
b) non
6. À la suite de négligences médicales lors du suivi d’une grossesse, un enfant naît vivant mais
décède quelques heures après l’accouchement. Les parents de l’enfant souhaitent agir en justice
contre le médecin, que leurs conseillez vous ?
a) une action en responsabilité civile
b) une action pour homicide involontaire
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c) une action pour blessures involontaires
7. L’adage de l’infans conceptus permet-il à l’enfant à naître d’être sujet de droit avant la
naissance ?
a) oui
b) non
8. Quelles sont les deux conditions d’acquisition de la personnalité ?
a) une naissance et une bonne santé
b) une naissance vivante et une volonté d’être sujet
c) une naissance vivante et une viabilité
9. A cours de sa grossesse, Charlotte est victime d’une fausse couche à 19 semaines
d’aménorrhée. Elle souhaite avec son mari faire établir par l’officier d’état civil un acte d’enfant
sans vie mais celui-ci refuse. Ce refus est-il légitime ?
a) oui
b) non
10. Un enfant à naître peut-il être considéré comme un héritier dans une succession ?
a) oui
b) non
REPONSES
1. NON, la personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire de droits et de devoirs donc elle
permet d’acquérir à la fois une capacité de jouissance mais aussi une capacité d’exercice.
2. Le célèbre professeur Carbonnier est à l’origine de la distinction sujet / non sujet.
3. La personnalité est par principe acquise à la naissance sauf en cas de rétroactivité de la
personnalité à la conception pour l’enfant à naître dès qu’il y va d son intérêt.
4. Les critères d’appréciation de la viabilité sont une durée de gestation et un poids minimal de
l’enfant. Les critères retenus par l’OMS sont 22 semaines d’aménorrhée ou 500 grammes.
5. Non, l’action de Marie risque de ne pas aboutir vue la position de la jurisprudence sur ces
questions d’atteinte à la vie du fœtus. En effet, il est admis aujourd’hui que le fœtus ne peut pas
être victime d’un homicide involontaire sur le fondement de l’interprétation stricte de la loi
pénale.
6. L’enfant est né vivant puisqu’il a respiré mais il est mort après des négligences médicales ayant
provoqué des séquelles in utero. Les parents peuvent agir sur le fondement de l’homicide
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involontaire ainsi que sur le domaine de la responsabilité civile s’ils arrivent à prouver le lien de
causalité entre la faute du médecin et la mort de l’enfant.
7. OUI, l’enfant à naître peut bénéficier de la personnalité avant sa naissance grâce à l’infans
conceptus qui permet d’anticiper la personnalité à la conception si c’est dans l’intérêt de l’enfant.
8. Les deux conditions d’acquisition de la personnalité sont une naissance en vie et une naissance
viable.
9. NON, le refus de l’officier d’état civil n’est pas légitime car depuis le décret du 22.08.08, issu
des arrêts du 06.02.08, l’établissement d’un acte d’enfant sans vie n’est plus conditionné par le
critère de viabilité de l’enfant.
10. OUI, l’enfant à naître peut être héritier et avoir une vocation successorale dès que son intérêt
est mis en jeu.
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